CHAPITRE I Les iminosucres et leurs synthèses à partir de nitrones
I.3 Synthèse d’iminosucres bicycliques à partir de nitrones cycliques
I.3.3. b Application de cycloadditions 1,3-dipolaires à la synthèse d’iminosucres bicycliques
Comme déjà mentionné, les cycloadditions 1,3-dipolaires ont été souvent employées
pour la synthèse d’iminosucres. Ici nous ne présenterons que les synthèses d’iminosucres
bicycliques,
57plus particulièrement des pyrrolizidines et des indolizidines, à partir d’une
nitrone cyclique et d’un composé oléfinique. Les exemples de cycloadditions de nitrones à
5 chaînons sont les plus courants, même s’il existe quelques exemples de synthèses
d’iminosucres à partir de nitrones à 6 chaînons. Ces synthèses impliquent soit des
dipolarophiles pauvres en électrons, soit des dipolarophiles enrichis. De façon générale, après
la réaction de cycloaddition, la liaison N-O de l’isoxazolidine formée est réduite et une
cyclisation intramoléculaire a lieu pour conduire au squelette pyrrolizidine ou indolizidine
(Schéma 35). Des aménagements fonctionnels peuvent avoir lieu avant ou après l’étape de
réduction de la liaison N-O. Une étape de déprotection des fonctions hydroxyles en fin de
synthèse permet d’obtenir une pyrrolizidine ou une indolizidine polyhydroxylée.
Schéma 35
Quelques exemples de ces synthèses seront illustrés ici. Par souci d’organisation, nous
présenterons d’abord les synthèses impliquant des réactions de cycloaddition avec les
dipolarophiles appauvris en électrons puis celles utilisant les dipolarophiles enrichis. Dans
chaque partie, les exemples cités n’apparaitront pas nécessairement par ordre chronologique
des publications.
57
Pour des revues sur les synthèses d’iminosucres bicycliques, voir : (a) Lopez, M. D.; Cobo, J.; Nogueras, M.
Curr. Org. Chem. 2008, 12, 718-750. (b) Pansare, S. V.; Thorat, R. G. Targets in Heterocyclic Systems 2013, 17,
57-86. (c) Lahiri, R.; Ansari, A. A.; Vankar, Y. D. Chem. Soc. Rev. 2013, 42, 5102-5118.
• Cycloadditions avec des dipolarophiles appauvris en électrons
En 2003, l’équipe de Goti
58a décrit la synthèse de la (+)-hyacinthacine A
2, un
inhibiteur naturel de l’amyloglucosidase d’Aspergillus niger (IC
50= 8,6 µM)
59isolé de bulbes
de Muscari armeniacum, et celle de la 7-déoxycasuarine (Schéma 36).
58Ces deux synthèses
ont été réalisées à partir de la nitrone 13, par cycloaddition 1,3-dipolaire avec le
N,N-diméthylacrylamide. Un seul cycloadduit 80, provenant d’une approche exo-anti, a été
obtenu avec un bon rendement de 78%. La liaison N-O de l’isoxazolidine 80 a ensuite été
réduite par le zinc dans un mélange acide acétique-eau à 50 °C, conduisant au lactame 81
également avec un bon rendement de 80%. A partir de cet intermédiaire 81 la
(+)-hyacinthacine A
2et la 7-déoxycasuarine ont été obtenues avec des rendements de 30%
(3 étapes) et 57% (2 étapes) respectivement.
Schéma 36
De façon similaire, la même équipe a réalisé la synthèse totale de la
(+)-hyacinthacine A
1et de ses analogues 83, 84 et 85, à partir de la nitrone 16 (Schéma 37).
60Cette fois-ci l’acrylate de tert-butyle a été employé comme dipolarophile et sa réaction avec la
nitrone 16 a conduit à la formation des cycloadduits 82a et 82b (rapport 1,5:1) provenant
respectivement des approches exo-anti et exo-syn. Le diastéréoisomère majoritaire 82a a été
transformé en pyrrolizidines 83 et 84 tandis que le minoritaire a été converti en pyrrolizidine
85 et en (+)-hyacinthacine A
1. L’activité inhibitrice de la (+)-hyacinthacine A
1sur des
glycosidases avait déjà été évaluée, et une très bonne inhibition de la β-galactosidase
58
Cardona, F.; Faggi, E.; Liguori, F.; Cacciarini, M.; Goti, A. Tetrahedron Lett.2003, 44, 2315-2318.
