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Conclusion intermédiaire

Chapitre 2 : Approche de l’oral

4. La mise en œuvre de la pratique orale dans la classe

4.2 Les activités orales: la compréhension et la production orales

4.2.2 La production orale (PO)

La production orale connaît un fort engouement avec la méthodologie SGAV et la didactique des langues place depuis quelques décennies la communication orale au premier plan de ses priorités (Cuq & Gruca, 2005). L'appropriation des conduites langagières orales est un processus complexe qui s'inscrit dans la durée et qui ne se limite pas à la maîtrise des principales structures de la langue et des principaux actes de langage. L'association entre le verbal et le gestuel, les traits émotionnels et l'implicite que véhicule l'oral et toutes

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les formes d'interaction sont autant de facteurs qui complexifient le domaine et peuvent être sources de blocage pour un étudiant étranger.

La didactique de l'oral s'est enrichie sous l'influence des théories communicatives et de la linguistique poststructuraliste pour fonder de nouvelles propositions d'enseignement, préconiser des référentiels de compétences bien définis et favoriser la variation langagière. L'objectif premier de tout apprentissage de l'oral reste de développer la production orale, donc de nouveaux comportements langagiers, en faisant communiquer les apprenants de la manière la plus naturelle et la plus authentique possible. "A retenir que la maîtrise de la production est le résultat d'une pratique et qu'il faut donc multiplier les activités tout en favorisant en premier lieu le désir d'échange: pour que les échanges puissent s'engager, les déclencheurs des productions langagières, même s'ils sont proches de l'artifice dans une classe de langue, doivent motiver la parole et créer le besoin de parler et le vouloir dire" (Cuq & Gruca, 2005, p.184).

La production orale apparaît souvent en fin de cours. Une fois la compréhension bien explicitée, la production est un moyen de réinvestir ce que les élèves ont acquis durant le cours. En se resservant de ce qu’ils ont entendu, ils peuvent plus aisément le mettre en pratique. Ils peuvent ainsi réutiliser les structures et le vocabulaire appris directement dans le même cours. C’est un bon moyen d’apprendre par le jeu.

Dans une perspective d'enseignement/apprentissage de l'oral communicatif, la langue est vue, avant tout, comme instrument de communication, et même comme " instrument d'interaction sociale " (Germain, 1993b, p.202). Outre les règles de la langue, il est nécessaire de connaître les règles d'emploi pour pouvoir communiquer. Les activités privilégiées ne sont plus alors les exercices structuraux ou de simples répétitions, mais les jeux, notamment jeux de rôles et simulations, au cours desquels les apprenants construisent eux-mêmes, par induction, et de manière pour ainsi dire inconsciente, la compétence linguistique dont ils ont besoin pour communiquer, ce que résume d'ailleurs la formule apprendre une langue en communiquant (Py, 1990).

Un écueil est à éviter lors de ces productions orales : la répétition pure et simple remémorée des situations préalablement apprises. Conçue dans cet esprit, cette activité n'est pas productive, puisqu’elle ne mobilise que la mémoire. Les étudiants doivent s’impliquer personnellement dans les situations qu’ils produisent. Pour créer cette implication, des conditions sont nécessaires: l’activité doit proposer des « situations

155 problèmes », le temps consacré au travail de groupe doit être assez long, des groupes de travail d’environ trois participants sont constitués, il faut laisser aux étudiants une grande marge de créativité, le professeur doit rester à la disposition des élèves, mais ne doit pas jouer le rôle de surveillant, la classe peut noter les erreurs des autres groupes, qu’elle présente en fin de production. Cette dernière tâche est une manière privilégiée d’obtenir une coopération dans la classe, le sentiment que l’apprentissage se fait en commun, les uns avec les autres et non en compétition. « Les élèves impliqués dans la correction laissent rarement passer des fautes, ce qui prouve que la grammaire les intéresse s’ils la prennent en charge eux-mêmes » (Courtillon, 2003, p.72).

Une mise au point sur l'activité de simulation, tant au niveau terminologique que notionnelle est nécessaire. Les diverses activités qui sont regroupées sous le terme de simulation sont les suivantes: l'étude de cas, le jeu de rôles, la simulation et la simulation globale. Les origines, les modalités de mise en place et d'évaluation de ces activités diffèrent sensiblement (Rosen, 2002).

Tout d'abord, l'étude de cas57. Cette activité permet d'appliquer des connaissances théoriques à un cas particulier en utilisant la participation de chaque membre d'un groupe. Une activité d'étude de cas comporte généralement quatre phases : une analyse de la situation, la recherche de vrais enjeux, l'élaboration de solutions optimales et l'ébauche des actions à entreprendre. Il n'y a pas de corrigé type, une discussion sur les effets des solutions choisies faisant office d'évaluation. Une telle activité sert parfois de préalable au jeu de rôle en tant que prérequis, mais ne peut se substituer à lui. Cette activité ne s'inscrit donc pas complètement dans le cadre des simulations, à la différence des trois activités ci après.

