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PRATIQUES/ANALYSESAttentes, facteurs incitatifs et/ou freins à la participation

« Oui c’est bien… on fait des choses »…

Pourquoi les jeunes restent-ils et participent-ils ?

Du côté des plus jeunes, s’ils disent venir parce que leurs parents « travaillent tous les deux alors ils m’ont mis au centre », ils annoncent aussi qu’ils aiment venir. Plusieurs éléments motivent leur désir : en premier point les « activités » ou « séjours » très fréquemment cités comme points d’attractivité. On retrouve une certaine variabilité dans les activités mises en avant pour expliquer cette appréciation. Les sorties et notamment les activités de consomma- tion (Aqualand, Laser Quest, les sorties Quad, les Antilles de Jonzac, etc.) prennent la tête des

motifs invoqués. Cependant sont accolées – parfois même citées avant –les activités « pha-

res » de la structure : l’équitation pour le centre social de Bordeaux Lac, les activités multimé- dia pour le point CYB, le montage vidéo à La Suzanne, la danse au centre social et culturel de La Benauge, etc. Les structures, du fait de ces points forts, fonctionnent alors tels des « pôles d’excellence » en termes d’impact auprès des enfants ou des jeunes. La lisibilité de la struc- ture est établie auprès du public à partir de ces éléments forces et n’empêchent pas les jeunes d’apprécier d’autres activités :

S. R. : « Qu’est-ce que tu préfères ? »

Nana, 12 ans, CLSH du centre social Le Lac : « Les chevaux. » S. R. : « Y’a d’autres activités que t’aimes bien ? »

Nana : « Oui, tout ce qui est bricolage. Par exemple si y’a une clôture qui est cassée ben on prend le marteau et on y va. Les stages aussi j’aime bien. Et je suis sur deux groupes : ici et chez les ados. »

Dans les activités plébiscitées par le plus grand nombre et par les plus âgés, sont énumérées des pratiques que la plupart des jeunes, qu’ils résident ou non en zones urbaines sensibles, apprécient particulièrement. Il est à lire ici les formes de « culture juvénile » célébrant les pra- tiques multimédia, les activités sportives et des supports de jeux facilitant la rencontre (« baby-foot », « billard », « table de ping-pong », etc.).

Les activités extraordinaires (fêtes, veillées, animations dans le quartier, etc.), inclues dans des semaines à thèmes, ou les rencontres intercentres, sont aussi bien souvent citées pour

expliquer en quoi le centre leur est sympathique. S’ajoutent lesséjours ou les minicamps dans

les éléments présentés pour démontrer les aspects positifs de la structure. Et, pour rassurer ceux qui craindraient une explosion de la demande consumériste, citons les propos de Rimka, 12 ans, qui s’exprime au sujet de son meilleur souvenir au point animation Carriet :

« Aqualand et une sortie où on était parti là en Dordogne et on avait pêché et fait du cam- ping… Ce que j’aimerais gavé, mais gavé, gavé faire, c’est du camping et faire de la pêche pendant trois heures au moins. »

Au-delà des activités, sorties et séjours évoqués dans les explications de la satisfaction des jeunes, un autre élément apparaît de façon centrale dans l’évaluation positive du centre et dans les éléments motivant leur venue : les ami(e)s. Si cet aspect est parfois suggéré par les plus jeunes, il devient incontournable pour les plus grands. Passé un certain âge, alors qu’ils ont la « liberté » de fréquenter ou non la structure, le réseau de sociabilité présent dans le centre devient un élément décisif. Cela s’observe pour les filles : « C’est moi qui ai demandé à venir, j’ai voulu venir aussi cette année parce que mes amies viennent toutes ici » (Nana, 12 ans, Bordeaux), comme pour les garçons :

M. X., 15 ans, Bègles : « Je viens un petit peu ; je venais rien que pour accompagner des personnes et maintenant je viens pour m’inscrire. En fait, parce qu’on était à la cité et on nous a proposé des activités là-bas – oui, des médiateurs – et on était obligé de venir ici pour s’inscrire. »

S. R. : « C’est quoi comme activités ? »

M. X. : « Pour faire un séjour à Itxassou ; on est sept copains à partir ; eux ils sont déjà allés, donc… »

S. R. : « Et tu trouves qu’y’a des trucs bien ? »

M. X. : « C’est plutôt pour voir les copains, y’a pas de… » S. R. : « Sinon, tu faisais quoi avant ? »

M. X. : « J’étais à la cité, on jouait au foot, mais comme il fait chaud, maintenant c’est un peu trop dur. »

S. R. : « Comment t’as connu l’espace jeunes ? »

M. X. : « C’est plutôt par rapport au centre de vacances avant, là ils en avaient parlé. Avant j’avais pas très envie, c’est surtout que j’avais pas beaucoup d’amis qui venaient ; les acti- vités pendant les vacances, maintenant je viens. »

S. R. : « Et l’année aussi ? » M. X. : « Peut-être, je sais pas. » S. R. : « T’habites loin ? »

M. X. : « Non, j’habite pas très loin. »

S. R. : « T’as combien de copains qui viennent là ? »

M. X. : « Là on est six en tout. Mais ça date de cet été, ça fait pas très longtemps qu’on vient. »

En outre, les jeunes évoquent le réseau de sociabilité ou le réseau familial lorsqu’ils racontent comment ils ont connu la structure. Quelques-uns disent avoir connu le centre par la munici- palité ou par le collège, mais ce sont les réseaux familial et amical qui apparaissent comme les premiers canaux de diffusion.

