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schizophrénique : Aspects cliniques et cérébraux

1.2. Aspects clinique et symptomatique

1.2.1. Les symptômes de la schizophrénie

La schizophrénie consiste en une quantité de comportements, signes ou symptômes qui ne sont pas nécessairement communs à tous les individus désignés par ce diagnostic. Malgré cette complexité, les chercheurs ont tenté d’identifier des groupes de symptômes de la schizophrénie comme, par exemple, voir ou entendre des choses que les autres ne perçoivent pas (hallucinations) ou entretenir des croyances irréalistes, bizarres ou étranges (délires).

1.2.1.1. Selon la clinique française

Dans la tradition clinique française, c’est le syndrome dissociatif qui constitue le syndrome principal des malades présentant une schizophrénie. Sa première étape, la plus initiale, est la dépersonnalisation qui consiste en un sentiment de perte de l'unité et de l'intégrité psychique et physique, un sentiment de transformation interne de sa propre identité, que les patients rapportent parfois comme le sentiment de devenir fou. Dans la schizophrénie, le syndrome de dépersonnalisation est durable et peut conduire le patient à avoir le sentiment de ne plus être lui-même, entraînant des angoisses de morcellement corporel, d'anéantissement. Le syndrome dissociatif n'est

pas pathognomonique de la schizophrénie puisqu'on peut le rencontrer dans les bouffées délirantes aiguës ou dans des maladies neurologiques. Il reste néanmoins très évocateur du diagnostic. Ce syndrome serait responsable du déficit et de l'altération du fonctionnement global des patients qui voient peu à peu leur capacité d'insertion sociale, scolaire ou professionnelle s'altérer.

Le processus dissociatif entraîne un relâchement des associations d'idées qui se caractérise par ce que l’on nomme classiquement « troubles du cours de la pensée ». Les propos du patient ne s'organisent plus d'une façon logique, cohérente. Lorsqu'il répond à une question, le sujet dérive, passe d'une idée à une autre sans que l'interlocuteur puisse trouver une suite logique et compréhensible aux associations d'idées ou aux propos que le patient lui adresse. Ce flottement de la pensée, qui s'exprime dans les propos, est appelé « diffluence de la pensée ».

Le discours du patient peut s'interrompre brutalement en pleine phrase sans raison apparente, pour ne plus reprendre ou reprendre à distance sur le même thème ou encore sur un autre sujet. Et cela, sans que le patient paraisse s’en rendre compte, on parle alors de « barrages ».

Si l'on interroge le sujet sur ce qui est responsable de cet arrêt de son discours, il reste perplexe, faute de s'en être aperçu lui-même, ou rapporte un arrêt de sa pensée, une pensée imposée ou une hallucination qui est venue le parasiter.

Lorsque le discours stagne, ralentit ou parfois voit son volume sonore se réduire progressivement, on est en présence de ce que l’on nomme

« fading », c'est-à-dire d'une forme de stase de la pensée dont le patient n'a toujours pas conscience. Les fadings peuvent également correspondre à un parasitage de la pensée qui est détournée de son propos initial, dans l'indifférence du sujet.

La pensée peut être contaminée par la présence d'un mot, d'une phrase ou d'une idée qui revient sans cesse dans le discours et entrave tout discours potentiellement plus varié ou plus approprié aux interrogations de l'interlocuteur, il s'agit de « persévérations idéiques ».

Elles peuvent envahir totalement la pensée du sujet, au point que la pensée devient stéréotypée, appauvrie, répétitive.

Chez les patients présentant un diagnostic de schizophrénie, la pensée est fréquemment vague, floue, difficile à cerner pour l'interlocuteur, ce sont les « troubles du contenu de la pensée ». On est parfois en présence de propos hermétiques, impénétrables, incompréhensibles, illogiques. Parmi ceux-ci, on observe le rationalisme morbide, très fréquent chez les schizophrènes. Il s'agit de tentatives explicatives, généralement très décalées par rapport à la réalité, pseudologiques, que le sujet fournit à propos des ses troubles ou de son handicap.