59
Asano, N.; Kuroi, H.; Ikeda, K.; Kizu, H.; Kameda, Y.; Kato, A.; Adachi, I.; Watson, A. A.; Nash, R. J.;
Fleet, G. W. J. Tetrahedron: Asymmetry2000, 11, 1-8.
60
D'Adamio, G.; Goti, A.; Parmeggiani, C.; Moreno-Clavijo, E.; Robina, I.; Cardona, F. Eur. J. Org. Chem.
intestinale du rat avait été révélée (IC
50= 4,4 µM).
59Les pyrrolizidines 83 et 84 n’ont pas
montré une activité inhibitrice importante vis-à-vis des 12 glycosidases testées. En revanche,
la pyrrolizidine 85 s’est révélée être un très bon inhibiteur compétitif de l’amyloglucosidase
d’Aspergillus niger (IC
50= 7,7 µM) et de la β-glucosidase d’amande (IC
50= 14,5 µM).
Schéma 37
Tout récemment, le groupe de Goti a publié une étude sur la réaction de cycloaddition
entre divers dipolarophiles et les nitrones 13 et 16 dérivées du D-arabinose et du D-xylose
respectivement.
61Ces deux nitrones cycliques diffèrent entre elles par la stéréochimie du
centre en C-3 (Figure 9).
Figure 9
61
Martella, D.; D'Adamio, G.; Parmeggiani, C.; Cardona, F.; Moreno-Clavijo, E.; Robina, I.; Goti, A. Eur. J.
Org. Chem.2016, 1588-1598.
La nitrone 13 a été mise en réaction avec le N,N-diméthylacrylamide, l’acrylate de
méthyle et l’alcool homoallylique
62(Schéma 38, Tableau 3). Dans tous les cas, la
régiosélectivité de la cycloaddition a été totale, conduisant à la formation exclusive des
cycloadduits substitués en position 5 de l’isoxazolidine. Une excellente stéréosélectivité a été
observée lorsque le N,N-diméthylacrylamide et l’alcool homoallylique ont été employés
comme dipolarophile (Tableau 3, entrées 1 et 3). Dans les deux cas, seuls les
diastéréoisomères issus de l’approche exo-anti ont été obtenus avec un très bon rendement
(80 : 85% et 87 : 89%). Par contre deux diastéréoisomères (r.d. = 2,2:1) issus de l’approche
exo-anti (86a, majoritaire) et de l’approche endo-anti (86b) ont été obtenus dans la réaction
entre la nitrone 13 avec l’acrylate de méthyle. Des traces d’un autre isomère ont été détectées
par analyse RMN mais ce dernier n’a pas pu être isolé.
Schéma 38
Entrée Produit Alcène Conditions Rendements
(%)
r.d.
a:b
1 80 R = CONMe
2(1,2 équiv.)
CH
2Cl
2t.a., 3 j 85 1:0
2 86 R = CO
2Me
(1,5 équiv.)
CH
2Cl
2t.a., 3 j 98 2,2:1
*3 87 R = (CH
2)
2OH
(5 équiv.)
Toluène
60 °C, 4 j 89 1:0
* traces d’un autre diastéréoisomère non isolé
Tableau 3
Les réactions de cycloaddition de la nitrone 16 avec les mêmes dipolarophiles ont été
également régiosélectives mais la diastéréosélectivité faciale est médiocre (Schéma 39,
Tableau 4). Pour les réactions avec le N,N-diméthylacrylamide et l’acrylate de méthyle, le
diastéréoisomère majoritaire est celui issu de l’approche exo-anti tandis que le
diastéréoisomère minoritaire résulte de l’approche exo-syn (88a:88b = 2,3:1 et
89a:89b = 1,7:1). Une sélectivité inverse a été observée dans la réaction entre la nitrone 16 et
62
Martella, D.; Cardona, F.; Parmeggiani, C.; Franco, F.; Tamayo, J. A.; Robina, I.; Moreno-Clavijo, E.;
Moreno-Vargas, A. J.; Goti, A. Eur. J. Org. Chem. 2013, 4047-4056.
l’alcool homoallylique (90a:90b = 1:1,5). Cependant comme la proportion de ces
cycloadduits a été estimée sur les indolizidines obtenues après réduction de la liaison N-O,
elle n’est pas forcément précise.
