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CHAPITRE II Addition nucléophile de diazoesters sur des nitrones : obtention de

II.1 Les diazoesters

II.1.3 Sur des carbonyles

Les bases organométalliques peuvent déprotoner facilement le diazoacétate d’éthyle à

basses températures.

101

Schöllpof et Frasnelli ont été les premiers à évaluer la réactivité de

l’anion lithié du diazoacétate d’éthyle vis-à-vis de différents électrophiles, y compris des

composés carbonylés.

102

Ils ont tout d’abord ajouté du n-BuLi à une solution de l’ester 196a

dans un mélange THF/Et

2

O préalablement refroidie à –100 °C, pour générer le diazoanion.

Après environ 30 minutes, le composé carbonylé a été additionné (Schéma 66). L’addition du

diazoacétate d’éthyle sur le benzaldéhyde, la cyclohexanone et l’acétophénone a permis

l’obtention des α-diazo-β-hydroxyesters 199a, 199b et 199c avec des rendements moyens de

41%, 62% et 50% respectivement. La réaction avec le chlorure de benzoyle a aussi été testée

et le β-céto-α-diazoester 199d a été obtenu avec un rendement de 45%.

Schéma 66

101

Kruglava, O. A.; Vyazankin, N. S. Russ. Chem. Rev. 1980, 49, 357-370.

102

Wenkert et McPherson ont montré peu de temps après que ce type de réaction

fonctionne mieux lorsque le n-BuLi est additionné à une solution de diazoester et du composé

carbonylé pré-mélangés (conditions de type Barbier).

103

Ils ont par exemple obtenu l’α

-diazo-β-hydroxyisovalerate d’éthyle (200) avec un bon rendement de 76% (Schéma 67).

Schéma 67

Ces mêmes auteurs ont noté que dans ces conditions, les diazocétones réagissaient mal

avec les composés carbonylés.

103a

Le remplacement de la base initialement utilisée (n-BuLi)

par le diisopropylamidure de lithium (LDA) a permis d’obtenir de meilleurs résultats avec les

diazocétones. Cet amidure s’est également révélé efficace pour générer in situ le diazoacétate

d’éthyle lithié dans les réactions de condensation sur les composés carbonylés.

104

L’efficacité des réactions d’addition nucléophile de l’anion lithié de 196a (généré par

le LDA) sur un aldéhyde ou une cétone fonctionnalisée est illustrée par deux exemples

sélectionnés. En 1987, l’équipe de Corey a obtenu l’α-diazo-β-hydroxyester 202 avec un très

bon rendement de 86%, par réaction de l’aldéhyde 201 et 196a en solution dans le THF avec

1 équivalent de LDA (Schéma 68). Cet intermédiaire 202 a ensuite été utilisé pour la synthèse

totale de l’atractyligénine (203).

104e

Schéma 68

103

(a) Wenkert, E.; McPherson, C. A. J. Am. Chem. Soc. 1972, 94, 8084-8090. Voir aussi : (b) Pellicciari, R.;

Natalini, B. J. Chem. Soc., Perkin Trans 1 1977, 1822-1824. (c) Wenkert, E.; Cecherelli, P.; Fugiel, R. A. J. Org.

Chem. 1978, 43, 3982-3983.

104

(a) Pellicciari, R.; Castagnino, E.; Fringuelli, R.; Corsano, S. Tetrahedron Lett. 1979, 481-484.

(b) Pellicciari, R.; Fringuelli, R.; Cecherelli, P.; Ettore, S. J. Chem. Soc. Chem. Comm. 1979, 959-960.

(c) Nagao, K.; Chiba, M.; Kim, S.-W. Synthesis1983, 197-199. (d) Pellicciari, R.; Natalini, B.; Cechetti, S.;

Fringuelli, R. J. Chem. Soc., Perkin Trans 11985, 493-497. (e) Singh, A. K.; Bakshi, R. K.; Corey, E. J. J. Am.

Chem. Soc. 1987, 109, 6187-6189. (f) Pellicciari, R.; Natalini, B.; Fringuelli, R. Steroids 1987, 49, 433-441.

