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I. Définition du concept de « précarité »

II. Contexte épidémiologique de la précarité

III. Précarité et santé

IV. Évaluation d’un sujet en situation de précarité V. Principaux dispositifs

de prise en charge de la précarité

Objectifs pédagogiques

* Connaître les facteurs de risque.

* Évaluer la situation de précarité, définir les différents types et niveaux de précarité.

* Connaître les morbidités les plus fréquemment rencontrées et leurs particularités.

* Évaluer la situation médicale, psychologique et sociale d’un sujet en situation de précarité.

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Cas cliniques Sides

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Points clefs

Acteurs de risque :

* habitudes de vie associées à des comportements de santé à risque,

* difficultés dans l’accès aux soins de santé et à la prévention.

Morbi-mortalité associée :

* non-psychiatrique (infectieuse, dentaire, dermatologique),

* psychiatrique (troubles de l’humeur essentiellement, trouble schizophrénique, troubles anxieux, troubles de l’adap-tation, conduites suicidaires),

* troubles addictifs et leurs conséquences.

Évaluation :

* médicale non-psychiatrique (maladie mettant en jeu le pronostic vital, maladies chroniques, troubles addictifs et leurs complications, handicap),

* médicale psychiatrique (évaluer le degré de souffrance psychique et le risque suicidaire),

* sociale (statut social, conditions de vie, couverture maladie, ressources).

Prise en charge :

elle doit être multidisciplinaire :

* médico-sociale (cabinets médicaux, hôpitaux publics, CMP pour la psychiatrie, CDS, CDAG, centres de prévention, PASS, LHS, EMPP),

* aides financières (Revenus : RSA, AAH, APA, Prise en charge des frais de santé : CMU, CMU-C, AME),

* associations à but non lucratif.

1.

Définition du concept de « précarité »

1.1.

La précarité

La précarité est définie comme un état de fragilité et d’instabilité sociale caractérisé par « l’ab-sence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obli-gations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux ».

Les sécurités indispensables à la santé, identifiées par l’OMS, sont :

* se loger,

* accéder à l’éducation et à l’information,

* se nourrir convenablement en quantité et qualité,

* disposer d’un revenu suffisant, certain et stable,

* bénéficier d’un écosystème stable, protecteur,

* compter sur un apport durable de ressources,

* avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable.

La précarité ne caractérise pas une catégorie sociale particulière mais un ensemble de situations de non sécurité et de fragilisation économique, sociale et familiale. La précarité est une situation dynamique, réversible et multifactorielle.

La précarité est le produit de :

* dimensions structurelles (sociales et économiques) de menaces à court ou moyen terme,

* dimensions subjectives (perception de sa situation, stratégie d’ajustement, etc.) (cf. Item 01).

La notion de précarité va au-delà de la notion de pauvreté. Ainsi, un sujet en situation de précarité n’est pas forcément pauvre ni exclu.

113 1.2.

La pauvreté

La pauvreté est un terme qui se rapporte généralement à la pauvreté monétaire. Elle est donc définie comme l’état d’une personne ou d’un groupe qui dispose de peu de ressources écono-miques. C’est un concept économique différent de celui de précarité.

Le seuil de pauvreté monétaire correspond à un seuil de ressources du ménage inférieur ou égal à un pourcentage des ressources médianes des ménages d’une population. Il s’agit donc d’une définition statistique relative. Par exemple, le seuil de pauvreté monétaire à 50 % du niveau de vie médian de la population s’établit, en 2011, est à 814 euros mensuels pour une personne seule.

7,9 % de la population vivent en dessous de ce seuil, soit 4,9 millions de personnes.

L’INSEE calcule également la pauvreté en conditions de vie, mesurée par l’indicateur qui synthétise les réponses à vingt-sept questions relatives à quatre grands domaines (contraintes budgétaires, retard de paiement, restrictions de consommation et difficultés de logement). Cet indicateur cumule, pour chaque ménage, le nombre de difficultés sur les vingt-sept retenues. La proportion de ménages subissant au moins huit carences ou difficultés a été retenue pour définir le taux de pauvreté en conditions de vie, afin de retrouver le même ordre de grandeur que le taux de pauvreté monétaire.