La dissociation entraîne l'apparition de particularités du langage que l’on nomme de façon très générale, « troubles du langage ». On peut constater un maniérisme du langage (préciosité du vocabulaire). Les usages de mots peuvent être inappropriés (paraphasies sémantiques ou paralogismes) et l’on peut aussi être confronté à des néologismes (mots inventés par le patient). La syntaxe est également perturbée avec un agrammatisme (usage inadéquat des pronoms). Le discours du schizophrène est parfois fait d'un quasi monologue où les tentatives d'intervention de l'interlocuteur ne sont pas prises en considération.

Enfin, plus souvent, lorsque les troubles évoluent, le discours se raréfie, devient presque inexistant. Le patient peut connaître des phases de mutisme, ne cherchant plus du tout les échanges avec l'extérieur ou s’en protégeant dans le cadre d'idées délirantes de persécution, en refusant de livrer quoi que ce soit.

La dissociation entraîne également une ambivalence affective généralement assez marquée chez les patients. Les réactions affectives sont elles-aussi marquées du sceau de la bizarrerie, de l'incongruité. Un des aspects les plus fréquents, y compris en dehors des phases actives de la maladie, est le détachement affectif. La modulation émotionnelle des patients s'appauvrit, on parle alors d' « émoussement affectif ». Des troubles du raisonnement logique sont également décrits lorsque les patients voient leurs capacités d'abstraction et de raisonnement s'altérer.

Ces différents troubles contribuent largement à rendre les réponses des patients bizarres et incongrues, ce qui accentue leur isolement social et la tendance au rejet dont ils sont fréquemment l’objet.

L'autisme schizophrénique est également largement décrit. Il comprend le retrait autistique défini comme l'évasion du monde réel et le repli sur soi. Le sujet est lointain, distant dans son attitude et l'attention qu'il pourrait prêter à ce qui se passe autour de lui. Il cherche activement à s'isoler des autres, ce qui entraîne chez de très nombreux sujets une tendance marquée à la clinophilie. Les activités extérieures ou partagées avec les autres sont réduites.

Le syndrome délirant est également une caractéristique de cette pathologie. Dans sa forme typique, il s'agit d'un délire paranoïde, c'est-à-dire d'un délire peu cohérent, non systématisé, dont les thèmes et les mécanismes sont souvent variés et sans thème central. Le syndrome d'automatisme mental est particulièrement évocateur du diagnostic, le sujet a le sentiment d'avoir perdu le contrôle de sa pensée qu'il ressent comme automatisée. Le sujet perçoit un écho de sa pensée, des commentaires de sa pensée et de ses actes, il a le sentiment que ses pensées sont devinées, volées, que certaines lui sont étrangères et imposées. Les thèmes des délires schizophréniques peuvent être variés, généralement multiples chez un même sujet (persécution, mégalomanie, érotomanie, hypochondrie, modification de l'identité personnelle ou sexuelle). Il n'existe pas de fil conducteur à ce délire qui apparaît bien peu compréhensible à l'interlocuteur.

1.2.1.2. Selon la classification américaine

La figure 1 (cf. infra) indique ces critères diagnostiques pour l’ensemble des symptômes communs à chacune des sous-catégories de schizophrénie indiqués par l’APA dans son ouvrage de référence, le DSM-IV (1994). Les symptômes cités ont la propriété d’être facilement mis en évidence et d’avoir une bonne fidélité inter-juges.

Cette classification comprend essentiellement des critères diagnostiques descriptifs et des critères évolutifs. En effet, il faut que certains symptômes soient présents pendant au moins 6 mois consécutifs pour que l'on puisse poser le diagnostic et il doit exister une détérioration par rapport au niveau de fonctionnement antérieur (cf. Figure 1.1).

