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VII. REGARDS CROISES

3. Stagiaire confrontée à la problématique

Lors d’un de mes stages dans une classe de première année primaire, il y avait un enfant avec un gros déficit d’attention et une fillette très angoissée. Mon récit tournera autour de ces deux enfants aux besoins très spécifiques.

C’est en prenant conscience de mes “trucs et astuces” instinctifs que j’affirme mon identité professionnelle. En prenant une attitude réflexive et de recul par rapport aux événements en classe, que j’arrive à me construire, à intégrer mon métier. Dans ce contexte, le but de l’enseignement est toujours présent en moi, mais j’oserai dire qu’il s’agit d’un but lointain et global, et il n’est pas focalisé sur une activité ou une discipline spécifique. C’est la façon de mettre l’enfant en position d’apprenant qui m’intéresse ici, en prenant en compte les spécificités de chacun ou tout du moins du plus grand nombre possible d’élèves de la classe. Il me plaît de développer un regard global sur la classe et simultanément un regard particulier à chaque élève.

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Comme je l’ai évoqué dans mon récit, je continue de penser que notre vie privée nous offre des pistes d’actions. Pour ma part, il s’agit de gérer au quotidien les devoirs de mes enfants et plus particulièrement de mon fils souffrant du THADA. Il a bien fallu que je développe des astuces, des manières de faire et d’être pour que mes enfants puissent intégrer les savoirs demandés, et qu’ils restent acquis ! J’ai par conséquent tenté une transposition de mes faits et gestes personnels en gestes professionnels. L’avantage des stages n’est-il pas de pouvoir s’essayer, de pouvoir tester notre fonctionnement et notre identité ? De pouvoir articuler théorie et pratique ? Je pense que oui. Ma vie privée m’a amenée à côtoyer très régulièrement le monde médical que ce soit le pédiatre, le neurologue ou le pédopsychiatre. Comme assistante de médecin, ma formation de base, j’ai également pu acquérir un langage médical important dans cette affection. Cette profession m’a permis un retour réflexif sur ma pratique et l’envie de mieux comprendre le fonctionnement des enfants et plus particulièrement celui des enfants THADA. L’avantage de ce parcours m’a fait comprendre plus précisément que ce trouble n’est pas une fatalité en soi et que plusieurs moyens très simples permettent à ces enfants d’apprendre.

De plus, ces moyens simples sont tout à fait transposables à d’autres spécificités.

C’est pourquoi, j’illustre ce récit également avec la fillette angoissée. Il me semble important de travailler sur ce “concept” de triangle éducatif, à savoir le rôle parental, enseignant et thérapeutique. Ce sont les “trois métiers impossibles” selon Mireille Cifali. Ce bagage non seulement théorique mais également incorporé me donne la possibilité de mettre en scène mon enseignement, ce qui permet aux élèves de “savoir que je sais et de savoir que ça reste entre nous deux” et d’avoir non plus une relation d’enseignante à élève seulement mais également une relation de confiance et de partenariat dans les apprentissages. Je pense que ce partenariat favorise la motivation par le non

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jugement, par l’intégration de moyens spécifiques discrets, et le respect de chaque individu dans sa spécificité.

J’ai pu constater par des faits tout à fait simples, tel le regard, sa recherche, ou des gestes infimes aussi bien de ma part que de ceux des deux élèves en question, que mon choix est judicieux et porteur. En effet, aussi bien pour l’un que pour l’autre, ma formatrice m’avait expliqué globalement leurs difficultés comportementales respectives. Ces informations m’ont été précieuses mais ne me suffisaient pas. Pendant deux jours, j’ai été particulièrement attentive et me suis faite mon opinion.

A la fin de la première semaine de stage, j’ai eu la chance d’avoir une discussion avec les mamans respectives au sujet des difficultés de leurs enfants, ceux-ci étant présents. Ce contact informel et individualisé, a permis à ces deux apprenants de comprendre que je prenais en compte leur problématique, et aux mères de se rassurer vis-à-vis de ce que je pouvais apporter à leurs enfants. Nous avons convenu de nous entretenir, entre adultes, sur l’évolution et les stratégies que j’allais mettre en place. Les enfants ont pu entendre notre discussion du début à la fin, et pouvaient intervenir à tout moment.

