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L'autonomie collective au service de la protection des travailleurs autonomes: comment favoriser leur accès à un travail décent à la lumière du cas des artistes au Québec

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(1)

L’autonomie collective au service de la protection des travailleurs

autonomes : comment favoriser leur accès à un travail décent à

la lumière du cas des artistes au Québec

Par Maude Choko (no étudiante : 260146051) Faculté de droit, Université McGill, Montréal

Thèse déposée en septembre 2014

«A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of Doctorate in Law (D.C.L.)»

(2)

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

1

a) La crise du droit du travail 1

b) La problématique des travailleurs autonomes : leur assimilation à la catégorie juridiquedes

entrepreneurs indépendants ne reflète pas la réalité et les exclut de la protection des lois du travail 4

c) Les solutions envisagées dans la littérature 20

i) Les plates-formes mettant en œuvre une stratégie « affirmative » 22 ii) Les plates-formes mettant en œuvre une stratégie « transformatrice » 23 iii) La promotion de l’autonomie collective des travailleurs autonomes 29 d) L’intérêt de la recherche entreprise: mettre en lumière la pertinence de la Loi sur le statut

professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma en

expliquant les mécanismes du régime qu’elle établit, les effets qu’elle engendre sur les travailleurs

visés et les conditions nécessaires à son fonctionnement 32

e) Question et propositions de recherche 35

f) Le choix d’une étude de cas, basée sur une recherche qualitative par entrevues semi-dirigées 36

i) La pertinence d’une étude de cas 37

ii) Les avantages de la recherche qualitative par entrevues semi-dirigées 38 iii) Les mises en garde concernant la méthodologie retenue 40 iv) La définition du sujet de la recherche : les artistes visés par la recherche 42 La définition au sens courant : l’artiste à titre professionnel et non à titre amateur 42

La définition juridique 43

L’exclusion des artistes au sens de la loi S.32-01 43

La définition dans la Loi sur le statut de l’artiste 45

Le domaine artistique et les associations d’artistes retenus pour les fins de la recherche 48

v) La conduite des entrevues semi-dirigées 52

L’échantillonnage 52

La collecte de données sur le terrain 54

L’analyse 55

vi) Les sources documentaires utilisées (primaires et secondaires) 57

g) Plan de la thèse 57

PARTIE I L’OBJECTIF DE LA LOI SUR LE STATUT PROFESSIONNEL DES ARTISTES :

PERMETTRE L’ACCÈS À UN TRAVAIL DÉCENT AUX ARTISTES-TRAVAILLEURS

AUTONOMES EN PROMOUVANT LEUR AUTONOMIE COLLECTIVE

61

CHAPITRE 1 –Les revendications des artistes sont similaires à celles énoncées au nom des travailleurs

autonomes et visent l’accès à un travail décent 61

SECTION 1.1 : Les conséquences de l’exclusion des travailleurs autonomes de la protection du droit du travail : la difficile accessibilité à un travail décent 61

1.1.1 Principes et droits fondamentaux au travail 63

1.1.2 Travail 66

(3)

1.1.4 Dialogue social 72 SECTION 1.2 L’organisation du travail des artistes et leurs caractéristiques professionnelles les distinguent

des employés typiques 75

1.2.1 Formation (professionnelle) 76

1.2.2 Multiplicité d’employeurs - Plusieurs engagements simultanément à court terme ou à durée

déterminée 76

1.2.3 Plusieurs lieux de travail 78

1.2.4 Horaire de travail flexible 78

1.2.5 Périodes de temps sans travail entre les périodes d’engagement 79 SECTION 1.3 Les revendications des artistes découlant de leur « statut » distinct : l’accès des artistes à un

travail décent est marginal 79

1.3.1 Les revendications à l’origine de la création des premières associations de travailleurs 79 1.3.2 Les revendications à l’origine de l’élaboration du régime législatif 84

1.3.2.1 Dialogue social 89

1.3.2.2 Travail 94

1.3.2.3 Protection sociale 104

1.3.2.4 Principes et droits fondamentaux au travail 106

CHAPITRE 2 – La solution retenue par le Québec pour protéger les artistes : la promotion de l’autonomie collective par un régime juridique spécifique encadrant leurs rapports collectifs de

travail 109

SECTION 2.1 L’autonomie collective comme moyen d’atteindre l’objectif visé 109 2.1.1 L’autonomie collective vise la protection et l’émancipation des travailleurs en rétablissant le pouvoir de négociation entre les travailleurs et les employeurs 109 2.1.2 La voix au travail et la voix au niveau des enjeux sociaux permettent de favoriser l’émancipation et

la protection des travailleurs. 115

SECTION 2.2 Les artistes, à titre de travailleurs autonomes, doivent bénéficier de l’accès à un régime spécifique permettant d’exercer leurs rapports collectifs de travail 121

2.2.1 Le régime général de rapports collectifs de travail est inadéquat pour les artistes travailleurs

autonomes en raison de leur spécificité 121

2.2.2 Un régime spécifique encadrant les rapports collectifs de travail, tel que revendiqué par les artistes, permet d’apporter les mesures correctrices nécessaires 125 SECTION 2.3 L’encadrement législatif des relations de travail des artistes promeut leur autonomie

collective 130

2.3.1 Les modifications législatives ayant mené à la Loi sur le statut de l’artiste dans sa forme actuelle

n’ont pas altéré son essence 135

2.3.2 La structure générale de la Loi sur le statut de l’artiste dans sa forme actuelle montre que la promotion de l’autonomie collective y est sous-jacente 137

2.3.2.1 Champ d’application de la loi 138

2.3.2.2 Statut professionnel de l’artiste 139

2.3.2.3 Liberté d’association 140 2.3.2.4 Procédure de reconnaissance 140 2.3.2.5 Effets de la reconnaissance 142 2.3.2.6 Entente collective 143 2.3.2.7 Commission 145 CONCLUSION DE LA PARTIE I 146

Une similarité frappante avec la problématique actuelle de l’exclusion des travailleurs autonomes de la

législation du travail : l’accès à un travail décent 146

La solution retenue est la promotion de l’autonomie collective par encadrement législatif 148

(4)

CHAPITRE 3 – Les mécanismes du régime permettant de favoriser l’accès des artistes à un travail

décent 149

SECTION 3.1 Octroyer une reconnaissance au niveau individuel en accordant un statut professionnel aux

artistes travailleurs autonomes 149

3.1.1 La reconnaissance permet le respect de la dignité de ces travailleurs 149 3.1.2 La reconnaissance permet de briser l’isolement de ces travailleurs 154 SECTION 3.2 Octroyer une reconnaissance au niveau collectif en accordant un monopole syndical sectoriel à l’association « représentant la majorité » pour une période prédéterminée (monopole relatif) 165

3.2.1 La reconnaissance d’un monopole syndical sectoriel permet l‘exercice du droit à la négociation

collective et la participation au dialogue social 165

3.2.2 Le monopole de représentation d’artistes à l’association représentant la majorité implique un défi dans la représentativité des membres et l’exercice de la démocratie syndicale 178 SECTION 3.3 Garantir des normes minimales de travail aux artistes dont les services sont retenus 195

3.3.1 L’obligation de négocier permet l’élaboration de normes adaptées au mode d’organisation du

travail de l’industrie 195

3.3.2 L’application des conditions de travail est garantie par des mécanismes allant au-delà du

mécanisme traditionnel des relations de travail de résolution de conflits 225 CHAPITRE 4–Les conditions en vertu desquelles le régime permet de favoriser l’accès des artistes à un

travail décent 251

SECTION 4.1 L’obligation de négocier doit être imposée à l’intermédiaire, entre le consommateur et l’artiste, en faveur duquel penche la balance du pouvoir de négociation 252

