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neurodégénératives et cérébrovasculaires

3. Psychopharmacologie et vieillissement

3.1.

Particularités de la prescription des psychotropes chez le sujet âgé

La surconsommation des psychotropes est un problème de santé publique qui concerne particu-lièrement les sujets âgés. En France, une personne de plus de 70 ans sur 2 bénéficie d’une pres-cription de psychotrope. Les benzodiazépines seraient prescrites régulièrement à plus d’un tiers des personnes de plus de 65 ans. En outre, 3 % des plus de 65 ans, près de 6 % des personnes de plus de 85 ans et 18 % des patients avec une maladie d’Alzheimer consomment de façon régulière des antipsychotiques. Enfin, 13 % des plus de 65 ans et 18 % des plus de 85 ans consomment des antidépresseurs.

Au-delà du coût financier, les psychotropes sont responsables d’une grande partie des accidents iatrogènes chez le sujet âgé. Les études épidémiologiques montrent une inadéquation entre diagnostic psychiatrique et traitement psychotrope, aussi bien dans le sens de l’absence d’un usage en présence d’un trouble avéré que dans celui d’un usage en l’absence de trouble avéré.

Par exemple, il a été montré qu’un tiers des sujets avec un épisode dépressif caractérisé de plus de 65 ans bénéficie d’un traitement antidépresseur, alors qu’un autre tiers consomme unique-ment des anxiolytiques et que le dernier tiers ne reçoit aucun traiteunique-ment psychotrope. De plus, les anxiolytiques et les hypnotiques sont souvent prescrits en l’absence de diagnostic psychiatrique établi. En outre, 2 fois sur 3, les anxiolytiques et les hypnotiques sont prescrits au-delà de 3 mois, dépassant ainsi les recommandations de bonne pratique.

Le vieillissement provoque une diminution physiologique des capacités fonctionnelles de la plupart des organes du corps humain. La prise en compte de ces modifications et de leurs consé-quences en termes de pharmacocinétique et de pharmacodynamie est nécessaire à une bonne prescription des psychotropes.

Enfin, les personnes âgées sont sujettes à la polymédication et ainsi exposées au risque d’inte-ractions médicamenteuses.

La prudence face au risque d’effets indésirables implique une rigueur dans la prescription. Il s’agit avant tout de ne pas nuire. Les règles fondamentales sont les suivantes :

* débuter à une posologie en général plus faible que chez l’adulte jeune ;

* les augmentations posologiques, lorsqu’elles sont nécessaires, doivent se faire lentement (règle dite du « start low, go slow ») ;

* il est recommandé de ne prescrire qu’un seul psychotrope par classe, en évitant les associa-tions et en modifiant un seul psychotrope à la fois ;

* enfin, peut-être plus encore que chez l’adulte jeune, il semble important d’évaluer régulière-ment l’efficacité en recourant au besoin à des échelles validées chez le sujet âgé afin de s’assurer que le traitement est utile.

3.2.

Principales classes de psychotropes et modalités d’usage chez le sujet âgé

3.2.1.

Les anxiolytiques

Les benzodiazépines sont le traitement de référence face à des symptômes anxieux aigus. Elles sont efficaces rapidement et bien tolérées chez le sujet âgé, si la prescription respecte les recom-mandations de bonne pratique :

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* durée de prescription limitée, dans tous les cas au maximum 12 semaines pour les anxioly-tiques et 4 semaines pour les hypnoanxioly-tiques ;

* et privilégier les molécules à demi-vie courte (< 20 heures) (oxazépam, lorazépam).

Les benzodiazépines ne sont pas recommandées dans le traitement des troubles anxieux chro-niques (cf. Item 177).

Les effets indésirables des benzodiazépines (cf. Item 177) peuvent être particulièrement marqués chez le sujet âgé, notamment la sédation, les troubles cognitifs, les risques de chute et le risque de dépendance.

Face à une prescription au long cours de benzodiazépines, il est recommandé d’envisager un sevrage progressif, limitant le risque d’effets indésirables à court et long termes.

3.2.2.

Les antidépresseurs

Les IRS (citalopram, sertraline…) sont le traitement de première intention des épisodes dépressifs caractérisés du sujet âgé en raison de leur efficacité et de leur tolérance. Ils exposent aux mêmes effets indésirables que chez le sujet jeune (cf. Item 177), notamment aux effets digestifs et au risque de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH).

Contrairement aux antidépresseurs tricycliques qui sont déconseillés en première intention chez le sujet âgé, les IRS sont moins à risque d’effets anticholinergiques et d’effets indésirables cardiaques (quoique certains aient été associés à un risque d’allongement du QT).

D’autres antidépresseurs peuvent être utilisés chez le sujet âgé. Les IRSNa (venlafaxine, duloxé-tine, milnacipran) sont efficaces et globalement bien tolérés chez le sujet âgé. La mirtazapine et la miansérine sont également efficaces et globalement bien tolérées chez le sujet âgé.

