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construction de l’identité professionnelle

5.2. Le discours évaluatif du sujet parlant dans un contexte de mastérisation un contexte de mastérisation

5.2.1. La subjectivité, reflet de la création de soi

Mise en scène de soi

Les descripteurs théoriques de la subjectivité sont nombreux. Contrairement aux journaux précédemment analysés, les indices de personnes à la première personne dans le corpus comme les pronoms personnels « je », « me », « moi », « nous » ou les déterminants possessifs comme « mon », « ma » renvoient au « sujet parlant » qui raconte son expérience à l’étranger :

Extrait 2 journal de mobilité A, annexe page 369

La subjectivité est renforcée par les indices de temps et de lieu relatifs qui s’organisent autour du « sujet parlant » comme « repère » (Daille, Monceaux, Vernier, 2009). En effet, le discours du « sujet parlant » est ponctué par des unités linguistiques qui marquent le temps comme « dès », « après », et le lieu comme « ici » :

La subjectivité s’exprime également à travers les modalités évaluatives, affectives et les modalisations de la volonté et de la nécessité. Lorsque le « sujet parlant » porte un jugement évaluatif sur son action pédagogique, il ne se réduit pas à une évaluation morale, au bon ou au

mauvais comme nous l’avons rencontré dans les journaux précédents. Le stagiaire exprime des

sentiments comme la satisfaction ou le regret. Dans l’extrait ci-dessous, le stagiaire formule son contentement. Visiblement, le stagiaire vient de surmonter une difficulté qu’il a rencontrée. Cet exemple montre le développement d’une compétence professionnelle et la prise de conscience du stagiaire de la nécessité de rythmer les séances pédagogiques. Le stagiaire éprouve ainsi le besoin de partager le moment pédagogique avec le lecteur : « rangée verte debout ! » « Qui a un pull rouge ? ».

Extrait 3 journal de mobilité A, annexe page 370

Le jugement évaluatif du stagiaire peut être négatif, sévère. Son discours, marqué par des dépréciatifs comme « trop », « pas assez », sert cependant à améliorer la pratique. Les dysfonctionnements ne sont pas vécus comme un échec mais comme une étape de la construction professionnelle car ils sont formulés par le stagiaire lui-même. L’autocritique n’est pas destructrice. Elle permet au stagiaire de tirer des leçons de son agir professionnel, de chercher des solutions et d’accompagner les prises de conscience de décisions :

Mise en scène de l’Autre

Le « sujet parlant » met en scène d’autres identités pour se mettre en scène soi-même (Abdallah-Pretceille, 1999 : 17). Les indices de personnes à la troisième personne du singulier ou du pluriel ainsi que les indices de lieu comme « ici » permettent au sujet de se distancier de l’Autre pour mieux l’observer, le questionner, l’analyser. Les descriptions des actions pédagogiques ou du système éducatif allemand faites par le stagiaire sont accompagnées des marques de subjectivité du « sujet parlant ». En effet, le « sujet parlant » s’étonne de ce qu’il voit, souligne la différence, fait part de son approbation ou de l’intérêt d’une telle démarche pédagogique. Le discours du stagiaire est alors ponctué par des termes affectifs, des appréciations positives ou négatives ou des points d’exclamation :

:

Ces deux extraits montrent que les stagiaires construisent leur identité professionnelle à partir des différences observées, des appartenances collectives. Ils sont les acteurs de leur construction identitaire. Abdallah-Pretceille (1999 : 54) écrit : « La place accordée par l’interculturel au sujet, singulier et acteur, dans ses perceptions redonne à la subjectivité (et non au subjectivisme) une place de choix ». Les pratiques observées constituent des objets qui, une fois réfléchis, transforment leur pensée. Dans le premier extrait, la technique opératoire utilisée en Allemagne fait prendre conscience au stagiaire de la diversité des démarches pédagogiques utiles dans le cadre de la différenciation des pratiques. Dans le second exemple, la relation enseignant/enfant remet en question le modèle relationnel statutaire français apprenant/expert, la position dominante du professeur. Dans les deux cas, on perçoit chez les stagiaires l’émergence « d’une nouvelle grille identitaire » (Kaufmann, 2004 : 111). Le processus de construction identitaire est en marche. La réflexivité déconstruit des valeurs pour en fabriquer d’autres :

L’identité est un processus de fermeture et de fixation, qui s’oppose à la logique d’ouverture et de mouvement de la réflexivité. Elle fabrique continuellement un système unifié de valeurs, qui fonctionne sous forme de grille de perception du monde, donnant le sens de la pensée et de l’action. Utilisant pour cela des images, qui se construisent toujours par la réduction du réel. Réduction parfois extrême, pouvant ne retenir que quelques traits ou idées très simplifiées (Dortier, 2002). Cette fixation est toutefois momentanée, les images de soi étant multiples et extrêmement changeantes. L’opposition frontale à la réflexivité n’opère donc qu’à certains moments bien précis, quand l’enveloppement identitaire a besoin de se refermer sur une unité de sens. À d’autres moments au contraire, la réflexivité peut préparer la mise au point d’une nouvelle grille identitaire (plus ou moins fermée et réductrice, plus ou moins durable). Antagoniques quant à la logique de leur fonctionnement, la réflexivité et l’identité sont donc en réalité souvent concrètement associées dans des articulations complexes. Au cœur de l’exercice concret de la subjectivité. (Kaufmann, 2004 : 110-111)

Le journal livre donc des indices d’acculturation (Brégent, Mokounkolo, Pasquier, 2008) plus ou moins explicites. Dans l’extrait ci-dessous, le changement de positionnement lié au contact d’individus de culture différente est clairement évoqué :

Dans ce contexte de mobilité, les journaux sont bien qualitatifs. La parole du stagiaire n’est pas confisquée mais valorisée. Le sujet parlant ne s’efface pas ou ne disparaît pas. Au contraire, il s’implique dans une reconstruction de sens de l’expérience. La personnalisation de l’énonciation atteste du rôle du sujet parlant dans la construction identitaire professionnelle.