(g) Padwa, A.; Kulkarni, Y. S.; Zhang, Z. J. Org. Chem. 1990, 55, 4144-4153. (h) Damour, D.; Renaudon A.;

Mignani, S. Synlett 1995, 111-112. (i) Hébrault, D.; Uguen, D.; De Clan, A.; Fischer, J. Tetrahedron Lett. 1998,

39, 6703-6706. (j) Draghici, C.; Brewer, M. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 3766-3767. (k) Gioiello, A.;

Venturoni, F.; Benedetto, N.; Pellicciari, R. J. Org. Chem. 2009, 74, 3520-3523.

Par ailleurs, Kim et collaborateurs ont additionné le diazoacétate d’éthyle lithié sur

plusieurs cétones.

104c

Par exemple ils ont décrit son addition nucléophile sur la

perhydroindanone 204 et l’α-diazo-β-hydroxyester 205 a été obtenu avec un excellent

rendement de 96% (Schéma 69).

Schéma 69

Le bis-(triméthylsilyl)amidure de lithium (LiHMDS) est moins utilisé que le LDA

pour déprotoner les composés α-diazocarbonylés monosubstitués, mais des exemples récents

décrits par Brewer et Bayir sont apparus.

105

Ces auteurs décrivent des additions du

diazoacétate d’éthyle sur les cyclohexanones substituées, mais aussi des additions

nucléophiles intramoléculaires d’α-diazoesters. Par exemple, la cyclohexanone substituée par

une chaîne diazoester 206 a été additionnée lentement à une solution de LiHMDS dans le

THF à –78 °C, produisant l’α-diazo-β-hydroxylactone 207 avec un bon rendement de 69%

(Schéma 70).

Schéma 70

Moody et Morfitt ont montré que le diéthylzinc peut aussi être utilisé comme base

dans les réactions de condensation aldolique avec les diazoesters.

106

Après traitement

préalable du diazoester 196a avec du diéthylzinc en quantité équimolaire, l’aldéhyde a été

additionné et laissé en réaction pendant une nuit (Schéma 71). Les rendements en produit

varient de moyens à très bons, sauf à partir du 2-pyridylcarboxaldéhyde qui conduit au produit

correspondant avec un très faible rendement de 12%. Ces conditions de réaction semblent

limitées à l’addition du diazoacétate d’éthyle sur certains aldéhydes, car aucune réaction n’a

105

Bayir, A.; Brewer, M. J. Org. Chem. 2014, 79, 6037-6046.

106

été observée avec le trans hex-2-enal, la cyclohexanone, l’acétone, la pent-2-one, la

pent-3-one et l’acétophénone.

Schéma 71

L’équipe de López-Herrera a appliqué ces conditions sur plusieurs aldéhydes dérivés

de sucres (Schéma 72).

107

Ainsi, à partir de D-arabino aldéhydes 208a-c et de D-manno

aldéhydes 208d-e les α-diazo-β-hydroxyesters correspondants 209a-e ont été obtenus avec de

très bons rendements et avec des rapports diastéréoisomériques variant de 1:1 à 1:0.

Schéma 72

Le diazoacétate d’éthyle peut aussi réagir dans ces conditions sur la forme hémiacétal

d’un sucre. La réaction a été testée avec le di-O-isopropylidène-D-mannofuranose (210)

(Schéma 73). Un seul diastéréoisomère 211 a été obtenu avec un rendement de 60%.

Schéma 73

107

Plus récemment, l’équipe de Cozzi a publié la première version énantiosélective de

l’addition nucléophile du diazoacétate d’éthyle sur les cétones en présence de diéthylzinc et

d’un organocatalyseur chiral.

108

Des conditions plus simples, sans l’utilisation des bases organométalliques, ont été

décrites pour l’addition nucléophile d’α-diazoesters monosubstitués sur les aldéhydes.

Wenkert et McPherson ont montré que l’hydroxyde de potassium en solution alcoolique

diluée (éthanol ou méthanol) convenait très bien pour effectuer ces réactions (Schéma 74).

