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D’où viendrait cette confiance ? Laissez le temps au temps…

VI. REGARDS ENSEIGNANTS

2. Problématiques enseignantes retenues

J’ai retenu cinq aspects de cette problématique qui me semble pertinents à mettre en corrélation avec les regards thérapeutiques et parentaux. Il s’agit de la vision du trouble, de la médicalisation de l’élève, de l’entrée en relation avec la famille et les thérapeutes, du choix conseillé dudit thérapeute et pour finir j’aborderai un aspect de temporalité de prise en charge.

Premièrement, que représente pour ces cinq enseignants l’hyperactivité, comment la comprennent-ils ? Une sorte d’unanimité voit le jour face à la maladie hyperactive, ils la reconnaissent tous mais à des niveaux très variables.

Cela passe par le oui du bout des lèvres à un OUI fort et convaincu. Cette variation vient, selon mon analyse, de leur croyance des causes du trouble. Pour certains, c’est relativement évident, c’est une maladie au même titre que le

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diabète par exemple. L’enfant souffre dans son corps. Pour d’autres, l’enfant subit également mais dans sa tête. Cette maladie viendrait plutôt d’un problème de Q.I. Dans ces deux conceptions du trouble, l’individu prime sur le collectif.

Celles-ci s’affrontent avec une autre vision qui regarde plutôt le collectif. Pour certains, l’hyperactivité serait due à l’évolution de la société. Elle serait une construction sociale, un effet de mode venant des Etats-Unis. Dans cet ordre d’idée sociétale, ce trouble découlerait également de ruptures affectives que l’enfant doit surmonter. Son agitation et ses difficultés de concentration seraient des signes potentiels d’un mal-être passager.

Par la représentation que les enseignants se font du trouble, il y a une forte divergence face à la médicalisation de l’élève. Pour certains, le traitement chimique devient un auxiliaire thérapeutique alors que pour d’autres, il est assimilé à une drogue. Cette assimilation à une drogue contredit d’ailleurs toutes les études à ce sujet. La Fondation Phenix, pionnière dans le traitement de substitution destiné aux toxicomanes et œuvrant sur le plan clinique et scientifique dans le champ des addictions, informe que « la pharmacothérapie du THADA disponible de nos jours est sûre et efficace. (…) Un usage thérapeutique par voie orale est dépourvu d’effet addictif. (…) Les enfants THADA ayant reçu un traitement de psychostimulants ne présentent pas de risque plus élevé de consommer des substances psycho-actives à l’adolescence et au début de l’âge adulte. (…) En fait, le traitement du THADA avec psychostimulants prévient l’abus de substances.» (Marset, 2007, p.31)

Selon moi, cette vision de la médicalisation porte préjudice à la façon dont les enseignants entrent en contact avec la famille et les thérapeutes. Dans le cas où l’enseignant estime que le médicament est une aide pour l’élève, lors des entretiens il tentera de comprendre ses difficultés d’enseignement et les difficultés d’éducation que les parents rencontrent. On peut appeler cette

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manière de procéder une discussion ouverte. A contrario, l’enseignant extrêmement réticent à la médication, ne s’appuie pas sur les difficultés rencontrées à l’école mais sur son professionnalisme, le parent devant comprendre qu’il agit de la sorte pour le bien de l’élève. A mon avis, il y a ingérence entre les mondes scolaires et familiaux, et la discussion devient fermée. Les difficultés de l’enfant deviennent pour les parents une injonction scolaire à le soigner.

L’optique concernant le choix du thérapeute diffère également. La plupart des enseignants préfèrent, proposent le pédiatre et les thérapeutes privés. Ils argumentent cela par la connaissance que le médecin de famille a du patient et de la confiance réciproque que cela engendre. La structure du Service Médico-Pédagogique42 est mise en avant seulement par une enseignante et je suppose que cela vient du fait qu’elle n’adhère pas à la médicalisation de l’élève. Je peux supposer aussi, que cette envie de trouver des pistes avec ce service s’ancre dans le fait qu’il est intimement rattaché à l’école genevoise. Bien qu’il soit incontournable en division spécialisée, je ressens un regard plus critique de l’enseignant qui y travaille. Son regard est plus multifocal quant au choix du thérapeute, l’un n’excluant pas l’autre.

Le dernier aspect que je désire soulever concerne la temporalité de la prise en charge thérapeutique. Ici, il ne s’agit plus d’une conviction mais plutôt d’un travail qui diffère non seulement entre les divisions mais aussi entre le cycle élémentaire et moyen. Ces difficultés de concentration se révélant lors de l’entrée à l’école, le cycle élémentaire agit plus rapidement. Son but premier vise l’intégration la plus rapide possible de tous les élèves dans la logique scolaire. Au cycle moyen, les difficultés d’apprentissage inhérentes à des

42 Instance du Département de l’Instruction Publique. Elle collabore directement avec les écoles et prend en charge (selon diverses modalités) les enfants dont les difficultés entravent le parcours scolaire

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“maladies” ont été en quelque sorte déjà “épurées” par le cycle élémentaire.

Ceci permet d’agir un peu moins dans l’urgence. Concernant la division spécialisée, sa vocation ne se focalise pas uniquement sur les apprentissages cognitifs mais vise une meilleure intégration sociale de l’élève par la collaboration entre l’école et le Service Médico-Pédagogique. J’ose cette image certes un peu grossière :- la division spécialisée propose à l’élève et à sa famille un projet en termes de savoirs scolaires médicalement assistés.

Voyons maintenant comment ces problématiques sont abordées à travers les entretiens : Commençons par les “petits” du cycle élémentaire, suivront les

“grands” du cycle moyen et terminons par les élèves en difficulté, ceux de la division spécialisée.