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Structures chimiques des Glycopeptides :

Deuxième partie : Glycopeptides

III. Structures chimiques des Glycopeptides :

Les glycopeptides sont de volumineuses molécules de haut poids moléculaires, ils sont composés d’une partie glucidique associée à des acides aminés, et ils comportent un noyau central peptidique de sept acides aminés, cette structure tridimensionnelle en forme de poche leur confère une rigidité, dont le rôle est primordial lors de la liaison de l’antibiotique à sa cible sur la paroi cellulaire (dipeptide terminal D-alanyl-D-alanine D-Ala-D-Ala) des précurseurs du peptidoglycane [76, 79].

Cinq acides aminés sur les sept sont conservés dans tous les glycopeptides [80].En effet, les différences entre les glycopeptides se situent au niveau des acides aminés 1 et 3 et des substrats attachés aux groupes aromatiques des acides aminés [79, 80].

Les acides aminés 1 et 3 de la vancomycine sont respectivement la leucine et une asparaginase alors qu’il s’agit de deux hydroxyphényl-glycines pour la teicoplanine [80].

Les glycopeptides possèdent généralement des structures chimiques semblables comme démontrer ci-dessous :

1. Vancomycine :

La structure de la vancomycine a été la première élucidée et confirmée par les études de diffractions aux rayons X en 1978 grâce à plusieurs travaux dont ceux-ci sont résumés par Barna et al.

La vancomycine a une masse moléculaire de 1449 daltons, ce qui en fait une des plus grosses molécules antibiotiques, sa formule empirique est C66H75-C12N9024.

La structure de base de la vancomycine est formée d'un noyau central peptidique de sept acides aminés qui sont le N-méthyl-D-leucine, hydroxy-m-chlorotyrosine, acide p-aspartique, p-hydroxyphényl-glycocolle, p-hydroxyphényl-glycocolle, P-hydroxy-m-chlorotyrosine et di-m-hydroxyphényl-glycocolle (Figure 6). En effet, les acides aminés 1 et 3 qui servent à différencier la vancomycine des autres glycopeptides sont respectivement la leucine et l'asparagine [76, 80, 81].

L'unité disaccharide composé du D-glucose et de la L-vancosamine est branchée sur le groupe phénol de l'acide aminé 4. Ainsi, les sucres branchés sur le noyau peptidique sont situés à l'extérieur de la molécule et sont responsables plus des propriétés pharmacocinétiques des produits que de leur activité antibactérienne (Figure 6) [76].

Il est à noter que les résidus phénols permettent la formation d'une structure tricyclique dichloré.

2. Teicoplanine :

La téicoplanine est formée d'un mélange de cinq composants du groupe A2 dit « majeurs » (T-A2-1, 2, 3, 4 et 5) : teichomycine A2 ,comportant chacun trois résidus osidiques (acyl-P-D-glucosamine, acétyl-a-D-glucosamine et D-mannose) et d'un composant T-A3-1 dérivé du composé A2 dit« mineur » comportant seulement deux résidus osidiques (N-acétyl-D-glucosamine et D-mannose) :teichomycine A3 (Figure 7), sa formule empirique est C89H108N9O35C12.

La Teicoplanine présente l’originalité de porter un résidu acyl dont les TA2 portent une chaîne latérale d’acides gras différents pour chacun des 5 constituants, elle est également une grosse molécule ayant un poids moléculaire de 1933 Da [76, 82].

Il est à signaler que les résidus phénols permettent la formation d'une structure tétracyclique de la téicoplanine [81].

IV. Propriétés physico-chimiques des Glycopeptides :

1. Vancomycine :

La vancomycine possède un pH qui varie de 2,5 à 4,5, avec une osmolarité égale à 249 mOsm.kg-1 dans G5, et 291 mOsm.kg-1 dans NaCl 0,9%, elle est hydrosoluble si le pH est inférieur à 4, la forme reconstituée de la vancomycine est réputée stable 14 jours au réfrigérateur, elle est influencée par le pH avec une stabilité maximale à un pH qui varie de 3 à 5,5.

La vancomycine peut entraîner la dégradation des molécules au pH alcalin ainsi qu’il faut éviter le contact avec des solutions dont la force est élevée [83, 84].

Quand à son incompatibilité physico-chimique, il est préférable de perfuser la vancomycine seule, car son administration est incompatible avec de nombreux médicaments, tels le chloramphénicol, la méticilline, les corticostéroïdes, l’héparine et les barbituriques [83].

2. Teicoplanine :

Les TA2 portent plus de trois oses et une chaîne latérale d’acide gras différents pour chacun des cinq composants, ceci leur confère une grande lipophilie, permettant une meilleure diffusion tissulaire d’où une demi-vie longue.

La TA3 ne compte que deux oses et ne présente pas de chaîne d’acide gras, il s’agit du composé le plus polaire.

La teicoplanine est un acide faible avec un pH de l’ordre de 7,5, elle est soluble dans l’eau, avec une bonne tolérance intraveineuse ou intramusculaire. La solution reconstituée de la teicoplanine peut être stockée pendant 24h à +4 °C, elle est sensible aux augmentations de température [82, 84, 85].

