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orale en langue étrangère

STRATEGIES D'ENSEIGNEMENT

3.3 L’étayage de l’enseignant en classe

3.3.6 La gestualité co-verbale et son rôle dans l’étayage

3.3.6.2 Spécificité du geste pédagogique :

3.3.6.2.1 Définition, catégorisation et fonctions

Le geste pédagogique est principalement un geste des bras et des mains (avec ou sans mimiques) utilisé par l’enseignant de langue dans un but pédagogique. L’objectif premier est de faciliter l’accès au sens en langue étrangère. Il agit comme une traduction gestuelle des paroles de l’enseignant.

Tellier (2008) a établi un classement fonctionnel qui permet de mettre au jour trois grandes catégories de gestes33 : les gestes d’information, les gestes d’évaluation et les gestes d’animation. Ce découpage rappelle les rôles de l’enseignant définis par Dabène (1984). Il semble pertinent de réutiliser cette catégorisation fonctionnelle, originellement bâtie sur l’analyse d’interactions verbales, pour l’appliquer à l’analyse des phénomènes non verbaux d’autant plus que Dabène précise « qu’un bon nombre d’opérations peuvent se traduire par des manifestations non verbales » (1984, p.43).

Les gestes d’information sont des gestes d’information grammaticale (pour transmettre des données relatives à la morpho-syntaxe et à la temporalité) et des gestes

89 d’information lexicale. Le geste est produit par l’enseignant pour illustrer un mot ou une idée de son discours oral.

Le geste d’animation englobe à la fois les gestes de gestion de classe (changement d’activité, démarrage et clôture d’activité, placement des apprenants/du matériel, donner des consignes, etc.) et de la gestion des interactions et de la participation (réguler les débits/le volume sonore, faire répéter, interroger, donner la parole, etc.).

La catégorie des gestes d’évaluation comprend les gestes pour féliciter, approuver ou signaler une erreur. Quand l’énoncé présente une erreur, l’enseignant peut soit interrompre l’apprenant, soit attendre la fin de l’énoncé pour intervenir. De manière générale, si l’enseignant signale une erreur pendant la production de l’apprenant, il pourrait avoir tendance à le faire de manière non verbale, de façon à ne pas l’interrompre.

La gestualité co-verbale de l’enseignant peut jouer plusieurs rôles dans une activité d’enseignement/apprentissage (Baurens, Blanc & Griggs, 2007, p.10) :

- Un rôle d’accès au sens : « le non verbal constituerait une médiation vers la Langue Etrangère »: avec la présence notamment de nombreux gestes de pointage: des co-verbaux référentiels (déictiques, illustratifs) comme le pointage vers soi ou certaines parties du corps : la tête pour figurer la réflexion, l’oreille en référence à l’ouïe ou la poitrine pour signifier le sentiment d’aimer. On relève aussi le pointage vers des supports : le tableau, l’ordinateur, le cahier (consignes), les affichages (rappel des savoirs antérieurs). Ces gestes ont une fonction pédagogique évidente d’accès au sens via un signe visuel, parfois dans un rapport métaphorique ou métonymique avec le référent (le coeur pour aimer, la tête pour penser), et donc en lien avec le contenu à enseigner (savoirs déclaratifs).

- Un rôle d’organisation de l’activité : « non verbal et conduite de classe sont liés » : avec la présence de co-verbaux de synchronisation mais aussi des référentiels déictiques : comme la désignation des élèves pour distribuer la parole, inciter à intervenir ; le regard appuyé unidirectionnel de l’enseignant (buste en avant) comme signe d’encouragement, posture d’attente ; ou encore différents « gestes sonores » (claquement de doigts, frapper des mains) pour attirer l’attention, relancer l’activité ; des gestes d’orchestration (type circulaire) pour faire répéter l’ensemble de la classe. Ces gestes ont une fonction pédagogique de type organisationnel : il s’agit de gestes de rassemblement, de relance, d’orchestration, de centration sur l’activité.