Toutefois, la pauvreté monétaire et la pauvreté en conditions de vie ne se recoupent que très partiel-lement, de sorte qu’une partie de la population est pauvre selon l’un ou l’autre de ces critères.

Même si cet indicateur a diminué depuis 2004, un ménage sur cinq est touché par la pauvreté monétaire ou en conditions de vie.

1.3.

L’exclusion

L’exclusion est une réalité dynamique caractérisée par l’absence pour un individu, pendant une période plus ou moins longue, de la possibilité de bénéficier des mêmes droits sociaux qu’un autre individu. Il s’agit d’un processus de disqualification sociale aboutissant à une marginalité subie, conséquence de plusieurs défaillances socio-économiques, familiales ou médicales.

L’exclusion n’est pas une maladie, mais elle réduit le soutien social perçu et crée un sentiment d’inutilité sociale et de dévalorisation de soi à l’origine d’une intense souffrance psychique et de la difficulté à s’insérer dans un tissu social. Elle représente en ce sens un facteur de risque de développer certaines maladies (cf. items 1 et 58).

En utilisant une définition minimaliste et considérant qu’un individu en situation d’exclusion est une personne qui ne bénéficie pas des possibilités d’aide sociale (revenu, logement, école, santé), parce qu’elle n’en a pas le droit, qu’elle ignore ses droits ou n’a plus la capacité à faire les démarches nécessaires, le nombre d’exclus peut être estimé à environ 0,4-0,5 % de la population française, soit environ 300 000 personnes résidant sur le territoire français.

Une précarité prolongée risque de faire glisser ceux qu’elle affecte vers l’exclusion, qui représente la phase ultime de l’évolution de la précarité. L’exclusion est la forme extrême de la précarité.

2.

Contexte épidémiologique de la précarité

2.1.

Épidémiologie

Le phénomène de précarisation, au sens d’absence d’une ou plusieurs sécurités, toucherait 12 à 15 millions de personnes en France, soit 20 à 25 % de l’ensemble de la population.

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risque associés à la précarité qui augmentent la morbi-mortalité des individus (cf. Item 58).

La précarité est une illustration des inégalités sociales de la santé. En France, l’écart d’espérance de vie entre les ouvriers et les cadres supérieurs est très important, de 8 ans à 35 ans et de 4,5 ans à 60 ans.

2.2.

Facteurs de risque

Les deux principaux facteurs de risque sont :

* des habitudes de vie associées à des comportements de santé à risque (malnutrition, consom-mation de psychotropes, etc.) (cf. Item 01) ;

* des difficultés dans l’accès aux soins de santé et à la prévention.

Ces facteurs de risque sont liés notamment à :

* un faible niveau de ressources ;

* des conditions de travail plus à risque ;

* parfois la nationalité étrangère en raison du statut juridique (par exemple, absence de titre de séjour) et de pratiques discriminatoires ;

* etc.

Voir encadré « En pratique » page ci-contre.

3.

Précarité et santé

La morbi-mortalité médicale est augmentée chez les individus en situation de précarité. La préca-rité est en effet un facteur de risque de mauvais état de santé et inversement un problème de santé est un facteur de risque de précarité.

Tous les troubles psychiatriques, notamment chroniques et les troubles addictifs ainsi que les situations de handicap (cf. Item 117) peuvent avoir un retentissement fonctionnel à l’origine d’une précarisation du patient (difficultés d’insertion professionnelle, isolement, etc.). À l’inverse, la précarité favorise la survenue de troubles psychiatriques.

La morbi-mortalité médicale non-psychiatrique est augmentée en raison d’un retard fréquent dans le recours aux soins, ainsi qu’une prévalence accrue de pathologies plus sévères, principalement du fait des conditions de vie :

* pathologies infectieuses : pulmonaires (en particulier tuberculose, pneumopathies), ORL (sinusites, rhinites, otites, trachéo-bronchites), IST (Infections sexuellement transmissibles : VHC, VIH), surinfections de pathologies dermatologiques ;

* pathologies dentaires pouvant se compliquer d’infections ;

* pathologies dermatologiques : gale, pédiculose, plaies, ulcères, etc.