V. Propriétés pharmacologiques des Glycopeptides :

1. Pharmacocinétique clinique :

Tableau VII : Paramètres pharmacocinétiques des antibiotiques glycopeptidiques [87].

Vancomycine Teiroplanine

Biodisponibilité Voie intramusculaire Voie orale

<5% 90-100% <5% Volume de distribution 0,5-1,01/kg 0,6-1,2 1/kg Liaison protéique 30-60% 90-95% Métabolisme hépatique <10% <5% Elimination rénale 80-100% 95-100% Clairance :

Clairance totale 80-140 ml/min 12-15 ml/min Clairance rénale 70-120 ml/min 9-14 ml/min Demi-vie :

Fonction rénale normale 6-8 h 50-100 h Insuffisance rénale sévère 200-250 h 200-600 h Zone thérapeutique :

Cone. maximale 2040 mg/l 40-50 mg/l Cone. résiduelle 5-10 mg/l 10-15 mg/l

1.1. Résorption :

La vancomycine et la teicoplanine ne sont pratiquement pas résorbées après administration orale (biodisponibilité < 5 %), cette voie d'administration est donc réservée au traitement local des colites secondaires et l'emploi d'antibiotiques à large spectre et à la décontamination microbienne du tube digestif.

Plusieurs auteurs ont néanmoins rapporté une résorption systémique non négligeable de la vancomycine après administration orale chez des patients présentant une colite pseudomembraneuse et/ou une insuffisance rénale sévère [18, 25]. En l'absence de données plus précises, il convient donc de surveiller les concentrations sériques chez des patients recevant des doses élevées de vancomycine au long cours par voie orale (dose > 2 g/jour pendant plus de 10 jours).

Mieux tolérée que la vancomycine, la teicoplanine peut également être administrée par voie intramusculaire (biodisponibilité de 90-100 %), sa résorption est rapide et se traduit par un pic de concentration compris entre 5 et 7 mg/l apparaissant 2 à 4 heures après administration d'une dose de 3 mg/kg [86, 88].

1.2. Distribution

Le profil des concentrations de vancomycine et de teicoplanine obéit à un module à deux voire trois compartiments. Après administration intraveineuse, il est ainsi possible de discerner une phase de distribution rapide (t1/2 de 7 à 15 minutes pour la vancomycine et de 15-20 minutes pour la teicoplanine) suivie d'une phase de distribution plus lente (t1/2 de 30-90 minutes pour la vancomycine et d'environ 90-180 minutes pour la teicoplanine. En effet, Le volume de distribution à l'état d'équilibre (Vd) de la vancomycine, très variable, est compris entre 0,5 et 1,0 l/kg. Pour la teicoplanine, il varie entre 0,6 et 1,2 l/kg en fonction de l'état du patient [86, 88].

La liaison aux protéines plasmatiques varie entre 30 et 60 % pour la vancomycine et est proche de 90 % pour la teicoplanine. Elle s'effectue préférentiellement sur l'albumine, peu sur l'-glycoprotéine acide.

Par ailleurs, les glycopeptides se distribuent rapidement dans les tissus mous et permettent l'obtention de concentrations élevées dans le foie, les reins, les poumons et le tissu cardiaque. Des concentrations inhibitrices efficaces sont retrouvées dans le liquide pleural, le liquide péricardique, l’ascite et le liquide synovial, ainsi que dans les urines et le dialysat péritonéal [79, 86, 88].

En revanche, leur diffusion est moyenne dans l’os et le poumon, tandis qu’ils diffusent mal dans les tissus graisseux et dans le liquide céphalorachidien (LCR) lorsque les méninges sont saines. La pénétration de la vancomycine dans le liquide céphalo-rachidien est augmentée lorsque les méninges sont enflammées selon un mécanisme saturable [86].

Tableau VIII: Rapport des concentrations tissulaires sur les concentrations plasmatiques de vancomycine, de téicoplanine dans les différents tissus[87].

Vancomycine Teicoplanine

OS ≤15% ≤60%

Muscle 30% 40%

1.3. Elimination

Les glycopeptides sont très peu métabolisés au niveau hépatique (moins de 5% de la dose), ils sont éliminées presque exclusivement sous forme inchangée par voie rénale, essentiellement par filtration glomérulaire (clairance rénale de 70-120 ml/min pour la vancomycine et de 9-14 ml/min pour la teicoplanine).

L'excrétion extrarénale est minime et représenterait uniquement 5 à 20 % de la clairance totale. En présence d'une fonction rénale normale, 80 et 100% de la dose administrée est retrouvée dans les urines. La vancomycine possède une clairance totale beaucoup plus importante (Clairance totale de 80- 140 ml/min contre 12-15 ml/min) et une demi-vie d’élimination beaucoup plus courte (ti/2 de 3-13 heures contre 50- 100 heures) que celle de la teicoplanine . Ces deux paramètres ainsi que la clairance rénale sont fortement corrélés et la clairance de la créatinine [86, 88].

