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3.1 Évolution dans la façon de considérer le sucre, du XI e siècle à aujourd’hui

3.1.1 Le sucre, recherché puis honni

Selon Fischler, l’arrivée du sucre de canne en Occident daterait du XIe siècle, celui-ci étant introduit par des marchands en provenance du Moyen Orient176. Par la suite, le développement de la culture de la canne à sucre dans les colonies d’Amérique permettra l’approvisionnement à la population d’Europe, devenue très friande de la saveur sucrée. À cette époque, le sucre est un aliment extrêmement bien considéré. Les élites de l’époque cherchaient à se procurer cette épice exotique, vendue à fort prix. De fait, ce comportement montre que l’examen des choix en matière alimentaire reflète la classe sociale d’appartenance des mangeurs177. Ainsi, du Moyen Âge au XVIIIe siècle, le sucre n’est pas seulement apprécié pour ses vertus médicinales et culinaires. Il reflète aussi l’appartenance à une élite qui affiche une aisance financière, ce produit étant loin d’être accessible à toutes les bourses178. De plus, un autre usage du sucre s’est dessiné à la même période, celui de médicament. À ce sujet, Fischler rappellera que le sucre sera vendu jusqu’au XVIIIe siècle par les apothicaires (ancêtres à la fois des épiciers et des pharmaciens de l’époque contemporaine179), qui l’utilisait comme médicament. Aujourd’hui, la consommation de sucre, bien que généralisée, est déconseillée par les différentes instances consacrées à la santé publique, signe que les perceptions ont bien changé à l’égard de ce produit.

Une première question, la plus fondamentale, se pose : comment peut-on expliquer cet engouement pour le sucre? En effet, sans cet intérêt, on peut soumettre l’hypothèse que la consommation de sucre serait beaucoup moins

176 Claude Fischler, L’Homnivore – Le goût, la cuisine, le corps, Paris, Éditions Odile Jacob, 2001, p. 278. 177 « Dans l’Europe du XIVe au XVIe siècle, l’imaginaire culturel des classes dominantes semble ne pas avoir

de doutes à ce propos : la qualité, c’est le pouvoir. Les choses deviennent alors beaucoup plus simples, puisque rôle social et comportement alimentaire se confirment l’un l’autre, et avec une évidence immédiate. Aux estomacs des gentilshommes les nourritures précieuses, élaborées et raffinées (précisément celles que le pouvoir et la richesse permettent de consommer et de montrer quotidiennement sur sa table); à l’estomac des paysans, des aliments communs et grossiers. » Massimo Montanari, La faim et l’abondance - Histoire de l’alimentation en Europe, Éditions du Seuil, 1995, p. 120.

178 Florent Quellier, op.cit., p. 119. 179 Ibid., p. 278-279.

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élevée. Une première piste de réponse provient en partie de l’appétence naturelle (c’est-à-dire dès la naissance) qu’entretiennent les êtres humains à l’égard de ce produit180 (on peut penser, par exemple, au lait maternel qui a un goût plutôt sucré). Il est pourtant à noter que cet engouement ne se développera pas avec la même intensité chez les individus au cours de leur développement. Des recherches faites sur le sujet montrent l’importance des facteurs environnementaux présents dans l’entourage des individus. Bellisle s’est ainsi attardée sur le rôle joué par plusieurs de ces facteurs, comme l’éducation, la culture, l’entourage et l’âge afin de déterminer si la préférence pour le sucre est innée ou acquise181. Les facteurs environnementaux ont joué un grand rôle dans la popularisation du sucre à partir du Moyen Âge, en particulier grâce aux croyances véhiculées au sujet de ses vertus. À cet effet, Quellier rappellera que c’est la croyance selon laquelle le sucre facilite la digestion des aliments qui entraine son usage dans presque tous les plats, de l’entrée au dessert182. Alexandre-Bidon montre ainsi que, du XIe au XVe siècle (du moins à la table des aristocrates), les recettes de plats sucrés se multiplient, les cuisiniers allant même jusqu’à sucrer les viandes, poissons et autres aliments habituellement salés183. Le sucre, qui vécut alors une forme d’apothéose par la considération qui lui était vouée, se verra toutefois peu à peu déparé de ses qualités au cours des siècles suivants. Un des facteurs expliquant cette disgrâce viendra paradoxalement d’une plus grande accessibilité à cet aliment. Fischler soutient en effet ce qui suit :

