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CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE 110

3.6 La collecte de données primaires 118

3.6.1 Les objectifs de la collecte de données primaires

La collecte de données secondaires nous a menés à dresser un portrait de l’échange de proximité au Québec et à préciser les objectifs de la collecte de données primaires en fonction des catégories d’information manquantes ou incomplètes dans les sources de données secondaires, à savoir principalement celles à caractère stratégique. La collecte de données primaires, outre le fait qu’elle nous a permis d’apporter des précisions au portrait québécois, nous a permis de rassembler le matériel nécessaire pour notre analyse visant à répondre à la question initiale de recherche et aux propositions de travail rappelées en début de chapitre. L’objectif était de nuancer et d’enrichir les éléments d’information déjà identifiés, mais également d’en apprendre plus sur certains aspects liés à la stratégie. Ces aspects, identifiés dans notre cadre théorique, ont été regroupés en huit thèmes.

Ceux se référant spécifiquement à l’analyse interne :

• Les caractéristiques du leadership, la prise de décision et le processus de planification stratégique ;

• Les valeurs, la mission et les objectifs ;

• Les choix organisationnels (incluant le fonctionnement) ; • Les stratégies ;

• Les motivations et les caractéristiques du sociétariat ; Ceux se référant spécifiquement à l’analyse externe :

• Le rapport aux parties prenantes, principalement le mouvement, l’État, le marché et la société civile.

Et ceux se référant à la fois aux analyses interne et externe : • Les facteurs et indicateurs de succès et d’échec ;

• L’évolution historique de l’organisation et les perspectives d’avenir ;

3.6.2 Les méthodes de collecte de données primaires

Les méthodes de collecte de données retenues sont l’observation et l’entrevue semi-dirigée. Pour Chapoulie (1984, dans Jaccoud et Mayer, 1997, p.213) :

« […] l’observation en tant que procédé de recherche qualitative implique l’activité d’un chercheur qui observe personnellement et de manière prolongée des situations et des comportements auxquels il s’intéresse, sans être réduit à ne connaître ceux-ci que par le biais des catégories utilisées par ceux qui vivent ces situations »

Étant donné que l’échange de proximité est très peu connu, il était important pour nous d’assister à un maximum d’activités des organisations afin d’en apprendre plus sur leur fonctionnement au quotidien, les interactions entre les membres, leur philosophie et surtout les thèmes et projets en cours de discussion. Vous trouverez la grille d’observation utilisée à l’Annexe 3B.

Concernant l’entrevue, la seconde méthode de collecte de données retenu, Mace (1992, p. 81) s’exprime ainsi :

« L’entrevue (ou l’entretien) est un moyen par lequel le chercheur tente d’obtenir des informations, qui n’apparaissent nulle part, auprès de personnes ayant été témoins ou acteurs d’événements sur lesquels porte la recherche (Mace, 1992, p.81) »

Cette méthode nous est apparue idéale pour recueillir des informations de type stratégique. Nous avons choisi de réaliser des entrevues semi-dirigées, un type d’entrevue permettant à la fois au répondant de s’exprimer librement sur les thèmes identifiés à l’avance par le chercheur, et à celui ci

d’encadrer le déroulement de l’entretien et de le réorienter au besoin afin de couvrir l’ensemble des thèmes.

Le schéma d’entrevue, lequel a été légèrement modifié en fonction du rôle du répondant dans l’organisation, notamment lorsqu’il n’était pas impliqué dans la gestion quotidienne, a été développé à partir des thèmes identifiés dans notre cadre théorique. Dans tous les cas, notre entrevue a débuté par une question sur le rôle du répondant dans l’organisation. Nous avions identifié une ou deux questions centrales pour chaque thème à couvrir, quelques questions de relance visant à réorienter la discussion au besoin ou obtenir des précisions et une liste de synonymes pour certains termes possiblement inconnus des répondants (exemples : facteur, indicateur, rapport à…, acteur, environnement, etc.). Par souci de maintenir une fluidité dans le déroulement de l’entrevue, l’ordre des thèmes a parfois été inversé en fonction des directions prises par le répondant. L’utilisation d’une grille de classification des données, qui sera présentée à la section suivante, nous a permis de nous assurer que tous les aspects de notre recherche avaient été couverts en cours d’entrevue. Les thèmes annoncés aux répondants étaient les suivants : « Votre rôle dans l’organisation », « L’histoire de l’organisation », « Le fonctionnement de l’organisation », « La mission et les objectifs », « Les motivations des membres », « Les stratégies employées et les signes de succès ou d’échec », « Les conditions de succès ou d’échec », « La relation avec les acteurs de l’environnement », « L’avenir à court, moyen et long terme ». Vous trouverez le schéma d’entrevue de base à l’Annexe 3C.