La longue demi-vie de la teicoplanine, due à son importante liaison aux protéines tissulaires et plasmatiques, autorise une seule administration quotidienne [86].

2. Pharmacodynamique des Glycopeptides :

La plupart des auteurs s'accordent à dire que la dynamique de bactéricide de ces antibiotiques est plutôt temps-dépendante, ce qui veut dire que son activité est liée au temps pendant lequel sa concentration sérique est supérieure à sa CMI, ce temps est directement proportionnel à sa demie-vie sérique et la concentration sérique efficace de vancomycine est évaluée à quatre fois la CMI [89].

Par ailleurs, ces antibiotiques sont lentement bactéricides, ils sont rarement bactéricides au bout de 24 heures et ne le deviennent qu’après 48 heures de contact avec les bactéries, cette bactéricidie lente n’est pas expliquée [90].

Néanmoins, une hypothèse part du fait que l’action des inhibiteurs de la synthèse de la paroi (glycopeptides ou bêta-lactamines) active la libération d’autolysines qui dégradent la paroi, provoquant ainsi un suicide bactérien mais que du fait de leur taille et de l’encombrement stérique qu’ils provoquent, les glycopeptides gênent l’action de ces enzymes [89, 90].

3. Mécanisme d’action des Glycopeptides :

Les glycopeptides possèdent trois mécanismes d’action différents [79]. Ce mode d'action à cibles multiples contribue probablement au faible nombre de résistances acquises observées à ce jour [86].

Le mécanisme d’action principal est une inhibition de la synthèse du peptidoglycane avec pour conséquence la lyse bactérienne. En effet, la vancomycine et la teicoplanine agissent en se fixant sur des précurseurs de la paroi [79].

Il est maintenant bien établi que ces molécules ont de l'affinité pour les précurseurs du peptidoglycane comportant un acyl-D-alanyl-D-alanine terminal. En raison de la grande taille des glycopeptides, leur liaison au D-Ala-D-Ala terminal va d'une part bloquer le positionnement des transglycosylases et d'autre part masquer le site N-acyl-D-Ala-D-Ala qui représente le site de liaison des transpeptidases, cette action s’exprime par un encombrement stérique (liaisons hydrogènes selon un modèle clé-serrure).

Il est à signaler que les glycopeptides n'inhibent pas directement les transglycosylases et les transpeptidases, mais empêchent leur action par une séquestration de leur substrat, en l'occurrence le disaccharide pentapeptide ayant une extrémité D-Ala-D-Ala (Figures 11), cette double action entraîne l’inhibition de la croissance puis la mort bactérienne [91].

Selon certains auteurs, une inhibition de la synthèse d’ARN et une altération de la perméabilité membranaire sont deux mécanismes d’action supplémentaires décrits.

Par ailleurs, les glycopeptides possèdent une activité bactéricide lente, maximale sur les bactéries en phase de multiplication active, celle-ci est peu influencée par la concentration mais plutôt par le temps pendant lequel les concentrations demeurent au-dessus de la concentration minimale inhibitrice (bactéricidie temps dépendante) [86].

Figure 7: Liaison de la vancomycine au dipeptide D-Ala-D-Ala des précurseurs du peptidoglycane [91].

4. Spectre antibactérien :

Les glycopeptides possèdent un spectre antibactérien étroit limité aux cocci et bacilles à Gram positif (aérobies et anaérobies), tandis les bactéries à Gram négatif sont naturellement résistantes aux glycopeptides, à cause de l’imperméabilité de leur membrane externe à ces antibiotiques [92, 93].

L'activité antibactérienne in vitro des glycopeptides est déterminée selon l'interprétation des valeurs de CMI obtenues suivant les méthodes standards de mesure. Plusieurs institutions nationales telles que le BSAC en Angleterre, le CLSI aux États-Unis, la SFM en France et le SRGA en Suède publient des valeurs de CMI concernant l'activité de plusieurs antibiotiques dont les glycopeptides [94].

Tableau IX: Spectre d'activité des glycopeptides limités aux bactéries à Gram positif [79].

Bactéries à Gram positif sensibles

Bactéries à gram positif avec résistance intrinsèque

Bactéries Gram positif avec acquisition fréquente de résistance Streptococcus Staphylococcus Enterococcus Leuconostoc spp Nocardia spp Pediococcus Arcanobacterium Enterococcus avium Enterococcus faecalis

Bacillus Erysipelothrix rhusiopathiae Enteroccus faecium

Corynebacterium Lactobacillus spp Enterococcus durans

Listeria Enterococcus casseliflavus Streptococcus bovis

Gardnerella Enterococcus flavescens Staphylococcus haemolyticus

Clostridia Enterococcus gallinarum Oerskovia

Lactococcus

On note aussi que le spectre de la teicoplanine est superposable à celui de la vancomycine avec une activité supérieure sur les entérocoques mais inférieure sur les staphylocoques à coagulase négative [79].