Notre étude a démarré en traitant l’hydroxylamine tribenzyloxylée 273 avec le
tétra-acétate de dirhodium (10 mol%) dans le dichlorométhane à température ambiante. La
transformation de 273 a été rapide, celle-ci étant totalement consommée en 30 minutes. Le
composé majoritaire du mélange formé a été isolé avec un rendement de 53%. Sur la base de
ses données spectroscopiques, nous avons initialement proposé la structure 333 pour ce
produit, qui résulterait d’une expansion de cycle (Schéma 132).
Schéma 132
Cependant cette proposition initiale s’est avérée erronée. En effet, après avoir réduit la
nitrone supposée à 6 chaînons 333 par l’hydrure de lithium et d’aluminium, un composé
cristallin a été isolé, dont l’analyse par diffraction des rayons X
157(Figure 21) a prouvé sans
ambiguïté qu’il était l’hydroxylamine à 5 chaînons 335. Par conséquent, le composé (obtenu
par réaction de 273 en présence de catalyseur rhodié) dont a été issue cette hydroxylamine
335 devait être la cétonitrone à 5 chaînons, de structure révisée 334.
157
Données cristallographiques disponibles via le Cambridge Crystallographic Data Center sous la référence
CCDC 1483691. Voir annexe 2.
Figure 21
La formation du produit d’expansion 333 avait été initialement proposée en supposant
que le carbénoïde I évoluait pour former l’intermédiaire aziridinium II (voie a) à partir duquel
une expansion de cycle produirait le N-hydroxy énaminoester III, qui tautomériserait pour
donner la nitrone 333. En réalité, le carbénoïde I évolue via une migration d’hydrure (voie b)
vers le N-hydroxy énamino ester IV qui tautomérise pour conduire à la nitrone 334
(Schéma 133).
Ainsi, contrairement à l’hydroxylamine 246 qui en présence de tétra-acétate de
rhodium, évolue en nitrone 332 (voir Schéma 129) par attaque nucléophile de l’atome d’azote
sur le carbénoïde intermédiairement formé (voie a), l’hydroxylamine 273, dans les mêmes
conditions, évolue en nitrone 334 par migration 1,2 d’hydrure (voie b).
Par la suite, différents complexes de métaux de transition ont été testés dans le but
d’évaluer leur rôle et leur chimiosélectivité (migration 1,2 de l’atome d’azote de la fonction
hydroxylamine versus migration 1,2 d’hydrure) dans la transformation de l’hydroxylamine
diazotée 273 (Schéma 134, Tableau 17). Dans tous les cas, seule la nitrone 334 résultante de
la migration 1,2 d’hydrure a été isolée. Aucun des catalyseurs testés n’a induit une expansion
de cycle par migration de l’atome d’azote. Les complexes de ruthénium et de palladium ont
permis de convertir l’hydroxylamine 273 en cétonitrone 334 avec des rendements moyens
(Tableau 17, entrées 2-4). La catalyse avec le triflate d’argent (AgOTf) a été très efficace et la
cétonitrone 334 a été isolée avec un excellent rendement de 97% (Tableau 17, entrée 5). Les
autres complexes d’argent testés se sont révélés moins performants (Tableau 17, entrées 6-8).
Les complexes de cuivre ont aussi donné de très bons résultats (Tableau 17, entrées 9-13), et
notamment le tétrakis(acétonitrile) hexafluorophosphate de cuivre [Cu(CH
3CN)
4PF
6] s’est
avéré être un excellent catalyseur, produisant la cétonitrone 334 avec un rendement de 96% en
moins de 5 minutes (Tableau 17, entrée 11). La quantité de catalyseur employée a pu être
abaissée à 0,5 mol% sans affecter significativement l’efficacité de cette transformation
(Tableau 17, entrée 12).