D'autre part, le jeu de rôles58. Il s’agit d’une simulation d’une situation, (donc d’un jeu) avec un rôle à interpréter et une tâche à accomplir, des règles à respecter, avec ou sans préparation (donc une semi-improvisation). Ces jeux de rôles présentent un certain nombre d’avantages : ils permettent aux étudiants de communiquer dans des situations proches de

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. Cette activité est élaborée par la Business School de Harvard, vers 1914, aux Etats-Unis.

58. La paternité de l'activité de jeu de rôle est à attribuer au sociologue et médecin psychiatre autrichien Moreno : habité par des rôles différents (passés, présents et virtuels) réactivés selon les circonstances et les interlocuteurs, tout homme aurait besoin de jeux de rôle et de psychodrame pour devenir "acteur en situation", expliciter ces différents rôles et évacuer ainsi traumatismes et chocs mal assimilés.

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l’authentique, d’exprimer une opinion et de discuter, de participer activement. Ils stimulent également la créativité des élèves, qui sont désormais responsables de leur apprentissage.

Le jeu de rôles en classe de langues est une technique pédagogique d'apprentissage des habiletés relationnelles : il appartient à la famille des simulations et consiste pour un formateur à faire reproduire, dans une salle de classe, une situation vraisemblable de face à face en partie imprévisible durant laquelle les personnes jouent un rôle plus ou moins prédéterminé en inventant le dialogue à partir d'un canevas ou d'éléments de scénario (Proust & Posse, 1991). Un jeu de rôles comprend souvent trois phases (Tabensky, 1997) : la mise en train ou échauffement, le jeu ou l'action et enfin, le retour au groupe ou synthèse. L'évaluation du jeu de rôle est la plus souvent effectuée sous la forme d'un dialogue commenté en groupe qui permet une analyse des conduites en termes de stratégies.

Un problème peut demeurer durant ces jeux de rôles, lorsqu’il s’agit d’un groupe d’apprenants homogène. Comment les inciter le plus tôt possible à s’exprimer dans la langue cible, lorsqu’ils sont en groupe, alors qu’ils peuvent le faire en langue maternelle ? Différentes manières de faire peuvent favoriser l’utilisation de la langue cible (Courtillon, 2003, p.72) :

- Le professeur doit laisser le droit de faire quelques "petites" fautes quand l’apprenant prend la parole, pour ne pas le décourager. En revanche, si la faute est trop importante, l'enseignant se doit de la corriger (Germain & Netten, 2005)

- S’il existe une certaine hétérogénéité de niveau chez les étudiants, il est bien de placer un étudiant plus avancé dans chaque groupe. S’il s’exprime dans la langue cible, petit à petit, ses camarades l’imiteront.

- Dans chaque groupe, il est intéressant de donner à un étudiant volontaire le rôle de gérer la préparation du jeu de rôle. Il doit rappeler aux étudiants qui s’expriment en langue maternelle, d’utiliser la langue cible.

Par ailleurs, la simulation. Cette activité s'oriente davantage vers la vie professionnelle. C'est un dispositif structuré, simple ou complexe, construit par un formateur, dont la fonction est de reproduire, en salle de classe, une situation (ou un ensemble structuré de situations) semblable à celle que devra affronter un apprenant après

157 sa formation59. Une simulation, en milieu guidé, comporte trois phases (Jones, 1992) : le briefing qui consiste à expliquer ce qu'est une simulation, l'action et enfin, le debriefing qui est un commentaire en groupe sur les productions analysées à différents niveaux et qui tient lieu d'évaluation de l'activité.

Les simulations globales (très en vogue pendant les Approches communicatives), reviennent aujourd’hui au goût du jour. Pour entreprendre ce genre d’activité, il faut construire un « lieu-thème » et des identités fictives. Les simulations les plus connues sont « l’immeuble », « l’hôpital », « l’île », « le cirque » : elles durent environ 4 à 10 heures par semaine et ce, sur à peu près trois mois. Ce jeu permet au groupe de construire sa propre histoire et sa propre thématique sur un long terme, en s’exprimant spontanément et de manière très naturelle.

Elles sont élaborées par le BELC (Bureau d'études pour la langue et la civilisation françaises à l'étranger), dans les années 1970. L'objectif des simulations globales est l'autonomie de l'apprenant dans différentes situations de communication. Les simulations globales offrent l'avantage de passer par le fondement de l'écrit, de faire préparer les jeux de rôle éventuels par une série d'activités permettant de donner une épaisseur et une mémoire aux personnages et aux situations (Yaiche, 1996). Un tel événement est structuré en quatre grands moments : l'établissement de l'environnement et du décor, l'établissement des identités fictives, les interactions ordinaires et pour terminer une phase écrite, consignant les événements. Dans une activité de cette envergure, l'enseignant doit très tôt clarifier les conditions de l'évaluation, en précisant les modalités sur lesquels les apprenants sont évalués.

