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La structure générale de la Loi sur le statut de l’artiste dans sa forme actuelle montre que la promotion de l’autonomie collective y est sous-jacente

PARTIE I L’OBJECTIF DE LA LOI SUR LE STATUT PROFESSIONNEL DES ARTISTES : PERMETTRE L’ACCÈS À UN TRAVAIL DÉCENT AUX ARTISTES-

SECTION 2.3 L’encadrement législatif des relations de travail des artistes promeut leur autonomie collective

2.3.2 La structure générale de la Loi sur le statut de l’artiste dans sa forme actuelle montre que la promotion de l’autonomie collective y est sous-jacente

La Loi sur le statut de l’artiste se présente comme la plupart des lois issues du Parlement québécois, débutant par des dispositions introductives, établissant son champ d’application et les définitions applicables à l’ensemble de la loi, se poursuivant par le dispositif même de la loi, pour se terminer sur les dispositions pénales et enfin finales et transitoires.

En plus des dispositions définissant l’application de la loi, le corps de la loi (le dispositif) est d’intérêt pour notre analyse. Il regroupe essentiellement des dispositions établissant le statut professionnel de l’artiste, la liberté d’association des artistes et des producteurs, la

451 Raymond Guardia, « Turf War », dans ACTRA Montreal Grapevine, Spring 2006, à la p.8. 452 Dionne et Lesage, Le régime de relations de travail des artistes, supra note 126, à la p.15.

procédure de reconnaissance des associations tant d’artistes que de producteurs et les effets de cette reconnaissance, en particulier le droit de négocier une entente collective et les conséquences de la conclusion d’une telle entente collective. À l’origine, la loi prévoyait également la création de la CRAAAP. Suite aux modifications de 2009, elle prévoit désormais l’abolition de la CRAAAP et les pouvoirs de la CRT en matière spécifique d’application de la Loi sur le statut de l’artiste.

2.3.2.1 Champ d’application de la loi

La loi s’applique aux domaines de la scène (théâtre, danse, variétés, théâtre lyrique), du film, du multimédia, du disque (et autres modes d’enregistrement du son), du doublage et de l’enregistrement d’annonces publicitaires453. Elle est applicable à tous les créateurs et interprètes454, qu’ils offrent leurs services à titre individuel ou par l’entremise d’une société ou d’une personne morale455, et aux producteurs qui retiennent leurs services456 dans un des domaines prévus. La loi s’applique au Québec aux entreprises provinciales457 et lie également le gouvernement, ses ministères et ses organismes458.

La loi ne fait pas obstacle à l’application du Code du travail ou d’un décret adopté en vertu de la Loi sur les décrets de convention collective, le cas échéant. Au contraire, elle reconnaît

453 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 1.

454 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 1.1. Depuis les modifications de 2009, elle s’applique

aussi à certains artisans et techniciens en production audiovisuelle – film pour la télévision et le cinéma, film pour la publicité et vidéoclip. Voir l’article 1.2.

455 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 3.

456 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 2, définition de producteur.

457 Ceci découle du partage des compétences en vertu de la Constitution canadienne et n’est pas explicitement

inscrit dans la loi. En ce qui concerne les entreprises de compétences fédérales, une loi a été adoptée quelques années après la loi québécoise pour faciliter une certaine unité d’application dans le domaine artistique et combler le vide juridique au niveau fédéral. La loi est fortement inspirée du modèle québécois. Il s’agit de la Loi fédérale sur le statut de l’artiste, supra note 417.

la priorité d’application de ces deux lois, prévoyant qu’elle ne s’applique pas à une personne dont les services sont retenus pour une occupation visée par une accréditation accordée ou un décret adopté en vertu d’une de ces deux lois459.

Ainsi, les artistes se trouvent à bénéficier alternativement de deux régimes juridiques de rapports collectifs de travail, selon leur statut. Quand un artiste travaille à titre d’employé, il peut bénéficier du Code du travail. Quand il travaille à titre d’entrepreneur indépendant, il est protégé par le régime spécifique aux artistes460.

