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Résistance d’Entérocoque aux Glycopeptides

II. Définition de l’antibiorésistance :

5. Aspects épidémiologiques :

5.3. Entérocoques en Afrique :

Il est très difficile de se faire une idée précise et globale de l’ampleur des entérocoques résistants aux glycopeptides en Afrique. Peu d’études multicentriques standardisées sont disponibles. Bien souvent, il s’agit de résultats parcellaires concernant telle ou telle pathologie bien précise.

Le Palm Project (Pan African Link through Microbiology), initiative de Smith Kline Beecham, a inclus neuf pays africains : le Kenya (Afrique de I’Est), le Cameroun (Afrique centrale), le Nigeria, le Sénégal et la Côte-d’Ivoire (Afrique de l’ouest), le Maroc, 1’Algérie et la Tunisie (Afrique du Nord), et Malte.

Actuellement, cinq pays africains, le Maroc, la Tunusie, l’Algérie, le Sénégal et la Côte-d’Ivoire, font partie de I’initiative Inspear (International Network for the Study and Prevention of Emerging Antimicrobial Resistance), initie par le Center for Diseases Control à Atlanta, aux Etats-Unis, et qui concerne 39 pays de tous le continent [175].

L’Afrique du Sud, rapportait en 1997 l’émergence de souches d’entérocoques résistantes à la vancomycine. D’autres auteurs sud-africains de Johannesburg [176] notifient en février 2000, l’émergence de souches d’entérocoque résistant aux glycopeptides : trois E.

faecium Van A, dix E. faecium Van B. Ces souches ont été isolées en, 1998 lors d’une

enquête de prévalence dans quatre hôpitaux à partir d’écouvillons rectaux de patients à haut risque d’infection nosocomiale [175].

Ainsi, une autre étude réalisée durant la période de Novembre 2000 à Mars 2001 dans l'unité de bactériologie du laboratoire de biologie médicale de l'Institut Pasteur de Dakar, révèle l’absence d’ERG, ce résultat peut être lié à l'utilisation très faible voire nulle de la vancomycine, ceci du fait de son coût élevé et donc de son accessibilité pour les populations [177].

Toutefois, il est à noter que la plupart des études relatives aux entérocoques au Maroc sont en faveur d’absence de résistance ou d’épidémies d’entérocoques résistants aux glycopeptides:

Dans une étude rétrospective réalisée en 12mois, de janvier2014 à décembre2014 au laboratoire de Microbiologie CHU HassanII de Fès sur la bactériémie en milieu hospitalier. les entérocoques ont représenté (8.52%) des microorganismes isolés, et aucune souche résistante aux glycopeptides n’a été trouvée chez les souches d’entérocoques [178].

Une autre étude rétrospective réalisée en 12mois, durant la même année au laboratoire de Microbiologie de HMMI de Meknès, dont l’objectif est de faire le point sur la situation

identifié. Par ailleurs, aucun entérocoque résistant aux glycopeptides n’a été isolé [178]. Une étude réalisée pendant 6 mois en 2014 à la communauté de Casablanca, et dont l'objectif est de rapporter la fréquence de portage intestinal des souches d'entérocoques résistants aux glycopeptides (ERG) [espèces, supports génétiques de la résistance] sur 100 souches collectées auprès d'une population communautaire de 80 personnes [179].

Le profil de résistance a montré que 88% des souches étaient multi-résistantes, ainsi, le taux de portage intestinal de VRE était de 21%, parmi lesquels 8 souches étaient E. faécalis (17,8% de toutes les E. faecalis) et 13 souches étaient E. faecium (23,6% de tous les E.

faecium). En effet, l'émergence d’ERG et le taux élevé de la colonisation par les entérocoques

multirésistants est alarmant, des mesures strictes sont nécessaires pour contrôler la propagation de ces souches dans la communauté marocaine.

