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CHAPITRE IV OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES

5.6 Aspects éthiques et déontologiques

Le point de départ de notre étude était un questionnement concernant le retentissement des effets secondaires cutanés induits par les thérapies ciblées anticancéreuses sur la qualité de vie des patients. Dans la mesure où cette interrogation est sous-tendue par ce que les anglo- saxons désignent par le care, tant dans sa dimension du « se soucier de » que du « prendre soin de », au-delà de la visée unique du cure (Châtel, 2010, p. 88), il nous semble que dès son origine notre recherche s’est pleinement inscrite au sein d’une réflexion éthique, à laquelle, par sa mise en œuvre effective, elle a souhaité apporter des éléments de réponse.

En s’intéressant en effet à l’impact possible des symptômes dermatologiques associés aux traitements ciblés, il s’agissait d’une part de prendre position contre l’attitude banalisante et résignée, souvent rencontrée en milieu médical, qui consiste à penser « qu’il n’y a pas de médicament efficace, sans effet secondaire » et qui amène fréquemment à un constat sans recherche de remède. Il s’agissait d’autre part, en posant comme exigence le dépassement nécessaire de cette attitude normalisante, de chercher activement les moyens de soulager le(s) symptôme(s) indésirable(s), mais aussi de laisser davantage de place à une question de plus en plus critique en oncologie, qui pourrait se formuler ainsi : à partir de quel seuil un traitement devient-il plus délétère pour la personne que bénéfique, ou plus concrètement, soigner le

charge de la maladie, ils doivent porter celle d’effets secondaires invalidants et ce sur plusieurs années, au point parfois de connaître une perte quasi-totale de leurs capacités de mobilité et de devenir dépendants ? Prolonger l’espérance de vie ne suffit pas, la responsabilité médicale est aussi engagée dans la protection des conditions de vie présentes et futures de chaque malade, comme dans le respect de son autonomie.

C’est en raison de cet engagement que notre étude, et plus largement la recherche biomédicale dans laquelle elle s’inscrit, s’est donné comme principal objectif d’améliorer la prise en charge des effets secondaires dermatologiques associés aux thérapies ciblées.

La conceptualisation du cadre de recherche a été guidée par le Code de déontologie des psychologues (1996, actualisation 2012), avec une attention particulière portée au respect des principes éthiques fondamentaux que sont le respect de la personne (dignité, liberté, autonomie), le souci de ne pas lui nuire et l’intérêt porté à son bien-être. L’application de ces valeurs s’est concrètement traduite par différentes mesures, que nous résumerons ici en cinq domaines.

1. Démarches préalables : soumission du protocole de recherche (inséré dans l’ensemble du

protocole de la recherche biomédicale menée par le service de dermatologie) aux différentes commissions que sont le Bureau Gustave Roussy Promoteur (BIP), le comité scientifique de Gustave Roussy (CSET), le Comité de Protection des Personnes (CPP), la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) ;

2. Informations aux patients :

- Remise à tous les patients éligibles d’une lettre d’information (se reporter à l’annexe 7) précisant les objectifs de la recherche et les modalités de participation (durée, implications pratiques, outils d’évaluation). Sur ce document étaient également mentionnées,

a) la possibilité de retrait à n’importe quel moment de l’étude, sans qu’aucune justification ne soit nécessaire ; le retrait de l’étude ne remettant aucunement en cause la qualité et la poursuite de la prise en charge à l’hôpital ;

b) la garantie aux patients de l’anonymat et de la confidentialité des données, conformément à la loi modifiée du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en rendant les données anonymes par un système de codage et en stockant sous clé l’ensemble des documents qui se rapportaient à l’étude ;

c) les coordonnées des responsables de l’étude (médecins, psychologue), permettant ainsi aux patients de saisir à tout moment l’un d’entre eux en cas de questions ou de difficultés rencontrées ;

- Recueil par écrit du consentement libre et éclairé des patients. Après avoir lu la lettre d’information, les patients qui acceptaient de participer à l’étude formalisaient leur accord par la signature du formulaire de consentement (se reporter à l’annexe 8). Ce formulaire distinguait la participation au volet médical de la participation au volet psychologique, dans lequel le patient pouvait ne choisir qu’une seule des modalités d’évaluation (questionnaires vs. entretiens).

