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sur les structures et les personnes encadrantes

« Un bon animateur c’est… » Quelles représentations les jeunes ont-ils des personnes y travaillant ?

Quelles sont les représentations que les enfants et les jeunes portent sur les équipes d’ani- mation ? Quelles sont les qualités qu’ils leur reconnaissent ? Quels sont les attributs qui leur semblent incontournables pour être un bon animateur ?

Koss, 14 ans, Bègles : « C’est le regard sur nous qui est important, et ils sont surtout là pour ça. Ils savent comment on est, ils nous comprennent… ça change des gens du quar- tier ; les gens dehors sont pas pareils : ils ont peur des jeunes. »

Mélison, 14 ans, Bègles : « Oui, tu dis “jeune”, y’a plus personne. » S. R. : « Pourquoi ? »

POUR RÉSUMER

– Le constat partagé du retrait progressif des structures d’animation des jeunes (à partir de 9-10 ans) est expliqué, d’après les acteurs de l’animation, par : le fonctionnement rigide des centres de loisirs qui ne répond pas à leur besoin de différenciation (ils ne sont « plus des petits ! »), l’inadaptation de l’offre, la lassitude des jeunes, la méconnaissance des structures, la formation des animateurs qui ne les prépare pas toujours à animer ces publics.

– La mixité sexuée des publics accueillis dans les structures : un enjeu capital. La présence des adolescentes témoigne à chacun qu’il n’y a pas d’appropriations territoriales faites par certains groupes masculins.

– Comment faire venir les filles ? Les pratiques de loisirs des filles – de tous milieux sociaux – sont toujours plus contrôlées que les activités des garçons : la relation de confiance instaurée avec les parents est donc un point clé, la posture de l’équipe d’anima- tion à leur égard est aussi décisive.

– Les rapports de force avec certains groupes masculins qui tentent de démontrer, par des bras de fer symboliques voire physiques, leur domination et leur emprise sur les espaces sont latents pour quasiment toutes les structures accueillant des jeunes. Détecter ces situations est essentiel afin de soutenir les structures d’animation pour leur éviter un repli aux conséquences hasardeuses.

– Implication des jeunes dans les décisions, activités dites de consommation et projets cofinancés : injonctions des financeurs et situations paradoxales dans la mise en œuvre…

Mélison : « C’est par rapport aux réputations que les jeunes ils ont. » Koss : « Parce qu’on est caricaturé “jeunes de cité” ! »

L’empathie, la bienveillance, le « regard » pour reprendre les termes de Koss sont les éléments les plus souvent évoqués dans la description que les jeunes donnent des animateurs : « C’est

quelqu’un qui s’occupe de nous, qui veille sur nous22. » Sont aussi identifiées par les adoles-

cent(e)s les capacités d’écoute et la disponibilité envers les jeunes. « C’est quelqu’un qui nous respecte23», « qui est pas une balance24», « quelqu’un à qui on peut confier nos problèmes25».

Bref, c’est un adulte qui est en mesure de « comprendre les jeunes26», leur univers et sait se

positionner à leurs côtés, sans être directif, c’est-à-dire quelqu’un qui permet l’autonomie des jeunes tout en étant présent et bienveillant :

Niamor, 14 ans, Bègles : « [Un animateur c’est] quelqu’un qui propose ou qui encadre des animations pour les jeunes. »

S. R. : « Y’a des qualités particulières ? »

Niamor : « Je sais qu’il faut le BAFA et après j’pense qu’il faut être gentil déjà et être un peu intéressé à tout ce qui nous entoure. »

Dans les critères relevés par les jeunes, on trouve aussi des éléments tels que l’humour, le fait d’être « gentil27», « cool et sympa » de « s’amuser avec28» les jeunes, de connaître les jeunes

depuis longtemps, ou d’être « quelqu’un qui a beaucoup de courage et qui a appris à mettre

énormément de sa personne29».