2.3.2.2 Statut professionnel de l’artiste

La loi établit une présomption quant au statut professionnel de l’artiste. L’artiste qui s’oblige habituellement envers un ou plusieurs producteurs en vertu de contrats portant sur des prestations déterminées est « réputé pratiquer un art à son propre compte »461. Ainsi, l’artiste, au sens de la loi, est présumé être un travailleur autonome.

De plus, la liberté de négocier individuellement de l’artiste avec un producteur est préservée par la loi462. Cependant, si une entente collective est applicable aux services pour lesquels le producteur engage l’artiste, alors ces derniers ne peuvent convenir de conditions

459 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 5.

460 Il est à noter que si l’artiste ayant un statut d’employé ne bénéficie pas d’une représentation collective en

raison de l’absence de toute accréditation octroyée à une association le représentant, il peut alors tout de même bénéficier d’une représentation collective en vertu de la Loi sur le statut de l’artiste grâce à l’interprétation de l’article 5 de la loi retenue récemment par la Cour d’Appel du Québec. Pour plus de détails, au sujet de cette décision, voir ci-dessous aux pages 159 et suivantes.

461 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 6. Ceci explique l’application de la loi à l’exclusion du

Code du travail (ou de décret adopté en vertu de la Loi sur les décrets de convention collective) qui ne peut s’appliquer qu’en présence d’un « salarié » . Ainsi, on comprend que l’artiste est soit considéré comme un salarié pour une production donnée, tombant sous le couvert éventuellement d’une accréditation accordée en vertu du Code du travail, ou est considéré comme un travailleur autonome, protégé alors par la Loi sur le statut de l’artiste.

moins favorables pour l’artiste que celles prévues dans l’entente collective. L’entente collective prévoit des conditions minimales d’engagement463.

2.3.2.3 Liberté d’association

La liberté de tout artiste et de tout producteur d’adhérer à une association, respectivement d’artistes ou de producteurs, de participer à sa formation, à ses activités et à son administration est explicitement reconnue dans la loi464. La liberté d’adhésion de l’artiste est protégée par une interdiction de l’empêcher injustement de devenir membre ou de maintenir son adhésion465, d’actes d’intimidation visant à l’empêcher de devenir membre ou de cesser d’être membre d’une association466 et par une disposition contre de la discrimination antisyndicale lors de l’engagement de l’artiste467.

De plus, la loi interdit l’ingérence, que ce soit dans les associations d’artistes ou de producteurs, à la manière de l’interdiction existant au Code du travail468.

2.3.2.4 Procédure de reconnaissance

La loi prévoit la procédure de reconnaissance d’associations d’artistes et de producteurs. La demande de reconnaissance est initiée par une demande écrite à la CRT469. La demande de reconnaissance peut viser un ou plusieurs secteurs de négociation pour l’association

463 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 8 et 27.

464 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 7 (artiste) et article 42.2 (producteur). 465 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 11.

466 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 11.2.

467 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 42. Cette disposition protège non seulement l’adhésion

mais également l’exercice de tout droit résultant de la loi.

468 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 11.1.

469 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 12 et 42.5. Elle ne peut être faite qu’à l’intérieur des

périodes fixées par la loi, liées à l’existence de reconnaissance déjà octroyée à d’autres associations. Voir les articles 14 et 42.5.

d’artistes et un ou plusieurs champs d’activités pour l’association de producteurs470. En principe, la reconnaissance d’une association vise l’ensemble du territoire québécois. Cependant, il est possible de demander qu’une reconnaissance ne vise qu’une partie du territoire471. Le régime prévoit donc une représentation sectorielle472.

Pour obtenir une reconnaissance, les associations doivent satisfaire à différentes conditions. Dans le cas d’une association d’artistes, elle doit être un syndicat professionnel473 et rassembler la majorité des artistes du secteur de négociation visé474. Dans le cas d’une association de producteurs, elle doit avoir pour objet l’étude, la défense et le développement des intérêts de ses membres et être la plus représentative en ce qui a trait à l’importance des activités économiques des producteurs et au nombre de membres qu’elle rassemble œuvrant dans le champ d’activités visé475. Tant l’association d’artistes que celle de producteurs doit avoir adopté des règlements qui prévoient un certain nombre d’éléments détaillés dans la loi476.