4.1.1 La réalité des artistes portant un double chapeau (comédien-producteur ou

réalisateur-producteur) est mal intégrée dans le système actuel et cause des frictions, malgré l’obligation faite dans la loi par rapports aux petits producteurs et à la relève 255 4.1.2 Le régime ne vise pas les intermédiaires contrôlant la diffusion de l’œuvre 272 SECTION 4.2 Les artistes doivent avoir accès à du travail en quantité suffisante 286 4.2.1 L’accès au travail est difficile alors qu’il est conditionnel au déclenchement de la protection sociale et de l’application des normes minimales mises en place en vertu du régime 287 4.2.2 Les associations jouent un rôle, quoique limité, dans l’accès au travail 301 SECTION 4.3 La solidarité instigatrice du regroupement est nécessaire à la cohésion ultérieure, notamment pour faire face à l’offre de travail hors juridiction et lors d’action concertée 319 4.3.1 Solidarité essentielle à l’origine de l’expression de l’autonomie collective 320 4.3.2 Solidarité nécessaire pour faire face à l’offre de travail hors juridiction 323 4.3.3 Solidarité nécessaire pour entreprendre des actions collectives (dont les actions concertées) 351

CONCLUSION DE LA PARTIE II 355

CONCLUSION

358

BIBLIOGRAPHIE I LÉGISLATION II JURISPRUDENCE II DOCTRINE IV

AUTRES SOURCES XIV

ANNEXE I : LISTE DES PARTICIPANTS AUX ENTREVUES I

(5)

XI

RÉSUMÉ

Le travail autonome est une forme de travail de plus en plus fréquente. Pourtant, les travailleurs autonomes ne bénéficient pas de la pleine protection des lois du travail. Dans la recherche de solutions pour pallier au manque d’effectivité des lois protectrices du travail à leur égard, plusieurs pointent vers le régime spécifique encadrant les relations du travail des artistes de la scène, du disque et du cinéma (Loi sur le statut

professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma, L.R.Q. S-32.1). Or à

ce jour, aucune étude approfondie n’a été conduite pour comprendre les mécanismes du régime et les effets produits ainsi que les conditions essentielles à son fonctionnement. Cette recherche démontre la similarité frappante qui existe entre les besoins découlant du mode d’organisation du travail et les caractéristiques professionnelles des travailleurs autonomes et des artistes au Québec. Aussi, la pertinence de se pencher sur l’expérience des artistes interprètes comédiens et des artistes réalisateurs, groupe circonscrit pour les fins de l’étude, prend tout son sens. Leur expérience permet de comprendre comment la promotion de leur autonomie collective par l’encadrement législatif de leurs relations du travail avec leurs donneurs d’ouvrage, soit les producteurs, facilite leur accès à un travail décent. La recherche permet d’identifier les trois mécanismes au cœur du régime : l’octroi d’une reconnaissance au niveau individuel en accordant un statut professionnel aux artistes; l’octroi d’une reconnaissance au niveau collectif en accordant un monopole syndical sectoriel à l’association représentant la majorité des artistes; et la garantie d’application de normes minimales de travail aux artistes dont les services sont retenus. Elle permet également de mettre en lumière la nécessité d’imposer l’obligation de négocier à l’intermédiaire, entre le consommateur et l’artiste, en faveur duquel penche la balance du pouvoir de négociation. De la même manière, elle met à jour l’importance de fournir aux artistes un accès au travail en quantité suffisante pour que les mécanismes mis en place par le régime fonctionnent. Enfin, elle met en relief la place que la solidarité joue dans le fonctionnement du régime, à la fois comme instigatrice du regroupement initial et comme source essentielle à la cohésion ultérieure. Self-employment is an increasingly common form of work. Yet the self-employed do not enjoy the full protection of labour laws. In the search for solutions to overcome the lack of effectiveness of protective labour laws for them, many point to the specific regime governing labour relations of artists in the performing, recording and filming industry (Act respecting the professional status and conditions of engagement of

performing, recording and film artists, RSQ S-32.1). But to date, no comprehensive study has been conducted to

understand the mechanisms and the effects of the regime and the essential conditions for their functioning. This study demonstrates the striking similarity between the needs arising from work organizational mode and occupational characteristics of the self-employed and artists in Quebec. As such, the relevance of addressing the experience of artists performers-actors and artists directors, circumscribed group for the purposes of the study, makes sense. Their experience allows us to understand how the promotion of their collective autonomy by the legislative framework establishing their work relations with their work providers, i.e. producers, facilitates their access to decent work. The research identifies three mechanisms at the heart of the regime: the granting of recognition at the individual level by providing professional status for artists; the granting of recognition at the collective level by establishing a sector-based union monopoly to the association representing the majority of artists; and the insurance of application of minimum labour standards to artists whose services are retained. It also helps highlighting the need to impose the obligation to negotiate on the intermediary, between the consumer and the artist, who is advantaged by the balance of bargaining power. In the same manner, it brings to the forefront the importance to provide artists with access to sufficient work for the mechanisms established by the regime to be efficient. Finally, it highlights the role that solidarity plays in the regime, both as instigator of the initial grouping and as a critical source for subsequent cohesion.

(6)

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier Sébastien, mon amoureux, pour son soutien tout au long de ces années ; Irène, ma mère, pour le temps précieux qu’elle m’a donné ; Marc, mon père, pour l’exemple qu’il représente et la confiance en ma capacité d’aller jusqu’au bout qu’il m’a transmise. Sans eux, je n’aurais jamais mené à terme ce projet.

Merci aussi à Adelle pour ses commentaires justes qui m’ont obligée à me dépasser, son sourire contagieux et son savoir et sa générosité intarissables.

Merci ensuite à Urwana et François dont la rigueur et les commentaires toujours pertinents m’ont permis de structurer davantage ma pensée.

Merci surtout aux artistes qui ont accepté de participer à mes recherches et sans lesquels cette thèse n’aurait pas vue le jour. Merci d’avoir été si généreux.

Et sans oublier mes trois crapauds, Benjamin, Jonathan et Zacharie, qui à leur manière bien spéciale m’ont donné l’espace suffisant pour vivre toute cette expérience avec légèreté. Merci!

(7)

L’autonomie collective au service de la

protection des travailleurs autonomes :

comment favoriser leur accès à un travail

décent à la lumière du cas des artistes au

Québec

INTRODUCTION

a) La crise du droit du travail

La finalité première du droit du travail est la protection du travailleur1. Comme l’expliquent Verge et Vallée :

« La nature même du rapport de travail explique l’apparition et le développement d’un droit ayant pour fonction, sinon exclusive, du moins inévitable, de protéger la personne même du salarié. L’objet de ce rapport de travail se résume, en effet, à la mise à la disposition de l’employeur de la force de travail du salarié, avec plus ou moins de continuité, opération qui se réalise par l’état de subordination de ce dernier envers le premier.»2

À l’origine, la relation de travail, en vertu de laquelle une personne s’obligeait à fournir sa force de travail en échange d’une rémunération, était considérée comme une opération d’échange entre deux sujets formellement égaux (égale liberté de contracter) et inscrite

La recherche pour la présente étude est à jour au 10 mars 2014. Je souhaite souligner qu’entre le moment où

j’ai effectué les entrevues et le moment où j’ai terminé la rédaction, les présidents de deux des trois associations en cause ont changé (Raymond Legault pour l’Union des artistes a été remplacé par Sophie Prégent et François Côté pour l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec a été remplacé par Gabriel Pelletier). Enfin, le nom de l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec, auquel je réfère dans mon texte (APFTQ), a été modifié pour l’Association québécoise pour la production médiatique.

