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Chapitre 2. De l’annonce au profil de poste : un fonctionnement hybride entre monde

1. Une offre limitée versus une forte demande

1.6. Le recrutement international et les limites du principe de réciprocité

Lorsqu’on analyse le recrutement dans les ONG, on relève également le phénomène de l’internationalisation des embauches qui concerne majoritairement les salariés311, mais

également quelques volontaires.

309 Les ONG espagnoles sont intéressées par ces profils d’anciens techniciens de la coopération décentralisée qui

connaissent bien les procédures des bailleurs issus des communautés régionales.

310 La multiplication des formations humanitaires en Espagne, le chômage des jeunes, la mise en réseau international

des associations (qui augmente les standards et les normes) contribuent à cette sélectivité accrue que connait le marché du travail de la solidarité internationale.

311 Boudarssa (Chadia), « L’internationalisation des recrutements dans les ONG de solidarité internationale », in

Grotius International, 02/09/2012, www.grotius.fr/l%E2%80%99internationalisation-des-recrutements-dans-les-

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Ce sont les ONG italiennes, espagnoles et françaises qui ont ce type de pratiques (5 salariés expatriés sur 19, soit un quart des salariés concernés et 2 volontaires) :

- 2 salariés français ont été recrutés par une ONG italienne,

- 2 salariées italiennes employées par deux associations espagnoles, - 1 salarié de nationalité nigérienne recruté par une ONG française, - et un volontaire sénégalais et une ivoirienne par une ONG française. .

Cette dynamique, qui a déjà commencé dans les ONG dites d’urgence, se diffuse également dans les ONG de développement. Les entreprises à but lucratif sont concernées depuis quelques décennies par ce phénomène, qui selon le rapport sur l’expatriation des Français « pour se

développer, mais aussi parfois pour des raisons économiques, les grands groupes français favorisent l’évolution de talents étrangers dans des mobilités croisées : un Marocain sera employé en Indonésie, un Américain en Chine… L’expatriation des Français n’est plus la solution unique. » (p.77). Cette tendance s’explique également par fait que les ONG se développent en

réseau international312 comme MSF ou Oxfam par exemple et que par conséquent elles ont accès

à un vivier international de ressources humaines de toutes les nationalités et notamment celles représentées dans les sections313. Dans ce contexte, les possibilités d’emploi et de volontariat sont

donc multipliées pour les candidats tout en les mettant en concurrence. Cette circulation du personnel expatrié entre les différentes ONG concourt d’ailleurs à la circulation des idées et des normes internationales.

Depuis quelques années, certains pays dits du Sud tels que le Togo, le Niger, le Burkina Faso ou encore le Maroc développent des politiques publiques de bénévolat et de volontariat, souvent encouragées par les ONG de solidarité internationale314 et à l’aide de financements publics issus

des pays dits du Nord. Ces associations locales ne cessent de militer pour que le principe de réciprocité soit effectif et que les ONG dites du Sud recevant des volontaires et des salariés originaires du Nord puissent également envoyer des jeunes qui s’engageraient dans les pays européens.

Pourtant, les difficultés sont réelles quant à la circulation des volontaires extracommunautaires, pour qui l’obtention d’un visa dans ce cadre relève du parcours du combattant, et ce malgré l’appui des ONG et des institutions partenaires du Nord. C’est ainsi qu’en juin 2012, l’Union européenne a procédé à une consultation relative aux directives « sur l’entrée et le séjour au sein de l’Union européenne des chercheurs, étudiants, élèves, stagiaires non rémunérés et volontaires

Maurice (Suzanne), Analyse de la structuration de la politique d’Action contre la Faim envers son Personnel

National, Mémoire de Master1 dirigé par Monsieur Olivier Maurel, Master Coopération Internationale, Action

Humanitaire et Politique de développement – Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2006-2007

312 www.msf.fr/msf/organisation/msf-mouvement-international oxfam.qc.ca/apropos/_historique/

313 Ryfman (2004), « souvent, il est couplé avec une diversification accrue à l’international, passant par la création

de sections hors du pays d’origine ou l’ouverture de bureaux de représentation, chargés de monter des opérations combinées, de réaliser des économies d’échelles, de drainer des fonds (Ryfman, 2001) » (p.67).

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extracommunautaires315» pour tenter de résoudre la question. Cette consultation a été relayée par

les associations de solidarité internationale et notamment par France Volontaires qui met l’accent sur les obstacles rencontrés dans le cadre de la réciprocité des échanges et les limites administratives de la mobilité des volontaires originaires des pays tiers. Depuis 2013, France Volontaires organise l’accueil de volontaires d’Afrique de l’Ouest dans le cadre du développement du volontariat de réciprocité. Alors que le principe de réciprocité est inscrit dans la Charte des volontariats internationaux d’échange et de solidarité316 (2014) : « ouvrir les volontariats à davantage de réciprocité », celle-ci semble peu déployée à cause de la difficulté de circulation des ressortissants

non européens en Europe qui est souvent évoquée par les ONG internationales lors des rencontres et des débats317. Le statut de volontaire de la solidarité internationale (VSI), défini par la loi du 23

février 2005, peut être attribué à toute personne majeure, sans condition de nationalité. De même, la loi du 10 mars 2010 relative à la création du service civique permet à des jeunes âgés de 16 à 25 ans et sans condition de nationalité d’effectuer une mission de volontariat sur le territoire français et donc théoriquement l’accueil en France des volontaires non européens.

C’est ainsi que Valery Mengo (2014)318 conditionne le développement du volontariat sud-nord à la

mise en place d’une politique volontariat dans les pays dits du sud « comment parler de volontariat

de réciprocité dans un contexte où aucun pays du Sud ne dispose d’une structure de promotion du volontariat à l’international ? (…) Le volontariat de réciprocité sud-nord ne peut s’implémenter durablement que si la notion de volontariat elle-même est intégrée dans les mentalités. Pour les pays africains, cette notion n’est pas encore totalement ancrée dans les pratiques de nos sociétés. »

(p.2).

Le nombre réduit de postes alors que les candidats sont importants rendent le marché de la solidarité internationale concurrentiel. Cette caractéristique de ce marché globalisé impacte l’engagement et les formes de ce dernier. En effet, à l’analyse des procédures de recrutement, l’enrôlement dans une ONG ne se résume pas uniquement à des initiatives et des appétences personnelles (contrairement aux représentations liées à l’humanitaire), mais il est également question de sélections et d’affinités.

2. Entrer en ONG internationale : un droit d’entrée élevé et un engagement social codifié