• Aucun résultat trouvé

Dans le cadre de notre enquête, nous avons rencontré 3 stagiaires qui étaient employés par des ONG de nationalité italienne (2) et française (1). Nous allons examiner ces trois expériences en décrivant les conditions objectives de réalisation ainsi que les législations qui encadrent ces pratiques.

Selon le dictionnaire Larousse, le stage correspond à deux types de situation. Soit une « période d'études

pratiques exigée des candidats à l'exercice de certaines professions libérales ou publiques. », soit une

« période pendant laquelle une personne exerce une activité temporaire dans une entreprise ou suit des

cours en vue de sa formation. » C’est ainsi que de nombreux cursus de formation prévoient des périodes

de stage pour les étudiants dans l’objectif de les initier ou les perfectionner à un domaine, un métier… Il s’agit d’acquérir de nouvelles compétences et une expérience professionnelle qui sera valorisée sur le curriculum vitae.

Encadré 6 : Les conditions du stage en France, en Espagne et en Italie

En France, la période de stage est contractualisée par le biais d’une convention tripartite entre l’établissement de formation, l’étudiant et la structure d’accueil.

Un tuteur, signataire de la convention, est désigné pour encadrer l’étudiant.

Cette période peut être indemnisée après deux mois consécutifs dans la structure. En l’absence de convention de branche, le législateur prévoit un montant minimum de 3,60 €245 par heure de

présence. Le remboursement du transport est également prévu.

Le stagiaire est déclaré au registre unique du personnel, ce qui d’une part rend visible cette catégorie de personnel et d’autre part permet d’avoir des statistiques fiables.

A l’issue de cette période, une attestation de stage est délivrée par l'organisme d'accueil à tout élève ou étudiant.

Le stagiaire cotise 2 trimestres pour la retraite au maximum.

La durée maximale (exceptée pour certaines formations) est de six mois dans le même organisme d’accueil qu’il soit public ou privé.

Les spécificités espagnoles sont : la durée minimale est de 6 mois et la durée maximale de 2 ans et avec la limite de 5 ans après la fin des études pour occuper un poste de stagiaire. Une période d’essai d’un à deux mois est prévue. Ce sont les conventions collectives qui déterminent les postes et les catégories professionnelles ainsi que les rémunérations liées à ce type de contrat.

En Italie, les étudiants en licence et master doivent faire un stage obligatoire dont la durée maximale est de 12 mois (6 mois renouvelable) qui est non rémunérée. Ce stage est utilisé comme un tremplin pour un futur emploi.

78

Si on compare les conditions des stagiaires et les formalités de stage prévues par les lois246 (Encadré 6

Les conditions de stage), seule une stagiaire sur les trois correspond à une véritable situation de stage telle qu’elle est prévue par les textes.

Cette personne est en stage dans le cadre d’une formation et a signé une convention de stage. Les autres cas rencontrés s’apparentent à une situation d’emploi. De nombreux abus ont été dénoncés par les stagiaires et le collectif Génération Précaire247, lors des manifestations, qui ont conduit le

législateur à encadrer les stages notamment en limitant leur nombre (10 % des effectifs d’une entreprise) et en légiférant sur l’indemnisation. En effet, la tendance est à l’accumulation de stages chez les jeunes fraîchement diplômés qui ne trouvent pas de premier emploi. Mal payé du fait de son mode de gratification, il s’apparente à un « sous-emploi » (Simonet, 2010). De plus, les offres de stages cumulées concernent souvent l’activité pérenne et structurelle de l’entreprise et certains postes de stage correspondent parfois en réalité à une croissance d’activité.

En Espagne248 et en Italie249, les procédures (inscription au registre des salariés, convention

obligatoire) et les problématiques liées au stage sont les mêmes qu’en France (sous-emploi et risques de substitution à l’emploi).

Au Maroc250, la culture du stage est peu répandue et quand elle est prévue dans les formations

universitaires, il semblerait qu’elle soit peu encadrée d’une part d’un point de vue législatif (rémunération, congés…) et d’autre part dans la pratique par les entreprises et par les établissements universitaires. Aussi, il est considéré comme une simple formalité administrative, le plus souvent non réalisée comme le dénonce La Nouvelle Tribune Du Maroc dans un article « le nombre croissant

d’étudiants qui reviennent avec un «carton» d’attestations de stage sans avoir passé une minute en entreprise, ou ceux qui dépoussièrent un bureau pendant 4 ou 5 mois avec comme production un rapport de stage parsemé de fiches d’entreprises (la magie du copier-coller). »251.

Néanmoins, le ministère de l’Emploi a développé le programme IDMAJ qui propose des stages de formation-insertion rémunérés aux demandeurs d'emploi titulaires d'un diplôme d'enseignement supérieur, du baccalauréat ou d'un diplôme équivalent ou d'un diplôme de la formation professionnelle pour une durée de 24 mois renouvelable pour une durée de 12 mois. Les entreprises sont exonérées des cotisations patronales et salariales.