[c]’est lorsque, par sa disponibilité accrue, il cesse de n’être qu’une épice rare et précieuse et commence à devenir une denrée plus largement et communément accessible que la polémique s’instaure et que la question morale et sanitaire de la légitimité d’une telle source de plaisir commence à être posée.184

180 France Bellisle, « Préférence pour le sucré : innée ou acquise? », Correspondances en Métabolismes

Hormones Diabètes et Nutrition, vol. XIV, no 5, mai 2010, p. 144-148. 181 Ibid., p. 146-147.

182 Florent Quellier, op.cit., p. 42.

183 Danièle Alexandre-Bidon, op.cit., p. 41. 184 Claude Fischler, op.cit., p. 290.

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Faisant écho au phénomène que nous avons évoqué précédemment en ce qui a trait au ventre rebondi des riches hommes d’affaires capitalistes185, le sucre est passé dans les perceptions d’un aliment aux vertus médicinales et culinaires à celui de substance à proscrire. Quellier soulignera à cet égard que « (…) le XXe siècle a remis en question [le] statut [du sucre comme] aliment sain, nourrissant et énergisant186 ». Aujourd’hui, on attribue d’ailleurs les taux élevés d’obésité, de surpoids ou de diabète à travers le monde à une consommation trop abondante de sucre187.

Le fait d’attribuer au sucre des vertus culinaires et médicinales, combiné à une plus grande accessibilité à ce produit, en a généralisé la consommation. Le développement de nombreux produits alimentaires s’est effectué en misant sur le fait que la saveur sucrée est particulièrement appréciée par la plupart des êtres humains. Pour une bonne partie, le sucre se retrouve ainsi dans les produits transformés. Dans les desserts et friandises, bien sûr, mais aussi dans des aliments plutôt salés au goût. Par exemple, on ajoute lors de la transformation de certains produits des sirops de canne, de maïs ou d’agave, de la mélasse, du fructose, etc.188

En résumé, si la consommation de sucre s’est généralisée, c’est en premier lieu à cause du goût naturel qu’a l’être humain pour le sucre. Puis, l’attrait d’un produit rare et symbole de luxe, auquel se sont ajoutées des vertus médicinales et culinaires, ont fait du sucre un produit recherché et prestigieux. Enfin, la demande de plus en plus grande, accompagnée d’un accroissement de la production, a fait en sorte que la consommation de ce produit s’est démocratisée, ce qui mènera ultimement à sa « démonisation ». En effet, sur le plan culturel, un glissement s’est opéré. Tout d’abord encensé, l’usage du sucre dans les aliments et les boissons a perdu sa notoriété et n’est plus recommandé qu’avec parcimonie, car on l’associe

185 Ce sujet a été abordé aux pages 27 et 28 du premier chapitre. 186 Florent Quellier, op.cit., p. 215.

187 Institut national de santé publique, « La consommation de sucre et la santé », Montréal, Institut national

de santé publique, 2017, p 1.

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désormais à l’épidémie d’obésité et à l’augmentation du risque de développer des maladies chroniques, telles que le diabète. Cependant, l’omniprésence du sucre dans les habitudes alimentaires rend la diminution de sa consommation et de son utilisation dans la confection des mets et des aliments transformés d’autant plus difficile.

3.2 Pourquoi vouloir taxer les boissons sucrées?

Si la question de la lutte à l’obésité est aujourd’hui au cœur des préoccupations, l’examen des différentes politiques de prévention en matière de santé montre que, depuis des dizaines d’années, l’État a tenté de prendre des mesures afin d’améliorer le bien-être de ses citoyens. Si la volonté de bienfaisance de l’État envers ses citoyens est une constante, la médicalisation de l’obésité entraine un changement dans les préoccupations identifiées dans les politiques publiques au Québec. La prochaine section s’attardera donc à présenter quel est l’état de la situation en matière de taxation des boissons sucrées, ainsi que les buts recherchés par la mise en place d’une telle mesure.