Par ailleurs, le premier cas d’E.faecalis résistant à la vancomycine en Afrique de nord a été isolé en Algérie en 2008, il s’agit d’un patient âgé de 24 ans né à Alger et y demeurant, régulièrement suivi par le service de pédiatrie de l’hôpital central de l’armée depuis sa naissance pour uropathie malformative, de par sa pathologie, il a toujours reçu un traitement antibiotique préventif, ce qui aurait pu expliquer l’émergence du germe par effet de pression de sélection antibiotique à partir de sa flore digestive [180].

En 2011, un total de 8 souches d’ERG, dont 5 à l’hôpital et 3 en externe, ont été signalés par certains laboratoires du réseau algérien de surveillance de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Il s’agit d’E.faecium porteurs de gêne Van A exprimant une résistance de très haut niveau à la vancomycine et à la teicoplanine [181].

En Tunisie, une étude rétrospective cas-témoins, s’étendant de janvier 2009 à décembre 2012, incluant tous les patients admis dans un service de réanimation médico-chirurgicale à hôpital militaire principal de Tunis et présentant une bactériémie à E.faecium résistant à la vancomycine (EFRV), durant la période d’étude, 8 patients ont été recensés (Groupe EFRV) soit un taux d’incidence de 4,92 pour 1 000 admissions [182].

V. Diagnostic d’une infection ou colonisation à ERG :

1. Techniques de prélèvement :

La recherche d’ERG se fait à partir de selles du patient ou de façon plus simple à partir d’écouvillons rectaux.

L’écouvillonnage est réalisé à l’aide d’écouvillons doubles, bouchon rouge (figure25), il faut s’assurer de la présence de selles sur l’écouvillon reçu aux fins d’analyses, ainsi de sa conservation dans une température entre +4-25°C [154, 183].

Il est faut bien vérifier que l’écouvillon rectal reçu est « sale », c’est à dire enduit de selles. Ne pas oublier non plus, que de tels prélèvements peuvent avoir un impact psychologique fort sur le patient (refus)… voire sur le personnel soignant, des cas de refus de réalisation ayant déjà été observés [184].

Malgré sa moindre sensibilité , l’écouvillonnage est plus adaptable à un dépistage de masse en cas d´épidémie [154, 185].

Figure 20:Ecouvillon double tige à bouchon rouge COPAN [183].

Pour les prélèvements à visée diagnostique, l´ensemencement est réalisé sur des milieux enrichis non sélectifs. Après incubation, une identification et un antibiogramme sont réalisés [186].

Les avantages et inconvénients des deux types de prélèvements sont présentés dans le (Tableau XV) :

Tableau XV: Avantages et inconvénients des deux types de prélèvements envisageables pour le dépistage du portage intestinal d’ERG [184].

Selles Ecouvillon rectal

Avantages  Densité d’ERG plus importante

= moins de faux négatifs

 Possible recueil chez patients sous chimiothérapie, radiothérapie ou transplantés de moelle osseuse

 Possible conservation par congélation  Rares cas d’inhibition de la PCR

 Facile à réaliser

 Très utile quand grand nombre d’échantillons à tester

 Moins de faux positifs

Inconvénients  Recueil plus contraignant  Traitement fastidieux quand les

prélèvements sont répétés et en grand nombre

 Nombreux faux positifs (spécificité faible)

 Risque plus élevé de faux négatifs

(quantité ERG moindre)

 Contre-indiqué chez patients sous chimiothérapie, radiothérapie ou transplantés de moelle osseuse

 Inhibition plus fréquente de la PCR, nécessite une double extraction

2. Méthodes phénotypiques :

 Recommandations selon l’avis du HCSP français de 2013 :

Le HCSP français recommande l’utilisation de milieux géloses sélectifs pour la recherche d’ERG, ainsi que la détermination de la CMI de la vancomycine et de la teicoplanine vis-à-vis de ces souches. Le laboratoire doit être en mesure d’identifier les souches, car, seules les souches d’E.faecium Van A résistantes à la vancomycine et/ou à la teicoplanine sont considérées comme souche épidémique (BHRe). Le mécanisme de résistance devra aussi être recherché, pour déterminer si la résistance est liée aux gênes vanA ou vanB, le laboratoire devra, pour tout ERG, le signaler aux autorités sanitaires [187].

