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Structure tertiaire des hélicases à ARN de la famille SFI et SFII

La majorité des hélicases à ARN appartiennent à la superfamille SFII et sont regroupées en sous-familles : les hélicase à ARN à boîte DEAD, DEAH et DExH ou de type Ski2. Quelques hélicases appartiennent à la superfamille SFI et sont du type Upf1. Enfin, les hélicases à ARN de type viral sont classées majoritairement dans les familles SF3 et SF4,

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elles sont plus proches des protéines du type AAA/AAA+, ces dernières ne seront pas décrites ici.

Les avancées en cristallographie de cette dernière décennie ont permis la résolution des structures tertiaires de plusieurs hélicases. La première des observations, résultant de la comparaison de ces cristaux, a permis d’établir que les motifs conservés, décrits par Gorbalenya et ses collaborateurs, sont structurellement importants (Gorbalenya and Koonin, 1993) . En effet, la superposition du cristal de deux hélicases à ADN de la famille SFI, Rep (Korolev et al., 1997) et PcrA (Subramanya et al., 1996; Velankar et al., 1999) et de la structure de HCV NS3, une hélicase à ARN de la famille SFII (Kim et al., 1998; Yao et al., 1997), a permis de définir une architecture commune. On peut observer l’existence de deux domaines structurels, ressemblant à deux domaines RecA (Story and Steitz, 1992; Story et al., 1992), issus de la première structure cristallographique d’une ATPase, la protéine RecA

(figure 23). Ils sont composés de cinq feuillets ! et de leur hélice" associée. Ces domaines

sont reliés par une région que l’on appelle « linker » et forment une poche catalytique dont les parois sont composées des motifs conservés (Korolev et al., 1998). Cette structure en deux domaines RecA-like doit permettre de convertir l’hydrolyse d’NTP à des changements de conformation de la protéine (Ye et al., 2004) (figure 24). L’ensemble du domaine hélicase est constitué de 350 à 400 acides aminés et constitue le « cœur » hélicase, auquel s’ajoutent souvent des extensions amino- (N) et carboxy- (C) terminales.

Dans les années suivantes, de nombreuses structures tridimensionnelles d’hélicases de la famille SFII ont été résolues. Ce qui a permis d’observer une grande variabilité dans l’orientation et la distance entre les deux domaines hélicases. Par exemple, les domaines hélicases des protéines NS3, MjDEAD ou UvrB sont assez proches (Kim et al., 1998; Story et al., 2001; Theis et al., 1999), alors qu’ils semblent plus distants dans les structures des protéines UAP56 ou eIF4A (Caruthers et al., 2000; Shi et al., 2004). Les domaines hélicase d’UAP56 ont une rotation de plus de 50° de l’un par rapport à l’autre en comparaison avec les domaines des autres hélicases NS3, UvrB ou MjDEAD (figure 25). Différentes raisons pourraient expliquer ces observations. Une explication d’ordre technique serait que durant la cristallisation de ces protéines, les domaines se trouvent agencés différemment. Une autre explication cette fois-ci d’ordre biologique serait que la disparité du positionnement de ces domaines indique la possibilité d’une flexibilité, importante pour la fonction de ces enzymes.

Une information supplémentaire apportée par la co-cristallisation d’hélicases avec de l’ATP et/ou un substrat ont permis d’avancer dans l’interprétation de cette flexibilité. Ainsi, la structure de l’hélicase à ARN VASA, essentielle pour le développement de l’embryon de

A B

Figure 23 : La protéine RecA

A- Structure de la protéine en présence d’ADP. Le domaine ATPase est colorié alors que le

reste de la protéine est en gris. Les deux motifs Walker sont colorés en rouge (A) et bleu (B) et le feuillet !4 qui les sépare est coloré en cyan.

B- Schématisation de la répartition des structures secondaires de la protéine RecA et de

l’emplacement de ses domaines fonctionnels. Adaptée de Jiqing Ye et al., 2004.

Figure 24 : Structure de la protéine Methanococcus jannashii (MjDEAD)

Figure 25 : Comparaison de l’organisation de domaines hélicases

La structure d’UAP56 (cyan) est superposée aux structures de eIF4A (rouge) et MjDEAD (jaune). L’alignement est réalisé à partir de la partie N terminale.

B

Figure 26 : Présentation des conformations ouverte et fermée des hélicases

à ARN.

A- Structure de la protéine eIF4AIII en absence (à gauche) ou en présence (à droite) d’ARN.

Adaptée de Andersen et al., 2006.