3. Méthodologie : sélection d’outils validés, avec une attention portée aux nombres de

questionnaires pour que le temps de remplissage n’excède pas trente minutes ;

4. Protection des personnes :

- Prise en compte du caractère vulnérable de la population approchée (personnes malades, atteints de cancers avancés, avec un enjeu vital majeur), en s’assurant notamment qu’une liberté de choix était réellement laissée aux patients dans leur participation à l’étude ;

- Limitation autant que possible des inconvénients attenants au cadre de recherche, par le regroupement des évaluations psychologiques avec les consultations médicales déjà prévues et par le remplissage des questionnaires durant les temps d’attente à l’hôpital ;

- Aménagement d’un espace et d’un temps d’échange pour reprendre les éventuelles difficultés rencontrées dans la complétion des questionnaires ou dans le contenu des entretiens (commentaires libres rendus possibles en fin de questionnaire, question systématique posée en début d’entretien sur la façon dont s’était passé le remplissage du questionnaire) ;

- Précision en début de recherche des différences d’objectifs entre les entretiens de recherche et les entretiens thérapeutiques, information de la possibilité d’être orienté vers un confrère exerçant à l’hôpital ou en dehors en cas de difficulté psychologique.

5. Finalité : la recherche poursuivait un but précis, ses retombées se voulaient pratiques à la

fois sur le plan médical (amélioration des mesures de prévention relatives aux effets secondaires cutanés, élaboration de recommandations et de protocoles pour leur prise en charge) et sur le plan psychologique (identification des facteurs de risque concernant la survenue de difficultés émotionnelles et sociales associées aux symptômes, définition de cibles psychothérapiques – image du corps, relations sociales etc. - et mise en place de dispositifs de prise en charge adaptés aux problématiques rencontrées). Nous pouvions

espérer pour les participants à l’étude qu’ils aient un bénéfice psychologique indirect du fait de la régularité du suivi dermatologique proposé, qui leur assurait un certain confort et une certaine réassurance vis-à-vis de leurs symptômes. Les résultats obtenus seront diffusés à la fois au sein de la communauté scientifique mais également dans le cadre des conférences destinées aux patients, pour qu’un retour puisse se faire dans une certaine mesure aux contributeurs de l’étude.

TROISIÈME PARTIE : ANALYSES QUANTITATIVES

Chapitre VI : Présentation des résultats issus des questionnaires

Le livret de questionnaires a été proposé en systématique à l’ensemble des patients éligibles ayant donné leur accord écrit pour participer à l’étude psychologique, soit à soixante-deux patients (se reporter à la figure 3, page suivante). Parmi eux, six ont décidé de ne prendre part qu’aux entretiens et quatre sont finalement sortis du protocole de recherche avant même d’avoir pu commencer du fait d’une altération sévère de l’état général.

La partie quantitative de l’étude a donc concerné cinquante-deux patients ; trente-trois d’entre eux ont complété au moins trois des quatre temps d’évaluation prévus entre J0 (instauration du traitement) et M3 (trois mois après le début du traitement). Nos analyses se sont concentrées sur ces derniers en suivant une approche longitudinale, limitée aux trois premiers mois de traitements puisque la quantité de données disponibles pour l’évaluation réalisée à six mois était trop faible. Nous présentons néanmoins les caractéristiques médicales et sociodémographiques des deux groupes de patients, échantillon total (n=52) et échantillon réduit (n=33).

6.1 Description sociodémographique et médicale des patients participant à l’évaluation