 Culture sur milieux sélectifs [154, 188, 189] :

La flore fécale est composée de très nombreuses espèces bactériennes, face à l’émergence des ERG, les industriels ont mis au point différents milieux sélectifs permettant l’isolement facile des entérocoques parmi cette flore.

Tableau XVI: Milieux sélectifs pour le dépistage d'ERG [188].

Gélose Fournisseur Concentration

de vancomycine

Identification directe d'espèce

BBL Enterococcosel agar® BD Diagnostics 8 mg/l non

VRE® AES Chemunex 6 mg/l non

CHROMagar VRE® CHROMagar Microbiology

6 mg/l non

ChromID VRE® bioMérieux 8 mg/l OUI

Tableau XVII : Principales caractéristiques des différents milieux chromogènes commerciaux utilisés pour la détection des ERG [184].

En effet, la gélose sélective le plus souvent utilisée pour l’ensemencement des écouvillons reçus est la « chromID VRE » (BioMerieux), elle donne une lecture rapide après 24h d’incubation et permet la différenciation dans l’identification de E.faecium et E.faecalis, elle contient deux substrats chromogènes α-glucosidase et β-galactosidase, et 8 mg/l de

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les souches d’entérocoques ne présentant pas de résistance acquise à la vancomycine

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les espèces d’entérocoques présentant une résistance naturelle à la vancomycine

(phénotype VanC : E. gallinarum et E. casseliflavus)

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la plupart des bactéries à Gram (-), Gram (+), les levures et moisissures.

Par conséquent, la gélose est donc spécifique et sélective des ERV, et donne des colorations spécifiques des colonies (Figure23) [189] :

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E. faecium : coloration violette des souches productrices de β-galactosidase

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E. faecalis : coloration bleu-verte des souches productrices d’α-glucosidase

Figure 21: Représentations d'ERG isolés à partir de selles sur gélose chromID ERV [189]. Il est à signaler que selon leur concentration en vancomycine, ces milieux sont plus ou moins sélectifs.

L´identification directe des espèces par ces milieux chromogènes nécessite des tests complémentaires (Cf la première partie).

Dans le cadre du dépistage des ERG, au cœur d’un phénomène épidémique, le milieu de détection utilisé se devait d’être sensible (détection de tous les porteurs), spécifique (en particulier ne générant pas de faux positifs, cela pouvant résulter en une fausse alerte, et surtout en la mise en isolement d’un patient non porteur dans un secteur dédié ERG+), et devait permettre le rendu des résultats en un temps minimum (24-72 h). Fiabilité, facilité de

lecture, rapidité mais aussi absence d’interférence avec la technique de PCR multiplex mise en place [184].

 Identification et antibiogramme [154, 188, 189] :

L´identification des colonies se base sur la recherche de pyrrolidonyl arylamidase (PYR) qui est spécifique à l´entérocoque et sur des tests biochimiques exploitant les caractéristiques métaboliques propres à chaque espèce [154].

Les tests discriminants sont regroupés sous forme d´une galerie et l´identification est réalisée par comparaison du profil biochimique obtenu avec les profils d´une base de données. Si le profil n´est pas satisfaisant, le système d´identification peut indiquer les tests discriminants supplémentaires à réaliser (Cf, Tableau IV partie 1).

En effet, après suspicion d’E.faecium et d’E faecalis un antibiogramme sur gélose Mueller Hinton pourra ensuite être réalise pour confirmation de la résistance et pouvoir commencer à comparer les souches de manière phénotypique.

Figure 22: Antibiogramme sur gélose de Müeller-Hinton de la souche d’entérocoque résistant à la vancomycine [190].

Par ailleurs, la méthode de détermination de la sensibilité aux antibiotiques peut être réalisée sur un milieu solide (disques, Etest®) ou en milieu liquide (ex : Vitek2®, MicroScan®, Phoenix®…) [154].