3.6.3 La constitution de l’échantillon

À la lumière de notre collecte de données secondaires et de la classification de l’information disponible dans notre base de données informatique, nous avons identifié sept organisations au sein desquelles nous désirions réaliser notre collecte de données primaires. Ces organisations constituent notre échantillon. Pour Deslauriers et Késirit (1997, p. 97) :

« … la recherche qualitative recourt aussi à l’échantillon, qui sera le plus souvent de type non probabiliste. Cet échantillon ne se constitue pas au hasard mais en fonction des caractéristiques précises que le chercheur veut étudier. »

Patton (1980, dans Deslauriers et Késirit, 1997) ajoute que l’échantillon peut regrouper des cas déviants, typiques, critiques, politiquement importants ou encore les cas les plus accessibles.

La taille de l’échantillon a été établie en fonction du temps alloué à la collecte des données primaires et de notre volonté d’atteindre une diversité dans la constitution. Les organisations ayant cessé leurs activités (confirmation dans une source de données secondaires) ou dont le statut était

incertain ont été rejetées de l’échantillon, faute de contact possible. Nous avons préféré des organisations ayant atteint un certain degré de développement afin d’être en mesure de discuter à la fois des choix stratégiques passés et des pistes de développement potentielles. Le degré de développement a été évalué en fonction de l’année de fondation de l’organisation et selon la quantité d’information disponible (site Internet, organisation présentée dans des études de cas ou des articles, etc.).

Les sept organisations initialement retenues, suite à la conciliation et l’analyse préliminaire des données secondaires sont les suivantes : la Banque d’échanges communautaires de services (BECS), l’Accorderie, Part-SEL, le NDG Barter Network, le réseau des Jardins d’échange universel (JEU), le Réseau d’échanges et d’entraide local (RÉEL) et Troc-tes-trucs. Les organisations retenues présentent entre elles des différences au niveau de la mission, des choix organisationnels et du degré d’ouverture par rapport aux parties prenantes. Elles présentent toutes une particularité jugée susceptible d’influencer leur rapport à la stratégie organisationnelle.

• BECS est reconnu comme le plus ancien système d’échange de proximité québécois et affiche un des sociétariats les plus nombreux.

• L’Accorderie est née à l’initiative d’institutions (Fondation St-Roch et Caisse d’économie solidaire Desjardins) et dispose d’un financement majeur.

• Part-SEL a été développé sous l’égide d’un centre communautaire et vit actuellement des difficultés, la poursuite de ses activités étant menacée.

• Le NDG Barter Network est le seul groupe québécois dont la majorité des membres sont d’expression anglophone et est né de la fusion de deux modèles (LETS et Time Dollar). • Les JEU sont caractérisés par une absence de coordination et une comptabilisation autonome

des échanges par les membres.

• Le RÉEL vise l’établissement de liens avec des commerces locaux et a amorcé une réflexion sur le type de monnaie utilisée (scripturale versus manuelle).

• Troc-tes-trucs se concentre sur l’organisation ponctuelle de foires d’échange de biens d’occasion et entame le développement d’un réseau d’organisations.

Avant de procéder à la collecte de données primaires, nous avons rédigé de courtes études de cas pour les sept organisations retenues à partir de l’information issue des données secondaires. Ces courts cas seront présentés au chapitre suivant.

