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CHAPITRE 3. LA CONSTRUCTION D’UN ESPACE DE CONSERVATION :

3.4 L ES MÉCANISMES DE LA CONSERVATION ENVIRONNEMENTALE

3.4.1 Protection, suivi environnemental, recherche et surveillance : l’application des

3.4.1.3 Surveillance des activités des populations locales

Afin d’assurer le respect de ses normes et de ses lois, la Réserve consacre aussi une partie de son temps à la surveillance des activités des habitants. Elle vise d’une part à s’assurer que les résidents locaux ne commettent pas d’infraction liée à l’extraction de la faune et de la flore pour son utilisation domestique. D’autre part, elle vise à éviter que des espèces soient extraites pour être ensuite vendues illégalement. En effet, certaines espèces possèderaient une valeur élevée sur le marché informel. Par exemple, le kuká, une essence endémique de la région qui met 40 ans avant d’atteindre sa maturité, se vendrait selon mes informateurs de la Réserve entre 10 000 et 15 000 pesos (entre environ 1 000 CAN et 1 500 CAN), tandis que le flamant rose aurait une valeur de près de 12 000 pesos (environ

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« Ainsi, même pour l’abattage de bois de chauffage, il y a un permis, mais ils doivent se rendre, indiquer ce dont ils ont besoin, ils nous le demandent à la Réserve, et doivent demander le permis, on leur donne une feuille le jour où ils y vont leur indiquant une zone dans laquelle ils peuvent faire cette activité. Là où il y a des arbres déjà tombés ou secs qui peuvent être coupés, on leur donne le permis et de façon modérée. Il sert également à vendre, car il y a beaucoup de gens qui le vendent. Mais il doit servir pour eux-mêmes, ou seulement pour leur consommation à la maison. »

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1 200 CAN). Ces espèces sont par la suite souvent vendues dans la zone touristique du Quintana Roo aux promoteurs de développements hôteliers. Cependant, dans les faits, l’extraction et la revente illégale de ces espèces sont rarement commis par les habitants de la région, mais plutôt par « la gente de afuera »; des braconniers qui proviennent de l’extérieur110

: « Si te soy sincera, la gente de afuera es la que hemos agarrado siendo ilícitos. En saqueos de kukás, gente de afuera lo ha hecho. A veces, en tala de árboles, igual: gente de afuera. Y cuando hemos descubierto por ejemplo gente de aquí de la población, pues agarran menos cuantidad, es para consumo de su casa. »111 (B17)

Outre la surveillance des activités qui concernent l’extraction des ressources, celles qui sont relatives à l’accès et à l’utilisation de certains lieux, notamment pour les besoins de l’écotourisme, font aussi l’objet de réglementations précises et les activités qui en découlent sont aussi rigoureusement surveillées par les employés de la Réserve et les agents de la PROFEPA. Par exemple, lorsque les habitants utilisent la lagune, les lanchas doivent respecter des limites de vitesses et suivre les passages indiqués où elles doivent circuler, elles ne peuvent pas s’approcher en deçà d’une certaine distance des espèces protégées112

, l’accès à certaines zones comme des portions de plages est défendu, etc. La pêche dans la lagune est aussi étroitement réglementée (relativement aux espèces exploitées et aux techniques de pêches utilisées). Par ailleurs, le gouvernement mexicain a instauré en 2002 un système de péage (cobro de derecho) pour l’accès et l’utilisation de certains lieux dans un but récréatif, lequel est en vigueur dans toutes les aires protégées du pays. Ce sont donc principalement les visiteurs qui sont affectés par l’achat obligatoire de droits de passage dans la Réserve. L’objectif d’une telle mesure est de financer les opérations, le maintien et la construction d’infrastructures de même que le soutien financier général des aires protégées du pays, au moyen d’une perception de 21,15 pesos par personne/jour. Les sommes amassées sont dirigées à la CONANP. Cette dernière redistribue annuellement une partie de ces fonds sous forme d’aide financière pour les communautés des aires protégées (PROCODES et PET notamment). Bien que les résidents ne soient pas affectés par cette

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Lors des entretiens, les répondants n’ont pas précisé d’où exactement provenaient ces gens de l’extérieur.

111 « Pour être honnête, les gens de l’extérieur sont ceux que nous avons pris à être illégaux. Le pillage de

kukás, les gens de l’extérieur l’ont fait. Parfois, quant à la coupe d’arbres, c’est la même chose : des gens de l’extérieur. Et quand nous avons découvert par exemple des gens de la population d’ici, ils prenaient une quantité moindre, pour leur consommation domestique. »

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perception, la mise en place de ce système contribue tout de même à alimenter les tensions entre la Réserve et la communauté.

Afin d’assurer la surveillance en lien avec l’accès et l’utilisation de la ría, elle a notamment construit en 2004113 un kiosque (Parador Turístico Naochin; Annexe 7) à l’extrémité nord de la pointe du village, aux abords de la lagune et à quelques mètres des points de service de trois des quatre coopératives d’écotourisme. Celui-ci peut être aperçu depuis la place centrale du village. Servant de kiosque d’information touristique officiel, il est aussi le poste de péage pour les droits d’entrée dans la RBRL. Un ou deux employés de la Réserve s’y trouvent presque quotidiennement pour donner de l’information aux visiteurs, et pour percevoir les droits d’entrées et apposer les bracelets d’admission, si ce n’est pas déjà fait par le guide touristique engagé pour le tour. Sur l’écriteau de la Réserve devant le kiosque, quelques recommandations sont indiquées : « faites affaire avec un guide sous licence uniquement; au moment de payer exigez votre bracelet; votre contribution soutient la conservation de l’aire protégée » (Annexe 7). Équipé d’une palapa114, d’installations sanitaires (en construction), d’un banc faisant office d’aire de repos, et d’un quai, ce kiosque constitue le point d’embarcation et de débarquement pour les tours de bateau offert par les coopératives à proximité. La Réserve possède également quelques lanchas pour circuler dans la lagune et a aménagé un point de vérification (quai) à l’ouest du pont de Las Coloradas. Situé stratégiquement à un passage obligé où les lanchas doivent ralentir pour passer sous le pont afin d’accéder à des lieux d’intérêts « touristiques », un employé y est affecté quasi quotidiennement pour vérifier que les visiteurs ont chacun leur bracelet (Annexe 7). Ces diverses mesures de surveillance permettent à la Réserve de s’assurer qu’en définitive, les droits d’entrées seront perçus115. Dans l’éventualité où un guide serait

pris en défaut de charger les droits d’entrées, un avertissement puis des amendes lui seront donnés en cas de récidive.

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L’aménagement du kiosque n’était toujours pas terminé lors de mon terrain en 2008. Par exemple, les installations sanitaires n’étaient pas encore fonctionnelles.

114 Petite structure généralement construite avec du bois et des feuilles de palmier pour servir d’abris, et

souvent utilisée comme une structure d'accueil de touristes.

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La perception des droits d’entrées serait aussi un moyen pour garder le compte sur le nombre de visiteurs admis annuellement dans la RBRL, permettant ainsi de faire des analyses de capacité touristique du site.

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