470 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 13 et 42.3. 471 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 16(3) et 42.5.

472 La représentation est de type centralisé, par opposition au régime général qui établit plutôt une

représentation décentralisée au niveau de l’établissement. Voir à ce sujet les commentaires de Gagnon, Les régimes d’exception, supra note 126, à la p.211.

473 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 9 (1), au sens de la Loi sur les syndicats professionnels,

ch. S-40, ou une association dont l’objet est similaire à celui d’un syndicat professionnel.

474 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 9(2). 475 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 42.1.

476 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 10 et 42.4. Les règlements doivent : (1) établir des

conditions d’admissibilité des membres fondés sur des exigences professionnelles liées à la pratique; (2) établir des catégories de membres dont les droits sont déterminés, dont le droit de vote et de participation aux assemblées; (3) conférer aux membres visés par un projet d’entente collective le droit de se prononcer par scrutin secret sur sa teneur lorsque le projet comporte une modification aux taux de rémunération prévus à une entente précédente en vigueur; (4) prescrire l’obligation de soumettre à l’approbation des membres qualifiés toute décision sur les conditions d’admissibilité à l’association; (5) prescrire la convocation obligatoire d’une assemblée générale ou la tenue d’une consultation auprès des membres lorsque 10% d’entre eux en font la demande.

Lorsqu’une reconnaissance a été octroyée, il est possible d’en demander l’annulation lorsqu’après vérification par la CRT, il appert que l’association ne rassemble plus la majorité des artistes du secteur477 ou qu’elle n’est plus la plus représentative parmi les producteurs478.

2.3.2.5 Effets de la reconnaissance

La reconnaissance d’une association d’artistes ou de producteurs confère à l’association les droits et pouvoirs suivants :

(1) défendre et promouvoir les intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels de ses membres ;

(2) représenter ses membres chaque fois qu’il est d’intérêt général de le faire et coopérer à cette fin avec tout organisme poursuivant des intérêts similaires ;

(3) faire des recherches et des études sur le développement de nouveaux marchés et sur toute manière susceptible d’affecter les conditions économiques et sociales de ses membres;

(4) fixer le montant qui peut être exigé d’un membre ou d’un non-membre de l’association ; (5) négocier une entente collective, laquelle doit prévoir un contrat-type pour la prestation de services par les artistes479.

477 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 21. Pour obtenir la vérification de la représentativité de

l’association, au moins 25% des artistes du secteur dans lequel une association a été reconnue doivent en faire la demande. La demande de vérification peut aussi être faite par l’association de producteurs visée par la reconnaissance.

478 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 20 et 42.5. Dans ce cas, pour obtenir la vérification de

la représentativité de l’association, la demande d’un nombre suffisant de producteurs, représentant au moins 25% des producteurs du champ d’activité pour lequel une association a été reconnue et 25% de l’ensemble des activités économiques réalisées par les producteurs de ce champ d’activités au cours de l’année qui précède la demande, doit être déposée.

De plus, les pouvoirs spécifiques suivants sont conférés aux associations d’artistes :

(1) percevoir, le cas échéant, les sommes dues aux artistes qu’elle représente et leur en faire remise ;

(2) élaborer des contrats-types pour la prestation de services et convenir avec les producteurs, de leur utilisation lorsqu’il n’y a pas d’entente collective480.

En outre, la reconnaissance d’une association d’artistes lui octroie un monopole syndical de représentation pour le secteur de négociation visé481.

2.3.2.6 Entente collective

Un des principaux éléments de la loi est de prévoir la force obligatoire des ententes collectives conclues entre les associations d’artistes et les producteurs ou les associations de producteurs, lesquelles doivent élaborer des conditions minimales d’engagement des artistes482.

