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Résistance d’Entérocoque aux Glycopeptides

II. Définition de l’antibiorésistance :

2. Résistance acquise :

1.2. Réservoirs extrahospitaliers :

 Réservoir humain :

Le réservoir des ERG extrahospitaliers est surtout présenté par la présence de ces souches dans la flore fécale humaine en l’absence d’infection, elles sont aussi présentes dans les fèces de porteurs sains, en faible quantité (< 50 UFC/g de fèces) [135, 138].

A ce titre, le tube digestif humain représente un véritable réservoir de gène de résistance aux glycopeptides, ainsi, l’acquisition de mécanismes de résistance et l’évolution des souches bactériennes vers la multirésistance dépendent largement de l’écosystème dans lequel évoluent ces bactéries.

En effet, le tractus digestif est un écosystème ouvert colonisé par une population bactérienne particulièrement dense (1012/g de fèces) composée d’une flore dominante

famille des Enterobacteriaceae. Cet ensemble de bactéries constitue un réservoir potentiel considérable de gènes de résistance aux antibiotiques et contribue au maintien et à la dissémination de la résistance dans l’environnement [135].

 Réservoir animal :

L’utilisation des antibiotiques chez les animaux a favorisé la sélection de bactéries résistantes dans la flore fécale des animaux. Avant 1996, l’utilisation de l’avoparcine, un glycopeptide qui confère une résistance croisée à la vancomycine et la teicoplanine, comme promoteur de croissance dans les élevages de porcs et de poulets a été particulièrement dévastatrice, en étant à l’origine de l’augmentation de l’incidence des ERG [139]. En Europe, de nombreuses études ont montré la présence d’un réservoir important d’ERG dans la flore fécale des animaux d’élevage [139-141].

En revanche, dans les pays qui n’ont pas utilisé l’avoparcine, comme les États-Unis, le Canada et la Suède, on constate que ce réservoir est faible voire inexistant [135, 142].

En effet, l'isolement de E. faecium VanA chez le bétail a été rapporté au Royanme-Uni, en Allemagne et au Danemark, ces entérocoques ont été aussi isolés de produits alimentaires animaux (côtes de porc, poulets congelés), il est à noter qu’une étude hollandaise a retrouvé 10 % de porteurs sains d’E.faecium résistants aux glycopeptides dans une population omnivore et 0 % dans une population végétarienne [135, 137].

Dans ce sens, la flore fécale des animaux peut contaminer les denrées alimentaires et contribue à la flore microbienne de nombreux aliments, l’ensemble de la chaîne de production n’est pas stérile, par conséquent, de nombreuses voies permettent le transfert de ces bactéries tout au long de la chaîne alimentaire [135, 143].

Il a été montré que ces bactéries sélectionnées en élevage pouvaient être retrouvées en faible quantité sur les produits d’origine animale et être transférées par voie alimentaire à l’homme [135].

2. Modes de transmission :

L'épidémiologie de la transmission et la dissémination de la résistance aux glycopeptides a été très étudiée aux Etats-Unis et en France. En effet, la transmission des ERG se fait essentiellement par voie manuportée, par le personnel médical et paramédical mais peut aussi se faire par de surface ou de matériel contaminés comme les brassards des tensiomètres, les stéthoscopes. Elle est facilitée par la diarrhée ou l’incontinence fécale [135, 144].

Comme la plupart des Cocci à Gram positif, l’ERG peut persister très longtemps sur les surfaces inertes (5 jours à 4 mois) [145, 146]. Duckro AN et al, ont pu montrer que, lorsqu’un soignant touchait un élément colonisé par l’ERG, la probabilité de contaminer une surface indemne d’ ERG lors du contact suivant était de 10,6 %, cette probabilité, multipliée par le nombre de contacts que peut avoir un soignant dans une chambre et le nombre de soignants intervenant au cours d’une journée, explique le fort pouvoir de dissémination de l’ERG [41, 146].