Les troubles addictifs sont fréquents (alcool, tabac, substances) (cf. Items 73, 74, 75, 76 et 77), et les complications psychiatriques et non-psychiatriques engendrées par ces addictions doivent être recherchées.

La morbidité psychiatrique est également fréquente et est plus importante qu’en population générale.

Dans un tiers des cas, elle peut préexister à la situation de précarité (cf. section 2 de l’item). Les principaux troubles psychiatriques précédant la situation de précarité sont :

* les troubles psychotiques (schizophrénie principalement) (cf. Item 61) ;

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En pratique

Mesurer la précarité

Selon la définition de la précarité donnée par le Haut Comité de santé publique (HCSP), elle peut se manifester dans plusieurs domaines tels que le revenu, le logement, l’emploi, les diplômes, la protection sociale, les loisirs et la culture, la santé.

C’est pourquoi, afin de mieux identifier les diverses populations en situation de précarité, plusieurs scores peuvent être utilisés en pratique. Un score individuel d’évaluation du niveau de précarité a été développé (score EPICES). Il permet la mesure multidimensionnelle de la précarité ou de la fragilité sociale pour permettre d’identifier une population plus à risque de problèmes de santé.

Un autre indicateur de précarité repose sur la définition socio-administrative de la précarité, et regroupe les catégories suivantes : les chômeurs, les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) ou de la Couverture maladie univer-selle (CMU) ou d’un Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), les personnes sans domicile fixe et les jeunes de 16-25 ans exclus du milieu scolaire et engagés dans un processus d’insertion professionnelle. La précarité définie selon ces critères semble toutefois moins fortement liée aux indicateurs d’accès aux soins et de santé, que la précarité définie selon le score EPICES.

Le syndrome d’auto-exclusion

Le syndrome d’auto-exclusion a été décrit pour aborder la sémiologie psychiatrique spécifique des personnes en situa-tion de précarité. Ce syndrome ne fait pas partie spécifiquement des nosographies internasitua-tionales. On retrouve cepen-dant dans le DSM-5 un certain nombre de « situations pouvant faire l’objet d’un examen clinique », dont « l’exclusion ou le rejet social » fait partie.

Le syndrome d’auto-exclusion a particulièrement été décrit par les travaux de l’Observatoire national des pratiques en santé mentale et précarité (http://www.orspere.fr/presentation-de-l-onsmp-orspere-1/)

La description de ce syndrome permet de mieux comprendre l’expérience vécue très particulière des personnes en situa-tion de précarité.

Ainsi en situation de précarité, un sujet va passer d’une logique de vie, à une logique de survie (ou de survivance).

L’ensemble des éléments qui consiste en la santé, c’est-à-dire la capacité « de réaliser ses aspirations et de satisfaire ses besoins » (cf. Item 01) disparaît au profit d’un sentiment de découragement global. Le sujet a l’impression de ne plus pouvoir réaliser aucune de ses aspirations, la notion d’aspiration finira même par disparaître, un peu comme si le sujet se « déshabitait » de lui-même, tendant à aggraver par un cercle vicieux la situation d’isolement et donc de précarité.

Les symptômes cliniques de ce processus sont : une anesthésie corporelle (le sujet sent moins son corps) et un émous-sement affectif (le sujet sent moins ses émotions) associés à une inhibition intellectuelle (le sujet semble ne plus se penser ou penser sa situation).

Cette sémiologie spécifique permet de comprendre des éléments que le clinicien doit savoir manier pour ne pas limiter l’accès aux soins de ces personnes en situation de précarité. Le premier élément est que plus une personne va mal, moins elle sera en capacité de demander de l’aide, que ce soit sur le plan social, médical ou psychique. Dans cette situation une « non-demande » ou un « refus de demande » ne devra pas être interprété trop rapidement comme l’ex-pression libre de la volonté d’autrui au risque d’exclure du soin un patient en grande souffrance. Le deuxième élément est que l’initiation des soins, avec le réchauffement si l’on peut dire de l’anesthésie corporelle, de l’émoussement affectif et de l’inhibition intellectuelle, pourra paradoxalement s’accompagner au début d’une aggravation de la symp-tomatologie car le retour à la vie et à la prise de conscience de la situation de précarité peut s’avérer très douloureuse.