Au Canada, il y a deux types de stage: "Internship" et "Practikum". Le second non rémunéré se réalise dans le cadre d'un cursus de formation et donne droit à l'obtention de crédits. Quant au premier, qui

246 En France, les stages sont soumis aux décrets suivants : décret n° 2014-1420 du 27 novembre 2014 relatif à l'encadrement

des périodes de formation en milieu professionnel et des stages et décret n° 2015-1359 du 26 octobre 2015 relatif à l'encadrement du recours aux stagiaires par les organismes d'accueil.

247 Collectif Génération précaire (2005) Collectif Génération précaire, Sois stage et tais-toi, 2006, La Découverte, Paris 248 www.laboris.net/static/ca_contratos_practicas.aspx

http://iabogado.com/guia-legal/en-el-trabajo/el-contrato-de-trabajo-y-sus-tipos http://laboro-spain.blogspot.fr/2014/03/becarios-fraude-ley.html

249 http://www.lavoroeformazione.it/1/formazione/lo-stage,263 18 Legge 196/97 ("Pacchetto Treu")

Decreto del Ministero del lavoro n. 142 del 25/3/98

250 http://stage.ma/conditions-generales-d-utilistation

www.quid.ma/politique/maroc-nouvelle-loi-les-stages-en-preparation/

251 La Nouvelle Tribune Du Maroc, « Stagiaire au Maroc: la fonction factice », 29/03/2012, http://lnt.ma/stagiaire-au-

79

constitue un tremplin à l’emploi pour les jeunes, aucune loi au niveau national ne régule la rémunération des stagiaires. Ce sont les provinces qui légifèrent dans ce domaine.

Généralement, dans le secteur de l’humanitaire et du développement, les stagiaires, ce sont des étudiants en master ou en formation humanitaire (longue ou courte) qui effectuent des stages obligatoires ou facultatifs, dans le cadre de leurs formations. Pour certains, il s’agit également d’une stratégie afin d’entrer dans l’ONG, de se faire connaitre, et à terme de « décrocher » une première mission notamment sur le terrain. Cette tactique est adoptée compte tenu du caractère sélectif du secteur que nous détaillerons dans la partie concernant le recrutement. Le stage est ainsi utilisé comme un tremplin pour accéder à un emploi dans ce domaine et acquérir une expérience professionnelle supplémentaire et du réseau. Les trois personnes que nous avons rencontrées se présentent comme stagiaires. Cependant, si on se réfère à la sociologie du travail, un seul stage sur les trois correspond objectivement et administrativement à un véritable stage avec la signature d’une convention de stage. Il s’agit d’un stage obligatoire, dans le cadre d’une formation en master1par correspondance. Les deux autres sont des « stages volontaires » proposés soit par la structure d’accueil soit par le candidat. Les trois sont nommés et se nomment stagiaires alors qu’ils correspondent à des situationshétérogènes. De plus, il semblerait que deux « stagiaires volontaires » ont signé un « contrat de consultant » qui s’apparente à un contrat salarié et qu’ils sont rémunérés à 250 € soit l’équivalent du salaire minimum marocain. Nous approfondirons la question des profils des stagiaires et l’usage des stages lorsque nous aborderons la typologie des acteurs de solidarité internationale.

Ce premier chapitre a permis de présenter le cadre d’intervention des ONG internationales rencontrées au Maroc et de décrire les catégories objectives des acteurs de solidarité internationale interviewés. Nous avons mis en exergue la diversité, d’une part, des dispositifs, des statuts qui coexistent dans le secteur de la solidarité, et d’autre part, des formes de contractualisation. Nous avons également exposé l’utilisation des termes en vigueur, leurs sens polysémiques qui entretiennent le flou, mettant en scène l’activité de solidarité internationale et l’internationalisation de ces pratiques.

Après avoir présenté les catégories administratives, nous décrirons, dans le second chapitre, les processus de recrutement des acteurs de solidarité internationale afin de comprendre comment les demandes de travail et d’engagement sont retenues. Dans les études sur les ONG, il est souvent acté la spécificité de l’activité humanitaire entre travail et engagement voire militantisme (Dauvin et Siméant, 2002, p.21). Nous allons questionner cette spécificité notamment en analysant, dans un premier temps, les modes de recrutement des acteurs humanitaires par les ONG internationales (dans le chapitre 2), puis nous décrirons les activités de solidarité internationale ainsi que l’intensité du travail et de l’investissement. Les notions d’enchantement et de désenchantement seront alors discutées (chapitre 3). L’objectif étant de comprendre d’une part comment sont sélectionnés ces personnels, d’autre part comment ils travaillent et enfin quelle est leur implication dans l’ONG.

En somme après avoir exposé qui sont ces acteurs, nous allons maintenant nous poser les questions suivantes : Comment sont-ils recrutés ? Pour faire quoi ? Et comment le font-ils ?

80