La négociation d’une entente est initiée par un avis écrit remis par l’une ou l’autre des parties à la partie adverse483. Cet avis sert également de point de départ pour le calcul du délai de l’acquisition du droit d’effectuer des actions concertées, dans le cas d’absence d’entente durant les négociations484. En effet, en-dehors de ce contexte, le principe de paix

480 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 24 (5) et (6).

481 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 26. Le principe est le même pour les producteurs, dans

les cas où une association de producteurs reconnue existe. Voir l’article 27(1).

482 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 27(1). 483 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 28. 484 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 34.

industrielle, tel que préconisé par le régime général de relations du travail en vertu du Code du travail, prévaut485.

Les parties à la négociation doivent se comporter avec bonne foi et la poursuivre avec diligence486. Une des parties peut également demander l’aide d’un médiateur à toute phase des négociations487 ou, lors de la négociation d’une première entente collective et suite à l’échec de l’intervention d’un médiateur, d’un arbitre488.

Les parties doivent obligatoirement prévoir dans l’entente collective une procédure d’arbitrage de griefs pour régler les conflits pendant la durée de l’entente489. De plus, les parties, lors de la négociation de l’entente, doivent prendre en considération l’objectif de faciliter l’intégration des artistes de la relève et les conditions économiques particulières des petites entreprises de production490.

La durée maximale d’une première entente collective est prévue dans la loi491. Dans tous les cas, l’entente lie le producteur et tous les artistes du secteur de négociation qu’il engage, qu’il soit membre ou non de l’association d’artistes partie à l’entente492. Si une entente est conclue avec une association non reconnue de producteurs, alors elle lie chaque producteur

485 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 38 et 39. 486 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 30. 487 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 31.

488 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, articles 32 et 33. Lors de négociation d’ententes ultérieures,

une demande de désignation d’un arbitre peut être faite, mais elle doit alors l’être de façon conjointe par les deux parties.

489 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 35.1. 490 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 27(2).

491 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 36 qui prévoit trois ans, sauf dans les cas où l’entente

résulte d’une décision arbitrale, la durée maximale étant alors de deux ans.

membre de cette association493. Si une entente est conclue avec une association reconnue de producteurs, alors l’entente lie tout producteur œuvrant dans le champ d’activité de l’association reconnue, qu’il soit membre ou non de l’association494

Enfin, en ce qui concerne les associations d’artistes reconnues, la loi leur reconnaît le pouvoir d’exercer les recours que l’entente collective accorde aux artistes qu’elles représentent sans qu’il leur soit nécessaire de justifier d’une cession de créance de l’artiste visé495.

2.3.2.7 Commission

Les dispositions prévoyant la constitution et la composition de cette commission sont prévues au Code du travail. De la même manière, les règles de procédure, de preuve et autres règlements de pratique élaborés pour les fins de l’application du Code du travail s’utilisent pour l’application de la Loi sur le statut de l’artiste, compte tenu des adaptations nécessaires496. L’objectif est d’harmoniser l’application des deux lois et d’éviter les difficultés pouvant résulter de leur champ d’application respectif, un pouvoir spécifique à ce sujet étant octroyé à la CRT497.

493 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 40(1). Tout producteur membre est lié, qu’il soit

membre au moment de la signature de l’entente ou qu’il en devienne membre par la suite. Même lorsqu’un producteur cesse d’être membre de l’association en question, soit qu’il s’en retire soit que celle-ci soit dissoute, il demeure lié pour la durée de l’entente.

494 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 40(2). Tout producteur est lié pour la durée de l’entente

collective, même si l’association est ultérieurement dissoute.

495 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 41. 496 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 64.

497 Loi sur le statut de l’artiste, supra note 124, article 59.1. Notamment en ce qui concerne la question du

statut de travailleurs pour une production donnée et les conflits liés à l’obtention de reconnaissance ou d’accréditation, selon la loi applicable, pour un même groupe de travailleurs.

Aux fins de l’octroi de reconnaissance des associations, la CRT doit prendre en considération la communauté d’intérêts des artistes ou des producteurs en cause et l’historique de leurs relations de travail498. C’est elle qui est responsable de l’application de la loi.

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