Figure 1.1. - Critères pour le diagnostic de schizophrénie selon le DSM-IV (d’après American Psychiatric Association, 1994 ; Edition Française, 1996).

A. Symptômes caractéristiques : Deux ou plus des manifestations suivantes sont présentes, chacune pendant une partie significative du temps pendant une période d'un mois (ou moins quand elles répondent favorablement au traitement) :

(1) idées délirantes (2) hallucinations

(3) discours désorganisé (c'est-à-dire, coq-à-l'âne fréquent ou incohérence) (4) comportement grossièrement désorganisé ou catatonique

(5) symptômes négatifs, par exemple, émoussement affectif, alogie ou perte de volonté N.B. : Un seul symptôme du Critère A est requis si les idées délirantes sont bizarres ou si les hallucinations consistent en une voix commentant en permanence le comportement ou les pensées du sujet, ou si, dans les hallucinations, plusieurs voix conversent entre elles.

B. Dysfonctionnement social des activités : Pendant une partie significative du temps depuis la survenue de la perturbation, un ou plusieurs domaines majeurs du fonctionnement tels que le travail, les relations interpersonnelles, ou les soins personnels sont nettement inférieurs au niveau atteint avant la survenue de la perturbation (ou, en cas de survenue dans l'enfance ou l'adolescence, incapacité à atteindre le niveau de réalisation interpersonnelle, scolaire, ou dans d'autres activités auxquelles on aurait pu s'attendre).

C. Durée : Des signes permanents de la perturbation persistent pendant au moins 6 mois. Cette période de 6 mois doit comprendre au moins un mois de symptômes (ou moins quand ils répondent favorablement au traitement) qui répondent au Critère A c'est-à-dire, symptôme de la phase active et peut comprendre des périodes de symptômes prodromiques ou résiduels. Pendant ces périodes prodromiques ou résiduelles, les signes de la perturbation peuvent se manifester uniquement par des symptômes négatifs ou par deux ou plus des symptômes figurant dans le Critère A présents sous une forme atténuée (par exemple, croyances bizarres, perceptions inhabituelles).

D. Exclusion d'un troubles schizo-affectif ou d'un trouble de l'humeur : Un trouble schizo-affectif et un trouble de l'humeur avec caractéristiques psychotiques ont été éliminés, soit (1) parce qu'aucun épisode majeur dépressif, maniaque ou mixte n'a été présent simultanément aux symptômes de la phase active ; soit (2) parce que si des épisodes thymiques ont été présents pendant les symptômes de la phase active, leur durée totale a été brève par rapport à la durée des périodes actives et résiduelles.

E. Exclusion d'une affection médicale générale due à une substance : la perturbation n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une substance (c'est-à-dire, une drogue

donnant lieu à abus, un médicament) ou d'une affection médicale générale.

F. Relation avec un trouble envahissant du développement : En cas d'antécédents de trouble autistique ou d'un autre trouble envahissant du développement, le diagnostic additionnel de Schizophrénie n'est fait que si les idées délirantes ou des hallucinations prononcées sont également présentes pendant au moins un mois (ou moins quand elles répondent favorablement au traitement).

La lecture des critères du DSM-IV montre la diversité des symptômes mis à un niveau d’égalité pour le diagnostic. Un examen plus attentif de chacun d’entre eux rend évidente leur absence de spécificité. Aucun des signes, ainsi défini, n’est pathognomonique de la schizophrénie puisque fréquemment retrouvé dans d’autres catégories diagnostiques.

Selon cette approche, la schizophrénie se définit donc par la coexistence de signes non spécifiques avec une répartition quantitative définie et une évolution chronique. Le symptôme est en quelque sorte l’unité atomique du trouble. Plus fondamentalement, les limites tiennent en la nécessité de rester a-théorique, ce qui met cette clinique en contradiction avec une approche scientifique de la psychopathologie reposant sur la confrontation d’une théorie avec des résultats propres à la confirmer ou l’infirmer4.