Entrée Catalyseurs Conditions Temps Résultats (%)
1 Rh
2(OAc)
4(10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 30 min 53
2 [RuCl
2(p-cymène)]
2(10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 1,5 h 58
3 Pd(OAc)
2(10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 24 h 56
4 Pd(OAc)
2(10 mol%) Toluène, 80 °C 20 min 52
5 AgOTf (10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 20 min 97
6 AgBF
4(10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 50 min 82
7 AgOBz (10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 1,25 h 83
8 AgOAc (10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 2 h 22*
9 Cu(OTf)
2(15 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 45 min 77
10 Cu(acac)
2(20 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 1,75 h 62
11 Cu(CH
3CN)
4PF
6(10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. < 5 min 96
12 Cu(CH
3CN)
4PF
6(0,5 mol%) CH
2Cl
2, t.a. 40 min 86
13 Cu(CH
3CN)
4BF
4(10 mol%) CH
2Cl
2, t.a. < 5 min 86
*65% d’hydroxylamine de départ (273) récupérée
Tableau 17
Suite à ce criblage de catalyseurs, nous avons sélectionné l’utilisation de triflate
d’argent ou de complexe de cuivre Cu(CH
3CN)
4PF
6(10 mol%) dans le dichlorométhane à
température ambiante comme conditions optimales pour étudier la transformation d’autres
β-N-hydroxyamino α-diazoesters cycliques en cétonitrones analogues à 334. Toutes les
hydroxylamines dont la préparation est décrite dans le chapitre II de ce manuscrit ont été
traitées dans les deux jeux de conditions sélectionnés (Schéma 135, Tableau 18).
Ainsi par exemple, l’hydroxylamine 272a a été d’une part traitée par 10 mol%
d’AgOTf et d’autre part par 10 mol% Cu(CH
3CN)
4PF
6dans le dichlorométhane à température
ambiante (Tableau 18, entrée 1). Dans les deux cas, la cétonitrone 336 s’est formée très
rapidement, et elle a été isolée avec de très bons rendements (96% et 90% respectivement)
après chromatographie sur gel de silice. De la même façon, les hydroxylamines cycliques
polyalcoxylées 274-278 ont été transformées en cétonitrones 337-341 avec d’excellents
rendements (68-100%), en des temps très courts (Tableau 18, entrées 2-6).Toutes ces nitrones
sont nouvelles, et se sont avérées stables au stockage pendant plusieurs mois à −18 °C.
Schéma 135
Entrée Départ Catalyseur Temps Produit Rendement
(%)
1 272a
AgOTf < 5 min
96
Cu(CH
3CN)
4PF
6< 5 min 90
2 274a/274b
(r.d. = 60:40)
AgOTf 30 min
97
Cu(CH
3CN)
4PF
615 min 68
3 275
AgOTf 45 min
95
Cu(CH
3CN)
4PF
6< 5 min 89
4 276
AgOTf 30 min 100
Cu(CH
3CN)
4PF
6< 5 min 100
5 277
AgOTf 130 min
83
Cu(CH
3CN)
4PF
620 min 88
6 278
AgOTf 20 min
99
Cu(CH
3CN)
4PF
6< 5 min 88
Tableau 18
Les spectres RMN
1H des nitrones 334, 336-341 présentent deux doublets
(système AB) caractéristiques du nouveau méthylène situé entre la fonction nitrone et la
fonction ester. Le couplage
3J
C-Hdes signaux de ces protons avec ceux des atomes de
carbones quaternaires de l’ester d’une part et la fonction nitrone d’autre part sont visibles sur
le spectre HMBC de chaque produit. La migration d’hydrure semble être indépendante de la
stéréochimie du centre en α de la fonction diazo comme le montre la transformation du
mélange des diastéréoisomères 274a et 274b (r.d. = 60:40) qui a conduit à la formation
efficace d’une seule et même cétonitrone 337.