3.6.4 La prise de contact et les ajustements à l’échantillon

Les contraintes temporelles pour la réalisation de ce projet de recherche ont fait en sorte que la collecte des données primaires a été réalisée du 15 juin au 15 juillet 2007, période creuse dans l’activité des systèmes d’échange de proximité en raison des vacances estivales. Toutes les observations et entrevues ont été réalisées au cours de cette même période.

De façon générale, nous avons reçu une réponse favorable de cinq des sept organisations identifiées, qui nous ont toutes accordé une ou plusieurs entrevues, et une réponse mitigée pour les deux dernières. Les réponses mitigées sont liée dans le premier cas (Part-SEL) à un manque de temps (nous n’avons finalement pu obtenir de réponse à nos questions) et dans le second (Réseau JEU) à une réticence à discuter du projet avec des acteurs externes, par crainte de mauvaise interprétation (nous avons finalement obtenu des réponses à quelques unes de nos questions via courrier électronique et conversation téléphonique). À la lumière de cette situation, nous avons convenu de retirer Part-SEL de notre échantillon. Notre échantillon officiel contient donc six organisations.

Aucune rencontre de conseils d’administration ou de comités de coordination n’a eu lieu au cours de cette période. Nos observations se sont donc limitées à deux foires d’échange de biens, dans deux organisations différentes et à un pique-nique informel. Il s’agit d’activités d’envergure différentes et ayant des objectifs différents. Le type d’information recueilli n’y est donc pas uniforme. Dans deux des trois cas, la curiosité des participants au sujet du projet de recherche nous a amené à discuter brièvement avec eux de leurs motivations, attentes et degré de satisfaction. Étant donné que nous n’avons pu assister à au moins une activité dans chacune des organisations de l’échantillon et que peu de données ont été recueillies, notamment en regard de nos objectifs, l’emphase a été mise sur les entrevues.

Le cœur de notre collecte de données primaires est la réalisation d’entrevues avec le sommet stratégique de chacune des organisations de notre échantillon. La structure organisationnelle variant énormément d’une organisation à l’autre, nous nous sommes entretenus alternativement avec des coordonnateurs, facilitateurs, employés, stagiaires, membres ou représentants de l’organisme promoteur siégeant sur le conseil d’administration et fondateurs (encore impliqués ou non). C’est généralement la personne contactée dans chaque organisation qui nous a conseillé un ou des

interlocuteurs à la lumière de nos objectifs de recherche, en fonction de la structure de l’organisation, des caractéristiques du leadership et du processus de prise de décision. Les personnes interviewées ont reçu au préalable la liste des thèmes qui seraient abordés en cours d’entrevue et un formulaire de consentement portant sur l’utilisation des données et la question de la confidentialité (voir les Annexes 3D et 3E). Une entrevue a été réalisée complètement en anglais, la lettre de présentation, le formulaire de consentement, la liste des thèmes et le schéma d’entrevue ayant été traduits au préalable. Nos méthodes ont fait l’objet d’une approbation du Comité institutionnel d'éthique de la recherche avec des êtres humains à l’Université du Québec à Montréal.

Au sujet du JEU, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec l’instigatrice d’un nouveau groupe JEU dans la région des Laurentides. Ce groupe a la particularité d’avoir changé d’appellation, étant autrefois nommé Troc 2L et évoluant en tant que projet de l’organisation Harmonie Terre. Cette entrevue informelle nous a permis d’obtenir des informations supplémentaires à la fois sur la trajectoire particulière d’un des systèmes québécois et sur la naissance d’un nouveau groupe au sein du réseau JEU, complétant notre collecte de données.

Le tableau 3.1 détaille le nombre d’entrevues et d’observations réalisées dans chaque organisation de notre échantillon.

Tableau 3.1 – La distribution des entrevues et observations par organisation

Organisation Nombre d’entrevues Nombre d’observations

BECS 2 -

Accorderie 3 -

NDG Barter Network 1 1 (foire)

Réseau JEU 2 partielles -

RÉEL 1 1 (activité informelle)

Troc-tes-trucs 1 3 (2 foires et une rencontre

d’information sur le démarrage)