Certaines recherches ont également pu montrer que certaines zones exposaient particulièrement à un risque de transmission, lorsqu’elles étaient contaminées, en particulier la zone ante-cubitale et les brassards à tension, la durée du contact avec un élément contaminé apparaissait plus importante que la densité de la colonisation sur l’élément pour la dissémination du germe [135, 145].

3. Pouvoir pathogène :

Les entérocoques résistants aux glycopeptides sont surtout responsables de colonisations digestives asymptomatiques, mais peuvent également être à l’origine d’infections dans environ 10 % des cas (infections urinaires, endocardites, bactériémies).

 La colonisation digestive :

La colonisation notamment intestinale joue un rôle clé dans l’épidémiologie et la pathogénie de l’ERG, c’est à partir de la colonisation que l’ERG va disséminer d’un patient à l’autre, voire d’un hôpital à l’autre ou même d’un pays à l’autre.

Par ailleurs, la durée de colonisation intestinale par l’ERG est longue et imprévisible, la probabilité d’éliminer l’ERG après 100 jours étant de 40 % (10 % après 20 jours).[145, 146]

Il faut noter qu’une antibiothérapie préalable, souvent à large spectre, est presque toujours retrouvée comme facteur de risque d’acquisition d’une colonisation digestive à ERG [146, 147].

L’antibiothérapie n’induit pas en elle-même la résistance à la vancomycine, mais a un impact certain sur la colonisation digestive par l’ERG, les antibiotiques anti-anaérobies augmentent la densité d’ERG dans les selles et la durée du portage chez le patient colonisé [146, 148].

Certaines études montrent que la colonisation asymptomatique du tube digestif des patients constitue une étape préalable à l’infection et la diffusion des ERG, une identification rapide des patients colonisés est donc nécessaire pour prévenir et contrôler la transmission nosocomiale des ERG, particulièrement dans les unités de soins intensifs [149, 150].

 De la colonisation vers l’infection à ERG :

La colonisation digestive joue un rôle important puisqu’elle précède presque toujours l’infection [146, 151]. En effet, les infections par les entérocoques peuvent être endogènes ou exogènes (manuporté), ces derniers sont généralement des agents pathogènes opportunistes impliqués dans des infections sévères comme les endocardites, les méningites et les septicémies, (cf la première partie). Par ailleurs, les ERG ne provoquent pas plus d’infections que les autres entérocoques mais les infections qui surviennent peuvent être plus longues et plus difficiles à traiter [151, 152].

Cependant, les infections à ERG sont responsables d'une morbidité et d'une mortalité élevées puisque ces souches sont souvent résistantes à plusieurs familles d'antibiotiques telles que les glycopeptides, les bêta-lactamines et les aminosides [151-153].

Il est à noter que certains ERG peuvent exprimer des facteurs de virulence qui les rendraient plus pathogènes, c’est le cas d’un clone émergeant en Europe (Complex-17). Cette souche CC-17 s’est parfaitement adaptée au milieu hospitalier en acquérant des facteurs de résistance tels que la cytolysine, molécule favorisant la lyse cellulaire ou encore l’Esp

(Enterococcal surface protein), responsable d’une virulence accrue (transmissibilité,

pathogénicité, biofilm protecteur) [154, 155].

4. Facteurs de risque :

Les facteurs de risque d’acquisition d’ERG sont désormais bien décrits dans la littérature, on cite entre autres :

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Durée de séjour en milieu hospitalier (supérieure à 15 jours) ou les hospitalisations multiples ;

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Administration prolongée d´antibiotiques tels que les glycopeptides, les céphalosporines de troisième génération, le métronidazole, les fluoroquinolones ou les carbapénèmes. Ces antibiotiques sont connus pour entraîner un déséquilibre de la flore digestive et exercer une pression de sélection sur les entérocoques favorisant la sélection d´ERG (Figure 17)[148, 156] ;

Figure 13: Effets des antibiotiques ( administration IV ou orale) sur la densité d'ERG dans les selles de patients colonisés [148].

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Maladie sévère sous-jacente (insuffisance rénale, cancer, les hémopathie,diabète) ;

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Interventions instrumentales invasives (hémodialyse, sonde urinaire, présence de cathéter central, la nutrition parentérale…) ;