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Du pathémique au gnomique

III.2. La dimension logique du discours parémique

III.2.2. La structure implicative :

L’implication constitue la relation la plus importante et la plus usitée. A en croire que toute la logique argumentative s’axe sur l’implication car elle génère pratiquement toutes les relations rimant avec logique. Mettant l’accent sur l’implication au point de la présenter comme étant synonyme de sémanticité

23.8 24 24.2 24.4 24.6

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parémique, G.Kleiber affirme que : « cet effet de sens implicatif que dénomme le

proverbe et qui devient donc le sens du proverbe, son moule sémantique »93.

Ainsi, commencer directement par le dépouillement implicatif du corpus nous semble rebutant, de par l’éventail que recouvre le terme implication. Sa manifestation discursive s’avère plus ou moins diversifiée. Il ne s’agit pas en fait d’un seul rapport mais cela s’étale sur plusieurs ; conformément à ce qui suit :

« Celui-ci (le proverbe), en effet, ne se présente pas seulement comme une vérité d’expérience : il feint aussi, dans une contradiction apparente, se mouler dans la forme d’un énoncé quasi-analytique qui se bornerait finalement à déployer, souvent sous forme implicative, des relations inhérentes aux types ou aux entités que son lexique

introduit »94.

Considérant le « principe d’implication en tant qu’opération fondamentale de

l’organisation logique des proverbes »95, Permjakov, et dans une tentative de les

recenser, voire les endiguer, en énumère 3 types qui s’inscrivent dans le sillage de l’approche prédicative, à savoir : modifiabilité /non modifiabilité, beauté / plaisir et cause / effet.

Prônant plus de précision, C.Bloc-Duraffour fait bifurquer l’implication vers deux orientations fondamentales, elle distingue, pour sa part, deux « opérations

variantes d’implications : la disjonction et l’identification »96, selon lesquelles, elle

distingue trois formes d’implication, nous citons : • Forme générale de l’implication

• La préférence (disjonction)

93 G. KLEIBER, « sur le sens des proverbes », in : langages, n° 139, la parole proverbiale, Paris, Larousse, 2000, p. 52.

94 Y.M. VISETTI et P. CADIOT, op, cit., pp. 212-213.

95 PERMJAKOV, cité dans, C.BLOC-DURAFFOUR, op, cit., p.39.

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• Equivalence (implication réciproque).

Nous jugeons que cette classification manque de précision susceptible de nous aider pour le passage au traitement empirique des données.

G.Kleiber affirme à juste titre que : « les situations en relation d’implication dénommées par le proverbe peuvent être complexes (formés de plusieurs

condition : si…et quand…etc., et de plusieurs conséquences etc.) »97.

Cette citation éclaircit et désenchevêtre de plus en plus les formes imbriqués dans l’implication.

Après avoir fait défiler toutes les citations citées ci-dessus, nous nous sommes convenus à nous rabattre sur les relations suivantes :

1. Cause / conséquence : La cause et la conséquence, exprimées par différentes formes ; sont des plus logiques, corolaire pour ne pas dire indissociable, du moment que toute cause engendre une conséquence et cette dernière ne peut se concevoir sans raison.

2. Condition : exprimée généralement dans la première partie de l’énoncé et sa réalisation dans la deuxième partie.

3. Comparaison (équivalence) : constitue l’objet même de tout énoncé parémique, car, à l’origine, les parémies avaient une portée résolument comparative. Afin d’illustrer ce point, nous remontons à l’origine du mot arabe "mathal" (proverbe en français) : « à l’origine, et d’après l’étymologie, le mot mathal désigne, comme l’ethiopien mesl, messale, l’armaméen mathla et l’hebreux mashal, la comparaison, le parallèle, comme les dictons prennent volontiers cette forme, le mot mathal a été appliqué à des façons de parler de ce genre, et a

finalement pris le sens général de proverbe et de dicton »98.

