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L’utilisation d’un acide de Lewis pour catalyser l’addition d’α-diazoesters sur les

nitrones a également été envisagée, par analogie aux additions d’α-diazoesters sur des

composés carbonylés promues par une catalyse acide (voir Chapitre II, paragraphe II.1.2).

89m

Par exemple, le groupe de Maruoka a décrit la formation de cycloheptanones par addition

nucléophile d’α-diazoesters sur des cyclohexanones catalysée par BF

3

Et

2

O (Schéma 163).

183

Le mécanisme proposé pour cette réaction d’expansion de cycle implique une addition du

diazoester sur la cétone activée par l’acide de Lewis, conduisant à l’intermédiaire diazonium

I, puis une migration 1,2 d’alkyle accompagnée du départ d’une molécule de diazote produit

la cycloheptanone correspondante.

182

Peacock, L. R.; Chapman, R. S. L.; Sedgwick, A. C.; Mahon, M. F.; Amans, D.; Bull, S. D. Org. Lett. 2015,

17, 994-997.

183

(a) Hashimoto, T.; Naganawa, Y.; Maruoka, K. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 6614-6617. Pour une version

asymmétrique voir : (b) Hashimoto, T.; Naganawa, Y.; Maruoka, K. Chem. Commun.2010, 46, 6810-6812.

Schéma 163

Inspirés par ces travaux, nous avons imaginé que la cétonitrone 334, dans des

conditions similaires, pourrait former un intermédiaire diazonium I susceptible d’évoluer de

différentes manières (Schéma 164). La réaction la plus proche de celle de Maruoka

impliquerait une migration 1,2 de la liaison C-2/C-3 (expansion de cycle) et formerait la

cétonitrone à 6 chaînons 392 (voie b). Si c’est l’atome d’azote de l’intermédiaire I qui déplace

le diazote par substitution nucléophile (voie a), un intermédiaire aziridinium II se formerait et

ce dernier pourrait évoluer selon les voies a

1

ou a

2

pour former respectivement la

N-hydroxypipéridine 393 ou la ène-hydroxylamine III qui pourrait tautomériser en

cétonitrone à 6 chaînons 394. Enfin, si c’est l’atome d’oxygène de l’intermédiaire I qui

déplace le diazote par substitution nucléophile (voie c), une oxazétidine 395 pourrait être

formée.

Lorsque la cétonitrone 334 a été traitée par 1,5 équivalent de diazoacétate d’éthyle

dans les conditions décrites par l’équipe de Maruoka, aucune réaction n’a eu lieu. Par contre,

à température ambiante, la totalité de la nitrone 334 a été consommée en 50 minutes, pour

former un produit unique. L’analyse spectroscopique de ce produit a montré qu’il ne s’agissait

d’aucun des produits 392-395 mais du produit 396, résultant d’une O-alkylation avec perte de

diazote (Schéma 165). Celui-ci a été isolé avec un bon rendement de 80% en présence de

20 mol% de BF

3

Et

2

O. L’efficacité de cette réaction n’a pas été affectée par une diminution de

la charge en catalyseur (85% de rendement en présence de 10 mol% de BF

3

Et

2

O).

Schéma 165

Une façon d’expliquer la transformation de la nitrone 334 en produit 396 est illustrée

dans le Schéma 166. La cétonitrone 334 serait en équilibre céto-énolique avec

l’ène-hydroxylamine I. L’attaque de l’atome d’oxygène de cette hydroxylamine sur le diazonium II

produirait l’intermédiaire III qui, par prototropie, formerait le produit 396. Ce type de

mécanisme a déjà été proposé pour expliquer la O-alkylation d’alcools

89b,155a,184

et de

cétones

185

par les α-diazoesters. Formellement, cette transformation correspond à l’insertion

d’un carbène dérivé de l’α-diazoacétate d’éthyle dans la liaison O−H de l’intermédiaire N

-hydroxy-énamine I.

184

Newman, M. S.; Beal III, P. F. J. Am. Chem. Soc. 1950, 72, 5161-5163.

185

Schéma 166

La cétonitrone 334 a également été traitée par l’α-diazoacétate de tert-butyle (196b)

dans le dichlorométhane en présence de 10 mol% de BF

3

Et

2

O (Schéma 167). Le produit 397

a été isolé avec un rendement de 84%.