1 Pierre Verge et Guylaine Vallée, Un droit du travail? Essai sur la spécificité du droit du travail, Cowansville, éd.

Yvon Blais, 1997, à la p.32; Bob Hepple, « Equality and empowerment for decent work », (2001) 140 :1 Revue internationale du travail 5, à la p.12.

(8)

dans le droit des obligations3. Ultimement de graves conflits sociaux éclatèrent et entrainèrent progressivement le développement du droit du travail : « (…) un droit qui a pour vocation première d’introduire une mesure d’égalité effective dans un rapport, celui qui unit l’employeur au salarié, fondé sur le postulat d’une égalité contractuelle qui ignore le déséquilibre existentiel des parties. »4 Face aux abus exercés envers les salariés de par la montée de l’industrialisation, le besoin de protection devint criant. À cette fin, dans le contexte du retour à la paix suite à la Première Guerre mondiale, la création de l’Organisation internationale du travail (OIT) en 1919, par le Traité de Versailles, est prévue. Dans les années qui suivirent, alors que le mandat de l’OIT était réaffirmé, il apparut nécessaire de déclarer que le travail n’est pas une marchandise5. Par conséquent, dans le cadre de l’analyse économique de la relation contractuelle entre le travailleur et la personne envers laquelle il s’engage à fournir un travail, le travail ne peut se concevoir comme n’importe quelle autre marchandise faisant l’objet d’un échange. En effet, dans le cas du travail, il est essentiel de protéger la personne qui est rattachée à la « force achetée » . Le droit du travail s’est construit autour de cet énoncé fondamental.

Or dans le contexte d’une compétition accrue du fait, entre autres, de la mondialisation, les entreprises exercent des pressions pour une déréglementation et cherchent les moyens

3 Alain Supiot, Critique du droit du travail, Paris, Presses universitaires de France, 1994, à la p.16.

4 Marie-France Bich, « Petits éléments pour une réflexion polémique sur la solidarité en droit du travail », dans

Droits de la personne : Solidarité et bonne foi, Actes des Journées Strasbourgeoises de l’Institut canadien

d’études juridiques supérieures, Cowansville, éd. Yvon Blais, 2000, p.93, à la p.106.

5 Déclaration concernant les buts et objectifs de l'Organisation Internationale du Travail de 1944, (1946) 1

R.T.N.U. 35 (les deux documents formant ensemble la Constitution de l’Organisation internationale du travail, (1946) 2 R.T.N.U. 17) et réitérée dans la Déclaration de l’OIT relative aux principes et aux droits fondamentaux

au travail, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 86e session, Genève, 1998. D’ailleurs, je

souligne que l’OIT utilise depuis longtemps le terme « travailleur » dans les différentes normes qui sont élaborées sans que le sens ne soit restreint aux seuls salariés. Voir à ce sujet Verge et Vallée, Un droit du

(9)

pour augmenter leur productivité en réduisant leurs coûts de production. Dans cette recherche, les employeurs exigent une plus grande flexibilité de leur main-d’œuvre, favorisant des liens d’emploi moins contraignants par le recours au travail atypique. Le travail atypique se définit par opposition au travail inscrit dans le cadre d’une relation « typique » (emploi salarié à temps plein, à durée indéterminée, pour un seul employeur, souvent sur les lieux de l’entreprise de l’employeur6 et effectué sous le contrôle et la supervision de l’employeur). Si le travail atypique a toujours existé7, la tendance actuelle montre une augmentation du recours par les employeurs à ce type de lien d’emploi, notamment la substitution du «travail indépendant au rapport salarial »8, et surtout la tentative de modifier la relation contractuelle pour l’exclure de la protection offerte par la législation du travail9.

D’une part, il en résulte un accroissement du nombre de travailleurs se trouvant en marge du champ d’application des lois du travail et de leur protection. D’autre part, il en résulte un accroissement du nombre de travailleurs pour lesquels, bien qu’ils soient visés par les lois

6 Guylaine Vallée, Pour une meilleure protection des travailleurs vulnérables : des scénarios de politiques

publiques, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Collection sur les travailleurs vulnérables

– no 2, mars 2005, à la p.3. Voir également Judy Fudge et Rosemary Owens, dir., Precarious Work, Women and

the New Economy : the Challenges to Legal Norms, The Onati International Institute for the Sociology of Law,

Oxford, Hart Publishing, 2006, à la page 3.

7 Le « travail atypique » réfère à plusieurs formes de relations de travail. Elles ont pour point commun

l’absence de conformité au modèle classique du lien de travail. Voir Jean-Yves Brière, « Le Big Bang de l’emploi ou la confrontation de la Loi sur les normes et des emplois atypiques », dans Lucie Lamarche dir., Emploi

précaire et non-emploi : droits recherchés, Actes de la 5e journée en droit social et du travail, Cowansville, éd. Yvon Blais1994, à la page 1.

8 Verge et Vallée, Un droit du travail?, supra note 1, à la p.172.

9 Telle tentative étant rendue attirante en raison de la difficulté de l’application des tests pour la

détermination du statut du travailleur et l’obligation qui leur est faite de rechercher cette détermination a

posteriori, par contrôle judiciaire. Voir à ce sujet Judy Fudge, Eric Tucker et Leah F. Vosko, « Employee or

Independent Contractor? Charting the Legal Significance of the Distinction in Canada », (2003) 10 C.L.E.L.J. 193, en particulier aux pages 227-228. Concernant des détails sur les tests, voir ci-dessous aux pages 10 et suivantes.

(10)

du travail, l’application des lois du travail n’entraîne pas la pleine protection dont ils devraient bénéficier en raison de l’inadéquation des lois à leur situation atypique10.

Alors que l’écart socioéconomique se creuse au Canada et que le partage des richesses créées est de moins en moins égalitaire, la nécessité de réagir et de proposer des façons de protéger cette catégorie de travailleurs de plus en plus nombreux est réelle. Face à ce constat, une véritable « crise du droit du travail » a été déclarée, l’inadéquation entre les lois et les situations factuelles ayant pour conséquence l’incapacité grandissante des lois du travail à remplir leur mission première de protection des travailleurs. Pourtant, le choix de faire reposer la protection des lois du travail sur le statut du travailleur ne doit pas faire perdre de vue la finalité du droit du travail. Dans cette remise en question, les auteurs se sont penchés à plusieurs reprises sur les fondements mêmes sur lesquels a été élaboré le droit du travail, à l’origine de l’exclusion d’une part croissante de la population active.

b) La problématique des travailleurs autonomes : leur assimilation à la catégorie juridiquedes entrepreneurs indépendants ne reflète pas la réalité et les exclut de la protection des lois du travail

À travers cette remise en question, la problématique entourant le statut juridique des travailleurs autonomes, la protection dont ils devraient bénéficier et les moyens de garantir cette protection est particulièrement intéressante. Dans leur recherche d’une plus grande

10 Dans une allocution au CRIMT, Guylaine Vallée faisait ressortir les frontières représentant un défi à

l’efficacité du droit du travail. Au sujet de la difficulté d’application du droit aux situations atypiques, elle regroupait ces situations sous les frontières du temps par rapport au travail (en lien avec le travail à temps partiel, le travail à horaire flexible, le travail selon des contrats à durée déterminée plutôt que des relations à long terme) et des relations d’emploi tripartites (par opposition à la relation traditionnelle bipartite, en référence aux agences de placement et à la question du véritable employeur du travailleur). Guylaine Vallée, Conférence commémorative H.D. Woods, dans le cadre du colloque international du CRIMT : Les systèmes de représentation au travail : à la mesure des réalités contemporaines?, Université Laval, 16 au 18 juin 2010 [non publiée]. Voir également : Vallée, Pour une meilleure protection des travailleurs vulnérables, supra note 6, à la p.1 : « L’augmentation des emplois « atypiques » (…) signifie que les droits et avantages dont l’attribution est fondée sur une relation du travail salariée, à temps plein et à durée indéterminée protègent une proportion décroissante de la main-d’œuvre » .