Schéma 39
Entrée Produit Alcène Conditions Rendements
(%)
r.d.
a:b
1 88 R = CONMe
2(1,2 équiv.)
CH
2Cl
2t.a., 2 j 77 2,3:1
2 89 R = CO
2Me
(1,5 équiv.)
CH
2Cl
2t.a., 2 j 87 1,7:1
*3 90 R = (CH
2)
2OH
(5 équiv.)
Toluène
60 °C, 3 j 70 1:1,5
* traces de deux autres diastéréoismères non isolés
Tableau 4
Cette étude montre que la sélectivité faciale des cycloadditions de ce type de nitrones
cycliques dépend non seulement de leur configuration en C-3, mais aussi en C-5. Les deux
substituants en ces positions étant orientés en trans dans la nitrone 16, l’encombrement
stérique des deux faces est pratiquement équivalent. Dans la nitrone 13, les substituants en
C-3 et C-5 encombrent la même face, et de meilleures sélectivités en découlent.
Par ailleurs, le groupe de Fisera a exploité la cycloaddition des nitrones
tri-O-benzylées ent-13, 19, ent-19 et 38 avec l’acrylate de méthyle pour synthétiser
10 pyrrolizidines tétrahydroxylées 91-98 stéréoisomères de la 7-déoxycasuarine (Figure 10).
63L’activité inhibitrice de glycosidases de ces pyrrolizidines n’a pas été évaluée. La
cycloaddition de ent-13 avec l’acrylate de méthyle dans le THF à température ambiante
pendant 24 heures conduit (avec un rendement de 88%) à un mélange de cycloadduits
exo-anti et endo-anti dans une proportion de 80:20. La cycloaddition serait donc plus rapide et
plus stéréosélective que dans le dichlorométhane (cf. Schéma 38 et Tableau 3, entrée 2).
63
Figure 10
Les pyrrolizidines polyhydroxylées 102-105 ont été synthétisées par cycloaddition de
diverses nitrones cycliques dérivées de sucres avec la méthylvinyl cétone comme
dipolarophile.
64Par exemple, à partir de la nitrone 99 deux cycloadduits 100a et 100b ont été
obtenus avec un rendement global de 92%, mais avec une sélectivité faciale modeste
(proportion 1,6:1) en faveur de l’adduit résultant de l’approche exo-anti (Schéma 40). Le
cycloadduit majoritaire 100a a été transformé en pyrrolizidines 102 et 103 après une séquence
de réduction de la liaison N-O, d’amination réductrice, et de déprotection des fonctions
hydroxyles.
Schéma 40
64
De façon similaire, les pyrrolizidines 104 et 105 ont été préparées à partir des nitrones
13 et 16 (Schéma 41).
Schéma 41
Le groupe d’Herczegh a décrit la synthèse de l’indolizidine 111 par cycloaddition de la
nitrone cyclique à 6 chaînons 107 avec l’acrylate de méthyle (Schéma 42).
65Cette nitrone n’a
pas été isolée, mais elle a été générée in situ à partir de l’aldéhyde 106 et d’hydroxylamine
dans un mélange éthanol/eau, puis l’acrylate de méthyle a été additionné dans le milieu
réactionnel. Dans ces conditions, le cycloadduit 108 issu de l’approche exo-anti a été isolé
avec un rendement de 36% à partir de 106. Un second cycloadduit a été détecté par analyse
RMN du mélange brut (rapport 3:1 en faveur du cycloadduit 108) mais celui-ci n’a pas été
identifié. Au cours de la réduction de l’isoxazolidine 108 par le zinc dans l’acide acétique, une
cyclisation in situ a permis l’obtention de l’α-hydroxy lactame 109 avec un rendement de
87%. Après réduction de la fonction lactame, hydrolyse de l’ester et enfin hydrogénolyse des
groupements benzyles, l’indolizidine tétrahydroxylée 111 a été obtenue avec un rendement de
36% sur les 2 dernières étapes.
Schéma 42
65
Herczegh, P.; Kovács, I.; Szilágyi, L.; Varga, T.; Dinya, Z.; Sztaricskai, F. Tetrahedron Lett. 1993, 34,
1211-1214.
