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perspective humaniste et expérientielle ?

3.3. Ouverture à la citoyenneté et approches plurielles : un sujet social pluriel ? plurielles : un sujet social pluriel ?

3.3.1. Acteur social et interculturel

La didactique des langues semble être au cœur du projet politique européen. Ce chamboulement épistémologique et idéologique permet-il, au moins en théorie puisqu’il est trop tôt de voir comment cela se passe sur le terrain, de doter la didactique des langues d’un nouvel horizon plus sensible à un sujet apprenant acteur social et citoyen européen ? Question ambitieuse à laquelle je ne pourrai pas répondre mais qui me semble importante à défricher et déchiffrer. La complexité de cette question est certaine, aussi je ne retiendrai que quelques éléments qui me semblent d’intérêt pour mon construit théorique concernant les différents glissements didactiques.

La première évolution, qu’il faut souligner, se retrouve dans l’intitulé « didactique des langues et des cultures » apparu au moment de l’approche communicative. Rappelons que les années 70/80 sont marquées par la centration sur l’apprenant et ses besoins, par les actes de parole retenus dans l’approche notionnelle fonctionnelle et enfin par une prise en compte de l’objet culturel. On pourrait croire que le modèle fonctionnel et communicatif a permis d’opérer un changement notable de cap en introduisant le multidimensionnel par le biais de la centration sur l’apprenant. On pourrait penser que cette nouvelle centration a impliqué une orientation pédagogique et donc une ouverture

ne se référait pas ou peu aux pédagogues qui se sont intéressés au recentrage sur le sujet de l’apprentissage.

Le modèle fonctionnel (et communicatif) s’est ainsi essentiellement préoccupé de

la détermination préalable du produit attendu à la fin de l’enseignement. L’ensemble des comportements visés est en fait une reproduction des comportements observés en situation réelle. Les contenus et l’organisation didactique sont déterminés par cet isomorphisme. Le planificateur fait les choix, l’apprenant est invité à s’y conformer le mieux possible. (Springer, 1996 : 183).

On retrouve ainsi un nouveau savoir objet, certes plus complexe et incluant les actes de langage et les situations de communication visées, et un sujet que l’on nomme apprenant, mais qui garde toujours une certaine universalité même si elle est délimitée par des communautés de discours. L’enseignement sur objectifs spécifiques se développe dans ce cadre en suivant ce modèle didactique fonctionnel. L’approche fonctionnelle communicative s’inscrit dans la pédagogie par objectifs qui vise la finalité rationaliste de la linguistique appliquée. L’apprenant n’est toujours pas un sujet social.

Cependant, l’approche fonctionnelle et communicative a permis de poser la question de l’objet « culture » au côté de l’objet « langue ». La compétence de communication a été en effet décomposée en composante linguistique, sociolinguistique, socioculturelle, etc. Galisson (1991 : 114) disait

Si les didactologues/didacticiens parlent de plus en plus de culture(s), ils ne parlent pas forcément de la même chose. À la question : « Quelle(s) langue(s) enseigner ? », ils en ont ajouté une autre : « Quelle(s) culture(s) enseigner ? »

Galisson soulignait que les maximalistes du culturel sont les héritiers de l’enseignement de la civilisation et de la culture savante, la « culture cultivée ». Une des conséquences de cette approche est de « vouloir « fabriquer » des étrangers à la ressemblance des Français cultivés » (op. cit. : 14). Le courant minimaliste vise au contraire de fournir « une clé pour comprendre les autres et être compris d’eux. ». Le retard pris pour l’objet culturel s’explique, selon Galisson, par l’absence de travaux de synthèse en anthropologie. Nous pouvons remarquer qu’il s’agit dans ce cas de définir des savoirs culturels enseignables. Ces réflexions ne concernent pas le sujet apprenant mais les contenus à enseigner.

Porcher (1995 : 53) disait de son côté que

Depuis une quinzaine d’années, l’interculturel a pénétré le champ de la didactique du français langue étrangère, au point que, aujourd’hui, personne ne songe plus à l’en écarter même si de nombreux désaccords subsistent sur sa définition et sur le rôle qu’il doit tenir dans les pratiques pédagogiques.

La transposition didactique de l’interculturel a eu bien entendu pour conséquence de réduire son impact. Porcher explique que la didactique a retenu la comparaison de la culture source et de la culture cible mais aussi la nécessité des échanges.

La capacité interculturelle fondamentale, alors, c’est celle de la décentration, de l’orientation positive vers l’altérité, de l’aptitude à se mettre à la place d’autrui et à raisonner comme lui, selon ses réflexes et ses a priori. (Porcher, 1995 : 60).

Une pédagogie interculturelle suppose « une relation à l’autre » et une « bonne connaissance de soi ». Pour Porcher, définir une compétence interculturelle implique de cerner des savoir-faire culturels et sociaux. Il propose ainsi de traiter les « universels-singuliers », c’est-à-dire des thèmes porteurs comme l’eau, l’amour, etc., dans la mesure où cette entrée thématique permet une approche comparativiste.

Abdallah-Pretceille de son côté (2003 : 146) insiste sur le fait que

la connaissance hors contexte, hors relation, hors communication avec autrui, ne facilite pas la rencontre. (...) L’identité de chacun ne peut plus être définie sans lui, en dehors de lui, mais avec lui.

Dervin (2009 : 167), reprend les positions d’Abdallah-Pretceille et critique cette approche du culturel/interculturel qu’il qualifie de « différentialiste/culturaliste ». Elle consiste à confronter deux entités culturelles pour expliquer les différences du soi et de l’autre. Il se demande fort à propos : « Où est le sujet (Anderson, 1999) dans cette conception de la culture et l’identité aux frontières impossibles à définir? ». Abdallah-Pretceille (2009 : 51) dit clairement que « si les dimensions linguistique et culturelle constituent bien une condition nécessaire à la communication, elles ne sont cependant pas des conditions suffisantes. ». La « langue outil » et la « culture-outil » revendiqués par la didactique des langues et des cultures continuent à exclure le rapport à autrui, c’est-à-dire les sujets acteurs de l’apprentissage.

L’enjeu ne peut donc être de connaître les cultures même celles des autres, mais de comprendre l’expérience humaine dans ses singularités et aussi dans sa totale universalité. (Abdallah-Pretceille, 2009 : 53).

L’option anthropologique, qui est celle de la nouvelle didactique, suppose ainsi « la reconnaissance du sujet, « le retour de l’acteur » pour reprendre la formule d’Alain Touraine » (Abdallah-Pretceille , op. cit. : 55). Les questionnements autour de ce nouvel objet culturel/interculturel rappellent les débats que j’ai présentés à propos de l’objet langue. La didactique des langues et des cultures

d’enseignement, l’objet culture, même si l’approche interculturelle, parce qu’elle se préoccupe d’anthropologie, aurait permis d’aborder le sujet social dans ses relations à l’autre culturel.

3.3.2. Approches plurielles : vers un sujet