Autre dimension soulignée tant par les adolescentes que par les garçons : la liberté,le senti-

ment d’autonomie. Pour les plus jeunes, ils disent apprécier le fait de pouvoir « choisir les acti- vités », mais lorsqu’ils ont quelques années de plus, la souplesse de l’accueil – que Melisson et Cheyenne, adolescentes de 14 ans, qualifient elles-mêmes d’« accueil libre » – est mise en avant pour décrire les atouts du centre, pour raconter que « tout me plaît, le contexte, l’ambiance… » L’accessibilité va jouer dans ce cadre un rôle important car incitant ou contrant le sentiment de liberté. Ainsi, Niamor, adolescent de 14 ans, explique qu’il aime bien : « Le côté sympa, les acti- vités sont bien, les animateurs aussi ; et je peux venir seul. »

Le coût financier, s’il n’est pas le premier facteur invoqué par les jeunes pour expliquer leur venue et leur bonne perception de la structure, est néanmoins présent dans plusieurs dis- cours. L’attention portée aux tarifs des pratiques de loisirs étant un souci familial partagé pour des familles dont la situation économique est très fragile :

Rimka, 12 ans, Lormont : « Moi je reste dehors parce que y’a rien à faire, ma mère elle tra- vaille pas, y’a pas de sous pour qu’on parte en vacances. »

Samia, 13 ans, Talence : « Le centre social c’est moins cher et même des fois c’est gratuit, au CAJ c’est tout payant. […] Mais c’est trop payant, même la pâtisserie est payante, ici c’est gratuit. […] J’ai pas de copines là-bas et y’a pas de jeux là-bas et il faut qu’ils bais- sent les prix. C’est un truc de fou, ici le sport c’est gratuit, la plage c’est 2 euros, bon Aqualand c’est le même prix, là je peux comprendre. »

PRATIQUES/ANALYSES

Enfin, autre élément sporadiquement évoqué dans les argumentaires mis en avant pour expli- quer l’attachement portée à la structure : certaines personnes de l’équipe d’animation ou de direction. Le fait d’avoir vécu des moments intenses, des activités ou projets extraordinaires – qui ne se réduisent pas à des projets financièrement coûteux (cf. extrait du journal de bord ci-après) – avec certains membres de l’équipe renforce l’attachement et influence la fréquen- tation.

Que lire et retenir de cet extrait ? Que l’on peut être adolescent de 16 ou 17 ans d’un quartier sensible, présenter les attributs classiques du « jeune de banlieue » et aimer les ateliers cui- sine. En effet, lorsque nous croisons le jeune homme, il est au volant d’une voiture, portière avant ouverte, et arbore un pendentif assez conséquent autour du cou agrémenté de quelques bagues. Il est membre de l’un des groupes de musique très reconnu du quartier et ne présente pas de gêne ou de contradiction identitaire interne à dire qu’il a beaucoup aimé ces ateliers cui- sine et qu’il en conserve des souvenirs vivaces… Toutefois, cet attachement aux personnes est un élément qui n’est pas à minorer, et qui peut d’atout se transformer en désavantage, notamment lorsque les équipes changent et que les personnes partent. S’ensuit parfois une désaffection des publics qui ne voient plus d’intérêt à venir dans la structure, les personnes qu’ils connaissaient n’y étant plus.

Au cours des entretiens, j’ai demandé aux enfants et jeunes quel était leur meilleur souvenir dans le centre. Les réponses sont variables mais témoignent qu’il est possible de réaliser des moments forts, qui marqueront les publics, sans que cela ne passe par des projets ou des actions très coûteux. Bien évidemment, il demeure que les projets de séjours à l’étranger ou les actions de grande envergure, eux aussi sont des temps forts de découverte, qui ont laissé des traces indélébiles et positives à ceux qui les ont vécus mais aussi à ceux qui ne les ont pas directement vécus. Retenons toutefois que donner la possibilité aux publics de vivre de l’ex- traordinaire, du fantastique, de vivre des choses qu’ils ne peuvent pas vivre ailleurs que dans le centre de loisirs ou le centre d’animation reste un enjeu fort. Regardons quelques répon- ses…

S. R. : « C’est quoi votre meilleur souvenir de centre ? » Pedro, 8 ans, Bègles : « Moi tous les jours j’ai aimé. » Diégo, 8 ans et demi : « Moi aussi. »