Schéma 167

Une corrélation nOe entre le proton vinylique (δ 5.39 ppm) et les protons du

méthylène en α de l’ester tert-butylique (δ 4.37 et δ 4.33 ppm) a permis de déterminer la

configuration E du produit 397 (Figure 34). Quelques N-alkoxyénamino β-esters ont déjà été

décrits dans la littérature, et dans tous les cas les produits sont de configuration E.

186

186

(a) Persson, T.; Nielsen, J. Org. Lett.2006, 8, 3219-3222. (b) Wrigglesworth, J. W.; Cox, B.; Lloyd-Jones, G.

C.; Booker-Milburn, K. I. Org. Lett.2011, 13, 5326-5329. (c) Li, D.-D.; Yuan, T.-T.; Wang, G.-W. Chem.

Commun.2011, 47, 12789-12791. (d) Smirnov, V. O.; Khomutova, Y. A.; Tartakovsky, V. A.; Ioffe, S. L. Eur.

J. Org. Chem.2012, 3377-3384.

Figure 34

Les diesters 396 et 397 ont été réduits par l’hydrure de lithium et d’aluminium pour

conduire au même alcool 398 avec des rendements respectifs de 78% et 57% (Schéma 168).

La fonction ester non conjuguée est réduite sélectivement dans ces conditions.

187

Schéma 168

D’autres cétonitrones polyalcoxylées ont également été mises à réagir avec

l’α-diazoacétate d’éthyle (1,5 équivalent) en présence de 10 mol% de BF

3

Et

2

O (Schéma 169,

Tableau 20). Dans tous les cas, le produit de O-alkylation a été formé avec de bons

rendements (63-90%). Comme 397, les produits 399, 402 et 403 ont la configuration E. Une

corrélation nOe entre le proton vinylique et les protons méthyléniques en α de l’ester et de

l’atome d’oxygène est visible sur leur spectre NOESY.

Schéma 169

187

Entrée Cétonitrone Temps Produit Rendement

(%)

1

1,5 h

90

2

1 h

68

3 1 h 90

4

1 h

63

5 2 h

85

Tableau 20

Le produit 402 a formé des cristaux pendant son stockage (évaporation d’une solution

éthérée à température ambiante et à l’air), que nous avons analysés par diffraction des rayons

X. De façon surprenante, le produit cristallisé ne correspondait pas à la structure 402 mais

s’est avéré être le composé 404,

188

une énamine de configuration Z dans laquelle le groupe

éthoxycarbonylmethyloxy a été transposé sur l’atome de carbone en β de l’atome d’azote et

en α de la fonction ester conjuguée (Figure 35). La proximité entre l’atome d’azote et l’atome

d’oxygène du carbonyle conjugué en β (distance de 0,75 Å) confirme la présence d’une

liaison hydrogène intramoléculaire, déjà invoquée pour expliquer la formation préférentielle

de ce type d’énamines dans leur configuration Z plutôt que E.

189

188

Voir annexe 5.

189

(a) Patureau, F. W.; Besset, T.; Glorius, F. Angew. Chem. Int. Ed.2011, 50, 1064-1067. (b) Patureau, F. W.;

Besset, T.; Fröhlich, R.; Glorius, F. C. R. Chimie2012, 15, 1081-1085. Voir aussi référence 186a.

Figure 35

La formation de l’énamine 404 à partir de 402 est difficile à expliquer. Nous pouvons

cependant avancer deux hypothèses mécanistiques justifiant la formation de 404. La première

(voie a, Schéma 170) impliquerait un réarrangement [2,3]-sigmatropique de la forme énolique

de 402 (intermédiaire I) qui produirait l’imine II, et cette dernière évoluerait spontanément

vers l’énamine 404 par tautomérie. La deuxième hypothèse impliquerait un mécanisme

radicalaire (voie b, Schéma 170). Une fragmentation homolytique de la liaison N-O

(en présence d’oxygène ou de lumière) pourrait former les deux radicaux aminyle (III) et

alcoxyle (IV), qui pourraient respectivement se réarranger en radicaux plus stables (V) et

(VI), dont la recombinaison formerait l’imine II.

190

Ce deuxième mécanisme ne justifie pas la

stéréochimie du produit 404. Comme l’efficacité de la formation de 404 à partir de 402 n’a

pas été quantifiée, on ne peut pas exclure que les deux diastéréoisomères en position C-2

soient formés mais qu’un seul n’ait été révélé par l’analyse cristallographique. Des

expériences supplémentaires seraient nécessaires pour comprendre ce réarrangement, étudier

les conditions qui l’induisent, et évaluer son efficacité ainsi que sa stéréosélectivité.

Schéma 170

190