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CHAPITRE IV OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES

5.5 Analyse des données

5.5.2 Analyse des entretiens

Nous nous sommes appuyés sur les ouvrages de Paillé et Mucchielli (2012) et de Santiago- Delefosse (2002) pour procéder à une analyse qualitative des données issues des entretiens.

« L’analyse qualitative […] peut être définie comme une démarche discursive de reformulation, d’explicitation ou de théorisation de témoignages, d’expériences ou de phénomènes. La logique à l’œuvre participe de la découverte et de la construction de sens. Elle ne nécessite ni

de telles pratiques. Son résultat n’est, dans son essence, ni une proportion ni une quantité, c’est une qualité, une dimension, une extension, une conceptualisation de l’objet » (Paillé,

2009, cité par Paillé et Mucchielli, 2012, p. 11).

Étant donné l’hétérogénéité du matériel recueilli, composé de prises de notes détaillées (manuscrites) et de retranscriptions in extenso du discours des patients (informatisées), nous nous sommes inscrits dans une démarche comparable à l’enquête dite « anthropo- sociologique »18, que Paillé et Mucchielli (2012, p. 86) décrivent comme une :

« enquête de terrain rigoureuse centrée sur l’expérience humaine dans ses dimensions culturelles, sociales et psychiques, ainsi que le savoir produit par ces enquêtes et par la réflexion empiriquement fondée sur l’expérience humaine en général »

et qui rassemble observations, notes de terrain et entretiens pour mener à bien l’analyse du phénomène étudié. Le caractère composite du matériel justifie de plus que nous n’ayons pas eu recours aux logiciels de traitement de texte et que nous ayons fait le choix d’associer deux méthodes d’analyse : analyse thématique et analyse par questionnement analytique.

1) Pour les entretiens réalisés avant l’instauration du traitement (J0), nous avons privilégié l’analyse thématique « qui vise à dégager un portrait d’ensemble d’un corpus » (Paillé et Mucchielli, 2012, p. 17) et à en « cerner […] les éléments importants » (Paillé et Mucchielli, 2012, p. 19). Il s’agit d’une méthode essentiellement descriptive qui a pour objectif d’«illustrer comment l’expérience se déploie et non seulement combien de fois elle se

reproduit » (Paillé et Mucchielli, 2012, p. 265). Paillé et Mucchielli (2012, p. 232)

reconnaissent deux fonctions à l’analyse thématique :

- une fonction de repérage qui consiste à relever l’ensemble des thèmes pertinents du corpus, c’est-à-dire en lien avec la question de recherche, un thème étant « un ensemble de

mots permettant de cerner ce qui est abordé […] tout en fournissant des indications sur la teneur des propos » (p. 242) ;

- une fonction de documentation qui correspond à la confrontation des thèmes entre eux, afin d’identifier les points de rencontre et d’opposition, et de comprendre la façon dont ils peuvent s’articuler une fois regroupés.

18 Le « terrain » de recherche ayant été aussi pour nous l’observation des consultations de dermatologie dites de

« toxidermie », c’est-à-dire dédiées à la prise en charge des effets secondaires dermatologiques induits par les traitements du cancer, mais aussi les entretiens cliniques réalisés dans le cadre de notre pratique de psychologue au sein de Gustave Roussy, dans lequel cette question des effets secondaires a été abordée par certains patients.

2) Pour les entretiens réalisés durant les trois premiers mois de traitement (M1, M2 et M3), nous avons préféré l’analyse par questionnement analytique qui, par rapport aux contraintes que représente un matériel d’étude vaste et hétérogène, propose de nombreux avantages (Paillé et Mucchielli, 2012) :

- un mode d’investigation économe en moyens et efficace,

- une démarche facilement communicable et reproductible, parce que claire et précise, - une validité assurée par la mise en relation directe et étroite entre les objectifs de recherche et les données recueillies.

Cette méthode nous a semblé adaptée à cette seconde partie du corpus. Qualifiée d’herméneutique, elle soutient le travail de compréhension et d’interprétation. Dans le cadre de notre recherche, elle pouvait donc nous aider à saisir en longitudinal l’impact des effets secondaires cutanés sur le quotidien et l’état émotionnel des patients.