Nous avons poursuivi notre étude avec l’hydroxylamine α,α-disubstituée 281, un
substrat sur lequel la migration d’hydrure ne peut pas avoir lieu. Après avoir traité cette
hydroxylamine avec 10 mol% d’AgOTf sa transformation était totale au bout de 20 minutes et
deux produits ont été isolés après purification sur gel de silice. Leurs données RMN du proton
étaient distinctes mais pendant l’enregistrement des autres données RMN en solution dans
CDCl
3, nous avons constaté une transformation des deux produits initiaux en un seul et même
composé, différent des deux premiers. L’analyse par spectrométrie de masse de ce composé a
révélé la perte d’un motif benzyloxy et de diazote par rapport à l’hydroxylamine de départ
281. En combinant cette donnée avec les analyses RMN et IR nous avons conclut qu’il
s’agissait de la cétonitrone 342 (Schéma 136).
Schéma 136
La configuration E de la double liaison a été déduite de l’analyse du spectre NOESY
de 342 (Figure 22), qui présente une corrélation entre le proton H-6 (δ 6,68 ppm) et les
protons CH
2du groupement benzyloxy en C-4 (δ 4,70 ppm).
6 6
1
Figure 22
Pour expliquer la formation de cette nitrone nous avons proposé un mécanisme
(Schéma 137) avec la formation initiale du carbénoïde I qui s’insère dans la liaison
3C-H pour
donner un intermédiaire cyclopropane II. Il y aurait ensuite une ouverture du cyclopropane
par formation d’une double liaison C=N et d’un anion stabilisé en α de l’ester d’autre part.
Enfin, une β-élimination conduirait à l’ester insaturé 342. Nous supposons que les deux
produits isolés immédiatement après purification correspondaient aux deux épimères (en α de
l’ester) de l’hydroxylamine cyclopropane II. Cette hypothèse est basée sur le fait que leur
spectre RMN
1H présentait au niveau des signaux CH aromatiques un multiplet intégrant pour
un total de 20 protons.
Schéma 137
Une réactivité totalement différente a été observée lorsque la même hydroxylamine
281 a été mise en présence de 10 mol% de Cu(CH
3CN)
4PF
6. Cette fois-ci le spiro
tétrahydrofurane 343 a été isolé avec un rendement de 36% (Schéma 138).
Cette transformation serait issue de l’insertion du carbénoïde dans la liaison C-H benzylique
du substituant benzyloxyméthyle en C-2. Un couplage
3J
C-Hentre l’atome de carbone en C-3
et deux protons benzyliques (spectre HMBC) prouve qu’il ne s’agit pas d’un tétrahydrofurane
bicyclique (cf. Schéma 144) résultant de l’insertion du carbénoïde dans une liaison C-H
benzylique du substituant benzyloxy en C-3. Il n’a pas été possible de déterminer la
stéréochimie des deux nouveaux centres stéréogènes sur le cycle furanique (C-7 et C-8).
Schéma 138
La réactivité des N-hydroxypipéridines α-diazoesters en présence de ces deux
catalyseurs a aussi été évaluée. Cette étude a débuté par la mise en présence de
l’hydroxylamine 284 avec 10 mol% d’AgOTf dans le dichlorométhane à température
ambiante. Par rapport aux essais précédents, cette réaction a été très lente. Ce n’est qu’au bout
de 100 heures que nous avons observé la disparition totale du substrat de départ.
La cétonitrone attendue 344 et également le triazole 286 ont été isolés avec un rendement de
36% et 24% respectivement. Comme nous l’avons mentionné, l’hydroxylamine 284 est assez
instable et évolue avec le temps en triazole. Une façon de minimiser sa formation serait
d’accélérer la réaction de migration d’hydrure. Effectivement, avec 1 équivalent de
catalyseur, la transformation de l’hydroxylamine 284 en cétonitrone 344 a été bien plus rapide
(2 h 40 contre 100 heures) et la nitrone 344 a été isolée avec un bon rendement de 78%.
Même si la formation du triazole 286 n’a pas été totalement supprimée, elle a tout de même
été minimisée (Schéma 139). Avec le catalyseur au cuivre en quantité catalytique (10 mol%)
la transformation en cétonitrone 344 a été beaucoup plus rapide car il a fallu seulement
35 minutes de réaction. Cependant l’efficacité de la réaction a été moindre avec un rendement
de 60% pour la cétonitrone 344. Le triazole 286 a aussi été isolé avec un rendement de 6%.