3.2.1 État de la situation et buts recherchés par la taxation des boissons sucrées

Comment parvenir à réduire la consommation de sucre? Au Canada, demander à toutes les industries de transformation alimentaire de changer la composition de l’ensemble de leurs produits n’est pas, pour le moment, une solution envisagée sur le plan législatif189. L’approche proposée par l’OMS dans le document Politiques fiscales incitatives en matière d’alimentation et de prévention des maladies non

189 Toutefois, la récente entrée en vigueur du bannissement des gras trans industriels au Canada peut laisser

penser que certaines sources de sucre pourraient éventuellement subir le même sort. Voir : https://ici.radio- canada.ca/nouvelle/1124187/gras-trans-interdiction-bannissement?depuisRecherche=true (page consultée le 18 septembre 2018).

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transmissibles190 recommande plutôt d’adopter des mesures fiscales sur certains produits. Par cette action, on cherche à atteindre plusieurs objectifs, comme réduire la consommation de produits jugés nocifs pour la santé, utiliser l’argent des taxes ainsi obtenu afin de faciliter l’accès aux aliments sains pour les ménages à faibles revenus et accentuer les actions de prévention en matière de santé. Les boissons sucrées, qui constituent une gamme de produits variés, largement consommés et facilement identifiables, sont particulièrement ciblées par les propositions de mesures de taxation.

Un risque engendré par une hausse de prix est que les consommateurs remplacent l’achat de boissons sucrées par d’autres produits tout aussi nocifs, si pris en grande quantité. Bien qu’une taxe puisse réduire en partie la consommation de boissons sucrées, l’argument financier à lui seul ne pourra changer les habitudes de tous et chacun. Au-delà de cette approche, c’est aussi à un changement dans les perceptions que devront contribuer les différents paliers de gouvernement pour garantir la réussite de la mesure.

Afin de mieux comprendre la raison pour laquelle les instances œuvrant dans le domaine de la santé publique souhaitent la réduction de la consommation de boissons sucrées, nous présenterons quelques données sur l’état de la situation dans ce domaine, ainsi que les buts recherchés par la taxation.

Selon les statistiques rapportées par l’INSPQ pour l’année 2018, 61% des adultes seraient en surpoids au Québec191. Ce pourcentage englobe à la fois les individus en situation d’embonpoint et d’obésité192. Outre les recommandations ayant trait à la saine alimentation et l’exercice physique pour réduire le surpoids, l’habitude de consommation des boissons sucrées a été particulièrement ciblée par les autorités

190 OMS- ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ, Politiques fiscales incitatives en matière d’alimentation et

de prévention des maladies non transmissibles, Genève, OMS, 2017, 40 p

191 Ibid., p. 3.

192 Yann Le Bodo, Chantal Blouin, Nathalie Dumas et al. Comment faire mieux? L’Expérience québécoise en

promotion des saines habitudes de vie et en prévention de l’obésité, Québec, Presses de l’Université Laval, 2016, p. 5.

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en matière de santé publique. De fait, de nombreuses données viennent appuyer cette décision. Selon des statistiques récentes, au Québec :

62% des personnes âgées de 15 ans ou plus consomment des boissons sucrées, 41% en consomment au moins une fois par semaine, et 19% en consomment au moins une fois par jour. (…) Les hommes sont plus grands consommateurs que les femmes (…), et les jeunes de 15 à 24 ans sont plus grands consommateurs quotidiens que leurs aînés (…). Plus le niveau de scolarité est faible, plus la proportion de personnes qui consomment au moins une boisson sucrée par jour augmente.193

Une étude publiée en 2017 par des chercheurs de l’Université Waterloo montre qu’en « 2015, les Canadiens ont acheté en moyenne 341 ml de boissons avec sucre ajouté et 444 ml de boissons sucrées, en tenant compte du jus pur à 100%, par jour194 ». L’étude mentionne que, pour les consommateurs de boissons sucrées, cette source de sucre fait à elle seule dépasser les recommandations journalières en matière d’apport calorique195 provenant des sucres libres, à savoir une consommation qui ne devrait pas dépasser 10% de l’apport énergétique quotidien. Par ailleurs, les auteurs de l’étude ont utilisé les données de consommation des boissons sucrées de 2015 pour effectuer des analyses de projection couvrant les 25 prochaines années. Les résultats obtenus suggèrent que, sur cet horizon de 25 ans, la consommation de boissons sucrées entrainera 650 488 cas d’embonpoint et 2 101 399 cas d’obésité, et ce, seulement pour le Canada 196. Une des raisons qui explique la préférence pour la taxation des boissons sucrées plutôt que d’autres produits provient du fait que l’excès de calories est plus difficilement compensé par le corps lorsque celles-ci sont absorbées par le biais de liquides197. Outre le surpoids, la surconsommation de boissons sucrées peut entrainer d’autres pathologies, comme un risque accru de

193 Institut national de santé publique, « Analyse des enjeux éthiques liés à la taxation des boissons sucrées »,

op.cit., p. 6.