(11)

compétitivité, les entreprises transfèrent à ces « entrepreneurs » une partie des coûts et des risques d’entreprise qu’elles assumaient auparavant, sans pour autant les faire bénéficier d’avantages et de protections11. Cette recherche mène donc à une plus grande précarité du travail12. Ainsi, ce type de travail :

« peut être considéré comme un observatoire privilégié des transformations du travail pris dans son ensemble. En effet, il offre un « concentré » de caractéristiques, - qu’il s’agisse de l’autonomie au travail, du partage du risque par le travailleur ou de son exclusion des régulations collectives – qui deviennent aussi le lot d’une part grandissante des emplois salariés. »13

Bien que le phénomène de travail autonome ne date pas d’hier et pendant plusieurs décennies cette forme de travail a connu un net recul, elle est de nouveau en progression depuis les années 1990 dans les pays de l’OCDE, en particulier au Canada14. L’exclusion des travailleurs autonomes de la portée des lois du travail (et de la protection qu’elles garantissent aux travailleurs visés) suscite un questionnement essentiel au sein de la littérature.

Les travailleurs autonomes sont assimilés à la catégorie juridique des entrepreneurs indépendants dans la qualification des relations contractuelles les liant à leurs donneurs d’ouvrage. Selon Coiquaud :

11 Sandra Fredman, « Precarious Norms for Precarious Workers », dans Fudge et Owens, Precarious Work,

supra note 6, à la page 187.

12 Ibid., à la page 188.

13 Martine D’Amours, Le travail indépendant : un révélateur des mutations du travail, Québec, Presses de

l’Université du Québec, 2006, à la p.15.

14 Sous réserve d’un faible recul en 2006 et en 2010, le nombre de travailleurs autonomes au Canada a

fortement augmenté depuis les années 90. Voir le détail du rapport de 2010 de Statistiques Canada à l’adresse suivante :http://www.statcan.gc.ca/pub/21-006-x/2012001/finding-resultats-fra.htm Voir également Guylaine Vallée, « Pluralité des statuts de travail et protection des droits de la personne : quel rôle pour le droit du travail? », (1999) 54 :2 Relations industrielles 277, à la p.283 : « le travail autonome connaît actuellement la progression la plus fulgurante : il représentait 55% des nouveaux emplois créés au Québec entre 1990 et 1995 et pourrait constituer 20 à 25% de la population active en l’an 2000 » .

(12)

« Juridiquement, ils sont assimilés aux « entrepreneurs indépendants », un statut pour lequel le droit pose comme postulat leur capacité à se protéger seuls face aux forces du marché et à établir un rapport de force équilibré avec leurs donneurs d’ouvrage. Cette loi du « laisser-faire » contraste avec la régulation protectrice dont bénéficient les salariés par l’intermédiaire des lois du travail. »15

De ce fait, ils sont exclus de la protection des lois du travail. En effet, les lois du travail fondent leur champ d’application sur une relation subordonnée de travail. Le droit du travail n’est pas le droit régissant le travail dans son ensemble, mais plutôt le droit régissant le travail subordonné16. Ainsi, la distinction entre « employé »17 et «entrepreneur indépendant »18 est fondamentale puisque c’est elle qui permet d’établir l’assujettissement aux lois du travail et la garantie de leur protection. La jurisprudence a depuis longtemps cherché à définir les critères de qualification de la relation contractuelle en cause aux fins d’attribuer le statut « d’employé » à la personne revendiquant la protection législative.

En Common Law, la distinction s’est articulée en premier lieu autour du critère de contrôle et a été élaborée pour répondre à l’origine à deux problèmes juridiques : la responsabilité civile de l’employeur pour le fait d’autrui et le congédiement sans cause. Énoncé dès 185819, ce critère, repris dans la jurisprudence tant de Common law que de droit civil en de nombreuses occasions20, est compris ainsi : « le critère essentiel destiné à caractériser les rapports de commettant à préposé est le droit de donner des ordres et instructions au

15 Urwana Coiquaud, « Le difficile encadrement juridique des travailleurs autonomes en situation précaire : le

cas des chauffeurs locataires de taxi», (2009) 64 :1 Relations industrielles 95, à la p.95.

16 Vallée, Pluralité des statuts de travail, supra note 14, à la p.279.

17 Ou « salarié », selon la loi en question, les deux expressions étant traitées comme des synonymes dans la

jurisprudence et dans les lois. Il en sera de même dans le présent texte.

18 Les expressions « employé » et « entrepreneur indépendant » correspondent aux catégories juridiques

établies en jurisprudence pour distinguer les différents types de travailleurs.

19 Regina c. Walker (1858), 27 L.J.M. 207.

20 Voir notamment Hôpital Notre-Dame de l’Espérance c. Laurent, [1978] 1 R.C.S. 605; Wiebe Door Services Ltd

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préposé sur la manière de remplir son travail »21. En application de ce critère, les employeurs ont été considérés comme responsables à l’égard des tiers pour la négligence de leur « employé », mais non pour celle d’un « entrepreneur indépendant ». Dans le but de fournir un recours juste et pratique pour le préjudice subi et celle de dissuader de causer un préjudice à l’avenir, la responsabilité du fait d’autrui est équitable en principe parce qu’une entreprise doit assumer elle-même les risques qu’elle entraîne :

« Il n’est donc pas logique d’imputer à un employeur la responsabilité des actes accomplis par un entrepreneur indépendant qui, par définition, exploite une entreprise pour son propre compte. En outre, l’employeur n’exerce pas sur un entrepreneur indépendant le même contrôle que sur un employé et n’est pas, de ce fait, en mesure de réduire les accidents et les fautes intentionnelles au moyen d’une organisation et d’une supervision efficaces. Toutes ces considérations de politique générale se rattachent à la capacité de l’employeur de contrôler les activités de l’employé, une dimension qui est généralement inexistante ou insuffisante dans le cas d’un entrepreneur indépendant. »22

Dans les cas de congédiement sans cause, les tribunaux ont conclu que pour un contrat de travail à durée indéterminée, l’employeur pouvait seulement mettre un terme au contrat en donnant un préavis raisonnable de la fin d’emploi, en l’absence d’une cause de terminaison d’emploi ou d’une disposition contractuelle contraignante à cet effet. Ils sont arrivés à la solution opposée dans le cas de contrats de service, concluant qu’un tel préavis n’était pas nécessaire23. Par la suite, les tribunaux, appelés à se prononcer sur l’application de lois spécifiques au travail, comme des lois prévoyant des normes minimales et des lois encadrant les rapports collectifs du travail, ont repris la distinction entre « employé » et « entrepreneur indépendant » pour déterminer le champ d’application des lois en question, le critère du contrôle sur la manière d’exécuter le travail devenant ainsi le facteur

21 Hôpital Notre-Dame de l’Espérance c. Laurent, [1978] 1 R.C.S. 605, à la p.613. 22 671122 Ontario Ltd c. Sagaz Industries Canada inc., [2001] 2 R.C.S. 983, au para.35. 23 Fudge, Tucker et Vosko, Employee or Independent Contractor?, supra note 9, à la p.198.