En outre, mis à part les activités de simulation, l’enseignant peut également organiser des débats, des discussions, des travaux de groupe, ou encore des jeux, plus ludiques, qui peuvent motiver les apprenants à prendre plus facilement la parole. En effet, la didactique de l'oral propose des activités de production libre à partir d'une consigne de départ, qui sollicitent les opinions de l'apprenant, son engagement personnel et sa créativité afin de développer de véritables conduites langagières (décrire, raconter, justifier, convaincre, argumenter ou encore exposer) qui couvrent toute une gamme de situations

59. Tout comme les jeux d'entreprise, son origine remonterait à 1811 avec l'élaboration par le Prussien von Reisweitz, de l'ancêtre de ce qui deviendra le kriegspiel des écoles militaires : la mise au point d'une maquette et d'une règle du jeu permettant de simuler une bataille.

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discursives, plus ou moins complexe et dont la mise en œuvre instaure une progression. L'enseignement est centré sur les situations de la vie de tous les jours et sur les genres de la vie publique (explication, débat, négociation), sans négliger les genres plus académiques comme l'exposé ou le compte-rendu.

Les activités de compréhension et de production orales font partie intégrante d’un bon apprentissage d’une langue, évidemment cumulées aux activités de compréhension et de production écrites.

Conclusion intermédiaire

Ce chapitre sur une approche de l’oral, éclaire quant à la problématique actuelle de l’enseignement de cette compétence. Malgré une volonté de mieux cerner et d’identifier l’oral (Nonnon, 1999 ; Dolz & Schnewly, 2009), mais aussi de l’évaluer (Garcia-Debanc, 1999), cette compétence reste encore un domaine toujours mal circonscrit, en français langue maternelle (Halté, 2005 ; Halté & Rispail, 2005). Ce problème se pose également en français langue étrangère (Durand, 2000 ; Detey, 2007).

L’étude de la place accordée à l’oral (tant les activités de compréhension que de production orales) à travers toutes les méthodologies en français langue étrangère depuis le 18ème siècle, met en valeur le fait que l’oral n’a pas toujours été une priorité à enseigner. En effet, négligé par la méthodologie traditionnelle ou « grammaire/traduction », l’enseignement de l’oral est, depuis les années 1960 (avec l’apparition des méthodes audio-orales), devenu une priorité (Besse, 1992). En revanche, toutes les méthodologies n’ont pas la même conception de l’oral : l’oral en tant que savoir à acquérir ou en tant que savoir-faire, habilité à maitriser.

La présente recherche s’inscrit dans la perspective interactionniste de l’acquisition du langage (Mondada, 1995 ; Kerbrat-Orecchioni, 1998, 2000, 2004 ; Pekarek Doehler, 2000 ; Kerbrat-Orecchioni & Traverso, 2002 ; Bouchard, 1998, 2007). En effet, le fonctionnement interactionnel est le lieu d’une mobilisation et d’une construction des compétences langagières. L’interaction sociale est constructive des processus cognitifs, voire constructive des savoirs et des savoir-faire langagiers et de l’identité même de l’apprenant. L’interaction n’est pas un simple cadre qui fournit des

159 données langagières et permet de déclencher ou d’accélérer certains mécanismes développementaux : elle est un facteur qui structure le processus même de ce développement (Bange, 1992).

Dans cette perspective, l’interaction, dans le cadre de la classe est bien entendu didactique (Cicurel & Rivière, 2008), mais elle n’en est pas moins sociale (Germain, 2004). L’interaction en classe est un facteur de développement de l’autonomie langagière. Par exemple, à travers la pédagogie du projet, l’élève prend des décisions de manière indépendante et est encouragé à utiliser authentiquement la langue, en tant que véritable outil de communication (Germain & Netten, 2004). C’est la conception que nous nous faisons de l’oral : il s’agit d’une habilité que l’apprenant doit maîtriser afin de communiquer (Germain & Netten, 2005).

Lors d’activités de compréhension et de production orales, le locuteur-apprenant développe des mécanismes et des procédures (des processus d’encodage et de décodage de messages verbaux). Cette rapide présentation des modèles psycholinguistiques de l’oral est destinée à apporter un éclairage mais n'a eu en aucun cas la prétention d'introduire à une étude psycholinguistique de la problématique développée dans le présent travail. Ce dernier étant centré sur des comportements visibles ou produits finis de traitements cognitifs.

Cette partie sur une approche psycholinguistique de l'oral a permis de dégager deux grands types de modèles: les modèles "sériels" (développés dans les années 1970 et 1980), qui considèrent que les opérations se font toutes les unes après les autres dans un ordre défini et les modèles dits "connexionnistes" et "interactifs". Ces derniers modèles supposent que le traitement d'ensemble est "parallèle" et interactif, donc que plusieurs traitements peuvent s'y dérouler en même temps et agir les uns sur les autres.

Dans le but de faire maîtriser une habileté à communiquer langagièrement, aux apprenants, la dernière partie de ce chapitre propose pour les activités de compréhension et de production orales, une démarche à suivre, par étapes, différents styles de supports authentiques et semi-authentiques à utiliser et divers exercices, s’inscrivant dans le champ des Approches communicatives (Bérard, 1991 ; Porcher, 1995 ; Parpette, 1997 ; Weiss, 2002 ; Courtillon, 2003 ; Ducrot, 2005 ; Cuq & Gruca, 2005).

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Chapitre 3 : La place de l'oral dans l'histoire de l'enseignement