En 1999, Vasella et Peer ont décrit la cycloaddition de l’aldonitrone à 6 chaînons 1
avec l’acrylate de méthyle (Schéma 43).
23cDeux cycloadduits issus des approches exo-syn et
endo-syn (89%, 112a:112b = 3:2) ont été obtenus. L’approche syn est ici favorisée étant
donné que les substituants en C-4, C-5 et C-6 de la nitrone gênent l’approche anti du
dipolarophile. L’approche endo est ici opérante, alors qu’elle n’a pas été observée dans les
précédents exemples de cycloaddition impliquant des acrylates d’alkyle avec les nitrones
cycliques à 5 chaînons. Après une séquence classique de réduction de la liaison N-O par le
zinc, réduction du lactame et débenzylation des fonctions hydroxyles, les indolizidines
tétrahydroxylées 113 et 114 ont été isolées avec des rendements de 45 et 50% (à partir des
cycloadduits). Si le composé 114 a montré une faible activité inhibitrice d’α-L-fucosidase de
bovin (IC
50= 5 µM), l’indolizidine 113 s’est avérée être un très bon inhibiteur de cette
enzyme (IC
50= 0,58 µM).
Schéma 43
Le maléate de diméthyle a aussi été employé comme dipolarophile dans des
cycloadditions avec des nitrones à 5 chaînons pour la synthèse de pyrrolizidines
polyhydroxylées. Cependant la stéréosélectivité de ces réactions a été en général médiocre.
Des cycloadduits résultant d’une approche endo sont formés en quantités non négligeables,
probablement en raison de la présence des deux fonctions ester sur ce dipolarophile. Ainsi, la
réaction de la nitrone 115 avec ce dipolarophile a formé un mélange de trois cycloadduits
(116a-c) en proportion 5:1:1. Le produit majoritaire (116a), issu de l’approche exo-anti a été
transformé efficacement en 7-épi-croalbinécine (Schéma 44).
66Le cycloadduit exo-syn 116c,
66
a quant à lui été transformé en (−)-croalbinécine. Selon la même stratégie, la (−)-hastanécine a
également été synthétisée à partir de la nitrone benzoylée 117.
Schéma 44
La cycloaddition du maléate de diméthyle avec la nitrone ent-99 (Schéma 45) a
également conduit à la formation de trois cycloadduits (r.d. = 9,6:6:1) provenant des
approches exo-anti (118a), endo-anti (118b) et exo-syn (118c).
67Comme dans le cas
précédent, l’approche endo du maléate de diméthyle sur la nitrone est minoritaire mais
significative. Par contre, une meilleure sélectivité syn/anti a été observée, en raison de la gêne
stérique induite par l’acétonide, qui défavorise l’approche syn. Les pyrrolizidines 119 et 120
ont été obtenues en quelques étapes à partir du cycloadduit majoritaire 118a. Une évaluation
de leur activité inhibitrice sur différentes glycosidases a montré que la pyrrolizidine 119 est
totalement inactive alors que son analogue insaturé 120 est un inhibiteur sélectif des
α-mannosidases d’amande et de Jack bean (IC
50= 11 µM et 7,4 µM respectivement).
67
Schéma 45
L’équipe de Goti a aussi décrit la cycloaddition de la nitrone 13 avec un acrylate
d’alkyle β-silylé original, le composé 121 de configuration Z. Grâce à ce dipolarophile, cette
équipe a réalisé la synthèse totale de la (+)-casuarine,
68et de la (−)-uniflorine A,
69des
pyrrolizidines pentahydroxylées isolées de plantes de la famille des myrtacées (Schéma 46).
Une régio- et une stéréosélectivité totale ont été observées lors de l’étape de cycloaddition.
L’isoxazolidine 122 a été isolée avec un bon rendement de 79%. A partir de cet intermédiaire,
en quelques étapes dont une oxydation de Tamao-Fleming pour transformer le groupe silylé
en hydroxyle, la (+)-casuarine et la (−)-uniflorine A ont été synthétisées avec des rendements
globaux de 55% et 14% respectivement. La (+)-casuarine est un bon inhibiteur de la maltase
intestinale du rat (IC
50= 0,7 µM) et de l’amyloglucosidase Aspergillus niger
(IC
50= 0,7 µM).
