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CHAPITRE VII – DISCUSSION DES RÉSULTATS ISSUS DES QUESTIONNAIRES

8.3 Analyse des entretiens réalisés durant les trois premiers mois du traitement par thérapie ciblée (M1,

8.3.1 Le syndrome main-pied

Près de quarante-six pour cent des patients (n = 16) ont évoqué en entretien l’apparition d’un syndrome main-pied, touchant généralement davantage les pieds (n = 14) que les mains (n = 9). Quatre niveaux d’incidence se distinguent dans le discours des patients, selon le type de manifestations constatées et leurs conséquences en termes de prise en charge et d’impact sur le quotidien. Nous les présentons dans le tableau 13 dans un ordre croissant.

Tableau 13. Description des quatre niveaux d’incidence du syndrome main-pied (n = 16)

Incidence minime (n = 5 – 31%)*

Manifestations cutanées : petits fendillements au niveau des doigts, début de corne sous

les pieds, sécheresse au niveau des mains et des pieds

Conséquences : absence de douleur ou douleur très légère à l’appui, absence de gêne au

quotidien, mesures de soins préventives simples (application de crème, port de semelles adaptées) sans recours systématique à un professionnel de santé (soins effectués par le patient lui-même, consultation unique chez un pédicure/podologue)

Discours patient :

P29 : « Par rapport, comment dire, au traitement qui provoque des effets, vous savez des petits

fendillements au niveau des doigts […] je n'ai même pas attendu qu'on me dise… on m'avait dit de mettre du Dexeryl® deux fois par jour, et moi, même le soir je remplaçais Dexeryl® au niveau des doigts, quand j'ai vu que ça commençait à attaquer les doigts, par une crème un peu plus performante quoi.

I : D'accord. Et ce que vous observez au niveau des doigts s'accompagne de douleurs ?

P29 : Non. »

Incidence modérée (n = 6 – 37,5%)

Manifestations cutanées : desquamation importante, crevasses, épaississement et

durcissement de la peau aux points d’appui

Conséquences : sensations douloureuses en l’absence de contact (brûlures, échauffement),

gêne dans certaines tâches du quotidien (manipulation d’objets) ou à la marche, mesures de protections (pansements, gants, port de semelles adaptées – 12) et application de crème (7, 34, 40) nécessaires, recours systématique à un pédicure/podologue

Discours patient :

P34 : « Sur les particularités, pour ce qui concerne ce que j'avais eu déjà, au premier cycle… avec

I : Oui ?

P34 : Là c'est plus abîmé et plus délicat qu'au cycle dernier. Bon à savoir que j'ai les bouts des

doigts qui sont particulièrement fragiles… où j'ai beaucoup de mal à ouvrir ou un pot de confiture ou une bouteille d'eau, et puis bien le moindre petit truc, ça fait que la peau du bout des doigts est un petit peu partie, j'ai beau mettre de la pommade, bon là c'est plus difficile.

I : C’est plus difficile. Et comment faites-vous au quotidien alors ?

P34 : Bien c'est-à-dire qu'au quotidien, bien je fais avec hein, je fais avec, et puis bien je ne suis pas

tout seul, parce que par exemple s'il y a une bouteille d'eau à ouvrir, bien si moi je ne l'ouvre pas c'est ma femme qui me l'ouvre. Et puis ce n'est pas quelque chose qui m'empêche de vivre, même si c'est un handicap, mais que j'espère passager quoi c'est tout.

I : D'accord. Et moralement cela vous affecte ?