B- Structure de la conformation fermée de l’enzyme VASA. Adaptée de Sengoku et al., 2006. A

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drosophile, a amélioré la compréhension de l’intérêt d’une structure flexible. En effet, VASA à été co-cristallisée avec un analogue non-hydrolysable de l’ATP (AMPPNP) et un ARN polyU (U10) synthétique (Sengoku et al., 2004; Sengoku et al., 2006). Les différentes

structures issues de ces associations montrent que l’orientation relative des deux domaines hélicase diffère des précédentes structures réalisées sans substrat telles que MjDEAD, UAP56, Dhh1p (Cheng et al., 2005). Ici, les deux domaines sont capables d’adopter deux conformations : l’une est dite « ouverte » qui ressemble plus aux conformations déjà obtenues, l’autre est dite « fermée » et correspond à une conformation, dans laquelle les résidus impliqués dans la liaison à l’ATP et la liaison au substrat sont plus proches de leur cible. Ce changement de conformation a ensuite été retrouvé pour différentes hélicases comme eIF4IIIA (Andersen et al., 2006; Bono et al., 2006) (figure 26). Or, la présence de nombreuses interactions entre la poche catalytique et l’ATP est nécessaire à l’hydrolyse de celle-ci (Tanner et al., 2003). Cela s’explique par l’interdépendance des sites de liaison. Ainsi la fixation de l’ARN améliore la fixation de l’ATP qui elle-même renforce la fixation de l’ARN, nous avons ainsi une stabilisation de la conformation fermée. Après hydrolyse de l’ATP, la liaison entre le nucléotide et l’enzyme est plus faible ce qui déstabilise la forme fermée en faveur de la conformation ouverte qui peut induire une dissociation de l’ARN. Ainsi, la fixation de l’ATP ou de l’ARN produit un arrangement structurel, ce qui intuitivement conduit à dire que la fixation d’acides nucléiques augmente la liaison et l’hydrolyse de l’ATP et vice versa (Jankowsky and Fairman, 2007) (figure 26).

Cette observation est en corrélation avec plusieurs études démontrant que la liaison à l’ATP et la liaison à l’ARN sont coopératives pour les protéines à boîtes DEAD. Cette interdépendance a été démontrée biochimiquement pour la protéine DbpA (Polach and Uhlenbeck, 2002; Talavera and De La Cruz, 2005), pour la protéine eIF4A (Lorsch and Herschlag, 1998a; Lorsch and Herschlag, 1998b). De même, en dépit de la présence d’une activité ATPase initiale pour les protéines à boîtes DExH, la fixation de l’ARN augmente cette activité, comme pour les hélicases à ARN Prp22p et Prp43p (Tanaka and Schwer, 2005; Tanaka and Schwer, 2006) ou NS3 (Lam et al., 2003). Pour l’existence d’une telle activité, il est nécessaire que le site permettant la fixation et l’hydrolyse de l’ATP reste fonctionnel en absence de liaison à l’ARN. Ce qui est en accord avec les données structurales qui démontrent que les mouvements des domaines hélicases de NS3, après fixation d’un ADN simple brin sont moins importants que pour les hélicases à boîtes DEAD (Kim et al., 1998).

En ce qui concerne Upf1 (protéine de la superfamille SFI) les changements d’orientation des domaines hélicases après fixation de l’ARN sont moins importants que pour

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les membres des protéines DEAD. Cependant, il semble que des domaines additionnels peuvent participer à la liaison au substrat (Cheng et al., 2007). Ce qui suggère alors que de faibles changements dans l’orientation des domaines hélicases, peuvent avoir de plus fortes répercutions sur la fixation de l’ARN. Il est intéressant de noter que, pour cette protéine, la fixation de l’ATP semble conduire à la dissociation avec l’ARN, ce qui est l’inverse de l’effet obtenu pour les hélicase à ARN de la famille SFII.

Enfin, contrairement aux hélicases à ADN, beaucoup d’hélicases à ARN possèdent outre leur domaine cœur, dont la structure semble équivalente pour tous les membres des familles SFI et SFII, de longues extensions N et C terminale. Or, dans la majorité des protéines cristallisées ces extensions sont supprimées, alors qu’elles ont sûrement un rôle fonctionnel qu’il reste à définir, que se soit dans la stabilisation de la protéine, la spécificité de substrat ou autre. Il semble donc nécessaire d’étudier la place qu’elles occupent dans ces structures tertiaires, comme cela à déjà été réalisé pour NS3. Cependant, les observations des structures tridimensionnelles ont engendré quelques avancées dans la compréhension du mode d’action de ces protéines.