70La (−)-uniflorine A est également un inhibiteur de maltase intestinale du
rat mais de façon moins significative (IC
50= 12 µM). Elle inhibe aussi la sucrase avec un IC
50de 3,1 µM.
7168
Cardona, F.; Parmeggiani, C.; Faggi, E.; Bonaccini, C.; Gratteri, P.; Sim, L.; Gloster, T. M.; Roberts, S.;
Davies, G. J.; Rose, D. R.; Goti, A. Chem. Eur. J. 2009, 15, 1627-1636.
69
Parmeggiani, C.; Martella, D.; Cardona, F.; Goti, A. J. Nat. Prod.2009, 72, 2058-2060.
70
Kato, A.; Kano, E.; Adachi, I.; Molyneux, R. J.; Watson, A. A.; Nash, R. J.; Fleet, G. W. J.; Wormald, M. R.;
Kizu, H.; Ikeda, K.; Asano, N. Tetrahedron: Asymmetry2003, 14, 325-331.
71
Matsumura, T.; Kasai, M.; Hayashi, T.; Arisawa, M.; Momose, Y.; Arai, I.; Amagaya, S.; Komatsu, Y. Pharm.
Biol.2000, 38, 302-307.
Schéma 46
La cycloaddition de la nitrone ent-19 avec 1 équivalent d’acrylate d’éthyle β-substitué
123 de configuration E a été décrite par le groupe de Vankar (Schéma 47).
72Celle-ci a été
effectuée dans le toluène à reflux (1 heure) et le cycloadduit 124 a été isolé avec un rendement
de 78%. Un isomère minoritaire ( 10%) a été détecté sur le spectre RMN du mélange brut
mais il n’a pas été identifié. L’isoxazolidine 124 a ensuite été transformée en indolizidines
125 et 126 et en pyrrolizidines 127 et 128. Ces iminosucres non naturels ont été testés comme
inhibiteurs de glycosidases et l’indolizidine 125 s’est révélée être un inhibiteur sélectif de la
β-galactosidase de foie bovin (IC
50= 17,1 µM).
Schéma 47
72
La cycloaddition entre la nitrone ent-19 et le dipolarophile 123 est régiosélective en
faveur de l’isoxazolidine comportant la fonction ester en position C-4.
73Comme illustré dans
la Figure 11, l’approche anti avec l’ester en endo (II) est la plus favorisée. L’approche avec
l’ester en exo (I) est quant à elle défavorisée en raison de la gêne stérique provoquée par le
substituant dioxolane présent sur le dipolarophile.
Figure 11
Chmielewski et collaborateurs se sont beaucoup intéressés à la stéréosélectivité des
cycloadditions de nitrones avec des lactones α,β-insaturées.
74A titre d’exemple, ils ont
montré que la cycloaddition entre la nitrone 115 et la δ-lactone 129 est totalement régio- et
stéréosélective, produisant un seul cycloadduit 130 (résultant de l’approche exo-syn) avec un
rendement de 81%. Ce dernier a été traité en milieu basique pour transformer la lactone à
6 chaînons en lactone à 5 chaînons. Le diol tricyclique 131 (obtenu avec un très bon
rendement de 88%) a été alors transformé en aldéhyde 132 par coupure oxydante en présence
de périodate de sodium. Cet intermédiaire 132 a été employé dans la synthèse totale de la
8-homocastanospermine
75et de la 1-homoaustraline
76(Schéma 48). L’activité inhibitrice de
ces deux composés a été évaluée sur l’α-glucosidase de riz et sur la β-glucosidase d’amande
mais aucune inhibition significative n’a été observée.
73
Pour d’autres exemples de cycloadditions de nitrones endocycliques avec des esters disubstitués non
symétriques, voir : Ali, S. A.; Khan, J. H.; Wazeer, M. I. M.; Perzanowski, H. P. Tetrahedron 1989, 45,
5979-5986.
74
Stecko, S.; Jurczak, M.; Panfil, I.; Furman, B.; Grzeszczyk, B.; Chmielewski, M. C. R. Chimie 2011, 14,
102-125 et références citées.