194 Amanda C. Jones, J. Lennert Veerman et David Hammond, « L’impact d’une taxe sur les boissons sucrées

sur la santé et l’économie au Canada – (Résumé) », Waterloo, University of Waterloo, janvier 2017, p. 6.

195 Ibid., p. 7. 196 Ibid., p. 9.

197 Kelly D. Brownell, Rogan Kersh et al. « Personal Responsibility and Obesity: A Constructive Approach To a

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diabète de type 2, de syndrome métabolique, de maladies cardiovasculaires et de cancer ainsi que de caries dentaires198.

Comme cela a été observé avec la taxation des produits du tabac, le but recherché par la taxation des boissons sucrées est d’en réduire la consommation en misant sur une hausse du prix. À l’heure actuelle, le coût des boissons gazeuses est moins élevé que celui du lait, du thé et du café. De plus, l’INSPQ rapporte que le coût des boissons sucrées augmente moins vite que celui des aliments et boissons199, situation que Poulain rapportait déjà en 2009. Dans son ouvrage Sociologie de l’obésité, il mentionne qu’aux États-Unis, le prix des fruits et légumes a augmenté de 140% entre 1984 et 2002. Il poursuit en indiquant que, « [d]ans le même temps les prix des produits sucrés et des confiseries ont baissé de 12% et celui des boissons sucrées de 30%. Les produits sucrés et les graisses sont devenus peu coûteux et facilement disponibles200 ». Ce constat ouvre donc la porte sur un autre aspect des contraintes qui pèse sur les choix nutritionnels, celui du coût élevé des aliments jugés bons pour la santé. Combris, Étilé et Soler expliquent à cet égard que :

[l]es évolutions de long terme de la structure relative des prix alimentaires (ainsi que le coût croissant de l’activité physique) conduisent à payer des surcoûts significatifs pour avoir accès à une diète conforme aux recommandations nutritionnelles, ce qui explique, au moins en partie, l’existence de déséquilibres nutritionnels plus fréquents dans les catégories sociales défavorisées.201

Il s’ensuit que, même dans le cas où le discours en matière de bonne alimentation serait bien compris et accepté, les contraintes budgétaires pourraient empêcher certaines catégories de mangeurs de suivre les recommandations. Une telle

198 Amanda C. Jones, J. Lennert Veerman et David Hammond, op.cit., p. 1.

199 Institut national de santé publique, « Analyse des enjeux éthiques liés à la taxation des boissons sucrées »,

op.cit., p. 6.

200 Jean-Pierre Poulain, Sociologie de l’obésité, op.cit., p. 80.

201 Pierre Combris, Fabrice Étilé et Louis-Georges Soler, « Alimentation et santé : changer les comportements

de consommation ou mieux réguler l’offre alimentaire ? » dans Isabelle Proust (dir.), Désirs et peurs alimentaires au XXIe siècle – Évolutions et comportements alimentaires, problématiques économiques et responsabilités collectives, Paris, Éditions Dalloz, 2006, p. 243-244.

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éventualité signifie que taxer les boissons sucrées sans accompagner cette action d’autres mesures favorisant l’accès aux aliments sains pour les classes sociales défavorisées risquerait de ne pas atteindre les objectifs recherchés. De plus, elle pénaliserait doublement les ménages à faibles revenus. En effet, dans le cas d’une taxe visant à influencer les choix des consommateurs, la question du taux d’imposition n’est pas anodine, car « une modification trop modeste des prix pourrait n’avoir aucun impact significatif à l’échelle de la population202 ». Un autre scénario possible est celui proposé par Conly, selon lequel les personnes qui affectionnent tout particulièrement les boissons sucrées pourraient simplement y consacrer une part plus importante de leur budget, ce qui n’aurait aucun impact sur la baisse de la consommation203. L’INSPQ va dans le même sens, en faisant valoir que les consommateurs ne remplaceront pas nécessairement ces produits par d’autres plus nutritifs ou qu’ils pourraient réduire leurs dépenses consacrées à d’autres produits afin de pouvoir continuer à consommer des boissons sucrées204.

