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Les équipes d’animation

Profil

« Mon action a du sens auprès des publics accueillis et l’animateur est à la fois un généraliste et un spécialiste (adaptabilité) »…

Qui sont les acteurs de l’animation en ZUS ?

La profession d’animateur est très féminisée avec cependant des disparités selon les statuts occupés et le public accueilli dans les structures. La répartition sexuée des personnes ayant répondu au questionnaire (66,1 % de femmes et 33,9 % d’hommes) et la composition des équipes dans les structures vont dans le sens de la féminisation de la profession. Ainsi, pour toutes les communes, globalement, les structures ont des équipes majoritairement compo- sées d’animatrices. Ce constat est particulièrement frappant pour les structures « petite enfance » où la présence d’animateur est rare ou très minoritaire (un seul animateur par exem- ple). Seul le centre de loisirs La Ré d’eau compte trois animateurs – pour sept animatrices.

C’est aussi la seule structure « petite enfance »44dirigée par un directeur. Autre déséquilibre

relevé : aucune des structures dites de proximité accueillant des préadolescents et/ou adoles-

cents45ne présente une direction féminine et les équipes d’animation sont bien souvent mas-

culines. La répartition hommes-femmes à la tête des centres de loisirs « 6-11 ans » est assez équilibrée. Du côté des « centres sociaux », il semblerait que les femmes arrivent progressive- ment à y occuper les postes de direction (dix hommes responsables et quatre femmes). Il en est ainsi des centres d’animation de quartiers de Bordeaux étudiés, dont trois des centres pré- sentent un responsable de structure masculin et deux structures ont une direction féminine. De même la répartition sexuée à la direction est équilibrée pour les deux centres sociaux de Floirac ou de Lormont.

Quels sont les critères de composition des équipes ? Analysons en premier lieu les résultats du questionnaire avant de les confronter aux données qualitatives recueillies dans les structu- res. Les équipes d’animation sont-elles constituées par des personnes connaissant ou vivant dans les quartiers ? Y a-t-il là des différences entre les diverses structures ?

La grande majorité des personnes ayant répondu au questionnaire connaît le quartier dans lequel est situé la structure, soit 86,7 % (111 personnes). Seules dix-sept personnes disent ne pas connaître le quartier. Si l’on regarde ces réponses en fonction du type de structure dans laquelle sont les per- sonnes, des rapports de significativité sont révélés. Ainsi, toutes les per- sonnes ayant répondu au questionnaire et travaillant dans une structure d’animation dite de proximité et accueillant des adolescents ou préadoles- cents connaissent le quartier de ladite structure. Or, lors des rencontres dans ces structures, il ressort en effet que la connaissance du quartier ou tout au moins des « publics des quartiers » peut devenir un élément décisif dans le recrutement.

Cependant, si le fait de connaître le «public des quartiers» est un atout souli- gné par les responsables de centres sociaux, maisons de quartier ou « struc-

PRATIQUES/ANALYSES

44/ Recatégorisations des structures. « Petite enfance » : CLPE, La Ré d’eau, Lescalle, L’île ô enfants ; « CL 6-11 ans » : PAE Langevin, Buisson et Monmousseau, sports vacances, CER SNCF, Triboulet, OMS, CLSH Beaudésert, club-house, CLSH La Burthe et Astrolabe ; « centres sociaux » : CS Le Lac, Bacalan, Benauge, Bordeaux sud, haut et bas Floirac, Mireport, Génicart, Beaudésert, Alain Coudert,

La Châtaigneraie, Alouette, Thouars et les salles Camille Maumey et Georges Brassens ; « structures de proximité ados » : espace jeunes, CLJ, L’Atelier du CALK, salle Nelson Mandela, La Suzanne, la Saga cité, la Junior des salles, le foyer populaire, le point CYB, le point accueil Carriet (Mairie). 45/ Exceptions faites du CALK qui est

toutefois défini comme structure d’accompagnement à la scolarité et, éventuellement, du point accueil Carriet de la mairie de Lormont dont la coordination est assurée par une femme.

tures de proximité ados », le fait de vivre dans le quartier ne sera pas particulièrement décisif dans le recrutement ; la politique d’embauche des « grands frères » n’étant plus considérée comme « recette miracle ». De fait, il n’est pas toujours aisé pour les animateurs lorsqu’ils vivent dans le même quartier et côtoient quotidiennement les jeunes de maintenir une distance professionnelle nécessaire à une relation éducative (cf. extrait du journal de bord ci-après), ce particulièrement lorsqu’ils débutent dans la profession ou lorsque la formation qu’ils ont reçue est minimale. Ainsi, certaines structures tentent même de mixer les équipes avec des personnes qui ne sont ni du quartier, ni « des quartiers ».

La plupart des structures rencontrées ont témoigné de leur volonté de fonctionner avec une mixité sexuée dans l’équipe. Les centres sociaux et les structures de proximité ados semblent avoir des équipes d’animation dont les origines sont diverses.

De façon plus significative que pour les centres de loisirs 6-11 ans, ces deux types de structu- res ont très fréquemment dans leurs équipes de direction ou d’animation des personnes « allochtones » (Georges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton, 2006), c’est-à-dire des per- sonnes françaises dont les familles sont censées avoir connu un parcours migratoire. Dans ce sens, quelques personnes ayant répondu au questionnaire disent parler à leur domicile, outre le français, les langues arabe, hispanique, lusitanienne, anglo- phone, d’Europe de l’Est ou d’Afrique subsaharienne.