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déterminant dans le test appliqué par les tribunaux pour décider du statut d’un travailleur24.

Au Québec, contrairement au reste du Canada, le droit civil est codifié. Dans le Code civil du

Bas Canada25, le terme « emploi » n’était pas utilisé. On y traitait plutôt d’un contrat de « louage personnel de service »26 par opposition au contrat de « louage d’ouvrage par devis et marché »27. En effet, le CCLC prévoyait trois espèces d’ouvrage pouvant faire l’objet de location, soit (1) le service personnel des ouvriers, domestiques et autres ; (2) le service des voituriers, tant par terre que par eau, lorsqu’ils se chargent du transport des personnes et des choses ; et (3) le service des constructeurs et autres entrepreneurs de travaux suivant devis et marchés28. La distinction entre le premier et le troisième groupe de travailleurs n’étant pas clairement définie dans le code, ce sont les tribunaux qui l’ont élaborée à travers l’interprétation et l’application du CCLC dans le contexte de cas soulevant soit la responsabilité civile de l’employeur à l’égard de tiers pour le fait de leur employé, soit l’indemnisation de l’employé dans les cas d’accident ou de blessure au travail29. Le critère fondamental permettant la distinction entre l’employé et l’entrepreneur indépendant a été

24 Ibid., aux pp.209 et 205. On doit toutefois noter que dans le cas des lois concernant les rapports collectifs du

travail, l’adoption du test développé en droit commun s’est faite plus tardivement que dans le cas des lois sur les normes minimales. Voir la décision Lunenberg Sea Products Ltd., [1947] 3 D.L.R. 195 (N.S.C.A.) qui marque le point de départ de cette adoption.

25 Code civil du Bas Canada [C.C.L.C.]. Le CCLC a été remplacé par le Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch.64 [CcQ],

le 1er janvier 1994. Bien que la terminologie ait été modifiée dans le nouveau code, le contrat de louage

personnel de service devenant un « contrat de travail » (art. 2085) opposé au « contrat de service » (art.2098), les critères de distinction développés par la jurisprudence sous l’ancien code n’ont pas été modifiés. Au contraire, le CcQ a renforcé l’importance du lien de subordination comme critère fondamental de distinction, reconnaissant que c’est, avec la rémunération et la prestation de travail, l’un des éléments constitutifs du contrat de travail. Voir à ce sujet Vallée, Pluralité des statuts de travail, supra note 14, à la p.280.

26 CCLC, art.1667. 27 CCLC, art.1683. 28 CCLC, art.1666.

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identifié dans les premières décisions comme étant celui de la subordination30. Dès 1928, la Cour suprême du Canada (CSC) déclarait qu’en vertu du droit au Québec, « [t]he contract of lease and hire of work may be distinguished from the ‘contrat d’entreprise’ principally by the subordinate character of the employee in the former contract. »31 La distinction entre « employé » et « entrepreneur indépendant », qu’elle soit issue du contexte de Common Law ou du droit civil au Québec, implique l’application de tests similaires32.

Face à la difficulté de déterminer dans les faits le statut du travailleur en raison de l’existence de nombreux arrangements contractuels empruntant des caractéristiques à l’une et l’autre des catégories, les tribunaux ont dû moduler le test du contrôle ou du lien de subordination pour favoriser une meilleure protection des travailleurs. Ce faisant, différents tests ont été utilisés au fil des ans, avec plus ou moins de succès33. De façon générale, les tests élaborés ont eu pour effet de considérer des éléments autres que le strict contrôle, tels que la propriété de l’outillage nécessaire à l’exécution du travail, les chances de profit et les risques de perte, et l’intégration à l’entreprise du donneur d’ouvrage. Cependant, l’élément de contrôle est demeuré jusqu’à ce jour le facteur déterminant34.

30 Ibid.

31 Quebec Asbestos Corp. c. Couture, (1928), [1929] 3 D.L.R. 601 (S.C.C.), à la p.603.

32 Fudge, Tucker Vosko, Employee or Independent Contractor?, supra note 9, à la p.203. Voir également Brian

Langille et Guy Davidov, « Beyond Employees and Independent Contractors: A View From Canada », (1999) 21 :1 Comparative Labour Law and Policy Journal 6, à la p.15, note 18.

33 Il serait hors propos, pour les fins de la présente recherche, de reprendre le détail et l’évolution de tous ces

tests. Je réfère le lecteur à l’étude faite par Fudge, Tucker et Vosko, The Legal Concept of Employment, supra note 33. Voir également à ce sujet la revue de la jurisprudence faite par le juge MacGuigan dans Wiebe Door

Services Ltd c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553.

34 Fudge, Tucker Vosko, Employee or Independent Contractor?, supra note 9, aux pp.200 et 202. En 2001, la

CSC se prononçait en mentionnant que la détermination doit tenir compte des faits et circonstances particuliers à chaque affaire, le poids relatif à donner aux différents facteurs variant selon la relation globale entretenue par les parties. En déclarant qu’il n’existe pas de critère universel, elle mentionnait qu’il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur, en reconnaissant du même souffle qu’il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre

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En résumé, aujourd’hui, peu importe la rédaction propre à chaque loi du travail, la détermination du statut d’employé se fait principalement en fonction de trois critères : une prestation de travail sous la direction et le contrôle d’une autre personne en échange d’une rémunération.

Dans la mesure où les entreprises tentent de se départir d’une partie des risques liés à la relation contractuelle de travail, c’est au niveau du critère de la direction et du contrôle (lien de subordination juridique) que l’exclusion des travailleurs autonomes a été construite. « At the core of the concept was a notion of ‘subordination’ in which the open-ended duty of obedience was traded off in return for the acceptance and absorption by the enterprise of a range of social risks. »35

C’est ce critère qui a été le plus mis en cause par les nouvelles formes d’organisation du travail. Dans le cadre de la relation « typique » de travail, l’employé travaille sur les lieux de production de l’entreprise, sous la supervision immédiate d’un représentant de l’employeur facilitant l’identification du facteur « contrôle ». À l’inverse, dans les nouvelles formes d’organisation, l’application du test est moins évidente. En effet, l’organisation du travail se

outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches. Voir 671122 Ontario Ltd c. Sagaz Industries Canada inc., [2001] 2 R.C.S. 983, aux para.46-48. En ce qui concerne le Québec et le lien de subordination de façon spécifique, voir en particulier Wolf c. Canada, [2002] 4 F.C. 396 (C.A.) et Cabiakman c. Industrielle Alliance, compagnie d’assurance sur la vie [2004] 3 R.C.S. 195. Il est à noter également que dans tous les cas, l’obligation d’exécuter personnellement le travail est en principe essentielle pour conclure à une relation d’emploi. Voir à ce sujet Pierre Verge, Gilles Trudeau et Guylaine Vallée, Le droit du travail par ses sources, Montréal, éd.Thémis, 2006, à la p.69.

