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Les stratégies de coping et la consommation de cannabis

CHAPITRE V ANXIETE ET COPING

2. Stress et stratégies de coping

2.4. Les stratégies de coping et la consommation de cannabis

L’association entre coping et psychopathologie comporte une vaste littérature. Une revue de cette littérature effectuée par Compas et ses collaborateurs (2001) montre que les différents chercheurs sont d’accord pour affirmer que la manière dont les enfants et les adolescents font face aux situations stressantes semble être en lien avec le développement de différentes pathologies (ibid.). Plus récemment, on a associé le coping aux troubles dépressifs (Vulic- Prtoric & Mackuca, 2006 ; Papadakis, Prince, Jones, & Strauman, 2006), ainsi qu’aux troubles anxieux (Stillerman, 2007). La plupart des travaux consacrés à ces problématiques montrent que le coping actif, d’engagement ou d’approche est associé à un développement psychologique ajusté. En revanche, le coping de type désengagé ou d’évitement est associé à un développement psychologique désajusté (Compas et al., 2001). Cette association apparaît tant pour des problèmes de type internalisé que pour des problèmes de type externalisé.

19 Ce questionnaire est utilisé dans l’Etude III. Une description exhaustive est disponible dans le chapitre « Méthode », Etude III.

De nombreuses recherches mettent en lien les stratégies de coping et la consommation de substances psychoactives. Depuis une dizaine d’années, elles se sont centrées sur la consommation de tabac et d’alcool (Wills et al., 2001b). Ces recherches investiguent ce que les adolescents font quand un problème survient dans le contact avec la famille, l’école ou leur vie intime. Ces actions, pour faire face ou pour éviter les situations problématiques, ont été ainsi étudiées comme des stratégies de coping. L’utilisation des stratégies d’évitement a été également liée à la consommation d’alcool et d’autres substances chez les adolescents (Bobadilla & Taylor, 2007 ; Cooper, Russel, Skinner, Frone, & Mudar, 1992 ; Laurent, Catanzaro, & Callan, 1997 ; Rumpold, Klinseis, Dornauer, Kopp, Doering, Höfer, et al., 2006).

Grebot et Barumandzadeh (2005) montrent qu’un nombre significatif d'étudiants privilégient des stratégies de coping négatives ou « dysfonctionnelles ». Par exemple, les étudiants qui consomment de l’alcool et d’autres substances, utilisent le sommeil comme une fuite et ont des conduites auto-agressives ou hétéro-agressives. Ces auteurs décrivent l'accès à l'enseignement supérieur comme une situation potentiellement stressante et nécessitant le développement de stratégies de coping ajustées (recherche d'informations, recherche de soutien social, etc.).

Wagner, Myers et McIninch (1999) montrent que de manière générale, la consommation de substances psychoactives est davantage liée aux stratégies basées sur les émotions (strategies

emotion focused) qu’à celles basées sur la résolution des problèmes (strategies problem focused). Dans une recherche portant sur une population adulte, Bobadilla et Taylor (2007),

mettent en évidence que la consommation de substances psychoactives est en lien avec les stratégies de coping de type émotionnel. D’autres chercheurs montrent que les adolescents utilisant des stratégies anger coping ou avoidant coping développent plus facilement une consommation de substances psychoactives élevée et augmentent plus rapidement leur consommation que ceux utilisant des stratégies decision making (Wills et al., 2001a).

Les stratégies de coping ont enfin été mises en relation avec le risque de rechutes vers la dépendance à des substances psychoactives telles que l’alcool ou le cannabis, chez des jeunes adultes (Tapert, Senses Ozyurt, Myers, & Brown, 2004). Cette étude met en évidence que le

coping joue un rôle important dans le fait de rechuter ou non dans un comportement

accompagnées d’un sentiment de culpabilité. En revanche, ceux qui ne reprennent pas une consommation utilisent davantage de stratégies de type « chercher du support ».

Résumé

Une revue de la bibliographie sur les travaux réalisés en relation à l’anxiété et au coping permet de rassembler les informations suivantes :

Les tâches développementales à l’adolescence sont signalées comme source de stress et d’anxiété. Celles-ci, liées à un contexte et à une histoire de vie, semblent avoir un poids important sur le développement de l’individu ainsi que sur la consommation dépendante de substances psychoactives, dont le cannabis. La manière dont l’adolescent fait face à l’anxiété, issue soit des tâches développementales, soit des évènements de vie négatifs imprévus, semble également jouer un rôle déterminant.

Certains travaux montrent que l’anxiété, en particulier l’anxiété-trait, est associée à la consommation de différentes substances psychoactives, y compris le cannabis. Parallèlement, la littérature sur les stratégies de coping montre que la dépendance à des substances psychoactives est en lien avec le choix de stratégies de coping de type « évitant ». En revanche, les adolescents ne développant pas de dépendances à des substances psychoactives privilégient l’utilisation de stratégies « d’action », « d’approches » ou basées sur la « résolution de problèmes ».

Les conclusions de ces travaux montrent que la consommation d’un produit est une manière de réguler les états internes dans le sens d’une « réduction de la tension », mais ils n’avancent pas toujours d’explications sur les raisons amenant un adolescent à choisir un type de stratégie de coping au détriment d’un autre. De même, elles ne se penchent pas sur les raisons pour lesquelles un adolescent se trouve dans une situation d’angoisse, d’anxiété, de tension, et pour quelles raisons il a recours à l’utilisation d’une substance pour réduire cette tension, alors que d’autres adolescents utilisent d’autres moyens plus ajustés et moins pathologiques.

Il existe peu de travaux évaluant de manière spécifique la consommation et la dépendance au

cannabis en relation à l’anxiété. En effet, ces évaluations doivent tenir compte des différents

en considération les effets recherchés et l’impact de ceux-ci sur le contexte psychosocial et sur le développement à long terme. Peu de travaux sont consacrés directement à la dépendance au cannabis ainsi qu’aux mécanismes d’installation de ce comportement. A nouveau, il apparaît clairement qu’une perspective développementale, tenant compte des raisons à la base des états internes de l’individu (anxiété, choix de stratégies de coping), pourrait amener des éléments indispensables à la compréhension de cette problématique. À partir des données de la littérature et des observations cliniques, nous pouvons considérer la consommation problématique de cannabis comme un processus adaptatif, un moyen de régulation, certes mal adapté, du sujet avec lui-même et son environnement. Certains le considèrent comme une stratégie de coping en soi, d’autres comme une conséquence de l’utilisation des stratégies de coping.