103a

Dans les cas d’aldéhydes aliphatiques, de bons rendements allant de 68 à 90% ont été

observés pour la formation des α-diazo-β-hydroxyesters. Dans les cas d’aldéhydes

aromatiques (benzaldéhyde, anisaldéhyde et le 2,4-dichlorobenzaldéhyde), ils ont noté que la

présence d’un substituant électrodonneur défavorise la réaction d’addition nucléophile

(rendement de 25% seulement pour la réaction avec l’anisaldéhyde).

Schéma 74

Ces conditions ne sont pas applicables aux cétones ordinaires mais sur la

cyclobutanone ou sur le phénylglyoxylate d’éthyle, les produits d’addition nucléophile 212 et

213 (Figure 16) ont été obtenus avec des rendements de 16 et 52% respectivement.

Figure 16

L’énolate sodique de 196a a été également utilisé pour des additions nucléophiles sur

les aldéhydes. En 2004, Nishida et Arai ont mis au point une séquence de trois étapes en

« one pot » pour la synthèse d’α-diazo-β-hydroxy esters en utilisant des conditions de

catalyse par transfert de phase.

109

Tout d’abord l’azoturation du chlorure de tosyle a été

réalisée en milieu biphasique (Et

2

O-H

2

O) en présence de quantité catalytique (10 mol%) de

bromure de tétrahexylammonium (THAB). Ensuite, l’acétoacétate d’éthyle et une solution

aqueuse de soude à 11% sont additionnés pour induire la réaction de transfert de diazo. Après

108

Benfatti, F.; Yilmaz, S.; Cozzi, P. G. Adv. Synth. Catal. 2009, 351, 1763-1763.

109

(a) Arai, S.; Hasegawa, K.; Nishida, A. Tetrahedron. Lett.2004, 45, 1023-1026 et Tetrahedron. Lett. 2005,

désacétylation in situ de l’intermédiaire diazodicarbonylé conduisant à l’énolate sodique de

196a, l’aldéhyde est ensuite additionné pour l’étape de condensation aldolique (Schéma 75).

!" #$% & ' ( !" #$% "%) !" #$% % % * + * !" #$% ' , ) ' + (- + . & / * (- + . & 0 / 1 / % %

Schéma 75

En 2006, Adapa et collaborateurs ont montré qu’en présence d’une quantité

catalytique d’hydroxyde de tétrabutylammonium et en utilisant le DMSO comme solvant, les

réactions de condensation aldolique se font avec de bons rendements (Schéma 76).

110

Ils ont

décrit plusieurs exemples d’aldéhydes aromatiques et hétéroaromatiques. La réaction

fonctionne aussi avec des aldéhydes aliphatiques et vinyliques.

Schéma 76

En 2005, Sreedhar et collaborateurs ont montré que l’emploi d’une quantité

catalytique de tert-butylate de potassium (5 mol%) dans l’eau conduit aux

α-diazo-β-hydroxyesters avec des rendements moyens à excellents, avec un temps de réaction

allant de 6 à 12 heures (Schéma 77).

111

Le polyéthylène glycol (MW 600) peut aussi être

utilisé comme solvant, même si les rendements sont légèrement inférieurs à ceux obtenus

dans l’eau.

Schéma 77

110

Varala, R.; Enugala, R.; Nuvula, S.; Adapa, S. R. Tetrahedron Lett.2006, 47, 877-880.

111

Li et collaborateurs ont montré que cette réaction peut aussi avoir lieu de façon très

efficace sans solvant, en présence de 0,3 équivalent de tert-butylate de potassium, avec des

temps de réaction plus courts (30 minutes à 2 heures).

112

L’hydrure de sodium a été employé par l’équipe de Deng pour l’addition de

diazoacétate d’éthyle sur des aldéhydes acétyléniques dans le THF (Schéma 78).

113

Les

produits 215a-e ont été obtenus avec des rendements variant de 38 à 65%.

Schéma 78

Les amines peuvent également catalyser l’addition d’α-diazoesters sur les composés

carbonylés. Eister et Borggrefe avaient montré à la fin des années 60 que l’addition du

diazoacétate d’éthyle sur l’isatine en présence de diéthylamine dans l’éthanol comme solvant

était une réaction efficace (Schéma 79).

114

La réaction est longue (3 jours) mais le composé

217 a été obtenu avec un très bon rendement de 80%.