Mes gestes d’enseignante furent très simples comme déjà annoncés. Pour la fillette angoissée, il a fallu tout d’abord avoir une discussion avec elle en tête-à-tête et lui expliquer que je savais qu’elle avait peur de faire “faux” mais que la faute est normale en 1ère primaire. Je lui ai fait comprendre que je suis justement là pour lui expliquer ses erreurs et que si elle savait tout, elle n’aurait pas besoin d’être à l’école. Il a fallu dédramatiser la faute, lui donner le statut d’erreur normale en cours d’apprentissage, et faire comprendre à cette fille qu’elle est capable de faire et surtout de réfléchir à quoi faire dans telle ou telle activité.

Nous avons par conséquent décidé, entre adultes, que je ne répondrai plus à ses

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questions lors de l’accueil (les élèves doivent effectuer un atelier qui a été expliqué) tant qu’elle n’aurait pas au moins fait la moitié de l’exercice demandé.

Mes efforts de verbaliser les capacités et connaissances de cette fillette, lui ont permis de se sentir en confiance et d’oser “faire faux” de diminuer ses angoisses et de travailler plus rapidement et avec nettement moins d’erreur ! Ce compromis lui a aussi permis, dans les autres tâches, de poser des questions pertinentes et non plus des questions uniquement destinées à se rassurer. Elle est arrivée à prendre confiance en elle, sans avoir été stigmatisée aux yeux de la classe. A mon avis, elle a pu écouter les explications, les intérioriser et poser uniquement des questions de compréhension. Alors, qu’avant cet entretien, elle avait tellement peur de ne pas réussir qu’elle demandait une répétition de la consigne avant même de l’avoir écoutée ! Mes gestes en classe consistaient à la regarder au début de chaque consigne donnée, de lui montrer discrètement mes oreilles et de faire un petit geste du doigt pour dire “non” quand je voyais qu’elle allait lever la main à un moment inopportun. Je lui montrais également ma tête, ce qui voulait dire dans notre code :- réfléchis, tu es capable.

Pour l’enfant avec déficit d’attention, les gestes n’étaient certes pas les mêmes, la problématique étant différente, mais le principe est resté le même, à savoir des petits gestes personnalisés. Je me décalais aussi plus facilement afin de me trouver en face de lui, de l’avoir, si j’ose dire, en point de mire. Pour lui, les gestes consistaient à pointer en direction du sol pour lui faire comprendre que c’était le moment de se mettre au travail et, lors des consignes, à montrer mes yeux afin qu’il sache que c’était un moment d’explication. Là aussi, une amélioration a été remarquée. Cet élève, bien que toujours aussi lent, a pu se cadrer, se mettre au travail et y rester un peu plus longtemps que d’habitude.

D’ailleurs, nous avions fait un marché très ludique avec lui. Le but de mes deux dernières semaines de stage était qu’il arrive à être prêt pour aller à la récréation, pour partir à la maison à midi et à quatre heures, sans être le dernier. Ce petit

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challenge m’a semblé permettre à cet élève de prendre conscience de sa difficulté et de lutter efficacement contre celle-ci. Ces gestes enseignants, surtout dans le cas du THADA ne permettront jamais à cet enfant de “guérir” et je ne me permets pas de me substituer aux thérapeutes. Toutefois, je suis convaincue que cela l’aide à trouver des stratégies pour contourner ses difficultés et les vaincre. D’ailleurs, une grande partie de la thérapie, en tout cas pour mon enfant, et suite à plusieurs entretiens menés chez des pédopsychiatres, consiste à trouver des astuces, des combines, des trucs pour ne pas laisser l’enfant être envahi par sa rêverie.

En guise de conclusion des gestes et attitudes professionnelles, je dirai qu’il est aussi nécessaire de renforcer positivement l’effort des élèves. Un pouce levé pour dire “Ok, c’est bien” favorise également la motivation et l’envie d’apprendre, et ceci chez TOUS les enfants mais plus particulièrement chez les élèves en difficulté.

Un regard centré et global me semble indispensable à la conduite de tout enseignement. Pour qu’il puisse être donné et reçu, une bonne relation individuelle et groupale avec les élèves et l’ensemble des partenaires, par conséquent, aussi les parents et les thérapeutes, est également primordiale. Pour ce faire, l’enseignante que je suis, doit développer des stratégies et ne peut passer à côté d’une implication forte et d’une différenciation discrète mais efficace. Il faudrait garder en tête également que l’enseignement est une mise en scène. D’ailleurs, même en tant qu’adulte, les cours à l’université sont plus porteurs pour moi lorsque le chargé d’enseignement joue son rôle, vit son enseignement.

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VIII. CONCLUSION