75
Pa niczek, K.; Socha, D.; Jurczak, M.; Solecka, J.; Chmielewski, M. Can. J. Chem. 2006, 84, 534-539.
76
Schéma 48
• Cycloadditions avec des dipolarophiles riches en électrons
L’équipe de Wightman a montré lors de la synthèse de la pyrrolizidine trihydroxylée
137 que la cycloaddition entre la nitrone ent-99 et l’alcool allylique silylé 133, effectuée dans
le toluène à reflux, conduit à une seule isoxazolidine (134) provenant de l’approche exo-anti
(Schéma 49).
77Obtenu avec un excellent rendement de 94%, ce cycloadduit 134 a été désilylé
puis transformé en mésylate 135 avec un rendement de 90%. Après hydrogénolyse de la
liaison N-O, substitution nucléophile sur l’atome de carbone portant le mésylate par l’atome
d’azote et déprotection de l’acétonide, la pyrrolizidine polyhydroxylée 137 a été isolée sous
forme de sel de trifluoroacétate avec un rendement de 74%.
Schéma 49
77
Suivant la même séquence, l’indolizidine 143, un analogue de la swainsonine, a été
préparée en utilisant l’alcool homoallylique silylé (138) comme dipolarophile (Schéma 50).
77Le cycloadduit unique 139, obtenu avec un rendement de 92%, a ensuite été converti en
mésylate 140 qui cyclise spontanément en intermédiaire 141. Après une étape
d’hydrogénolyse et déprotection de l’acétonide, l’indolizidine 143 a été obtenue sous forme
de chlorhydrate avec un bon rendement de 76% après cristallisation.
Schéma 50
Cette stratégie a été aussi appliquée à la synthèse de quatre pyrrolizidines
polyhydroxylées 144-146 par l’équipe de Wightman (Figure 12).
78Dans tous les cas, la
régiosélectivité de l’étape de cycloaddition a été excellente et le diastéréoisomère provenant
de l’approche exo-anti a été obtenu majoritairement voire exclusivement. L’activité anti
HIV-1 des pyrrolizidines 137, 146 et ent-146 ainsi que de l’indolizidine 143 a été évaluée
mais malheureusement aucune activité significative n’a été observée.
Figure 12
78
(a) Hall, A.; Meldrum, K. P.; Therond, P. R.; Wightman, R. H. Synlett1997, 1, 123-125. (b) McCaig, A. E.;
Meldrum, K. P.; Wightman, R. H. Tetrahedron1998, 54, 9429-9446.
Carmona et collaborateurs ont publié la synthèse de la 7-déoxycasuarine à partir de la
nitrone tribenzyloxylée 13 par cycloaddition avec l’alcool allylique. Deux isoxazolidines 147a
et 147b ont été isolées avec la formation majoritaire de celle provenant de l’approche exo-anti
(Schéma 51).
79Après mésylation du cycloadduit majoritaire 147a, le sulfonate résultant 148 a
été soumis à la coupure de la liaison N-O en présence de complexe de molybdène
hexacarbonyle dans un mélange acétonitrile-eau. La pyrrolizidine 149, obtenue avec un
rendement de 76%, a été ensuite hydrogénolysée pour conduire à la 7-déoxycasuarine avec un
rendement de 60%. Cette pyrrolizidine est un inhibiteur puissant et sélectif de
l’amyloglucosidase de moisissure de Rhizopus (IC
50= 4,2 µM).
Schéma 51
Tandis que la cycloaddition de la nitrone ent-4 avec l’alcool allylique est peu
stéréosélective et conduit à la formation de quatre cycloadduits (voir Schéma 34), la même
réaction sur la nitrone 13 produit seulement deux cycloadduits 147a et 147b provenant d’une
approche anti (Schéma 51). Cette stéréodifférenciation peut être expliquée par le fait que
l’encombrement stérique provoqué par le substituant benzyloxyméthyle en C-5 de la nitrone
13 contribue à défavoriser l’approche syn du dipolarophile.
79
Comme indiqué précédemment (voir Tableau 3 et Tableau 4), les nitrones 13 et 16
réagissent sur l’alcool homoallylique avec des sélectivités faciales variables (Schéma 52).
