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Points clefs

1. De la séméiologie au trouble

1.1.

Signes et symptômes cliniques psychiatriques: un rappel

1.1.1.

Définitions

* Un signe est une observation clinique « objective », par exemple le ralentissement psychomoteur.

* Un symptôme est une expérience « subjective » décrite par le patient, par exemple l’humeur dépressive.

* Un syndrome est un ensemble de signes et symptômes formant un ensemble reconnaissable.

Le recueil de la séméiologie psychiatrique implique :

* une attention au contenu de l’entretien,

* mais également à son déroulement et à son contexte familial et social (cf. Item 01).

Par exemple, le clinicien doit tenir compte du degré d’anxiété du sujet au cours de l’entretien, d’éventuelles difficultés de communication et de facteurs socioculturels susceptibles d’influencer l’expression ou le vécu des troubles (par exemple : crainte d’une stigmatisation sociale, interprétations subjectives et culturelles des symptômes).

1.1.2.

Les domaines de l’examen clinique psychiatrique

L’examen psychiatrique est essentiellement clinique. L’analyse séméiologique en psychiatrie consiste à explorer huit domaines de l’expérience vécue et des conduites du patient. L’évolution de la symptomatologie dans le temps est également importante à explorer.

Nous allons rappeler brièvement l’organisation et les termes séméiologiques importants en psychiatrie, qui seront ensuite approfondis dans chaque item de trouble psychiatrique spécifique.

1.1.2.1.

La présentation

Parmi la présentation et le contact, il faut notamment analyser :

* l’apparence avec :

- l’allure qui peut être extravagante ou bizarre,

- l’hygiène corporelle qui peut être révélatrice d’une incurie (avec indifférence et manque de soin) ;

27 - hypermimique (exagérée),

- hypomimique (diminuée), voire amimique (disparition de toute mimique),

- dysmimique, c’est-à-dire en désaccord avec le contenu psychoaffectif (comme les sourires immotivés, ou non adaptés, les paramimies ou les échomimies) ;

* et les activités psychomotrices qui peuvent être :

- excessives (accélération psychomotrice, instabilité psychomotrice, hyperkinésie, tasikiné-sie, akathitasikiné-sie, voire agitation),

- diminuées (ralentissement psychomoteur et bradykinésie, voir catatonie avec catalepsie et négativisme),

- inadaptées (avec des bizarreries, parakinésies, échopraxie, échokinésie, maniérisme, atti-tudes empruntées ou stéréotypies).

1.1.2.2.

Le langage et la pensée

Le discours est l’association du langage et de la pensée.

Le discours peut être analysé selon sa dynamique, sa forme et son contenu.

La dynamique du langage peut être :

* augmentée (avec logorrhée, discours abondant, volubile, rapide ou tachyphémie, voire verbigération),

* diminuée (avec pauvreté du discours ou alogie, discours non spontané, lent ou bradyphémie, réponses laconiques, latence des réponses, voire mutisme).

La dynamique de la pensée peut elle-même être :

* augmentée (tachypsychie, fuite des idées, relâchement des associations ou coq à l’âne et associations par assonance),

* diminuée (bradypsychie, monoïdéisme, voir anidéisme, c’est-à-dire absence de production de pensée).

La forme du langage peut être altérée :

* au niveau phonétique (prosodie diminuée avec possible voix monocorde, voire aprosodie, augmentée ou dysprosodique),

* au niveau lexico sémantique (écholalie, palilalie, néologismes, c’est-à-dire invention de mots, et paralogismes voire schizophasie, c’est-à-dire invention d’un nouveau langage),

* au niveau syntaxique (avec agrammatisme),

La forme du discours peut être altérée dans sa continuité avec des incohérences, de la diffluence (avec pensée tangentielle, circonlocutoire, digressive, allusive, vague, sans idée directrice) et parfois avec des discontinuités (avec fading, c’est-à-dire arrêt progressif du discours du patient, traduisant un évanouissement du cours de la pensée pouvant aller jusqu’à un barrage).

Le contenu du discours peut retrouver :

* des idées délirantes,

* des soucis et inquiétudes,

* des obsessions,

* des réviviscences, flashbacks,

* des idées phobiques,

* des idées liées à une anxiété anticipatoire,

* des idées liées à l’humeur (négatives, de dévalorisation, d’incurabilité etc. ou au contraire, positives, de grandeur, d’optimisme démesuré, etc.),

* des idées de mort et des idées de suicides.