À l’inverse, les antidépresseurs tricycliques (ou imipraminiques - clomipramine, amitriptyline… –) sont déconseillés chez le sujet âgé en raison de leurs effets indésirables importants, notamment cardiotoxiques (augmentation du QT) et anticholinergiques.

3.2.3.

Les thymorégulateurs

Les principes de l’utilisation des thymorégulateurs chez le sujet âgé sont sensiblement identiques à ceux de l’adulte plus jeune (cf. Item 177), avec cependant un risque d’effets secondaires plus élevé. Comme pour l’adulte jeune, le traitement de référence est le lithium mais l’élimination rénale du lithium complique son utilisation chez la personne âgée dont la clairance rénale est souvent diminuée. De plus, le lithium interagit avec de nombreux médicaments couramment pres-crits chez le sujet âgé (diurétiques, IEC, AINS…).

Les anticonvulsivants (acide valproïque, lamotrigine…) sont des alternatives au traitement du trouble bipolaire chez le sujet âgé mais ils exposent également à des effets indésirables sévères.

3.2.4.

Les antipsychotiques

Les antipsychotiques de seconde génération (rispéridone, olanzapine, aripiprazole…) ont moins d’effets secondaires que les antipsychotiques de première génération, en particulier moins de symptômes extrapyramidaux et anticholinergiques. Néanmoins, le sujet âgé reste particulièrement exposé au risque de symptômes parkinsoniens qui peuvent apparaître précocement après le début du traitement et au risque d’effets anticholinergiques qui peuvent être particulièrement délétères chez le sujet âgé. En outre, les antipsychotiques exposent à des risques cardiovasculaires poten-tiellement graves.

Enfin, chez le patient avec maladie d’Alzheimer et troubles apparentés, la prescription d’antipsycho-tiques de seconde génération est associée à une surmortalité notamment par accident vasculaire

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et/ou hallucinatoires, ainsi qu’aux troubles du comportement perturbateurs sévères (agitation, agressivité). Parmi les antipsychotiques de deuxième génération, la rispéridone est le traitement de première intention, recommandé dans la plupart des troubles psychotiques du sujet âgé, en particu-lier en raison d’un moindre risque d’effets parkinsoniens et de sa demi-vie courte (6 h).

Résumé

Les troubles psychiatriques du sujet âgé sont fréquents et présentent des spécificités tant dans leur présentation clinique que dans leur prise en charge, notamment en raison des comorbidités médicales non-psychiatriques et de l’évolution de l’environnement socio-affectif.

Les troubles de l’humeur et les troubles anxieux, associés à des conséquences fonctionnelles majeures et à un risque suicidaire élevé, ne sont pas toujours faciles à identifier.

La schizophrénie et les autres troubles délirants ne sont pas rares chez le sujet âgé et peuvent, dans certains cas, se déclarer tardivement, après 40 ans, voire après 60 ans.

Il faut également insister sur les symptômes psychiatriques et psychocomportementaux associés aux pathologies médicales non-psychiatriques, et tout particulièrement aux maladies neurodégé-nératives et cérébrovasculaires. Ils répondent eux aussi à une sémiologie et une prise en charge spécifiques.

Enfin, il convient de connaître les particularités de l’utilisation des psychotropes chez le sujet âgé pour optimiser les prises en charge et limiter le risque de prescriptions inappropriées aux effets iatrogènes délétères.

Références pour approfondir

Haute Autorité de Santé, « Dépression chez la personne âgée », 2010, http://www.has-sante.fr/

portail/jcms/c_937773/fr/depression

Haute Autorité de Santé, « Prescription des Psychotropes chez le Sujet Âgé (Psycho SA) », Programme Pilote 2006-2013, http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_677086/fr/

prescription-des-psychotropes-chez-le-sujet-age-psycho-sa-programme-pilote-2006-2013

Haute Autorité de Santé, « Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs », 2012, http://www.has-sante.fr/portail/

jcms/c_819667/fr/maladie-d-alzheimer-et-maladies-apparentees-prise-en-charge-des-troubles-du -comportement-perturbateurs

Clément J.-P. et al., Psychiatrie de la personne âgée, Éditions Lavoisier, Médecine-Sciences/

Flammarion, 2010, 646 p. (une nouvelle édition à paraître en 2016).

Schuster J.-P., Manetti A., Aeschimann M., Limosin F., « Troubles psychiatriques du sujet âgé : données épidémiologiques et morbi-mortalité associées », Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement, 11(2), 2013, p. 181-185.

Desmidt T., Camus V., « Psychotropes et sujet âgé », EMC [Elsevier Masson Consulte] – Psychiatrie, 8(2), 2011, p. 1-13.

Limosin F., « Le lithium chez le sujet bipolaire âgé », Annales Médico-Psychologiques, 172, 2014 p. 234-237.

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