!" #$%

(

' % % 2

Schéma 79

En 2002, l’équipe de Wang a publié des conditions douces pour l’addition

d’α-diazoesters sur des aldéhydes en présence d’une quantité catalytique de

1,8-diazabicyclo[5.4.0]undec-7-ène (DBU) dans l’acétonitrile anhydre (Schéma 80).

115a

A partir de l’anisaldéhyde, au bout de 24 heures de réaction, seulement 27%

d’α-diazo-β-hydroxyester correspondant a été isolé. Pour les autres aldéhydes testés, après

112

Chen, S.; Yuan, F.; Zhao, H.; Li, B. RSC Adv.2013, 3, 12616-12620.

113

Deng, G.; Xu, B.; Wang, J. Tetrahedron2005, 61, 10811-10817.

114

(a) Eister, B.; Borggrefe, G. Liebigs Ann. Chem. 1968, 718, 142-147. Voir aussi (b) Gioiello, A.;

Venturoni, F.; Marinozzi, M.; Natalini, B.; Pellicciari, R. J. Org. Chem. 2011, 76, 7431-7437.

115

(a) Jiang, N.; Wang, J. Tetrahedron Lett.2002, 43, 1285-1287. (b) Xiao, F.; Liu, Y.; Wang, J. Tetrahedron

Lett.2007, 48, 1147-1149.

8 heures la réaction est terminée. L’acétonitrile peut être aussi remplacé par l’eau mais la

quantité de DBU doit être augmentée à 30 mol%.

115b

Schéma 80

Ces auteurs n’ont pas décrit d’exemple sur des cétones mais dans une publication

récente, il a été montré que le DBU peut être utilisé pour la cyclisation d’un diazoester lié à

une cyclohexanone (Schéma 81).

105

En effet, le diazoester 219 préparé à partir de la

dihydroxycétone 218 a été traité par le DBU (en excès) dans le dichlorométhane à

température ambiante pour conduire à la lactone 220 avec un rendement de 37%

(deux étapes).

Schéma 81

Kantam et collaborateurs ont montré que la pyrrolidine catalyse aussi l’addition de

diazoacétate d’éthyle sur les aldéhydes. Ils ont obtenu les α-diazo-β-hydroxyesters avec de

bons rendements dans la plupart des cas, à partir d’aldéhydes aromatiques et

hétéroaromatiques (Schéma 82).

116

Après avoir testé plusieurs solvants organiques ou

mélanges de solvants organiques avec de l’eau les auteurs ont constaté que le meilleur

rendement est obtenu dans l’eau pure. Le temps de réaction varie de 30 minutes à 12 heures et

les rendements varient de 25 à 95%. Par contre un seul exemple avec un aldéhyde non

aromatique (cyclohexylcarboxaldéhyde) a été décrit.

116

(a) Kantam, M. L.; Chakrapani, L.; Ramani, T.; Reddy, K. R. Synth. Commun. 2010, 40, 1724-1729.

Pour l’utilisation de la pipéridine comme base dans ce type de réaction voir : (b) Zhang, G.; Sun, S.; Jiang, L.;

Sun, S.; Luo, X.; Chen, Z.; Guo, H.; Xing, Y. Tetrahedron Lett.2017, 58, 649-651.

Schéma 82

L’utilisation de différents catalyseurs basiques tels que le mélange d’oxydes de

Mg/La,

117

l’oxyde de Mg nanocristallin,

118

la tétraméthylguanidine supportée sur silice

119

a

été également décrite pour la condensation de 196a sur des aldéhydes (et parfois sur des

imines). Certains catalyseurs acides tels que le MgI

2

Et

2

O

120

et l’acide benzoïque

121

peuvent

aussi être utilisés dans ce type de réactions, sans que la fonction diazo ne soit éliminée au

cours de la réaction.

Des études sur la version énantiosélective de l’addition de diazoacétate d’éthyle sur les

aldéhydes ont été très actives ces dernières années. Les catalyseurs dérivés du BINOL, des

sels chiraux d’ammonium quaternaires, des diols ou triol chiraux ont été utilisés avec succès

dans ce domaine.

122

Cependant, cet aspect de la réactivité de diazoesters ne sera pas détaillé

ici.