Du côté des plus jeunes, d’autres éléments semblent être décisifs dans la description de ce qu’est un animateur et dans les qualités appréciées par les enfants. L’animateur protège il est garant des règles et de l’intégrité (physique, morale et affective) de chacun : « [Un animateur] c’est grand et on dit au directeur “Y’a un copain qui a fait exprès une bêtise”30» ; « Un anima-

teur ça s’occupe de nous et des fois ça nous punit31. » L’animateur est un rouage central du

centre de loisirs, sans lequel il ne pourrait y avoir de centre… et il permet aux enfants de s’a- muser, il donne à jouer :

S. R. : « C’est quoi un animateur ? »

Diégo, 8 ans et demi, Bègles : « Ben sans animateur ils pourraient faire n’importe quoi et sans faire exprès se blesser. »

Pedro, 8 ans, Bègles : « On pourrait pas aller au centre aussi. » S. R. : « C’est bien un animateur ? »

Diégo : « Oui, ils s’occupent de nous, des fois quand il nous manque des choses, ils peu- vent nous en prêter, et ils achètent des choses pour qu’on s’amuse. » Ainsi, si les jeunes attendent particulièrement des équipes d’animation qu’elles soient « à leurs côtés », les enfants sont plus demandeurs d’anima- trices/teurs dont la présence est plus centrale, plus prégnante dans le groupe d’enfants : ils doivent « être avec ». Qu’en est-il du côté des parents ? D’autres éléments ressortent. Les mères de famille talençaises privilégiaient dans leur discours l’aptitude à ne pas discriminer les enfants, à ne pas faire de « privilèges » ou de « chouchous ». À Pessac, la notion d’autorité émer- geait ainsi que la question de la formation et des diplômes des animateurs, en lien avec les ateliers périscolaires : « Il a de l’autorité, il est à l’écoute des enfants, il est gentil, il les surveille bien, il est intelligent, enfin diplômé pour aider les enfants à faire les devoirs32. » Nous retrouvons là des éléments en 22 Laure, 11 ans, Bordeaux.

23/ Kamarra, 17 ans, Talence. 24/ Maéva, 11 ans et demi et Samia,

13 ans, Talence. 25/ Nana, 12 ans, Bordeaux. 26/ Michel, 14 ans ; Kamal, 12 ans ;

Mathématiques, 18 ans ; Zidane, 13 ans ; Raoul, 13 ans, Floirac. 27/ Henry, 15 ans, Lormont. 28/ Rimka, 12 ans, Lormont. 29/ Mitch, 21 ans, Pessac. 30/ Adeline, 6 ans et demi, Bègles. 31/ Lola, 8 ans et demi, Bègles. 32/ Julie, 25 ans, Pessac.

PRATIQUES/ANALYSES

concordance avec les points de conclusion des études du CRÉDOC qui mettaient en avant les attentes parentales en terme de sécurité, d’encadrement des enfants.

En toute logique, les défauts relevés par les enfants, jeunes ou parents sont le revers de ce qui est attendu et apprécié. Ainsi sont décriés les animateurs qui « crient », « sont méchants », « chiants », qui « s’énervent trop vite », qui sont « trop stricts », qui « font les chauds » ou qui « haussent la voix ». Ces attitudes sont dénoncées avec virulence et contraires à ce qui est attendu des animateurs : de la patience, de l’écoute, de la disponibilité, de la confiance et de l’humilité ; « C’est pas normal même si on le connaît qu’il nous dit “Cassez-vous” et tout… » (Rimka, 12 ans). Les animatrices/teurs montrant peu d’intérêt pour les enfants ou jeunes sont donc, en toute logique, désavoués et soupçonnés de « je-m’en-foutisme ».

Lors d’une discussion avec un groupe de garçons floiracais dans l’une des structures pour jeu- nes, Michel, 14 ans ; Kamal, 12 ans ; Mathématiques, 18 ans ; Zidane, 13 ans et Raoul, 13 ans, décrivaient ce qu’est un « animateur pas bien » :

– « C’est un animateur qui parle pas avec nous. » – « Comme A., il est bizarre. »

– « En plus il écoute de la musique pourrie. »

– « Il dit pas bonjour ou en tout cas pas souvent, il est bizarre. » – « Il squatte la Playstation. »

– « Ouais même il avait ramené son jeu. » – « On dirait pas un animateur. »

– « Mais il est pas resté longtemps, on l’a fait fuir. »

Les marques de désintérêt tant vis-à-vis des jeunes que de leur univers normatif sont un point central dans les arguments avancés pour décrire le « non-animateur ». Si l’animateur fait partie des rares adultes considérés comme probables alliés des jeunes car compréhensifs, celui qui ne sera pas curieux ou « enfermé sur soi » et « par soi » ne peut devenir référent : « …faut pas être renfermé sur soi-même parce que justement c’est l’animateur qui propose aux jeunes de sortir donc si on est enfermé par soi-même, c’est pas possible » (Niamor, 14 ans, Bègles).