Le syndrome d’auto exclusion ne doit pas être considéré comme un diagnostic différentiel d’un trouble dépressif caracté-risé ou d’une schizophrénie. Il doit permettre de mieux comprendre la clinique des patients en situation de précarité, de mieux traiter les troubles psychiatriques et non-psychiatriques fréquemment présents chez ces sujets, afin de leur redonner la santé et ainsi la possibilité de réaliser ses aspirations propres.

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(cf. Item 64) ;

* le trouble stress post-traumatique (cf. Item 64).

Dans un tiers des cas, elle peut être la conséquence de la situation de précarité. Les principaux troubles psychiatriques conséquence de cette situation de précarité sont :

* les troubles de l’humeur, en particulier le trouble dépressif caractérisé (on estime par exemple que les symptômes évoquant un épisode dépressif caractérisé sévère surviennent avec une fréquence de près de 20 % chez des hommes bénéficiant à l’époque du RMI contre moins de 3 % en population générale) (cf. Item 62) ;

* les conduites suicidaires (cf. Item 348) ;

* les troubles anxieux (cf. Item 64) ;

* les troubles liés aux facteurs de stress, en particulier troubles de l’adaptation (cf. Item 64) ;

* les troubles somatoformes (cf. Item 70) ;

Ces troubles sont certes favorisés par la précarité, mais ils contribuent également à son maintien par la situation de handicap (cf. Item 117).

Dans un tiers des cas, il n’y a pas de trouble psychiatrique spécifique.

Cependant, de nombreux observateurs et acteurs de terrain soulignent que la précarité provoque des sentiments individuels comme la mauvaise image de soi, la dévalorisation, le sentiment d’inu-tilité voire de honte, qui sont à l’origine d’une souffrance psychique. Cette souffrance est suscep-tible de conduire à une dégradation de la santé. Voir encadré « Le syndrome d’auto-exclusion ».

4.

Évaluation d’un sujet en situation de précarité

4.1.

Situation médicale non-psychiatrique

En situation de précarité les pathologies sont souvent diagnostiquées plus tardivement. Il s’agit donc systématiquement :

* d’écarter une pathologie grave menaçant le pronostic vital et nécessitant une hospitalisation immédiate : la conduite médicale doit être la même que pour un sujet en non situation de précarité ;

* de se renseigner (et savoir dépister) sur l’existence d’une maladie chronique invalidante ou d’une situation de handicap.

4.2.

Situation médicale psychiatrique

Il est important de rechercher la date d’apparition des troubles, afin de déterminer s’ils préexistent ou sont la conséquence de la situation de précarité. Dans ce dernier cas, il s’agira de préciser les circonstances (facteur de stress précipitant) et le délai d’apparition des troubles par rapport au développement de la précarité.

Dans cette situation, il faut être particulièrement attentif à évaluer :

* un trouble psychiatrique, principalement schizophrénie (cf. Item 61) et dépression (cf. Items 62 et 64a) ;

* un trouble addictif (cf. Items 73 à 77) et d’éventuelles complications médicales non-psychiatriques ;

* un risque suicidaire (cf. Item 348).

117 4.3.

Situation sociale

Le médecin doit connaître chez le patient en situation de précarité :

* son statut social (emploi/scolarité/diplômes/nationalité) ;

* ses conditions de vie et de logement ;

* sa couverture maladie (assurance maladie et complémentaire) ;

* ses ressources actuelles, en particulier les aides financières dont il dispose.

Au terme de cette triple évaluation, le médecin doit être à même de différencier les difficultés rele-vant de l’accès au système de soins liées à l’infrastructure médicale elle-même de celles liées au trouble psychiatrique du patient. Ainsi, l’hospitalisation pour raison uniquement « humanitaire » n’est pas recommandée, seule la clinique doit guider l’orientation proposée au patient. En cas de motif psychiatrique justifiant l’hospitalisation, le mode libre doit être préféré à celui sans consen-tement, lorsque cela est possible.

5.

Principaux dispositifs