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Les modifications de la perception sont notamment :

* les hallucinations (perceptions sans objet) qui peuvent être : - intrapsychiques (avec perte de l’intimité psychique),

- sensorielles (auditives, visuelles, olfactives, gustatives, tactiles, cénesthésiques) ;

* les illusions (perceptions déformées) qui peuvent se référer aux différentes modalités senso-rielles comme les hallucinations :

- auditives,

* les augmentations de la perception sensorielle (hypersensibilité ou hyperesthésie senso-rielle) ou la diminution de la perception sensorielle (hyposensibilité ou hypoesthésie sensosenso-rielle) pouvant intéresser une ou plusieurs modalités sensorielles :

- auditives,

* la déréalisation qui est une perception du monde modifiée avec sentiment d’étrangeté ou d’irréalité et impression d’être comme observateur de la réalité, et la dépersonnalisation qui est une perception de soi-même comme différent et étrange et impression d’être comme observateur de son propre fonctionnement mental.

1.1.2.4.

L’attention et la mémoire

L’attention peut être :

* diminuée avec hypoprosexie (difficulté de concentration) et distractibilité (par un distracteur interne, une pensée ou externe, un stimulus) ;

* augmentée avec hyperprosexie (polarisation attentionnelle exagérée sur un stimulus) et hypervigilance (alerte attentionnelle).

La mémoire épisodique peut être altérée :

* amnésie ;

* paramnésie (remémoration décontextualisée ou déformée).

La mémoire de travail peut être altérée avec oubli, erreur, perte.

1.1.2.5.

L’affectivité

L’affectivité comprend les émotions et l’humeur :

* les émotions sont les réponses affectives immédiates à un stimulus. Les émotions peuvent être : - plus intenses (hyperesthésie affective, hyperréactivité ou instabilité émotionnelle), - diminuées (hypoesthésie voir anesthésie affective, émoussement affectif, affect abrasé ou restreint),

29 - discordantes avec le contenu psychoaffectif (discordance idéo affective avec possible

réac-tion émoréac-tionnelle inappropriée, paradoxale, imprévisible).

- l’anhédonie désigne plus spécifiquement la perte de la capacité à éprouver du plaisir.

* l’humeur est la tonalité affective globale et durable qui colore la perception du monde.

L’humeur peut être :

- augmentée (hyperthymie : humeur euphorique, expansive, exaltée, souvent associée à une hypersyntonie, c’est-à-dire une hypersensibilité au contexte et à l’ambiance),

- diminuée (hypothymie : humeur dépressive, douloureuse), voir absente (athymie), - changeante ou versatile (labilité de l’humeur),

- l’athymhormie désigne tout à la fois la suppression de l’humeur (athymie) et la perte de l’élan vital (aboulie : difficulté à initier une action pourtant planifiée par manque d’affect). L’aboulie est à différencier de l’apragmatisme (difficulté à initier une action par défaut de planification).

1.1.2.6.

Les fonctions physiologiques

Le sommeil peut être modifié avec :

* insomnie,

* hypersomnolence,

* cauchemars,

* sensation de suffocations nocturnes,

* somnambulisme.

L’alimentation avec :

* anorexie,

* hyperphagie.

La sexualité avec :

* baisse ou augmentation du désir sexuel,

* baisse ou augmentation de l’excitation sexuelle.

Au niveau neurovégétatif on peut retrouver des signes sympathiques d’anxiété et d’hyperréacti-vité neurovégétative.

1.1.2.7.

Le comportement

Il peut exister des évitements et des compulsions, c’est-à-dire des comportements permettant de diminuer l’anxiété. Il peut aussi exister des comportements suicidaires avec recherche de moyens létaux.

Le fonctionnement interpersonnel peut être :

* inhibé avec clinophilie, retrait social voire asocialité,

* désinhibé avec ludisme, familiarité, causticité, hostilité, voire avec un contrôle des impulsions altéré (avec impulsivité, agressivité, accès de colère, et possible atteinte aux mœurs, conduite à risque et conduite auto ou hétéro agressive),

* inadapté avec bizarrerie comportementale, comportements insolites, étrange.

1.1.2.8.

Jugement et conscience du trouble

Le jugement peut être distordu avec une logique inappropriée (jusqu’au rationalisme morbide) et une indécision.

L’insight, c’est-à-dire la conscience de la maladie, la capacité d’attribuer les expériences mentales inhabituelles à la pathologie, et l’adhésion au traitement peut également être altéré.

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1.2.

De la nécessité de tenir compte du contexte

Le recueil séméiologique est couplé au recueil d’informations sur le contexte. En particulier :

* l’âge, et l’âge de début des symptômes,

* le sexe,

* les antécédents psychiatriques et médicaux, personnels et familiaux,

* les facteurs de stress et les événements de vie,

* et l’environnement familial, social et professionnel.

Ces informations permettent de contextualiser les éléments séméiologiques et de guider les hypothèses diagnostiques.

Certaines variables socio-démographiques ou cliniques sont des facteurs de risque ou protecteurs et constituent ainsi des facteurs pronostiques permettant d’orienter les options thérapeutiques (cf. Item 58).

