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orale en langue étrangère

STRATEGIES D'ENSEIGNEMENT

3.2 Le concept de communication exolingue

3.2.2 Les conditions d’acquisition de la langue étrangère

3.2.2.1Rapport entre langue maternelle et langue seconde/étrangère

Comme dit précédemment, Bruner (1983) travaille certes exclusivement sur l’acquisition de la langue maternelle et sur la communication dans la petite enfance. Dans le domaine de l’acquisition de la langue seconde ou étrangère, Dausendschön-Gay et Krafft (1990) proposent d’adapter le principe du LASS de Bruner (Language Acquisition Support System) à la relation entretenue par l’alloglotte et ses interlocuteurs natifs. Ce nouveau principe appelé SLASS (Second Language Acquisition Support System) préside à l’acquisition de la langue seconde, en cadrant le travail d’étayage effectué dans le dialogue interlingue. En conséquence, l’idée de l’unicité de l’apprentissage des langues justifie de s’en inspirer pour réfléchir sur l’acquisition d’une langue seconde ou étrangère.

En effet, l’enfant assimile sa langue maternelle de manière non consciente et non intentionnelle alors que l’apprentissage d’une langue étrangère commence par la prise de

24. Nous pointons ici l’adjectif « relative » que nous serons amenée à expliciter plus avant avec la notion de sur-énonciateur (Rabatel, 2002, 2004 a et b, 2007).

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conscience et l’existence d’une intention. Dans le premier cas, ce sont d’abord les propriétés élémentaires, inférieures du langage qui apparaissent. C’est seulement plus tard que se développent ses formes complexes, liées à la prise de conscience de la structure phonétique de la langue, de ses formes grammaticales et à la construction volontaire du langage. Dans le second cas, les propriétés supérieures, complexes du langage, liées à la prise de conscience et à l’existence d’une intention, se développent d’abord et plus tard seulement les propriétés plus élémentaires, liées au maniement spontané, aisé de la langue étrangère.

Les motivations pour apprendre une langue seconde ne peuvent être aussi impérieuses que la motivation primaire de l’apprentissage de la langue maternelle, même si elles peuvent être très fortes lorsqu’elles mettent en jeu l’intégration dans un milieu social nouveau. Mais elles peuvent également n’être que secondaires en cas d’apprentissage scolaire (il s’agit donc d’une aspiration à un succès scolaire).

Il existe effectivement une grande différence entre l’apprentissage de la langue maternelle et celui d’une langue seconde, lequel prend appui sur une langue antérieurement constituée en un ensemble de communication et de représentations. Mais cette différence ne concerne pas le mécanisme lui-même, elle concerne seulement les conditions dans lesquelles il est mis en œuvre.

C’est en utilisant avec des partenaires sociaux compétents un système linguistique et un ensemble de conventions pragmatiques, ancrés dans un système socioculturel de représentations et de savoirs sur le monde, que l’enfant acquérant sa langue maternelle reconstruit peu à peu pour son propre compte cet ensemble de savoirs qui lui préexistait. C’est la conception qui préside aux recherches sur l’acquisition de la L1 dans la mouvance de Bruner, dans une perspective interactionniste. Dans cette perspective, il n’y a pas de hiatus entre apprentissage et acquisition. L’apprentissage ne précède pas l’acquisition, mais les processus interactionnels constituent la première étape des processus acquisitionnels. La première étape est celle de l’élaboration et de la gestion en commun des savoir-faire, du discours. Le concept vygotskien d’apprentissage prend ici toute sa place. « Il n’y a aucune raison de penser que cette conception ne fournit pas également un modèle pour l’acquisition de la L2 » (Bange, 1996, p.3).

Cette conception repose sur l’idée de base de Vygotsky (1934) de l’origine socioculturelle des fonctions psychiques supérieures. « Chaque fonction psychique

75 supérieure apparaît deux fois au cours du développement de l’enfant : d’abord comme activité collective, sociale et donc comme fonction interpsychique, puis la deuxième fois comme activité individuelle, comme propriété intérieure de l’enfant, comme fonction intrapsychique » (Schneuwly & Bronckart, 1985, p.111).

Pour le passage de la catégorie interpsychique à la catégorie intrapsychique, les enfants doivent participer à de nombreuses interactions avec des membres plus compétents de leur propre culture (« interactions tutoriales ») (Bruner, 1983). Cela comporte les implications suivantes :

• l’appropriation est le fait de l’apprenant lui-même

• un soutien par un partenaire compétent permet au processus de se dérouler ;

• ce qui est acquis n’est pas absent-présent, mais c’est une habileté progressivement construite, (d’abord malhabile, partiellement fausse, mal appliquée, mal généralisée, non autonome).

3.2.2.2L’appropriation : de l’hétérorégulation à l’autorégulation

L’appropriation (l’apprentissage et l’acquisition) est définie comme la transition par degrés25 de l’hétérorégulation (la régulation du comportement verbal du sujet par un autre compétent) à l’autorégulation (la régulation de ce comportement par le sujet lui-même) (Bange, 1996). Il s’agit du contrôle interne par le sujet de ses propres opérations : un contrôle selon les intentions et les buts visés et selon les règles de l’art (règles d’emploi des moyens utilisés).

Toute interaction avec un interactant plus compétent (adulte ou pair) n’est pas automatiquement bénéfique. Deux conditions doivent être remplies :

1. que l’interaction se déroule dans la « zone proximale de développement » (la zone de développement potentiel/prochaine, ZDP, Vygotsky, 1934) de l’apprenant,

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. La transition par degrés consiste en ce que la performance, liée au départ à un contexte, doit être généralisée à d’autres contextes similaires et que son déroulement doit être affermi, automatisé. Une telle conception implique qu’il peut à tout moment y avoir des performances moins bonnes si la tâche est plus difficile.

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2. que l’activité développée par le tuteur soit propre à développer l’autonomie de l’apprenant.

La question de la « maturation cognitive » (Bange, 1996) ne se pose pas dans les mêmes termes pour l’acquisition de la langue maternelle et celle de la L2/LE.

L’enfant doit être amené à la même compréhension que l’adulte du contexte particulier dans lequel se déroule la tâche. Les interactants doivent parvenir à une interprétation commune de la situation d’interaction pour que les activités de l’adulte ou du locuteur compétent puissent servir à la régulation des actions de l’apprenant en lui ouvrant une voie vers une régulation autonome. La zone proximale de développement est un « espace » où l’apprenant doit comprendre quelle action a lieu avec quel objet, à quel moment et dans quel but, et où une activité de médiation devient possible. A l’intérieur de cet espace, les apprentissages vont pouvoir se dérouler avec l’aide de l’adulte ou du locuteur compétent déployant des stratégies d’étayage.