35 Simon Deakin, « The Comparative Evolution of the Employment Relationship », dans Guy Davidov et Brian

Langille dir., Boundaries and Frontiers of Labour Law, International Institute of Labour Studies, Hart Publishing, Oxford and Portland, 2006, p.101.

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modifie et l’autonomie des employés, même en situation typique de travail, est recherchée. Cela a pour conséquence que la frontière entre le salariat et le travail indépendant est de plus en plus perméable36. Les arrangements contractuels ne sont plus attachés aussi distinctement à l’une ou l’autre des catégories juridiques élaborées, soit le contrat de travail d’une part et le contrat de service d’autre part. Tel que l’explique Freedland :

« At the first level, we are concerned with the exchange of services for remuneration. (…). At the second level, we are concerned with the creation of obligations concerned with the security of expectations. For the worker, these expectations about security income, security of employment, (…) health, safety and well being. For the employer, these are expectations about whether the worker will affect the realisation of the employer’s goals either by making and implementing commitments going beyond the realm of particular services, or negatively by refraining from competition. The contract of employment/contract for services dichotomy encourages the view that these two levels are separable, with the contract of services operating at the first level and the contract of employment operating mainly at the second level. Employment arrangements need to be recognised as operating in a fluid and complex way between the two levels. »37

Pour répondre à la nécessité d’adapter le test aux nouvelles réalités de travail (nouvelles technologies, télétravail, etc.), les tribunaux ont modulé le critère de la subordination juridique de façon à tenir compte des caractéristiques propres à chaque milieu de travail en cause. Les indices utilisés pour évaluer le lien de subordination ne relèvent pas uniquement d’un contrôle immédiat sur l’exécution du travail. On recherche l’intégration du travail dans un ensemble organisé constituant l’entreprise (par exemple, la présence obligatoire sur les

36 Urwana Coiquaud, Le travail non salarié dépendant : étude de droit comparé France Canada, thèse de

doctorat en droit, Université de Montréal, 2004.

37 Mark Freedland, « The Role of the Contract of Employment in Modern Labour Law », in ed. Lammy Betten,

The Employment Contract in Transforming Labour Relations, The Hague, London, Boston, Kluwer Law

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lieux de travail, l’imposition d’horaires de travail ou de règles de conduite, la remise de rapports d’activités, le port d’un uniforme, l’obligation de disponibilité, etc.)38.

De plus, la volonté d’élargir la portée de la protection a entraîné l’inclusion des travailleurs qui se trouvaient dans les faits en situation de dépendance économique face au donneur d’ouvrage39. C’est ainsi que plusieurs juridictions ont modifié leur législation encadrant les rapports collectifs du travail pour inclure dans la définition d’« employé » le concept d’« entrepreneur dépendant »40, obligeant les tribunaux à prendre en compte, en plus de la dimension du contrôle, la dépendance économique de l’une des parties face à l’autre41. La dépendance économique est considérée comme « se manifestant par le fait qu’une personne tire ses principaux moyens de subsistance d’une seule relation contractuelle »42. Sans que de telles modifications aient eu lieu dans la législation concernant les normes minimales de travail, les tribunaux ont interprété largement ces définitions de manière à étendre la

38 Voir la décision clé en la matière Gaston Breton inc. c. Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et

ouvriers de diverses industries, local 1999, [1980] T.T. 471, en particulier aux pp.474-477. Cette décision a été

reprise en de nombreuses occasions et modulée selon les circonstances et les modes d’organisation du travail spécifiques à chaque cas. Voir l’analyse faite à ce sujet par Vallée, Pluralité des statuts de travail, supra note 14, à la p.282.

39 Au milieu des années 60, un rapport du « Task Force On Labour Relations », nommé par le gouvernement

fédéral, recommandait l’élargissement de l’application des lois encadrant les rapports collectifs du travail aux entrepreneurs « dépendants » (travailleurs autonomes économiquement dépendants). Voir H.D. Woods, « Federal Government Task Force On Labour Relations », (1967) 22 :1 Relations industrielles 130. Le rapport concluait dans le même sens qu’un auteur de l’époque, Harry Arthurs qui, en critiquant la classification simpliste des travailleurs entre « salarié » ou « entrepreneur indépendant », recommandait l’exclusion dans la législation sur la concurrence de la négociation collective des travailleurs « dépendants » . Voir à ce sujet Harry Arthurs, « The Dependent Contractor: A Study of the Legal Problems of Countervailing Power », (1965) 16 University of Toronto Law Journal 89.

40 Fudge, Tucker et Vosko, Employee or Independent Contractor?, supra note 9, à la p.208. C’est le cas

notamment du Code canadien du travail, L.R.C.(1985), ch.L-2, [C.c.tr.] qui régit les entreprises de compétence fédérale. Un tel changement n’a pas été effectué dans le Code du travail du Québec, L.R.Q. C-27 [Code du travail]. Les auteurs soulignent qu’au Québec, où la définition d’employé est restée plus limitée, les tribunaux ont dans les faits interprété la définition de manière à y inclure des travailleurs qualifiés dans d’autres juridictions d’entrepreneurs dépendants (à la p.207).

41 Au Québec, au sujet de la notion de subordination économique et de l’assouplissement du test voir la

décision de principe Gaston Breton inc. c. Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses

industries, local 1999, [1980] T.T. 471.

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protection de cette législation aux travailleurs dépendants économiquement qui ne remplissent pas nécessairement les conditions de la définition traditionnelle d’employé43.

Malgré cette tentative d’élargissement et le fait que certains tribunaux aient accepté de considérer la dépendance économique, cette dernière ne peut à elle seule autoriser un tribunal à caractériser la relation contractuelle comme relevant du contrat d’emploi44. La dépendance économique est plutôt utilisée comme un indice d’une subordination juridique.

Par conséquent, la question demeure posée en terme de qualification du statut de la personne comme « employée » ou « entrepreneure indépendante », le second statut impliquant une exclusion de la protection. Les travailleurs autonomes, assimilés à la catégorie juridique des « entrepreneurs indépendants »45, sont exclus en grande part de la législation du travail.

Or, cette conception uniforme du travailleur autonome s’éloigne de plus en plus de la réalité de plusieurs travailleurs autonomes46. L’assimilation des travailleurs autonomes à la catégorie juridique d’entrepreneur indépendant relève davantage d’un stéréotype entourant cette forme de travail qui a été largement répandu et qui persiste. De façon traditionnelle, on a considéré que les deux éléments clés attachés à l’idée du travailleur autonome sont la propriété des moyens de production (de l’outillage) et l’autonomie dans

43 Fudge, Tucker et Vosko, Employee or Independent Contractor?, supra note 9, à la p.210.

44 La Cour d’appel du Québec a confirmé cette conclusion dans Dicom Express inc. c. Paiement, D.T.E.

2009T-266 (C.A.).

45 Coiquaud, Le cas des chauffeurs locataires de taxi, supra note 15, à la p.95.

46 Judy Fudge, Eric Tucker et Leah F. Vosko, « Changing Boundaries in Employment : Developing a New

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la manière d’exécuter le travail47. Des auteurs décrivent ce stéréotype de la façon suivante : « the image is fundamentally one of autonomy, of a self-employed person working on their own account and not subordinate to the authority of an employer, but subject to the constraints of the market-place »48. Pourtant, un décalage existe entre ce stéréotype et la réalité.

