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PARTIE I L’OBJECTIF DE LA LOI SUR LE STATUT PROFESSIONNEL DES ARTISTES : PERMETTRE L’ACCÈS À UN TRAVAIL DÉCENT AUX ARTISTES-

CONCLUSION DE LA PARTIE

Une similarité frappante avec la problématique actuelle de l’exclusion des travailleurs autonomes de la législation du travail : l’accès à un travail décent

La présente partie m’a permis de faire ressortir les caractéristiques qui définissent les artistes visés. Tout comme les travailleurs autonomes, on peut qualifier les artistes de travailleurs « atypiques » présentant des caractéristiques similaires aux travailleurs autonomes. Comme eux, il s’agit de travailleurs solo ayant une multiplicité d’employeurs et plusieurs engagements simultanément à court terme ou à durée déterminée. Ils travaillent également sur plusieurs lieux de travail selon des horaires de travail flexible. Ceci dit, contrairement à certains travailleurs autonomes, la présence des artistes, sur un lieu déterminé extérieur à leur domicile et selon un horaire fixe, est dans tous les cas requise à un moment ou à un autre de leur engagement pour certaines portions de leur prestation. Comme les travailleurs autonomes, les artistes subissent des périodes de temps sans travail entre les périodes d’engagement. Leur formation est également hétérogène, quoiqu’une forte proportion présente des caractéristiques similaires (études universitaires pour la majorité et plus grande proportion d’artistes formés dans les institutions qu’autodidactes).

De plus, ces caractéristiques professionnelles distinctes de celles des travailleurs « typiques » ont influencé leurs revendications d’une manière qui rappelle les solutions

envisagées dans la littérature pour pallier au problème de l’exclusion des travailleurs autonomes des lois du travail. À titre d’exemple, il est utile de rappeler la ferme volonté des artistes représentés par l’UDA de se faire reconnaître un statut de travailleur autonome plutôt que salarié. L’UDA, à travers son mémoire, véhicule une « perception plus fondamentale à l’effet que les catégories juridiques traditionnelles de la législation sur les rapports collectifs du travail sont mal adaptées aux besoins spécifiques des artistes- interprètes, en particulier de ceux qui exercent cette profession comme pigistes. »499 Cette perception conditionne l’articulation de leurs revendications en deux axes : reconnaissance du statut d’entrepreneur indépendant et élaboration d’un régime de rapports collectifs basé sur une mécanique sectorielle de négociation collective. La similarité flagrante entre la perception des artistes sur eux-mêmes quant au caractère inapproprié des catégories juridiques des lois du travail et l’analyse présentée quant aux problèmes liés à l’emploi sous forme de travail autonome est un argument au soutien de la pertinence de l’étude du régime des artistes mis en place afin de favoriser leur accès à un travail décent500. En outre, grâce au concept de travail décent, le difficile accès des uns et des autres aux différents éléments constituant le travail décent a été mis en lumière. À des problèmes similaires, une

499 Côté, Le régime syndical des artistes-interprètes pigistes, supra note 277, à la p.14.

500 Une recherche statistique, établie par une enquête de la Fédération canadienne de l’entreprise

indépendante (FCEI) montre même une préférence à ne pas se faire reconnaître comme salarié par une majorité de travailleurs autonomes:

« À l’opposé, les résultats de l’enquête de la FCEI viennent appuyer la position de cet organisme à l’effet que le gouvernement ne doit pas assimiler les travailleurs autonomes dépendants à des salariés :

40,6% des répondants sont (de façon plus marquée chez les dépendants, et avec des différences selon le genre, le secteur d’activité et le revenu) en accord avec l’affirmation qu’un entrepreneur démarre souvent ses activités en tant que travailleur autonome dépendant;

75,6% répondants sont en désaccord avec l’intention du gouvernement de considérer les travailleurs autonomes dépendants comme des salariés et de leur appliquer les mêmes règles. Globalement, ces résultats permettraient à la FCEI de dire que l’intervention du gouvernement n’est pas jugée souhaitable par la majorité des travailleurs autonomes. » . Voir Martine D’Amours et al., Le travail indépendant comme combinaison de

formes de travail, de sources de revenus et de protections : étude des conditions pour comprendre les rapports entre travail indépendant et protection sociale, Rapport synthèse, Montréal, TRANSPOL, INRS - Urbanisation,

solution de même type ne peut qu’être pertinente. À ce titre, je souligne qu’un certain effet d’entraînement avait même été anticipé lors de l’étude du régime proposé par les artistes. Il s’agit d’un bon indice de la reconnaissance que le problème auquel tentait de remédier le gouvernement à l’époque n’était (et n’est toujours pas!) pas exclusif aux artistes501.

Ainsi, ces caractéristiques professionnelles et les conditions socio-économiques dans lesquelles les artistes évoluaient à l’époque les ont menés, dans un premier temps, à se regrouper et, dans un second temps, à militer en faveur de l’intervention de l’État pour élaborer un régime législatif reconnaissant leur statut et encadrant leurs relations du travail en vue de favoriser leur accès à un travail décent.

La solution retenue est la promotion de l’autonomie collective par encadrement législatif

Le survol effectué de la loi, telle qu’elle résulte des modifications législatives apportées depuis son adoption en 1987, permet de constater que les revendications des artistes ont été entendues en grande partie à l’époque. La loi effectivement élaborée vise à respecter un certain état de fait, soit l’exercice pré-loi de l’autonomie collective des acteurs sociaux en cause, en même temps que d’assurer son exercice dans le futur. L’exercice de l’autonomie collective est difficile dans certains domaines, repose uniquement sur la force pouvant être imposée par les associations et est rendu incertain par le vide juridique de l’époque. L’intervention législative est nécessaire pour éviter que les acquis soient annulés et tenter d’aller plus loin. Un régime spécifique est donc élaboré et mise sur cette autonomie

501 André Côté déclarait à l’époque : « Au delà des critiques que nous apportons aux modalités du régime

proposé, une difficulté importante réside dans le fait que les problèmes qui justifient la considération d’un quelconque régime de détermination sectorielle des conditions de travail, ne sont pas spécifiques aux seuls artistes-interprètes pigistes. », Côté, Le régime syndical des artistes-interprètes pigistes, supra note 277, à la p.114.

collective pour favoriser l’accès d’un plus grand nombre à un travail décent parmi les artistes. Reste à savoir dans quelle mesure l’encadrement législatif des relations de travail des artistes, qui en est résulté et faisant la promotion de leur autonomie collective, favorise leur accès à un travail décent à partir de l’expérience même des artistes visés.

PARTIE II LE RÉGIME VÉCU PAR LES ARTISTES : UN SUCCÈS MITIGÉ

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