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PARTIE I L’OBJECTIF DE LA LOI SUR LE STATUT PROFESSIONNEL DES ARTISTES : PERMETTRE L’ACCÈS À UN TRAVAIL DÉCENT AUX ARTISTES-

CHAPITRE 1 –Les revendications des artistes sont similaires à celles énoncées au nom des travailleurs autonomes et visent l’accès à un travail décent

1.1.3 Protection sociale

L’idée d’une protection sociale est « d’assurer la subsistance de personnes en difficulté et de les protéger contre les imprévus »220. Plusieurs catégories de prestations visant différents

d’Actions concertées : Le travail atypique, la mutualisation du risque, la protection sociale et les lois du travail,

Montréal, Université du Québec à Montréal, 2004, à la p.13.

218 Bernier, Vallée et Jobin, Rapport Bernier, supra note 50, à la p.366. 219 Ibid., p.205.

risques sont ainsi identifiées dans les instruments de l’OIT221 : soins médicaux, indemnités de maladie, prestations de chômage, prestations de vieillesse, prestations en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, prestations aux familles, prestations de maternité, prestations d’invalidité et prestations de survivants.

Cependant, une précision s’impose. Si la protection sociale a pour objectif de prémunir les travailleurs contre les risques par l’octroi d’un « filet de sécurité sociale » visant les différentes catégories de prestations mentionnées, elle ne doit pas être interprétée comme supprimant « l’incertain » .

« La protection sociale tend certes à pallier cette insécurité que ressentent ceux qui travaillent ou veulent travailler, c’est-à-dire les dangers qu’ils encourent pour leur vie, leur santé, leur subsistance et celle des leurs. Elle ne vise assurément pas – comment pourrait-elle le vouloir – à tout prévoir, à tout organiser de la vie de chacun. »222

Dans le cas des travailleurs autonomes, auxquels les risques normalement assumés par l’employeur sont transférés, cette précision est particulièrement importante. La protection sociale ne vise donc pas « l’incertain », qui « constitue d’ailleurs chez les plus dynamiques une incitation à créer, à innover, à entreprendre »223.

Par contre, au-delà de cette précision, la question de la protection sociale soulève une préoccupation particulièrement importante pour les travailleurs autonomes. Une des conséquences de l’exclusion des lois du travail est un accès plus difficile à un filet de

221 Notamment dans la Convention (no 102) sur la sécurité sociale (norme minimum), 1952 (1955) 210 R.T.N.U.

131.

222 Servais, Politique de travail décent, supra note 212, à la p.218. 223 Ibid., à la p.218.

protection sociale. De façon détaillée, les soins médicaux sont assurés de façon universelle, pour tous les citoyens, par le régime d’assurance-maladie224. Cependant, en ce qui concerne les indemnités en cas d’incapacité de travailler, la majorité des travailleurs autonomes ne possèdent pas d’assurance salaire pour parer à une telle éventualité225. Ils pourraient bénéficier des nouvelles modifications au régime fédéral d’assurance-salaire visant à inclure les travailleurs autonomes dans le cas d’arrêt de travail pour maladie, maternité ou soins à un membre de la famille226, mais l’entrée en vigueur de ces modifications est encore trop récente pour permettre d’évaluer leur efficacité. De plus, l’accès à un régime complémentaire privé pour assurer des niveaux de revenus plus élevés est souvent trop coûteux.

Dans le cas de l’indemnisation en cas de maladie professionnelle ou d’accident de travail, les travailleurs autonomes peuvent s’inscrire personnellement au régime de la CSST et défrayer les coûts de protection des risques227, mais ils ne sont pas autrement couverts et se butent donc à des coûts élevés pour bénéficier de protection. De plus, dans le cas de réclamation pour indemnisation, il peut y avoir un problème pour le travailleur autonome dans les cas de contestation de sa réclamation, le travailleur se retrouvant alors seul pour assumer les coûts de litige pour récupérer son indemnisation228.

224 Pour les médicaments, une assurance spécifique doit maintenant être prise, l’État offrant une assurance-

médicament par défaut pour les personnes ne bénéficiant pas d’une assurance-médicament d’une quelconque autre façon.

225 Lippel, Bernstein et Messing, Travailleurs atypiques, supra note 217, à la p.14.

226 Des modifications ont été apportées à la Loi sur l’assurance-emploi en vertu de la Loi sur l’équité pour les

travailleurs indépendants, L.C.2009, ch.33 qui prévoit une couverture pouvant aller jusqu’à 15 semaines dans les cas de maladie. Les travailleurs indépendants doivent s’inscrire pour bénéficier de cette protection.

227 Qui sont alors élevés puisqu’il n’y a aucune mutualisation des risques. Voir à ce sujet Lippel, Bernstein et

Messing, Travailleurs atypiques, supra note 217, à la p.15.

En ce qui concerne la maternité, les travailleuses autonomes pourraient bénéficier des règles de retrait préventif uniquement si elles sont incorporées229. Par ailleurs, pour les prestations de maternité ou pour congés parentaux, le régime est public et géré par le gouvernement du Québec. Les travailleurs autonomes y ont droit depuis quelques années. Cependant, les revenus assurés par ces prestations demeurent relativement faibles (surtout quand on considère que les revenus des travailleurs autonomes sont faibles au départ et que ce régime offre 70 % pour les premières 25 semaines et 55 % pour les semaines ultérieures, jusqu’à la 50e semaine).

Enfin, pour les régimes de sécurité de vieillesse et de rentes du Québec, ces régimes sont universels, mais exigent des travailleurs autonomes une double cotisation230.

En plus d’un accès moins généreux aux différentes couvertures de risques que ce qui est prévu pour les salariés, il est important de rappeler que l’exercice de ces droits par les travailleurs autonomes peut également être plus difficile de par leur isolement. En effet, bien qu’un droit puisse exister, il est plus difficile pour les travailleurs autonomes de s’en prévaloir, soit parce qu’ils ignorent l’existence de leur droit, soit parce qu’ils craignent que l’exercice du droit en question ait un effet sur leurs conditions de travail qui sont déjà

229 Articles 9 et 10 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. L-3.0001

[LATMP]. Lippel, Bernstein et Messing, Travailleurs atypiques, supra note 217, à la p.14.

230 À titre de travailleur-salarié et à titre d’employeur. Bernier, Vallée et Jobin, Rapport Bernier, supra note 50,

difficiles231. Il est donc nécessaire de ne pas s’arrêter uniquement à l’existence, « sur papier », de droits dans l’évaluation de leurs besoins.

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