« Plus fondamentalement, force est de reconnaître que la définition sociologique d’entrepreneur qui associe l’entrepreneuriat à l’innovation (dans la lignée de Schumpeter) et à la prise de risque économique (dans la foulée de Knight) (Dale, 1991 ; Hakim, 1998) ne correspond pas à la réalité de plusieurs travailleurs indépendants. Même la définition sociologique de travailleur indépendant, qui lui attribue la propriété des moyens de production et la direction de l’organisation du travail (Dale, 1991) ne reflète pas non plus l’ensemble des réalités actuelles recouvertes par cette catégorie juridique et statistique »49

Pour mettre en lumière ce décalage, les auteurs s’attardent à décrire la distinction essentielle entre deux types de travailleurs autonomes : d’une part ceux travaillant à leur propre compte (« solo ») qui n’emploient aucun employé, et exécutent donc personnellement le travail et, d’autre part ceux qui emploient d’autres personnes pour l’exécution du travail, et qui n’exécutent donc pas personnellement le travail ou alors seulement en partie50. Cela permet de constater que pour plusieurs travailleurs autonomes

47 Angela Dale, « Social Class and the Self-Employed » (1986), 20 Sociology 430, à la p.431. Voir également

D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13, aux pp.46 et 93.

48 B.Burchell & J.Rubeyr, « Categorizing Self-Employment : Some Evidence from the Social Change and

Economic Life Initiative in the UK », in P.Leighton &A. Felstead, eds., The New Entrepreneurs : Self-employment

and Small Business in Europe, Londres, éd. Kogan Paul, 1992, cité par Fudge, Tucker et Vosko, Changing

Boundaries in Employment , supra note 46, à la p.333.

49 D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13, à la p.6.

50 Karen Hughes, How are Women Faring in the Entrepreneurial Economy? , Ottawa Breakfast on the Hill

Seminar Series, sponsored by the Canadian Federation for the Humanities and Social Services, 2003. Cette distinction est adoptée par Fudge dans Judy Fudge, « Self-employment, Women, and Precarious Work : the Scope of Labour Protection, dans Fudge et Owens, Precarious Work, supra note 6, pp.201-222. Elle est également formulée en des termes similaires dans Jean Bernier, Guylaine Vallée, Carol Jobin, Les besoins de

protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle, Rapport final, Québec, Ministère du

Travail, 2003, à la p.36, alors que les auteurs citent Gilles Roy, Diagnostic sur le travail autonome-version

synthèse, Direction des affaires publiques de la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre,

Montréal, 1997, p. 25. Cette distinction est également acceptée dans le cadre de recherches sociologiques. Voir D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13 aux pp.19-23.

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faisant partie de la catégorie « solo », le stéréotype de l’entreprenariat, fondement de l’exclusion de ces travailleurs de toute protection en vertu des lois du travail, ne « colle » pas à leur réalité. En fait, les travailleurs de cette catégorie diffèrent beaucoup du stéréotype puisque bien souvent, ils ne possèdent pas les moyens de production, ils n’exercent que peu de contrôle sur la production et n’accumulent pas de capital51. Or c’est justement dans cette catégorie de travailleurs autonomes que l’augmentation de ce type d’organisation du travail a été la plus marquée au Canada52.

Par contre, dans l’idée d’élaborer des solutions pour effectivement protéger les travailleurs autonomes ayant besoin de telle protection, cette distinction apparaît insuffisante. À l’intérieur même de la sous-catégorie des travailleurs autonomes « solo », il est important de reconnaître qu’il existe des différences flagrantes entre les modes de fonctionnement de ces travailleurs, menant à des besoins de protection différents et entraînant l’impossibilité de prévoir un régime de protection universel53. Plusieurs auteurs font ainsi référence à l’hétérogénéité des travailleurs autonomes54. Fudge souligne que le travail autonome ne devrait plus être considéré comme une catégorie unique de travailleurs devant être distinguée de celle de l’emploi, mais plutôt qu’il devrait être envisagé dans l’optique d’un

51 Fudge, Self-employment, Women, and Precarious Work, supra note 50, à la p.204.

52 Ibid., à la p.210. Voir également D’Amours, Le travail indépendant, supra note13 à la p.18 « […] dans les

années 1990, la grande majorité (90%) des « nouveaux » travailleurs indépendants travaillaient seuls, sans recours à des employés » .

53 Coiquaud, Le cas des chauffeurs locataires de taxi, supra note 15, à la p.96.

54 Harry W. Arthurs, Équité au travail : des normes de travail fédérales pour le XXIe siècle, Ottawa, Ministère des Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2006, aux p.65-66; Coiquaud, le cas des chauffeurs locataires de taxi, supra note 15, à la p.96; Fudge, Tucker et Vosko, Changing Boundaries in Employment, supra note 46, à la p.337; Vallée, Pluralité des statuts de travail, supra note 14, à la p.284; Bernier, Vallée et Jobin, Rapport Bernier, supra note 50, aux pp.518-519; D’Amours, Le travail indépendant,

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continuum variant selon les facteurs de subordination et d’autonomie55. Cette idée est formulée de façon similaire par d’autres auteurs qui énoncent que ce continuum de formes de mobilisation du travail permettant de repérer des « formes hybrides » s’articule autour de deux dimensions indépendantes : l’organisation de la contribution du travailleur au produit (qui réfère à la subordination) et la répartition du risque (qui réfère à l’idée de risque opposé au profit)56. D’Amours propose une typologie du travail autonome57 en cinq profils58 en soulignant qu’il n’y a pas un facteur unique capable d’expliquer la diversité des conditions associées aux formes de travail autonome. L’absence d’homogénéité touche tant les caractéristiques individuelles des travailleurs (genre, scolarité, occupation, compétences) que la qualité de leurs situations de travail (niveau de rémunération, d’autonomie, de protection)59. Or l’analyse de cette hétérogénéité révèle des niveaux d’inégalité et même une polarisation des qualifications et des revenus supérieurs à ceux qu’on trouve dans le salariat60.

Dans la mesure où la définition juridique des travailleurs autonomes, par leur assimilation à la catégorie des « entrepreneurs indépendants » ne cadre pas à la réalité des travailleurs en

55 Fudge, Tucker et Vosko, Changing Boundaries in Employment , supra note 46, à la p.337, précisant que :

« Dimensions or measures of autonomy and subordination that have been suggested include place of work (home, own office, client’s business), payment systems and income variability, and capital and labour resources. »

56 Yves Dupuy et Françoise Larré, « Entre salariat et travail indépendant, les formes hybrides de mobilisation

du travail, Travail et Emploi, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, DARES, 1998, vol.77, no 4, aux pp.1-14, cité dans D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13, à la p.82.

57 Elle réfère plutôt au concept de travail indépendant.

58 Les non-professionnels indépendants, les petits producteurs dépendants, les professionnels libéraux, les

conseillers et consultants et les professionnels bénéficiant d’ententes collectives de travail. Pour le détail concernant chacun de ces catégories, voir D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13.

59 Pour « décrire et expliquer cette hétérogénéité, il faut tenir compte à la fois des dimensions constitutives de

la prestation de travail (organisation du travail, prise en charge des risques liés au travail) et des dimensions constitutives du produit (identité du producteur, identité du client, nature du produit). » La dimension « organisation du travail » réfère au degré d’autonomie du travailleur, alors que la dimension « répartition du risque » réfère à l’identification de l’entité qui assume le risque de la prestation, en premier lieu le risque économique. D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13 , à la p.110.

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cause, les auteurs ont soulevé des arguments pour éviter leur exclusion de la législation du travail qui en découle.