Norredine E. , salle Georges Brassens, Cenon : « Il ne faut donc pas

se tromper sur le profil lors du recrutement. Et quand je parlais de volonté politique, nous avons la chance d’avoir quatre personnes sur chaque struc- ture qui sont fonctionnaires ; c’est énorme. Alors que nous avons des collè- J’entre dans la structure pour prendre des nouvelles du responsable qui a reçu quelques jours auparavant un coup de poing de la part d’un « petit ». J., l’animateur recruté pour la période des grandes vacances, est présent, il me raconte les détails de l’altercation…

Le responsable a été arrêté quelques jours. J. se positionne avec difficulté par rapport aux jeunes concernés par l’incident.

Il ajoute : « C’est bon ! moi j’y suis tous les jours dans le quartier, j’ai pas envie que ça se passe mal pour moi hein… »

Extrait du journal de bord du mercredi 26 juillet 2006 Tableau croisé des variables « type de structure » et

« connaissance du quartier » dans lequel est situé la structure

La relation de dépendance entre la variable « recodage type de structure » et la variable « connais- sance quartier » est peu significative. Calcul de Chi246= 6,25, ddl = 3, p = 89,99 %.

Les valeurs du tableau sont les pourcentages en ligne établis sur 130 observations.

Par comparaison, la différence des répartitions entre les variables centre de loisirs 6-11 ans et structures de proximité ados croisées à « connaissance du quartier » est significative (Chi2 = 4,33, p = 96,25 %).

Recodage type de structure

/connaissance quartier oui non Total Petite enfance 83,3 % (15) 16,7 % (3) 100 % (18)

CL 6-11 ans 78,2 % (43) 20,0 % (11) 100 % (54)

Centres sociaux 89,7 % (35) 7,7 % (3) 100 % (38)

Structures de proximité ados 100 % (18) 0,0 % (0) 100 % (18)

Total 85,4 % (111) 13,1 % (17) 100 % (128)

46/ Le test du Chi2 consiste à mesurer l’écart entre une situation observée et une situation théorique et d’en déduire l’existence et l’intensité d’une liaison mathématique. En sciences sociales, on utilise le test du Chi2 dans la même logique que celle appliquée au calcul du coefficient de corrélation linéaire pour des variables quantitatives : existe-t-il une liaison entre deux variables, si oui quelle est son intensité ? (http://www.univ-

pau.fr/RECHERCHE/SET/LAFFLY/docs_l affly/analyse_bivariee.pdf)

PRATIQUES/ANALYSES

gues qui sont dans des situations très précaires et des communes alentour qui fonction- nent avec des vacations… Comment faire un projet avec des équipes qui changent tous les trois mois ? Les politiques ont envie de faire et on donne pas les moyens… C’est une question de volonté politique et pas de couleur politique. Pourquoi Jeunesse et Sports ou la CAF ne mettent pas leur nez dedans ? Ils ne récupèrent que les chiffres totaux : “Notre personnel coûte tant.” Il faut valoriser le statut d’animateur. »

La politique municipale menée envers la jeunesse et les animateurs va avoir un impact essen- tiel sur sa stabilité et son efficacité. Ainsi, des communes ont choisi de créer une « filière ani- mation », en d’autres termes de titulariser les animateurs, de leur assurer une pérennité de l’emploi. Ces volontés politiques vont bien évidemment permettre aux équipes de se fortifier à de multiples niveaux.

Les équipes béglaises ou cenonnaises évoquent automatiquement cette sécurité d’emploi comme étant un élément force de premier ordre. Les centres d’animation de quartier de Bordeaux, ne pouvant parvenir à proposer à la totalité de leurs animateurs ce statut, posent néanmoins l’accompagnement profes- sionnel et statutaire de leurs animateurs comme objectif primordial : ainsi la plu- part des responsables des centres d’ani- mation de quartier ont commencé par être stagiaire et ont connu une ascension statutaire au fil des ans. À l’opposé, les équipes d’animation des structures muni- cipales floiracaises ont témoigné d’une insécurité statutaire – et donc sociale – très forte. Ces équipes, embauchées sous le système de vacation, présentent un « turn-over » considérable, contrant tout travail ou relation éducatifs de longue haleine. C’est là un point paradoxal puisque plusieurs structures se présentent comme ayant été créées pour prévenir les phénomènes de délin- quance, et ont des équipes qui « tournent » tous les six mois… Pas de surprise donc à ce que ces équipes ne puissent retranscrire les projets éducatifs ou pédagogiques des structures dans lesquelles elles ne font que passer… Pas de surprise non plus à ce que ces équipes soient constituées de personnes ayant des qualifications minimales en animation ; les animateurs se professionnalisant auront rapidement la volonté de trouver des emplois moins précaires. Quant aux jeunes fréquentant ces structures, nous ne serons pas non plus étonnés qu’ils ne puissent investir dans les relations éducatives avec des équipes continuellement renouvelées dont ils savent l’instabilité et la méconnaissance qu’elles ont du fonctionnement, des forces et des fai- blesses des structures.

POUR RÉSUMER

– Une profession encore fortement féminisée mais dont les postes de direction sont encore fortement masculinisés.

– Le recrutement des équipes : connaître les publics « des quartiers » sans être automati- quement « du quartier ».

– Le poids des communes titularisant ses acteurs de l’animation : reconnaissance, péren- nité et mise en œuvre de projets politiques volontaires.

Une profession féminisée avec encore