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Les nitrones sont en général de bons électrophiles, et elles réagissent avec de

nombreux organométalliques pour former des hydroxylamines (cf. chapitre I, paragraphes

I.2.3 et I.3.1).

43

Cependant, la plupart des exemples de ce type de réactions concerne des

additions sur des aldonitrones, et les additions sur des cétonitrones cycliques ont été bien

moins décrites.

38a,86,176

Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à la réactivité des cétonitrones

cycliques obtenues pendant ce travail vis-à-vis de l’α-diazoacétate d’éthyle lithié dans les

conditions développées dans le chapitre II. Ainsi, la nitrone 334 a été traitée par 1,5

équivalent d’α-diazoacétate d’éthyle 196a et de LiHMDS dans le THF à −78 °C. Cependant,

aucune réaction n’a eu lieu et la cétonitrone 334 a été récupérée dans sa totalité (Schéma 157).

Schéma 157

176

(a) Marco, J. A.; Carda, M.; Murga, J.; Portolés, R.; Falomir, E.; Lex, J. Tetrahedron Lett. 1998, 39,

3237-3240. (b) Delso, I.; Melicchio, A.; Isasi, A.; Tejero, T.; Merino, P. Eur. J. Org. Chem.2013, 5721-5730.

L’addition de divers organométalliques sur la nitrone 334 a également été étudiée dans

notre équipe par Anaïs Vieira Da Cruz pendant son stage de Master 1.

177

Par exemple, cette

nitrone a été traitée par du méthyllithium dans le THF à −78 °C.

147c

Aucune réaction n’ayant

lieu à cette température (suivi par CCM), la température du milieu réactionnel a été élevée

progressivement jusqu’à 5 °C, mais le produit attendu de C-méthylation 385, n’a pas été

détecté par analyse du mélange brut issu de cette expérience. Après chromatographie, seule la

nitrone de départ (41%) a été isolée. De façon similaire, les tentatives de C-vinylation de la

nitrone 334 n’ont pas permis d’isoler l’hydroxylamine 386. Ni le bromure de vinylmagnésium

(dans le THF à −78 °C ou dans le dichlorométhane de 0 °C à température ambiante),

33

ni

l’espèce organocérique correspondante

178

ne se sont additionnés à cette nitrone, qui a été

récupérée intacte après ces essais (Schéma 158).

Schéma 158

La C-alcynylation de la nitrone 334 s’est également avérée inopérante (Schéma 159),

qu’elle ait été tentée en employant du bromure d’éthynylmagnésium

179

(dans le

dichlorométhane, de 0 °C à température ambiante), du phénylacétylène en présence d’un

excès de diéthyl zinc dans le toluène à température ambiante

180

ou en présence de la base de

177

Vieira da Cruz, A. Rapport de Master 1, Université de Grenoble, 2015.

178

Imamoto, T.; Hatajima, T.; Ogata, K. Tetrahedron Lett. 1991, 32, 2787-2790.

179

Bonanni, M.; Marradi, M.; Cicchi, S.; Faggi, C.; Goti, A. Org. Lett.2005, 7, 319-322.

180

Hünig, de TMSOTf et d’une quantité catalytique de ZnBr

2

dans l’éther.

181

Dans tous les cas,

la nitrone 334 n’a pas réagit et a été entièrement récupérée après la purification.

Schéma 159

L’échec des additions d’organométalliques sur la nitrone 334 peut être dû à un

encombrement stérique trop important au niveau de l’atome de carbone électrophile en C-2.

En effet, lorsqu’un nucléophile moins encombré est employé, tel qu’un hydrure délivré par

NaBH

4

dans le méthanol, la cétonitrone 334 est réduite en hydroxylamine 389 (Schéma 160).

Cette hydroxylamine a été isolée avec un rendement non optimisé de 55%, sous la forme d’un

seul diastéréoisomère, résultant de l’addition d’hydrure sur la face opposée au groupe

benzyloxy en C-3. La configuration en C-2 de l’hydroxylamine 389 a été confirmée par

NOESY. Le spectre présente en effet une corrélation non ambigüe entre le proton H-2 ( 3.50

ppm) et le proton H-5 ( 3.14-3.10 ppm).