3.2.2 Examen du discours étatique québécois en matière de boissons sucrées

Dans cette partie, nous présenterons en premier lieu un survol de trois politiques québécoises en matière d’alimentation, de santé et de prévention et nous examinerons plus spécifiquement quel y est le discours tenu en matière de boissons sucrées.

Au Québec, la première politique consacrée entièrement aux questions entourant la saine alimentation, intitulée Une politique québécoise en matière de nutrition205, a été adoptée en 1977. Elle suit de quelques années la mise en place, en 1970, du régime d’assurance-maladie du Québec. L’État québécois assume dès lors un rôle

202 Ibid., p. 3.

203 Sarah Conly, Contre l’autonomie. La méthode forte pour inspirer la bonne décision, Québec, Presses de

l’Université Laval, 2014, p. 201.

204 Institut national de santé publique, « Taxation des boissons sucrées : perspectives économiques, op.cit., p.

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205 Ministère des affaires sociales, Une politique québécoise en matière de nutrition, Québec, Gouvernement

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majeur dans les soins de santé apportés à la population, qui accaparent une part importante de son budget. Cette situation entraine donc une prise en charge étatique inédite et les coûts d’un tel système se révéleront vite élevés. Des actions doivent donc être entreprises afin de tenter de contenir les coûts. C’est ainsi que le but avoué de la politique sera « d’améliorer la santé par l’acquisition et la pratique de saines habitudes alimentaires206 » dans l’espoir implicite qu’une population plus en santé développera moins de troubles médicaux. Dans la politique de 1977, la consommation de boissons sucrées n’est pas considérée comme un problème en soi. De fait, la seule mention qui en est faite concerne l’augmentation de la consommation des boissons gazeuses en été207, ce produit étant davantage choisi pour se désaltérer à cette période de l’année. Cependant, le deuxième objectif parmi les sept énumérés par la politique vise une réduction de 50% dans l’apport en sucre dans l’alimentation des individus208. Le sucre est donc déjà identifié à cette époque comme un produit dont il faut modérer sa consommation.

En 1992, soit quinze ans plus tard, est adoptée La politique de la santé et du bien- être209. Si les boissons sucrées sont à peine mentionnées dans le document, on y constate que, même s’il y a eu des améliorations dans les habitudes alimentaires dans la population, « [c]ertains produits néfastes demeurent cependant très populaires : le sucre, les boissons gazeuses, les pâtisseries et les matières grasses210». Le seul objectif identifié en lien avec la consommation de sucre est de réduire de 50% le nombre moyen de dents cariés211.

206 Ministère des affaires sociales, op.cit., p. 37. 207 Ibid., p. 23.

208 Ibid., p. 37.

209 MSSS- Ministère de la Santé et des Services sociaux, Politique de la santé et du bien-être, Québec,

Gouvernement du Québec, 1992, 192 p.

210 Ibid, p. 139. 211 Ibid, p. 104.

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En 2016, le gouvernement québécois lance la Politique gouvernementale de prévention en santé212. L’approche est tout à fait différente des politiques précédentes. Ainsi, il y est mentionné d’emblée que « [l]a surconsommation de gras, de sel et de sucre est un problème nutritionnel majeur 213». Le premier objectif de la politique est donc d’améliorer l’accès à une saine alimentation. Un des chantiers proposés afin d’atteindre cet objectif est d’«[é]tudier la pertinence et la faisabilité d’instaurer une taxe sur les boissons sucrées, dont les revenus seraient réinvestis dans la prévention214 ». Le but avoué de cette mesure est de « dénormaliser » la consommation de boissons sucrées215. Par « dénormaliser », on comprend qu’il s’agit d’en arriver au même résultat qu’avec les produits du tabac. Avec l’adoption de lois et règlements interdisant de fumer dans les endroits publics, le fait de fumer est passé de geste banal à presque marginal dans certains