1.3.

Le trouble mental

1.3.1.

L’intérêt de l’approche catégorielle

Un trouble mental (ou trouble psychiatrique) se définit difficilement par une physiopathologie sous-jacente univoque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en psychiatrie le terme de « trouble » est préféré au terme de « maladie ». Pour autant, l’association de signes et de symptômes et leur classification en entités morbides (catégorielles) est importante pour :

* étudier l’épidémiologie, avec les facteurs de risque (génétiques et environnementaux) (cf. Item 58),

* prévoir une évolution de la maladie (ou pronostic), avec la mortalité (par suicide ou par cause médicale non-psychiatrique) et la morbidité (sévérité symptomatique et nombre d’hospitalisa-tions, intégration sociale et qualité de vie) (cf. Item 58),

* formuler des hypothèses étiopathogéniques.

Le modèle catégoriel favorise la prise de décision puisqu’il permet de justifier une thérapeutique qui permet d’influer le pronostic naturel (cf. Item 72). Il facilite également l’information du patient et de son entourage (cf. Item 01).

Un trouble mental a donc été défini de manière statistique par un ensemble de critères permettant, lorsqu’ils sont présents, d’identifier des entités qui, en l’absence de prise en charge psychiatrique spécifique, présentent un mauvais pronostic (cf. Item 58). L’évolution des connaissances épidémiologiques, pronostiques et thérapeutiques rend parfois nécessaire l’évolution des classifications nosographiques en médecine. L’évolution du DSM (Diagnostic and Statistical Manual) nord-américain vers sa version 5 ou la future évolution de la CIM (Classification Internationale des Maladies de l’OMS) vers sa version 11, s’inscrivent dans cette démarche pragmatique et scientifique. Ces évolutions restent cependant d’un intérêt secondaire pour le non spécialiste.

1.3.2.

Les critères pour définir un trouble mental

Pour définir un trouble mental il faut :

* des critères séméiologiques spécifiques, avec des symptômes et des signes qui seront le plus souvent organisés en syndromes,

31 des critères de durée d’évolution des symptômes,

* des critères fonctionnels avec :

- une répercussion psychologique (souffrance psychique et/ou altération de la qualité de vie), - et/ou une répercussion sociale (avec la notion de handicap).

Enfin, le diagnostic d’un trouble mental ne se pose définitivement qu’après avoir éliminé un diagnostic différentiel :

* une autre pathologie psychiatrique (autre trouble mental expliquant mieux la séméiologie recueillie) ou un trouble lié à une substance (intoxication aiguë ou chronique, ou sevrage : à une substance psychoactive, à un autre médicament, ou à un toxique environnemental comme le CO, etc.),

* et une pathologie non-psychiatrique.

Le diagnostic en psychiatrie est clinique. Il n’existe actuellement pas d’examen complémentaire dont la sensibilité ou la spécificité serait suffisante pour confirmer un diagnostic de trouble mental. Par contre, l’élimination d’un diagnostic différentiel lié à une substance ou médicale non-psychiatrique peut nécessiter des examens complémentaires.

En pratique

Commentaires sur la notion de trouble psychiatrique

Un syndrome psychiatrique (syndrome anxieux, dissociatif, positif, négatif, désorganisation, dépressif, maniaque, suici-daire notamment) est différent d’un trouble mental qui implique pour être posé les critères supplémentaires présentés précédemment.

* Par exemple, un syndrome dépressif peut permettre de poser le diagnostic d’un trouble dépressif caractérisé (trouble psychiatrique) à condition que les critères supplémentaires d’évolution temporelle, de répercussions psychologiques, sociales et d’absence de diagnostic différentiel soient remplis.

* Mais si le syndrome dépressif est mieux expliqué par une pathologie non-psychiatrique alors le diagnostic de trouble dépressif caractérisé ne peut être posé ; dans ce cas, le terme de syndrome dépressif secondaire à une étiologie médi-cale non-psychiatrique est à utiliser.

Habituellement en médecine le système nosologique de la Classification internationale des maladies (CIM-10) et le système de Classification internationale du fonctionnement (CIF 10) sont séparés puisque le diagnostic d’une maladie ne dépend pas de ses répercussions fonctionnelles mais de sa physiopathologie sous-jacente (cf. Item 117).

Cependant, en psychiatrie, la définition d’un trouble mental implique de tenir compte des répercussions fonction-nelles des symptômes.

Du point de vue sémantique il faut retenir qu’un trouble mental (ou psychiatrique) est responsable d’un handicap psychique et non pas d’un handicap mental (terme utilisé plus spécifiquement dans le domaine de la déficience intel-lectuelle) (cf. Item 117).