I : Non parce que je sais que ça fait partie des effets secondaires qui peuvent arriver et qui arrivent,

que pour beaucoup d'autres personnes c'est bien pire que ce que je peux avoir, donc je me dis bien c'est pas trop mal, parce que ça m'empêche pas, encore une fois, de vivre, et puis quand c'est plus difficile je me fais aider, non je ne démoralise pas en sachant que bon c'est comme ça, c'est comme ça quoi, c'est le traitement quoi. »

Incidence forte (n = 3 – 19%)

Manifestations cutanées : aspect inflammatoire (rougeur) ou blanchiment, épaississement

et durcissement de la paume des mains et/ou de la plante des pieds sur l’ensemble de leur surface, ampoules, peau extrêmement rêche

Conséquences : sensations douloureuses (brûlures, piqûres, démangeaison) ayant un

impact sur le sommeil (difficulté d’endormissement ou réveil précoce) et/ou la marche (déplacements de plus de quelques mètres impossibles, positions assise ou allongée privilégiées), nécessité de soins quotidiens locaux (durée au moins égale à 20 minutes, application de produits spécifiques) et de traitements médicamenteux oraux (corticoïdes, anti-histaminiques, antalgiques pallier 1), port de chaussures adaptées (ouvertes ou délacées, semelles très épaisses), consultation chez un pédicure/podologue plus d’une fois par mois, diminution de la dose du traitement proposée par l’équipe médicale

Discours patient :

P41 : « Heu, j’ai la plante des pieds qui est très très sensible. C’est, j’ai comme des ampoules mais

intérieures. Alors, j’ai dû mal à marcher forcément puisque la marche c’est sur la plante des pieds.

I : Et cela vous fait mal ?

P41 : Ah, oui oui, c’est douloureux, oui, quand je marche. Quand je ne marche pas, ça va, mais

quand je marche, oui c’est douloureux.

I : Et du fait de la douleur, vous avez dû prendre des mesures particulières ?

P41 : Non, non, rien, j’essaie d’éviter de marcher ou je, enfin voilà, ou je me repose au maximum et

puis si vraiment j’ai très, très mal, je prends un Dafalgan® mais euh, si non, non ça va. J’essaye de, de moins marcher en fait. Assise, ça va puisque je ne pose pas mon pied par terre. Mais bon, si je marche un petit peu, bon moi je, je ne peux pas rester éternellement assise non plus donc heu, c’est vrai [rires] il faut que je prenne le temps de faire des pauses plus souvent, mais euh c’est vrai bon bien si je marche trop, bien c’est, c’est douloureux hein. Mais bon c’est tout, c’est gérable. Non, si vraiment ça n’allait pas, je pense que j’aurais contacté le Dr D. ou euh, ou j’aurais pris euh plus de cachets, mais je me dis bon déjà pour l’instant je ne veux pas trop non plus prendre de médicaments. Donc euh, pour l’instant si j’arrive à gérer comme ça euh, ça va. »

Incidence sévère (n = 2 – 12,5%)

Conséquences : persistance des sensations douloureuses malgré mesures de protection

renforcées (accumulation de couches : crèmes, chaussettes, chaussures à semelles très épaisses) et prise d’antalgiques pallier 2, soins quotidiens locaux insuffisants à l’apaisement des symptômes, marche impossible, décision médicale d’interrompre le traitement durant quelques jours pour reprendre à dose diminuée

* Pourcentages rapportés à n = 16

Lorsque les patients parlent de l’impact qu’a pour eux le syndrome main-pied, ils évoquent les retentissements sur leurs conditions de vie, en mettant notamment en avant les douleurs, les troubles du sommeil, les difficultés à la marche (appui douloureux, perte de la sensibilité tactile qui rend complexe le positionnement du pied par terre) et la limitation des activités, sans jamais toutefois faire part de modifications sur le plan de l’image corporelle ou de répercussions émotionnelles ; l’impact semble donc essentiellement sensoriel et fonctionnel. Nous rapportons dans la vignette clinique n°1 la situation de Mme A. qui a présenté un syndrome main-pied d’incidence sévère, au point de ne pouvoir mener le traitement à pleine dose (non communiquée ici pour raison de confidentialité).

Nous présentons dans la vignette clinique n°2 la situation de M. H. qui malgré un syndrome main-pied persistant d’incidence forte n’a jamais souhaité que son traitement soit diminué et s’en est peu à peu accommodé (non communiquée ici pour raison de confidentialité).