Schéma 160

La faible réactivité de la cétonitrone 334 vis-à-vis des organométalliques peut aussi

s’expliquer par une énolisation en milieu basique, par déprotonation du méthylène activé en α

de la fonction ester et de la fonction nitrone. Afin de vérifier cette hypothèse, l’addition du

lithio-diazoacétate d’éthyle à la cétonitrone 334 a été reproduite en traitant le milieu

réactionnel par de l’eau lourde (D

2

O) après 1,5 heure de contact des réactifs, à −78 °C

(Schéma 161).

181

Schéma 161

Le spectre RMN

1

H du produit ainsi obtenu (spectre B, Figure 32) montre clairement

la diminution d’intensité et le changement de multiplicité des signaux correspondants aux

protons méthyléniques de la nitrone 334 (spectre A, Figure 32) aux déplacements chimiques

3.33 ppm et 3,80-3,75 ppm. A la place des deux doublets, apparaissent des singulets larges

de faible intensité, correspondant à deux produits mono-deutérés diastéréoisomères.

L’intégration du signal à 3.33 ppm par rapport aux autres signaux du spectre montre que ces

produits sont présents à hauteur de 30% environ. Un résidu de nitrone 334 non deutérée

(environ 30% aussi) semble également présent d’après ce spectre (doublet à 3.33 ppm de

faible intensité), ce qui indiquerait la présence dans l’échantillon de 40% environ de produit

dideutéré. Le spectre RMN

13

C (DEPT) de cet échantillon confirme la deutériation

(Figure 33). En effet, le signal correspondant au méthylène en C-2 (δ = 30.7 ppm) présente

une intensité faible par rapport aux autres signaux méthyléniques (méthylènes des benzyloxy

et du groupe éthyle). De plus, un triplet (J = 20 Hz) à δ = 30.5 ppm signe la présence d’un

atome de carbone lié à un atome d’hydrogène et à un atome de deutérium dans 390. L’atome

de carbone quaternaire d’un produit dideutéré n’a par contre pas été détectable sur ce spectre.

De façon décevante, l’analyse par spectrométrie de masse de cet échantillon a révélé une

masse moléculaire correspondant à celle de la cétonitrone 334 (m/z = 503) et non à celle de

390. Nous avons conclu que l’échantillon traité par D

2

O contenait bien majoritairement des

produits deutérés (d’après la RMN), mais qu’un échange deutérium / proton avait lieu dans les

conditions de l’analyse par spectrométrie de masse.

Figure 32

De plus, après purification de cet échantillon sur gel de silice, un nouveau spectre

RMN (spectre C, Figure 32) a été enregistré, et celui-ci est identique à celui de la nitrone 334.

Ceci confirme la facilité de l’échange deutérium / proton, qui peut être réalisé par simple

contact avec la silice. L’échantillon ayant servi à enregistrer le spectre C (0.5 mL solution

dans CDCl

3

) a ensuite été mis en contact avec une goutte de D

2

O pendant 24 heures (avec

agitation toutes les 3-7 heures) et le spectre D (Figure 32) a été enregistré : de nouveau, les

signaux méthyléniques en C-2 ont quasi complètement disparu, confirmant cette fois un

échange proton / deutérium. La facilité avec laquelle ces échanges ont lieu suggère la forte

propension de la cétonitrone 334 à exister sous sa forme N-hydroxy-énamine selon un

équilibre de type céto-énolique. Ceci expliquerait sa très faible réactivité vis-à-vis des

nucléophiles. Nous avons essayé de piéger l’énaminolate correspondant (intermédiaire I,

Schéma 161) en traitant la nitrone 334 par du LiHMDS puis un excès d’iodométhane

(électrophile), mais sans succès. La nitrone de départ été récupérée intacte lors de cet essai.

En parallèle de nos travaux, l’équipe de Bull a préparé des cétonitrones cycliques

comportant aussi un substituant éthoxycarbonylméthyle (391a-g).

182

Ces auteurs ont aussi

décrit une faible réactivité de ces nitrones dans diverses conditions (Schéma 162). Par

exemple, le bromure de méthyl magnésium ne s’additionne pas à la nitrone 391a, et

l’umpolung induit par SmI

2

n’a pas permis de faire réagir 391a avec l’acrylate d’éthyle (voir

Supporting Information de cet article). Comme nous, ces auteurs ont aussi montré que ces

nitrones incorporent facilement des atomes de deutérium par tautomérisation.

Schéma 162