La curiosité, et par extension, la capacité à faire découvrir, sous-entendues ci-dessus par

Niamor, sont aussi relevées par Mitch, dans sa description du « mauvais animateur » : Mitch, 21 ans, Pessac : « Je sais pas, quelqu’un qui n’est pas curieux, et qui ne s’intéresse pas ni aux autres, ni à ce qu’il fait… N’importe qui peut être un bon animateur. »

Pierpoljak, 14 ans, Pessac : « Je pense qu’il faut savoir prendre sur soi parce que les gamins doivent être très chiants parfois, et il faut pas s’énerver sur les gamins. »

Sont aussi décriés la « désorganisation », l’« injustice » la « sévérité » ou le chantage exercé à l’égard des jeunes : « Les animateurs maintenant ils sont trop méchants, ils s’énervent trop vite, ils disent tout le temps “tu veux qu’j’appelle ta mère ?”, au début ils disaient jamais ça, ils deviennent de plus en plus chiants. » (Samia, 13 ans, Talence). Face à des jeunes en très forte demande de prise en compte de leur individualité, on comprend aisément que ce type de marque d’autorité puisse être voué à l’échec et au ressentiment.

Enfin, l’animateur étant considéré et défini dans les représentations sociales des jeunes comme la personne destinée, de par sa fonction, à mettre en œuvre les desiderata, projets et envies des jeunes, c’est-à-dire celui « qui accompagne des jeunes à faire des activités et qui aide les jeunes, qui aide à faire des activités » (M. X., 15 ans, Bègles), sont en disgrâce ceux

qui « nous interdisent tout le temps de faire des trucs ; ce qu’on veut faire, ils veulent pas… » (Mélison, 14 ans, Bègles) ou « qui laisse[nt] pas trop de liberté » (Tournedos, 18 ans, Pessac). Globalement, les plus jeunes définissent l’animateur « pas bien » par celui qui n’est « pas gentil », qui « crie », dont les capacités de discernement sont restreintes : « Quand on n’a rien fait et ben ils croient que c’est nous et ils veulent pas qu’on fasse quelque chose » (Christina, CM2, Lormont). Quant aux parents rencontrés à Talence et à Pessac qui se sont exprimés sur le sujet33,

ils définissent le « mauvais animateur34» par opposition au « bon animateur ». Il est ainsi soup-

çonné de favoritisme, de manque d’attention, de contre-modèle : « Il n’écoute pas, il s’en fout, il fait pas attention aux jeunes, il n’est pas poli, il ne sait rien, par exemple, pour les devoirs s’il ne sait pas, c’est pas un bon animateur » (Julie, 25 ans, Pessac).

« C’est bien quand y’a des sorties »… Représentations des publics

sur les structures et animateurs

Si les plus jeunes perçoivent les animateurs comme garants des règles et de leur bien-être et comme incitateurs au jeu, les plus grands apprécient leur fonction de « personne ressource ». Cependant, parmi les plus âgés, une vision utilitariste des animateurs peut aussi être fortement présente : les animateurs sont là pour les jeu- nes, pour faire et mettre en œuvre les vœux des jeunes. Ces représentations sont en lien avec celles que les jeunes et les adultes peuvent porter sur les structures elles-mêmes, assimilées à un service public. Nous touchons là un point sensible, relevé par les personnes travaillant dans ces structures, les uns affirmant être un service public, les autres s’en défendant. Néanmoins, pour les publics fréquentant les structures ces revendications professionnelles ne sont pas évi- dentes, et ils considèrent le périscolaire, le centre de loisirs et ses activités, les séjours proposés ou les événementiels comme des services leur étant rendus, même si certains peuvent, en outre, reconnaître et apprécier les principes et valeurs pédagogiques sous-jacents. Cette perception, en toute logique, nourrit les revendications tarifaires et/ou consuméristes qu’ils expriment. C’est probablement là un des points de difficulté dans la socialisation professionnelle de ces tra- vailleurs sociaux que sont les animateurs : le décalage entre comment se vivent et se projettent statutairement les animateurs, et la reconnaissance des publics de leurs rôles et fonctions. De ce fait, le sentiment fréquemment émis par les animateurs et responsables des structures d’al- ler « à contre-courant » trouve ici sens et n’est pas illusoire.

Pour les parents, le « bon animateur »