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PARTIE I L’OBJECTIF DE LA LOI SUR LE STATUT PROFESSIONNEL DES ARTISTES : PERMETTRE L’ACCÈS À UN TRAVAIL DÉCENT AUX ARTISTES-

CHAPITRE 1 –Les revendications des artistes sont similaires à celles énoncées au nom des travailleurs autonomes et visent l’accès à un travail décent

1.1.4 Dialogue social

Dans la recherche d’un travail décent pour tous les travailleurs, l’attention est attirée dans l’immédiat vers la nécessité de créer un espace pour les travailleurs dans lequel ils peuvent influencer leurs conditions de travail. Ces conditions ont un impact direct et premier sur leurs conditions de vie.

Mais l’idée du dialogue social invite à aller au-delà de cette intervention immédiate en considérant l’impact que peuvent avoir les liens existant entre les actions sociales, politiques et économiques sur l’atteinte de l’objectif de travail décent232. Dans le cadre d’une société démocratique, il est donc nécessaire d’envisager également l’influence que ces travailleurs doivent pouvoir exercer à un niveau plus global233. Le dialogue social a alors lieu entre partenaires sociaux et autorités publiques et vise la politique économique et sociale234. Caractéristique essentielle d’une société démocratique, le dialogue social :

« (…) est un instrument qui permet de résoudre, dans un esprit de coopération, les inévitables conflits d’intérêts liés aux politiques économiques et sociales. Il constitue en outre un véritable facteur de progrès économique, car il offre une garantie d’équité, vise l’efficacité et permet de faciliter les ajustements. »235

231 Katherine Lippel, « Face aux conséquences de la flexibilisation de l’emploi : les solutions juridiques et leurs

limites » dans Jean Bernier et al., L’incessante évolution des formes d’emploi et la redoutable stagnation des lois

du travail, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2001, aux pp.49-50.

232 Sen, Work and Rights, supra note 188, à la p.137. 233 Ibid., à la p.135.

234 Ghai, Travail décent, supra note 130, à la p.143. 235 Ibid., à la p.142.

Étroitement lié à la liberté syndicale236 et bénéficiant d’une protection à titre de droits fondamentaux des travailleurs, le dialogue social permet aux travailleurs de se faire entendre :

« In other cases, such as independent workers negotiating with local authorities, it is

collective action that holds promise for raising and resolving issues. In both cases,

principles of conciliation and mediation of disputes developed in the context of labour relations offer guidance and techniques for finding solutions that promote economic and social progress. »237

Cette possibilité de participation, par le biais de la négociation, de la consultation, de l’exercice de moyens de pression ou de la médiation, fait cruellement défaut à nombreux travailleurs autonomes. En raison de l’absence de réponse adéquate aux besoins « atypiques » des travailleurs autonomes et de leur exclusion du régime légal général de droit du travail, ces derniers se trouvent isolés et il leur est difficile de s’organiser238 sans intervention législative.

Or, comme le souligne Chaykowski dans le contexte d’une analyse portant sur les travailleurs vulnérables239 :

« Le problème est en fait que les travailleurs vulnérables sont, en général, ceux qui sont le moins en mesure d’influencer les conditions de leur emploi, alors qu’un bien grand nombre ne sont à toutes fins pratiques pas touchés par les politiques existantes. La marginalisation de ces travailleurs est encore plus évidente lorsque l’on sait que les politiques actuelles en matière d’emploi se butent aux changements qui affectent l’économie, le marché du travail, les milieux de travail et les relations avec les employeurs. »240

236 Ibid., à la p.143.

237Trebilcock, International labour standards, supra note 195, à la p.601.

238 Voir Coiquaud, La loi et l’accès à la syndicalisation, supra note 69; Bernier, Vallée et Jobin, Rapport Bernier,

supra note 50.

239 Compte tenu des travailleurs autonomes que j’ai retenus pour les fins de mon étude, ces commentaires

sont pertinents.

240 Richard Chaykowski, Travail atypique et vulnérabilité économique, Réseaux canadiens de recherche en

Ainsi, alors que le milieu de travail et l’économie sont en réorganisation, la voix des travailleurs autonomes est des plus faibles et ils ne peuvent donc pas participer aux débats entourant ces réorganisations pour faire entendre leurs besoins. De plus, il y a une absence d’espace pour la négociation collective quant à la répartition des risques liés au travail et la rémunération. Et ce, alors même que l’accès aux mécanismes de réforme des politiques et de réglementation n’est pas égal, les employeurs ayant « beaucoup d’influence pour ce qui est de tracer la voie de ces réformes »241. Les travailleurs autonomes souffrent ainsi d’un déficit d’influence, leur faiblesse au niveau de la négociation dans le milieu de travail étant renforcée par leur point faible au niveau de la politique et des enjeux sociaux242.

Aussi, bien que certains aient questionné l’efficacité normative du concept de travail décent243, le concept de travail décent facilite la compréhension de l’interdépendance entre les différents éléments permettant de parvenir à l’atteinte de l’objectif global :

“Decent work means productive work in which rights are protected, which generates an adequate income, with adequate social protection. It also means sufficient work, in the sense that all should have full access to income-earning opportunities. It marks the high road to economic and social development, a road in which employment, income and social protection can be achieved without compromising workers' rights and social standards. Tripartitism and social dialogue are both objectives in their own right, guaranteeing participation and democratic process, and a means of achieving all the other strategic objectives of the ILO.”244

De plus, au regard de la problématique des travailleurs autonomes, il est utile car au-delà d’un énoncé général quant à l’absence de protection pour ces travailleurs résultant de leur

241 Rittich, Vulnérabilité, supra note 75, à la p.47. 242 Ibid., à la p.48.

243 Critiquant son caractère flou, des doutes quant à la possibilité d’y rattacher un réel contenu normatif ont

été énoncés. Voir par exemple Vosko, Decent Work, supra note 187.

exclusion des lois du travail, il permet de faire ressortir ce qui pose problème de façon plus spécifique dans leur cas.

À la recherche d’une solution pour les travailleurs autonomes, dans une perspective normative245, l’idée d’un travail décent « vise à rassembler toutes les conditions préalables pour assurer que les règles de travail sont effectivement appliquées »246. Il est donc nécessaire d’effectuer un choix quant à la manière de déterminer ces règles de travail en vue de l’accès à un travail décent.

Dans la réflexion quant aux solutions, la notion même de décence fait appel à « la vertu qu’ont les femmes et les hommes au travail de pratiquer la solidarité, sans chercher à se dominer mutuellement. Elle évoque par conséquent la concertation, engage à rechercher l’appui des partenaires sociaux dans la conception, la rédaction et la mise en pratique des lois sur le travail »247. En ce sens, elle pointe vers la promotion de l’autonomie collective.

SECTION 1.2 L’organisation du travail des artistes et leurs caractéristiques professionnelles les

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