61,62Ces cycloadditions ont été appliquées à la synthèse totale de trois indolizidines
tetrahydroxylées, 150 à partir du cycloadduit 87, 151 à partir du cycloadduit 90a et 152 à
partir du cycloadduit 90b. Ces indolizidines sont de bons inhibiteurs de l’amyloglucosidase
d’Aspergillus niger (5,9 < IC
50< 20,6 µM).
Schéma 52
Le groupe de Tamayo a synthétisé deux pyrrolizidines et deux indolizidines
pentahydroxylées par cycloaddition de la nitrone 13 avec le (2S)-1-acétoxy-but-3-èn-2-ol
(153) et le (2R)-1,2-diacétoxybut-3-ène (157), deux dipolarophiles obtenus respectivement
avec une pureté optique de 64% et 63% par voie enzymatique (Schéma 53).
80Les
cycloadduits 154 et 158 ont été obtenus de façon totalement stéréosélective et avec des bons
rendements (70% et 74%) après chauffage à 70 °C sous irradiation micro-ondes. Ils ont été
ensuite transformés en composés bicycliques 155, 156, 159 et 160 par des aménagements
fonctionnels classiques.
80
Schéma 53
Peu de temps après, Tamayo et Goti ont publié la synthèse de deux indolizidines
méthylées en C-5 (163 et 166) et d’une pyrrolizidine méthylée en C-5 (169) qui peuvent être
considérées comme étant des analogues de la hyacinthacine B
4ou de la hyacinthacine C
5(Schéma 54).
62Cette fois-ci la réaction de cycloaddition a été effectuée entre la nitrone 13 et
les acétates 161 (e.e. = 82%), 164 (e.e. = 86%) et 167 (e.e. = 52%). Les cycloadduits 162, 165
et 168 ont été obtenus de façon régio- et stéréosélective avec de bons rendements (51, 74 et
61% respectivement). L’activité inhibitrice des iminosucres obtenus vis-à-vis des
glycosidases a été évaluée mais seule la pyrrolizidine 169 a montré une réponse intéressante,
en tant qu’un inhibiteur de l’amyloglucosidase d’Aspergillus niger (IC
50= 39 µM).
Schéma 54
L’acétate de vinyle a aussi été employé comme dipolarophile riche en électrons, dans
une réaction de cycloaddition avec la nitrone 170 (dérivée du D-mannose).
81Deux
diastéréoisomères 171a et 171b ont été obtenus dans une proportion 87:13 en faveur du
composé 171a, provenant d’une approche exo-syn (Schéma 55). L’approche exo-anti serait ici
défavorisée par la gêne stérique causée par le substituant dioxolane en position C-5.
L’isoxazolidine 171a a été isolée avec un bon rendement de 78% et sa configuration absolue a
été confirmée par analyse cristallographique. Elle a été ensuite transformée en α-cétoester
masqué 173 par réaction avec l’acétal de cétène silylé 172. Après 6 étapes, la pyrrolizidine
hexahydroxylée 174 a été obtenue avec un rendement de 28%.
81
Be adiková, D.; Medvecký, M.; Filipová, A.; Monco , J.; Gembický, M.; Prónayová, N.; Fischer, R. Synlett
Schéma 55
Brandi et Goti ont publié en 1994, la synthèse totale de la (+)-lentiginosine, une
indolizidine extraite des feuilles d’Astragalus lentiginosus
82et qui est un inhibiteur sélectif de
l’amyloglucosidase d’Aspergillus niger (IC
50= 2,7 µM). L’étape clé de cette cycloaddition a
été effectuée entre la nitrone bis-silyloxylée 175 et le méthylène cyclopropane (Schéma 56).
83Un mélange d’isoxazolidines 176a et 176b dans une proportion 10:1 a été isolé avec un
rendement de 75%. Une faible quantité du régioisomère 176c a été détectée par analyse RMN
du mélange brut. Le diastéréoisomère majoritaire 176a issu de l’approche anti a ensuite été
chauffé au reflux du xylène pendant 1,5 heure pour induire un réarrangement thermique et
former l’indolizidinone 177. Après réduction de la cétone via une tosylhydrazone et
déprotection des fonctions hydroxyles, la (+)-lentiginosine a été isolée avec un rendement de
32% à partir de 177.
Schéma 56
82
Pastuszak, I.; Molyneux, R. J.; James, L. F.; Elbein, A. D. Biochemistry1990, 29, 1886-1891.
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