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Du segmental au suprasegmental : Approche synoptique du style parémique

II.1. L’analyse lexicométrique du corpus parémique :

S’étalant sur un large éventail définitionnel, les délimitations du mot style convergent toutes sur le fait qu’il soit étroitement lié à la pensée, allant de la définition la plus globalisante – frôlant même la naïveté- qui stipule que « le style,

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c’est l’homme » 42, et arrivant à celle plus ou moins syncrétique : « le style, étant la

forme parlée ou écrite que, revêt la pensée, comprend à la fois la diction et

l’élocution, c’est-à-dire le choix des mots et l’arrangement des phrases » 43.

Cela dit, notre objectif à travers ce chapitre n’est nullement le jugement du style proverbial au sens appréciatif du terme ; moins encore, prétendre à une éventuelle qualification ou disqualification stylistique, mais le propos serait plutôt de nous cantonner, autant que faire se peut, dans une démarche descriptive voire statistique afin de dégager et de définir, en l’occurrence, les spécificités stylistiques qui émaillent nos deux corpus, susceptibles d’influer sur la perception.

L’ayant longtemps confiné dans une perspective individuelle voire individuante ; le style semble être le réverbérant linguistique et esthétique d’une entité idéelle, et ce, conformément à ce que annonce Buffon : « Le style n’est que l’ordre et le

mouvement que l’on met dans ses pensées » 44. Cela explique en grande partie la

différence stylistique scellant les écrits de chaque écrivain accentuant de ce fait leur singularité littéraire. Voulant dépasser le cap de cette stylistique individuelle pour élargir l’éventail afin de nous inscrire dans une stylistique collective ; nous nous trouvons face à une ambiguïté, car la stylistique collective a toujours eu pour angle d’attaque la stylistique générique qui a tendance à attribuer un certain nombre de spécificités stylistiques au genre littéraire.

Se basant sur le postulat que les textes d’un même auteur ou appartenant au même genre présentent des caractéristiques qui les distinguent de ceux d’un autre ; nous transposerons ce principe sur notre corpus en nous demandant – en l’absence d’un énonciateur précis – si la stylistique proverbiale serait tributaire de la thématique45 Autrement dit, le style change-t-il en fonction du thème, ou

42 R. DE GOURMONT. Cité dans, P.GUIRAD et P. KUENTZ, La stylistique, Paris, Klincksieck, 1970, p. 11.

43 LAROUSSE XIX, art. Style. Cité dans, op. cit, p.07.

44 BUFFON, Discours sur le style. Cité dans, op. cit, p.04.

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il dépendant d’une dimension sexolectale ; dans ce cas, nous aurons à sexuer notre corpus en cherchant une éventuelle spécificité invariable présente dans toutes les parémies sur laquelle se griffent variabilités et variantes lexicales qui scellent le genre de manière différentielle, c’est-à-dire est-ce qu’on mise dans les deux corpus sur les mêmes parties du discours ? Y a-t-il une récurrence ou une abondance de certaines de ces parties par rapport à d’autres ?

Cet objectif semble prétentieux, vu que les proverbes n’ont pas été proférés par une seule personne dans une époque précise. Nonobstant, une ressemblance pourrait être dégagée, car : « Il n’y a pas deux styles qui se ressemblent exactement, on ne peut constater qu’une sorte de parenté reconnaissable à certains

traits »46. Adhérant en grande partie à cette idée, nous jugeons, au demeurant, que

cette démarche parait adéquate sur plusieurs plans, car le parachèvement de notre hypothèse permet d’en contribuer au décèlement d’une éventuelle afférence parémique, laissant de ce fait entrevoir l’identité du locuteur et donc débusquer, ne serait-ce que quelques aspects de cet éternel "halo d’anonymat".

Ce sont justement ces traits qui constituent la spécificité variable qui reposent sur le choix des mots et leur récurrence.

Cela dit, notre hypothèse ne saurait être vérifiable si l’on occultait l’identification et la récurrence parties du discours qui sont les éléments constituants la quintessence de la stylistique. Dans ce dessein, une démarche sélective s’impose, visant dans un premier temps à reconnaître et à identifier les parties du discours utilisées, après recenser leur récurrence dans les textes : « c’est aussi un moyen sélectif : il doit exister des possibilités de choix, bien qu’en fait, elles puissent n’être jamais

choisies » 47.

Toujours dans le sillage de cette visée stylistique, les affinités électives constituent un point cardinal dans la définition du style, sa conception et sa répercussion. Le

46LAROUSSE XIX, art. Style. Idem.

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choix de ces composantes parémiques pourrait osciller entre l’inintentionnel et l’intentionnel, mais il ne saurait être anodin dans la mesure où il reflète la pensée. Afin de concrétiser notre démarche, nous nous inscrivons dans ce qu’on a tendance à appeler la linguistique statistique optant ainsi pour la stylométrie qui semble susceptible de répondre au besoin heuristique idoine à cette recherche. Associant stylistique et statistique ; la stylométrie affiche une prédilection pour le quantitatif, et ce, dans le but d’expliquer quelques aspects relevant du qualitatif.

Résumant sa portée dans ce qui suit ; F. Rinck avance que :

« Les études stylométriques explorent la fonction individuante du style à travers l’unité et la spécificité des pratiques textuelles d’un auteur. Se donnant pour objet l’analyse quantitative et statistique de traits stylistiques, les études stylométriques envisagent ces derniers comme des caractéristiques textuelles – souvent restreintes à la dimension lexicale- qui sont propre à un auteur et distinguent

son écriture entre toutes »48.

Étant au cœur de la stylométrie, la lexicométrie en incarne le nœud gordien, car se basant sur les lexèmes, elle permet de recenser le nombre d’occurrences et leur récurrence dans le texte : « on regroupe sous le terme de lexicométrie toute une série de méthodes qui permettent d’opérer, à partir d’une segmentation, des réorganisations formelles de la séquence textuelle et des analyses statistiques

portant sur le vocabulaire »49.

Afin de déployer notre démarche, nous aurons à scinder le point présent en deux phases. En premier lieu, il s’agira de recourir à une identification catégorielle des différents constituants du discours parémique en question. En deuxième lieu, nous

48 F. RINCK, « style d’auteur et singularité des textes. Approche stylométrique du genre de l’article en linguistique », In Pratiques n° 135/136, 2007, p. 120.

49 F. LEIMDORFER et A. SALEM, « usages de la lexicométrie en analyse de discours », In Cahiers sciences humaines n° 31, 1995, p.133.

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expliquerons la nuance quantitative (si nuance il y a) qui portera sur la fréquence et la récurrence des occurrences.

Il importe, néanmoins, de souligner que seuls les mots pleins seront pris en considération dans le dépouillement concurrentiel, car, outre l’importance sémantique et lexicale qu’ils revêtent, ils constituent le pivot sur lequel repose la pertinence expressive et à qui incombe, majoritairement, la charge sémantique, conformément à ce qu’avance Barthes :

« La maxime est un bloc général composé de blocs particuliers ; l’ossature- et les os sont des choses dures- est plus qu’apparente : spectaculaire. Quels sont les blocs internes qui supportent l’architecture de la maxime ? Ce ne sont pas les parties ordinaires les plus vivantes de la phrase, les relations, mais bien au contraire les parties immobiles, solitaires, sorte d’essence, le plus souvent substantielles, mais parfois aussi adjectives, ou verbales dont chacune

renvoie à un sens plein, eternel, autarcique »50.

Ci-dessous nous dressons les deux tableaux qui affichent le recensement catégoriel.