Schéma 139
Les hydroxylamines diastéréoisomères 287a et 287b ont aussi été traitées par le triflate
d’argent (10 mol%) mais aucune trace du produit attendu 345 n’a été observée (Schéma 140).
A partir de l’hydroxylamine 287a, seul le triazole 291 a été isolé avec un rendement de 34%.
L’hydroxylamine 287b, quant à elle, s’est totalement dégradée au cours de la réaction.
Schéma 140
Par contre, les mêmes hydroxylamines 287a et 287b ont été transformées en
cétonitrone 345 lorsque le complexe de cuivre a été employé comme catalyseur
(Schéma 141). Le rendement obtenu à partir de chacun des diastéréoisomères n’est pas très
élevé (20% à partir de 287a et 37% à partir de 287b) mais la formation de triazole n’a pas été
observée dans ce cas. Ici aussi la conversion en cétonitrone a été beaucoup plus rapide avec le
catalyseur au cuivre qu’avec le triflate d’argent, ce qui limite la conversion de
l’hydroxylamine en imine, précurseur du triazole.
Schéma 141
Nous avons ensuite étudié la transformation des hydroxylamines tribenzyloxylées
288a et 288b en présence des deux complexes métalliques (Schéma 142). Contrairement au
cas précédent, chacun des diastéréoisomères a été converti en cétonitrone 346, avec 10 mol%
de triflate d’argent. A partir de 288a la transformation est particulièrement efficace avec un
rendement de 96% tandis qu’à partir de son isomère 288b un rendement moyen de 64% a été
observé. Il est à noter que le triazole n’a pas été détecté dans ces deux cas.
Schéma 142
En présence du catalyseur au cuivre la transformation en cétonitrone 346 a été bien
plus rapide mais par contre bien moins efficace et moins sélective (Schéma 143). La
formation de la nitrone 346 est concurrencée par la formation des tétrahydrofuranes 347 et
348 provenant de l’insertion du carbénoïde dans la liaison C-H du groupement benzyloxy en
β de la fonction diazo. Le composé bicyclique 347 a été obtenu à partir de l’hydroxylamine
288a, avec un rendement de 54%, légèrement supérieur à celui de la cétonitrone 346 (46%).
De façon étonnante, à partir de l’hydroxylamine 288b, le produit d’insertion C-H (348) se
forme de façon très majoritaire puisqu’il a été isolé avec un rendement de 66% contre
seulement 7% de cétonitrone 346. La configuration du nouveau centre stéréogène en α de
l’atome d’oxygène dans le cycle tétrahydrofurane des produits 347 et 348 a été déterminée
grâce à leur spectre NOESY, une corrélation étant visible entre les protons en C-8 (δ 5.09
ppm pour 347; δ 5.44 ppm pour 348) et en C-3 (δ 4.28 ppm pour 347; δ 4.22 ppm pour 348).
La configuration de l’atome de carbone en α de l’ester n’a pas pu être définie pour le
composé 347 mais elle l’a été pour 348, grâce à une corrélation entre les protons en C-7 (δ
3.67-3.53 ppm) et C-3 (δ 4.22 ppm).
Schéma 143
Par la suite nous avons testé la réactivité de l’hydroxylamine α,α-disubstituée 294
pour laquelle la migration 1,2 d’hydrure est impossible. Rappelons que dans le cas de
l’hydroxylamine α,α-disubstituée 281 une insertion du carbénoïde a eu lieu dans une liaison
C-H benzylique du substituant benzyloxyméthyle en C-2 pour former le spiro
tétrahydrofurane 343 (Schéma 138).
Nous avons commencé par mettre l’hydroxylamine 294 en présence de quantités
catalytiques de triflate d’argent ou de complexe de cuivre mais malheureusement seule sa
dégradation a été observée et aucun produit identifiable n’a été isolé. Par contre, avec
1 équivalent de chacun de ces complexes métalliques, les produits d’insertion dans la liaison
3