4. La relation déceptive : R. Barthes dans son "essais de critique (1953)", en étudiant les relations sous-tendant les maximes de La Rochefoucauld, avait révélé

97 G. KLEIBER, op, cit., p.52.

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l’existence d’une relation plus ou moins présente dans la structure parémique, a savoir ; la relation déceptive. Comme son nom l’indique, le prédicat fournit un sens allant à l’encontre de la première partie de l’énoncé produisant de ce fait un effet rabaissant. Il explique son principe comme suit : « ce dévoilement est presque toujours réducteur, il n’explique pas, il définit le plus (l’apparence) par le moins (le

réel) »99. En guise d’illustration, il cite la perémie suivante : amitié de gendre, soleil

d’hiver.

Corpus féminin

Corpus masculin

En matière de stratégies argumentatives voire implicatives, les résultats qu’affichent les histogrammes sont nettement disproportionnés.

Ainsi, nous notons qu’en ce qui concerne la femme, l’équivalence l’emporte largement, que ce soit par rapport aux autres formes implicatives co-apparentes ou

99 R. BARTHES, op, cit. 0 10 20 30 40 50 60

Equivalence Cause/conséquence Condition Relation déceptive

0 20 40 60 80

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encore par rapport au corpus traitant de l’image masculine. S’accaparant de la moitié des parémies avec un taux assez conséquent de 49.05%. De ce fait, la comparaison –plus précisément l’équivalence est loin d’incarner une relation anodine. En effet, elle serait synonyme de définition, ce qui insinue que l’univers féminin serait plus marqué voire balisé que celui masculin.

Il importe, cependant, de préciser que ces définitions sont loin d’être majoritairement majorantes, tout au contraire, elles s’avèrent abaissantes, car sous-tendues par une relation déceptive qui ne fait qu’accentuer cet abaissement. Aussi, nous avons noté la coexistence de deux implications dans une même parémie, surtout concernant la partie traitant de la beauté féminine, ou l’équivalence se présente au même titre que la relation déceptive : « belle femme, miroir d’imbécile », « belle femme, mauvaise tête »

Il est à noter que l’aspect déceptif est inexistant dans le corpus masculin ; plus aucune parémie ne l’affiche, ce qui constitue en soi, une disproportion aussi significative que cruciale, car elle offre une stigmatisation inhérente par procédé d’identification.

Le deuxième rapport présentant un écart considérable consiste en la cause/ conséquence. Le corpus féminin présente 16.98% contre celui masculin avec un taux de 67.30% le dépassant ainsi largement.

Ce qui est à remarquer, c’est que les parémies recelant cette relation sont à structure binaire, à travers laquelle l’on s’évertue a faire défiler les conséquences tributaires de causes précises.

Pour la plupart de ces parémies, les traits comportementaux énoncés n’ont rien de directement stigmatisant ; d’ailleurs, nous soulignons qu’au cours de ce dépouillement, nous avons plusieurs fois failli amalgamer le rapport cause/ conséquence et celui de la condition, vu que les limites ne sont pas étanches et chaque notion se trouve à l’orée de l’autre. Prenons à titre d’exemple la parémie

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suivante : "homme paresseux n’aura ja bien". Deux implications sont susceptibles d’être déduites : soit c’est la cause /conséquence dans laquelle la paresse constitue la cause, le prédicat "n’aura pas bien" énonce la conséquence. Or une deuxième implication s’invite aussi - latente pour ainsi dire - celle de la condition : si l’homme est paresseux, il n’aura pas bien. Comme la deuxième est sous entendue, nous avons privilégié la première forme implicative, mais toujours est-il qu’elle est considérée sur un fond de condition. D’ailleurs le taux de cette dernière en dit long sur cette co-implication. En effet, le résultat est plus conséquent dans le corpus masculin, ce qui atteste du marquage de l’univers masculin.

Cela dit, concernant l’homme, et contrairement à la femme, il se voit exempt de toute imputation sensée être inhérente à son genre, la cause incarne une mesure préventive afin de lui baliser la conduite.