Tout d’abord, certains auteurs soutiennent que l’élargissement du champ de protection du droit du travail aux travailleurs autonomes permettrait d’éviter une spirale vers le bas quant aux conditions de travail et la préservation des conditions des salariés bénéficiant actuellement de la protection. En effet, la disponibilité de travailleurs autonomes exclus de la protection du droit du travail risque d’inciter les employeurs à leur confier du travail devant être exécuté dans des conditions autrement interdites par le droit du travail, réduisant les coûts immédiats pour les employeurs. Une pression à la baisse sur la protection et les conditions de travail des salariés serait ainsi effectuée, obligeant ces derniers à accepter une détérioration de leurs conditions de travail et de leur niveau de protection pour être en mesure de soutenir la compétition avec les travailleurs autonomes et de ne pas se retrouver sans travail61.

Ensuite, plusieurs auteurs soulignent que l’exclusion des travailleurs autonomes de la portée de la protection des lois du travail remet en cause le choix de faire reposer la protection des lois du travail sur le statut de « salarié » du travailleur62 comme moyen adéquat pour parvenir à la finalité du droit du travail63. Les travailleurs autonomes, comme

61 Arthurs, Équité au travail, supra note 54, aux pp.62-63 et 68; Bernier, Vallée et Jobin, Rapport Bernier, supra

note 50, aux pp.37-38 : les auteurs soulignent le même genre d’effets contre lesquels Arthurs met en garde. Blackett et Sheppard confirment cet effet dans Adelle Blackett et Colleen Sheppard, «Négociation collective et égalité au travail», (2003) 142 :4 Revue internationale du travail 419, aux pp.429-430.

62 Voir mes commentaires ci-dessus à la p.5.

(24)

les salariés, dépendent de leur travail, et de leur capacité à le vendre, pour vivre64. On peut donc se demander pour quelle raison on exclut les premiers de toute protection, bien qu’ils participent activement au développement de l’économie65, alors qu’on l’accorde aux seconds et que les deux catégories de personnes ont un besoin de protection. Dans la mesure où la finalité du droit du travail est en premier lieu la protection des travailleurs, on ne devrait pas s’arrêter à une seule forme rigide de rapport de travail (dépassée dans beaucoup de cas aujourd’hui). Ainsi, plusieurs auteurs avancent qu’au nom de l’équité, il est nécessaire de modifier la portée actuelle des lois du travail pour garantir une protection aux travailleurs autonomes66. Comme le déclare Arthurs : « (…) les principes généraux d’équité exigent que les personnes présentant des caractéristiques semblables soient traitées de la même façon »67.

Le raisonnement en faveur de l’équité est d’autant plus pertinent qu’en plus du fardeau additionnel au niveau des risques liés au droit commercial68 qu’entraîne leur exclusion de la

64 Judy Fudge, « Labour Protection for Self-Employed Workers », (2003) 3 Just Labour 36, à la p.41 : elle note que

65.4% de tous les travailleurs autonomes au sens statistique (donc englobant tous les types de travailleurs autonomes confondus, « solo » comme « employeur ») appartiennent à la catégorie des « solo », qui sont dépendants de la vente de leur travail. Voir également Langille et Davidov, Beyond employees, supra note 32, à la p.30 qui mentionnent : « They are independent, in the sense that they serve different clients and can hardly be seen as dependent on any of them, and yet their position vis-à-vis these clients is not one that seems distinguishable from an employee with a single employer. (…) they are in need of protection much like employees. » .

65 Bernier, Vallée et Jobin, Rapport Bernier, supra note 50, à la p.517.

66 Ibid., aux pp.194-198 et 411-413; Vallée, Pour une meilleure protection des travailleurs vulnérables, supra

note 6 aux pp.17-19; Arthurs, Équité au travail, supra note 54; Fudge, Self-employment, Women, and Precarious Work, supra note 50, à la p.219; D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13, à la p.189 souligne à ce sujet que « l’hétérogénéité démontrée par nos travaux est associée à une résurgence des inégalités, parce que l’homogénéité protège les plus faibles, alors que la diversité, ajoutée au desserrement des régulations traditionnelles, se conjugue avec toute la gamme des inégalités. »

67 Arthurs, Équité au travail, supra note 54, à la p.62.

68 Notamment la responsabilité à l’égard des actes qu’ils accomplissent, à titre de co-contractants ou

sous-contractants, la responsabilité d’un préjudice subi par un tiers lié à l’activité à laquelle ils participent, l’obligation d’assumer des garanties contre les défauts cachés des biens et services ou autres garanties

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sphère de la relation d’emploi, les travailleurs autonomes sont ceux qui sont le plus susceptibles de se retrouver sans protection, alors même qu’ils en auraient besoin au même titre que les salariés69. À ce sujet, l’étude de D’Amours montre que les travailleurs autonomes qui ont les plus faibles revenus sont également ceux qui ont le moins de protection contre les risques liés au travail70. Cet état de fait semble logique puisque les travailleurs doivent dans tous les cas, sauf un des profils71, assumer seuls les protections contre de tels risques, ceux ayant des revenus faibles ne disposant peut-être pas de ressources suffisantes pour réserver une partie de ces revenus à la protection contre ces risques. Ainsi, différentes études montrent que le travail autonome est une forme de travail fortement associée à la vulnérabilité économique72. C’est le cas en particulier pour les femmes, notamment les immigrantes et celles issues de minorités ethniques, catégorie de travailleurs surreprésentée dans les niveaux les plus bas de l’échelle salariale parmi les

conventionnelles d’usage, etc. Voir à ce sujet Fernand Morin, Jean-Yves Brière et Dominique, Roux, Le droit de

l’emploi au Québec, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2006, à la p.1547.

69 Urwana Coiquaud, « La loi et l’accès à la syndicalisation de certains travailleurs non salariés vulnérables :

une relation pathologique? », (2007) 48 Les Cahiers de droit 65, à la p.68; Coiquaud, le cas des chauffeurs locataires de taxi, supra note 15, à la p.95; Vallée, Pour une meilleure protection des travailleurs vulnérables :

supra note 6, à la p.49 mentionne qu’il « est aussi inéquitable de faire supporter entièrement par les

travailleurs vulnérables, souvent faiblement rémunérés, le coût de leur protection sociale » .

70 D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13.

71 Il s’agit du cinquième profil décrit, soit les travailleurs professionnels couverts par des ententes collectives.

En fait, ce profil regroupe les artistes qui sont couverts par le régime original de rapports collectifs du travail, objet de la présente étude. Comme le souligne D’Amours, il s’agit des seuls travailleurs autonomes bénéficiant d’un régime de négociation collective encadré. Il semble donc y avoir un lien direct entre protection contre les risques liés au travail, partage de responsabilité quant aux coûts de cette protection et autonomie collective. D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13.

72 Vallée, Pour une meilleure protection des travailleurs vulnérables, supra note 6, aux pp.1 et 13; Fudge,

Self-employment, Women, and Precarious Work, supra note 50 (ensemble de l’article). Elizabeth Hill, Worker

Identity, Agency and Economic Development : Women’s empowerment in the Indian informal economy, New

York, Routledge, 2010; Bernier, Vallée et Jobin, Rapport Bernier, supra note 50, aux pp.40-41 (les commentaires portent toutefois sur le travail atypique, notamment le travail autonome, et non exclusivement sur celui-ci). Voir également D’Amours, Le travail indépendant, supra note 13, aux pp.77-78 qui réfère à différentes études qui qualifient le travail autonome comme une forme de travail précaire défini en trois caractéristiques : la discontinuité, les bas revenus et une protection sociale faible ou inexistante.

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