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- Un rôle au sein des interactions : « non verbal et évaluation »: On note, dans ce cas, la présence de co-verbaux expressifs : hochement de tête (signe d’approbation), signe de négation avec la main, gestes de bascule avec la main (signe d’approximation), mimiques du visage : grimace d’impatience et d’agacement. Ces gestes ont une fonction pédagogique d’évaluation : ils servent à appuyer la parole pour visualiser une évaluation, pour la renforcer ou l’atténuer, la rendant ainsi humoristique voire plus douce.

Ces nombreux gestes créés et utilisés régulièrement par un enseignant constituent peu à peu « un code gestuel commun » (Tellier, 2008) partagé par les acteurs d’une même classe. Ces gestes du code commun présentent un fort degré de conventionalité dans la classe. Une fois assimilés par les apprenants, ils sont d’une aide encore plus précieuse pour la compréhension et la mémorisation. Selon Tellier (2008, p.4), trois conditions peuvent être énumérées pour qu’un geste pédagogique fasse partie du code commun de la classe. Il faut :

- « que ce geste soit toujours associé au même sens. - Que son utilisation soit fréquente afin d’être mémorisé

- Qu’il garde toujours le même aspect (la même forme) pour être bien identifié. »

Ainsi, le geste pédagogique est efficace dans la classe de langue et crée des automatismes chez les apprenants. A la vue d’un certain geste, ils savent qu’ils commettent une erreur (et laquelle), ils comprennent le sens d’un énoncé et peuvent donc assimiler une consigne d’activité.

3.3.6.2.2 Possibilité de source de confusion

Dans le cadre d’un enseignement de langue étrangère, le geste ne constitue pas toujours une aide pour l’accès au sens, il peut parfois apparaître comme un obstacle à la compréhension et cela pour deux raisons (Tellier, 2008) :

Tout d’abord, le marquage culturel du geste. En effet, chaque communauté culturelle possède des pratiques non verbales qui lui sont propres. La proxémique (distances entre les interlocuteurs, contacts physiques, regards, etc.) et les gestes

co-91 verbaux présentent des caractéristiques culturelles. Enfin, les gestes les plus typiques d’une culture sont les emblèmes. Chaque communauté sociolinguistique possède un répertoire d’emblèmes qui ne sont pas nécessairement compris et utilisés par d’autres communautés (Cosnier, 1982). Il est donc nécessaire de familiariser les apprenants avec ces gestes.

Par ailleurs, la représentation gestuelle peut être interprétée de manière différente selon l’âge et la maturité d’une personne. Adulte et enfant n’ont pas les mêmes représentations du monde. Un adulte, possède une certaine conception du monde, due à son expérience de la vie et est doté d’habitudes gestuelles et verbales spécifiques. L’enfant a une perception du monde qui est en pleine évolution et ses habitudes communicatives sont différentes. L’enfant crée progressivement des représentations mentales des concepts.

Ainsi, certains gestes sont à affiner ou à modifier si l’on veut que le support non verbal soit efficace pour la compréhension en langue étrangère.

Pour la présente étude, cette analyse de la gestualité co-verbale concerne seulement l’enseignant. « Les enseignants de langue ont parfaitement raison d’avoir recours à la gestuelle pour faciliter l’accès au sens, c’est un support efficace, facile à utiliser et qui permet d’éviter la traduction en langue maternelle (…) La multimodalité en classe de langue permet d’une part de faciliter l’accès au sens et d’autre part d’atteindre tous les apprenants quelque soit leur préférence modale » (Tellier, 2008, p.7).

Les éléments non-verbaux pointés participent de l’étayage de l’enseignant et vont aider à faire participer et s’investir les apprenants dans les processus de compréhension et de production orales. « La relation geste et parole est donc essentielle pour la production mais elle l’est également pour la compréhension. En ce qui concerne la conversation, il apparaît que l’interlocuteur décode de nombreuses et pertinentes informations à travers les gestes (…) En ce qui concerne la compréhension orale d’une langue étrangère, il est largement admis qu’elle est beaucoup plus difficile lorsque le canal visuel est supprimé (téléphone, émission de radio, enregistrement sur cassette audio, etc.). Le cas échéant, les apprenants prennent largement appui sur les indices non verbaux pour construire le sens » (Tellier, 2008, p.5).

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