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Parcours de vie et troubles psychiques à l’adolescence

CHAPITRE III PARCOURS DEVELOPPEMENTAL ET LIENS SOCIAUX

2. Parcours de vie et troubles psychiques à l’adolescence

Le parcours de vie individuel est composé de plusieurs trajectoires cognitives, sociales, familiales, professionnelles, etc. Une trajectoire de vie est définie comme un modèle de stabilité et de changements à long terme (Sapin, Spini, Widmer, 2007). Ces trajectoires sont marquées par des périodes de changements, ainsi que par des périodes d’apparente inertie. Des périodes de transition alternent avec des périodes de vie dites « normatives » et attendues, inscrites dans le développement. D’autres événements, appelés « non normatifs » ou inattendus, peuvent aussi participer à cette transformation et parfois avoir un impact négatif (immigration, divorce, deuil).

Les premières expériences de vie au sein de la famille, ainsi que la structure de celle-ci, les évènements de vie négatifs ou positifs, les expériences de scolarité (harmonieuses ou problématiques) et l’apprentissage des règles sociales, ont également un poids significatif sur la construction de la personnalité de l’adolescent et sur le développement d’une pathologie. Une vaste bibliographie a été consacrée à l’impact des évènements de vie négatifs sur le

développement ultérieur de troubles psychologiques10. Des recherches basées sur des modèles

longitudinaux, ayant pour but l’étude des parcours de vie, révèlent également l’importance des liens familiaux dans les parcours développementaux (Sapin et al., 2007). Selon cette approche, les familles passent par un certain nombre de transformations significatives, en réponse à différentes tâches des parents ou des enfants relatives à différents moments du développement (Kellerhals & Widmer, 2005). La mesure des cycles du développement familial se construit en fonction de l’âge chronologique de l’enfant et des exigences du développement de celui-ci. De même, l’insertion dans le système scolaire et plus tard, le système de formation professionnelle, s’inscrivent dans la lignée de ces cycles développementaux.

Les évènements de vie négatifs vécus par un individu au cours de sa vie, ont été mis en lien avec des troubles psychologiques. La manière de faire face au stress qui découle de ces événements de vie négatifs est déterminante dans le développement du sujet (Alsaker, 2006 ; Bolognini et al., 1998 ; Gunnar, 1994 ; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). Des travaux de recherche portant sur l’adolescence montrent que l’existence d’événements de vie négatifs peut entraîner divers problèmes d’ajustement psychologique tels que des épisodes dépressifs (Bolognini, Plancherel & Halfon, 1996 ; Plancherel, Nunez, Bolognini, & Leidi, 1992 ; Rutter, 1990) ; des tentatives de suicide (Compas, 2001 ; Bettschart, Bolognini, Plancherel, Nunez, Leidi, 1992) ; une baisse de l’estime de soi (Alsaker & Kroger, 2006 ; Bolognini et

al., 1996), ainsi que la consommation de substances psychoactives (Butters, 2001; Plancherel,

1998). Une étude réalisée au Canada auprès de 230 élèves de l’école secondaire met en évidence l’influence directe du stress vécu au sein de la famille sur la consommation de

cannabis et sur le développement d’une pathologie de dépendance à cette substance (Butters,

2002). Chez des jeunes adultes, il a été également montré que la consommation de cannabis est associée à une histoire d’enfance problématique, à des conflits familiaux, à des problèmes de comportement et à une mauvaise influence des pairs (Fergusson et al., 2003). De même, d’autres auteurs affirment que la présence de troubles psychologiques chez d’autres membres de la famille (parents, grands-parents, fratrie), associée à des évènements de vie négatifs qui n’ont pas pu être élaborés suffisamment, favorisent l’installation de diverses conduites déviantes, dont la consommation de cannabis (Fernandez, Bonnet, Jaufret, & Piedinielli, 2006).

Dans une perspective développementale et en tenant compte des caractéristiques propres à la population clinique de cette recherche, nous nous intéressons en particulier au parcours

scolaire et au parcours de soin de ces adolescents. En effet, il s’agit d’adolescents en rupture

scolaire ou de formation professionnelle, pris en charge dans un centre de soins psychologiques.

2.1. Parcours scolaire

Les expériences scolaires constituent une partie importante du développement de l’enfant et de l’adolescent. Les expériences vécues à l’école ont une importance capitale dans l’intégration sociale de l’adolescent. Dans les systèmes éducatifs européens, les adolescents de 14 à 16 ans passent deux tiers de leur temps hebdomadaire à l’école (Narring et al., 2002). Ainsi, l’école est le lieu par excellence où l’adolescent se confronte, déjà depuis l’enfance, à ses propres capacités de gestion de la vie sociale, sans la présence des parents. À ceci s’ajoute lors de l’adolescence, le besoin de confronter ses repères et ses points de vue à ceux de ses pairs et à ceux d’autres adultes. L’adolescent apprend ainsi, encadré par le système scolaire, à gérer son autonomie ainsi que ses ressources internes et externes pour son développement (Steinberg & Avenevoli, 2000).

L’étude des parcours scolaires et de formation est importante dans la mesure où l’on peut retracer les différentes étapes par lesquelles un enfant ou un adolescent passe au cours de son développement cognitif et social. Ainsi, un enfant qui a été scolarisé dans un milieu « spécialisé » depuis le début de la scolarité ne fera pas le même parcours qu’un autre enfant intégrant un milieu pédagogique dit « ordinaire » ou intégrant un milieu spécialisé plus tard dans sa trajectoire. De même, l’identification des moments de difficultés particulières, voire même d’échecs dans les parcours, peuvent êtres mis en relation avec d’autres données du parcours de vie de ces enfants.

2.2. Parcours de soin

L’expérience clinique dans un Centre de jour pour adolescents en rupture scolaire et de formation professionnelle montre qu’une grande partie de ces adolescents ont été pris en charge par différents professionnels du milieu de soins médico-psychologique ou socio-

éducatif au cours de leur enfance et/ou adolescence, avec plus ou moins de succès. Il est à signaler que dans certaines situations, les conditions de précarité psychique et sociale de ces familles et de leur entourage rend difficile la formulation d’une demande d’aide auprès des institutions.

La problématique de l’accès des enfants et des adolescents au réseau de soins est fondamentale en raison de l’importance du repérage des problématiques précoces, permettant alors la mise en place d’un suivi et d’une prévention de l’aggravation de ces troubles. Une étude réalisée en Suisse Romande auprès d’adolescents consommateurs de substances psychoactives (Chinet, Bolognini, Plancherel, Rossier, Stephan, Laget, et al., 2003), montre que les médecins de famille, ainsi que les travailleurs sociaux, constituent les voies d’accès privilégiées à un réseau de prise en charge. Cependant, pour la moitié de ces situations, la consommation de substance n’a pas été abordée spontanément lors de ce premier contact. Par ailleurs, les filières de soins observées dans cette étude mettent en évidence un certain cloisonnement entre les domaines d’activité, à savoir, celles qui concernent les interventions du milieu « médical » et celles qui concernent les interventions du milieu « social ». Malgré la quantité et la variété des structures d’aide, des questions sensibles telles que la prise en charge des consommateurs de drogues, restent souvent en suspens.

Face à l’aspect pluridimensionnel des phénomènes de consommation de cannabis et de rupture de liens sociaux, l'étude des parcours de soins s'avère importante, dans la mesure où elle montre quelles sont les interventions efficaces et quelles sont les meilleures stratégies pour les prises en charge des patients. De même, elle nous permet de retracer certains éléments de l’histoire des individus ou des groupes en relation aux différents troubles pathologiques qui ont pu exister dans le passé.