Rimka, 12 ans, Lormont : « Aqualand et une sortie où on était parti là en Dordogne et on avait pêché et fait du camping. »

S. R. : « C’est quoi ton meilleur souvenir ? »

Nana, 12 ans, Bordeaux : « C’est quand on est rentré de stage d’équitation et qu’on a trouvé un poulain ici, c’était y’a trois semaines. »

Nous garons la voiture sur le parking jouxtant le centre commercial et nous nous dirigeons à pied avec Coline vers l’ancien Lidl. En chemin, nous croisons un jeune homme de vingt et un an que Coline connaît. Nous discutons avec lui, je lui explique la recherche en insistant particulièrement sur le phénomène supposé de désaffection des plus de 11 ans des structures d’animation. Il déclare qu’en effet les petits ne vont pas au centre social, ni à La Saga qui est dans une « situa- tion critique » ; il ajoute qu’il ne sait pas pourquoi et qu’ils préfèrent « jouer au foot au citystade, ils traînent en bas, mais ils ne veulent pas aller au centre social ou à La Saga… Je sais pas pour- quoi… moi j’y allais encore j’avais 16, 17 ans ! On aimait bien… Comme quand on faisait les piz- zas, hein ! on adorait venir faire l’atelier cuisine ». La dernière phrase a été prononcée avec beaucoup d’enthousiasme en interpellant Coline pour avoir son approbation et elle a confirmé, souriante, et se remémorant ces temps forts.

Niamor, 14 ans, Bègles : « Ah oui, si le bal d’Halloween, c’était très sympa… Y’avait plein d’animations, ils nous faisaient sortir dans les bois pour nous faire peur ; y’avait de la musique, c’était vraiment sympa. »

Cheyenne, 14 ans, Bègles : « C’était cette année à Aqualand avec Yves Farges, moi j’aime surtout les sorties avec les autres qui sont pas de l’espace jeunes comme Yves Farges. »

Enfin, quelques-uns avaient des propositions à formuler, des attentes vis-à-vis de la structure. La liste ne prétend pas à l’exhaustivité mais il est possible de répertorier quatre positionnements différents par rapport aux propositions énoncées par les jeunes. Certains n’exposent pas spon- tanément de demandes particulières. Un deuxième groupe de jeunes formule des demandes ayant trait au matériel à remplacer, aux locaux à rénover. Certains – sous le couvert de la rigo- lade – disent qu’il faudrait améliorer ou changer « les animateurs ». Or, même s’ils s’empres- sent de dire par la suite « non mais c’est pour rigoler », les critiques qu’ils formulent ultérieurement quant aux animateurs laissent à penser que ces phrases « en l’air » recèlent un soupçon de sincérité. Enfin, quatrième voie de propositions, celle qui concerne les activités dites de consommation ou les projets de grande envergure :

Kamarra, 17 ans, Talence : « On a un projet avec Gilles qu’on a commencé pour aller en Amérique ou à Disneyland et y’a des petits projets comme le camping ou le Quad. » Rimka, 12 ans, Lormont : « Y’a des trucs qui sont bidons, comme des sports bizarres. Moi j’aimerais faire des sorties comme Aqualand, la plage… J’aimerais bien faire aussi Walibi, le Futuroscope, aller à Paris. »

Henry, 15 ans, Lormont : « On a déjà fait ça, on était allé à la neige, même au collège pour faire de la moto. »

Rimka : « Aller à Fort-Boyard, à Frontenac tu fais de l’escalade, du tir à l’arc et… moi sur- tout, j’veux surtout avoir un ordinateur chez moi. »

Les demandes de sorties, d’activités consommatoires dans les propos des jeunes sont, il est vrai, surabondantes. Cependant, n’omettons pas de préciser que pour la plupart de ces jeunes, le centre de loisirs est le lieu qui permet d’accéder à ce type d’activités pour une somme modique. Sans la structure d’animation, ces enfants ou jeunes n’accèdent pas à ces loisirs ou à ces pratiques culturelles. Par exemple, le tarif d’entrée hors réduction à Aqualand est très dissuasif, et peu de familles pourraient s’en acquitter.

« Ils font que fifre… » Pourquoi les enfants partent-ils ?

Si les « activités », les « ami(e)s », le sentiment d’autonomie, les tarifs, l’équipe d’animation sont cités par les jeunes fréquentant les structures d’animation comme facteurs incitatifs, nous retrouvons les mêmes éléments justifiant la non-fréquentation. Toutefois, à cela s’ajou- tent d’autres points non négligeables : les représentations portées sur les structures ou sur les équipes d’animation ; le sentiment de lieux réservés à d’autres, pour d’autres ; le manque d’in- formations ; le sentiment d’une dévalorisation de l’offre d’activités tant en termes de qualité que de quantité.

Ils aiment les activités dites