Paillé et Mucchielli (2012, p. 207-229) résument cette « stratégie de questionnement » par quatre étapes dont les trois dernières constituent une répétition de l’examen des données de façon à progressivement confirmer la pertinence et la solidité des conclusions d’analyse :

1. Formulation initiale de questions et de sous questions plus ou moins structurées qui opérationnalisent les objectifs de recherche, c’est-à-dire traduisent le questionnement du chercheur, et constituent le « canevas investigatif » de départ,

2. Examen exploratoire dont le principe est de parcourir l’ensemble des textes en leur appliquant la série de questions premièrement définies et en enrichissant de nouvelles interrogations le canevas investigatif, qui vont permettre de préciser encore le questionnement,

3. Examen de consolidation qui correspond à une seconde lecture effectuée à partir du

canevas investigatif complété et qui permet de préciser les éléments de réponses aux

questions posées ; les réponses apportées prennent la forme d’énoncés, soit « d’expressions ou

de courtes phrases suffisamment fidèles au contenu [du texte] pour qu’il soit possible de saisir l’essentiel de celui-ci sans [y] recourir » (p. 19),

4. Examen de validation qui représente « une ultime vérification de la validité et de la

complétude de l’analyse proposée » (p. 227).

Figure 2. Grille d’analyse par la méthode de questionnement analytique (« canevas investigatif »)

Quels effets secondaires dermatologiques les patients rapportent-ils ?

Comment les patients parlent-ils de leurs symptômes dermatologiques : quels sont les termes employés, à quel registre appartiennent-ils (médical, courant, autre), quelle place prennent-ils dans leur discours (anecdotique, détaillée, description courte vs. longue) ?

Quelle réaction les patients adoptent-ils par rapport à leurs symptômes dermatologiques ?

o Comment y font-ils face ? o Comment les considèrent –ils ?

Quels changements sont associés à la survenue et à la persistance dans le temps des symptômes dermatologiques ? Sur quel(s) plan(s) les modifications apparaissent-elles :

o activités quotidiennes ? o état émotionnel ?

o rapport au corps (image, ressenti) ? o relations aux autres ?

o représentations du traitement / de la maladie ?

Quels sont les éléments qui distinguent les patients qui disent « faire avec » les effets secondaires dermatologiques et ceux qui disent qu’ils sont « intolérables/insupportables » parmi les variables suivantes :

o genre,

o mention d’antécédents dermatologiques,

o attentes/inquiétudes (effets secondaires dermatologiques cités) initiales vis-à-vis du traitement, o perception de l’action du traitement sur la maladie,

o sentiment d’être malade,

o présence de préoccupations relatives à l’image corporelle à l’instauration du traitement, o existence d’un dialogue autour du cancer avec l’entourage ?

Les patients établissent-ils un lien entre symptômes dermatologiques et traitement ?

o Si oui, comment ce lien est-il qualifié (ex : effet secondaire, signe d’action du traitement etc.) ? o Si non, comment interprètent-ils ces symptômes (origine supposée) ?

Quels autres effets secondaires sont mentionnés ? Quelles conséquences ont ces autres symptômes ?

Quelle importance les symptômes dermatologiques prennent-ils par rapport aux autres effets secondaires ?

Nous avons dû renoncer dans le cadre de ce travail de thèse à intégrer les données recueillies au sixième mois de traitement étant donné la trop petite taille de notre échantillon pour cette quatrième et dernière évaluation.

Pour nous assurer de la validité de nos conclusions, nous avons eu recours à deux méthodes suggérées par Mukamurera, Lacourse et Couturier (2006) :

- La « triangulation » ou « contrôle par les autres chercheurs », en soumettant nos résultats d’une part à une double analyse (effectuée seulement à partir d’un échantillon du corpus par un psychologue extérieur à ce travail de recherche) et d’autre part au regard critique de nos collègues chercheurs en réunion à Gustave Roussy,

- la « recherche de preuves contraires », en confrontant nos résultats aux données de la littérature et en les présentant à des professionnels non psychologues (dermatologues, secrétaires, attachés de recherche clinique) afin de contrôler s’il ressortait des éléments incongrus ou aberrants.