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Consommation de cannabis et dépendance au cannabis

CHAPITRE VI SYNTHESE DE LA LITTERATURE ET PROBLEMATIQUE

1. Consommation de cannabis et dépendance au cannabis

Les données épidémiologiques montrent que la consommation de cannabis a connu ces dernières décennies une augmentation importante auprès de la population générale des pays occidentaux. Bien qu’une stabilisation relative soit enregistrée depuis quelques années, la consommation demeure préoccupante en raison de l’âge de plus en plus précoce des consommateurs. Les enquêtes montrent en effet, qu’une grande partie des consommateurs débute avant l’âge de 15 ans.

De nombreuses études ont décrit les effets à court et long terme provoqués par la consommation de cannabis et s’accordent à reconnaître la variabilité de ceux-ci, les effets n’étant pas les mêmes selon que la consommation est occasionnelle ou régulière. Prise de manière occasionnelle, la substance peut avoir un effet de stimulation, modifier la perception et l’état de conscience et donner une sensation agréable de légèreté et de bien-être. La consommation régulière en revanche est associée à un effet d’inhibition importante et lorsqu’elle est intense et à long terme, elle peut entraîner des conséquences négatives sur le développement de l’individu. Par exemple, les performances scolaires peuvent s’affaiblir,

pouvant même aboutir à une rupture avec le système scolaire ou de formation professionnelle en compromettant l’intégration sociale et l’avenir professionnel des individus.

Les facteurs associés à la consommation de cannabis sont multiples et montrent l’aspect multifactoriel de ce phénomène. Il convient cependant de distinguer ceux qui sont associés au début de la consommation ainsi qu’à une consommation occasionnelle ou récréative, de ceux qui sont associés à la dépendance. Les conséquences sur la santé et sur le développement sont en effet nettement différentes dans ces deux situations. Le début de la consommation, ainsi que la consommation ponctuelle ont été associés à la vulnérabilité et aux caractères propres à l’adolescence (changements physiques, nouveaux défis développementaux, besoin d’adaptation aux nouvelles exigences du contexte social, curiosité, recherche de sensations). En revanche, la consommation régulière, voire dépendante, est associée à des facteurs tels que les traits de personnalité (trait anxieux, personnalité borderline) ou à des composantes psychopathologiques (troubles de l’humeur, troubles du comportement). Les principaux facteurs de risques mentionnés par les études sont : l’anxiété, la difficulté à tolérer la frustration, une faible estime de soi, les troubles de l’humeur, la dépression et les conduites suicidaires, l’échec scolaire et une personnalité impulsive.

Bien que de nombreuses recherches mettent en évidence des facteurs de risque de la consommation ou de la dépendance au cannabis, elles n’expliquent pas toujours la manière dont ces facteurs sont impliqués dans l’installation de ce comportement. La plupart des études se basent sur des associations statistiques pour mettre en évidence des facteurs de risque et une minorité d’entre elles se penche sur l’étude de l’évolution de ces troubles dans une approche développementale.

Certains adolescents accumulant des facteurs de risques mentionnés ci-dessus, vont devenir dépendants alors que d’autres, avec les mêmes facteurs, ne le deviendront pas. Pour mieux comprendre ce phénomène, il est nécessaire d’étudier le contexte social de ces adolescents ainsi que les trajectoires et l’enchaînement des diverses étapes qui conduisent un individu à un comportement pathologique tel que la consommation dépendante. De même, il s’avère intéressant de tenir compte des aspects propres au sujet et à sa manière de gérer ses états internes ainsi que les difficultés rencontrées dans son parcours développemental.

Les études empiriques menées ces trois dernières décennies en matière de dépendance physique au cannabis, sont arrivées à des conclusions contradictoires. Certains de ces travaux,

étudiant la dynamique chimique du THC dans l’organisme n’ont pas pu identifier un véritable phénomène de tolérance ni un syndrome de sevrage chez des êtres humains alors que d’autres ont mis en évidence quelques preuves de l’existence de ces phénomènes chez des animaux. Par contre, il existe un consensus quant à l’existence d’une série de comportements qui permettent de poser un diagnostic de dépendance selon les critères de la classification DSM- IV. Selon ces critères, un sujet est considéré comme « dépendant » lorsqu’il n’arrête pas sa consommation même si celle-ci devient compulsive et dégrade sa qualité de vie, la qualité de ses liens et la qualité de son avenir personnel et professionnel. Cependant, ces critères se basent sur une notion générale de dépendance à des substances psychoactives. Étant donné l’augmentation de la consommation de cannabis dans la population générale, une révision de ces critères serait utile pour mieux répondre aux besoins des cliniciens de l’adolescence. Il s’avère important de pouvoir mieux identifier les caractéristiques particulières de la dépendance au cannabis.

Une revue de la littérature montre que dans la plupart des recherches, la consommation de cannabis est étudiée parmi la consommation d’autres substances comme l’alcool, le tabac ou même des drogues dures comme la cocaïne ou l’héroïne. De plus, dans beaucoup d’études, il n’existe pas toujours une distinction claire entre les différents types de consommation (occasionnelle ou récréative, auto-thérapeutique ou anesthésique). S’intéresser de manière particulière à la consommation de cannabis, ainsi qu’aux effets recherchés par les consommateurs (effet euphorique, anxiolytique ou anesthésique), permettrait d’explorer davantage les éléments internes psychologiques de ce processus ainsi que le rôle de la substance dans le fonctionnement psychique des sujets dépendants.