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orale en langue étrangère

2. Les acteurs dans la classe de langue

2.2 Rôle et place des participants à l’interaction .1Une relation inégale

2.2.3 Le rôle de l’enseignant : un statut d’expert/une position dominante

L’enseignant, médiateur du processus d’apprentissage, met en place l’activité pédagogique. Activité se définissant comme une activité langagière, se déroulant selon un certain protocole, proposé par le manuel ou l’enseignant et demandant aux usagers de fournir un notable effort cognitif.

Le rôle de l’enseignant apparaît comme double : il entre dans une forme particulière de communication exolingue dans laquelle il a le rôle d’un locuteur natif (LN). Il est l’agent de l’institution scolaire et doit maximiser l’apprentissage. Dans son premier rôle, il développe des « procédures d’étayage de la tâche d’apprendre » (Bruner, 1983). Ces stratégies de soutien aux processus d’apprentissage des apprenants se manifestent dans la modulation de son discours (foreigner talk) et dans les réponses qu’il apporte aux stratégies de communication que le locuteur non natif (LNN) met en œuvre. Son second rôle consiste à manipuler la communication en classe pour maximiser les processus d’acquisition des apprenants. Il doit d’abord mettre l’élève en position de devenir un « candidat-apprenant » (Bruner). Il doit lui donner des buts de communication

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authentique ; buts que l’apprenant doit avoir envie de réaliser. Il doit l’inciter à déployer les stratégies de communication les plus innovantes.

Les pratiques de transmission d’un enseignant sont un métissage entre des traditions héritées et des modes communicatifs survenant avec la modernité ou le renouvellement de pratiques pédagogiques. Les institutions éducatives sont le vecteur de ces pratiques. Il est entendu ici par pratiques de transmission les pratiques langagières didactiques (verbales, non verbales, mimogestuelles) et les pratiques interactionnelles qu’un expert met en œuvre afin qu’un public moins savant puisse s’approprier des savoirs et des savoir-faire. « Ces pratiques dépendent de la culture d’origine des interactants, de la formation de l’enseignant, de son expérience, et de sa personnalité. Ainsi des actions aussi diverses que les façons de donner la parole (ou ne pas la donner), de se mouvoir dans l’espace de la classe, de faire appel à la mémoire des élèves, de les faire participer au processus de découverte du sens, d’autoriser ou non les improvisations, d’avoir recours à des exemples, de faire des oppositions entre les termes, des comparaisons, etc., sont autant de facettes d’une pratique de transmission » (Cicurel, 2002, p.156).

Ces manières de faire (mêlant stratégies et tactiques17) diffèrent selon les contextes et les personnes. La classe de langue voit la mise en place de pratiques qui se situent entre la stratégie, connue d’avance, planifiée, et la tactique, qui surgit dans le vif de l’échange et pousse les protagonistes à improviser des solutions.

L’enseignant, pour accomplir sa tâche dispose d’un certain « répertoire », qui se constitue progressivement. « Le répertoire didactique serait un ensemble hétéroclite de modèles, de savoirs, de situations sur lesquels un enseignant s’appuie » (Cicurel, 2002, p.157). Ce répertoire se constitue au fil des rencontres avec divers modèles, par la formation académique et pédagogique, par l’expérience d’enseignement, qui elle-même modifie le répertoire. Lorsqu’il s’agit de l’apprentissage d’une langue, le répertoire verbal tout entier peut constituer une des ressources didactiques.

Le statut d’expert de l’enseignant, garanti par l’institution et sa manière d’établir puis d’entretenir la relation avec les élèves doit confirmer la légitimité institutionnelle. Celle-ci peut aussi se manifester par d’autres éléments tels que le déploiement de ses

17 . La tactique ne se donne pas de projet global, elle fonctionne au coup par coup, elle profite des occasions, se faufile et s’apparente à la ruse (Cicurel, 2002).

59 compétences communicationnelles : il doit arriver à créer l’intérêt, à décomposer les difficultés, à insister, s’il s’agit d’éléments linguistiques, sur les propriétés du contexte, à stimuler l’imagination pour permettre d’envisager de nouvelles utilisations, etc. Le parallèle avec les descriptions de Bruner concernant les échanges mère/enfant est renforcé par le fait que la relation se construit sur la durée et qu’il est possible de s’appuyer sur le partage d’une histoire interactionnelle (donc, sur des connaissances communes) et, dans certains cas, sur la connivence et la plaisanterie. Si l’engagement sur la durée permet la planification, une relation « heureuse » au sein de la classe, suppose également la capacité d’improviser et de prendre en compte les réactions des partenaires (Cicurel, 2002).

Le rituel de la classe assure la reconnaissance par les élèves des différentes phases de son déroulement et facilite en principe leur compréhension de ce qui y est en question.

Dans la classe, l’élève est le novice et le tuteur est un agent spécialisé d’une institution vouée exclusivement aux apprentissages. Le but des interactions est l’apprentissage lui-même ; il devient une fin en soi. De ce fait, il y a un déplacement du foyer de l’interaction et de l’attention des partenaires vers les activités cognitives de l’élève. Dans toute interaction, ceci est le domaine privé de chaque interactant. Son activité cognitive individuelle, devient, dans le cas de l’élève, l’enjeu commun et prend la place du but cognitif externe auquel chacun contribue en tant que partenaire social.

Le professeur occupe une place dominante : il impose donc sa conception du but qui est devenu l’apprentissage. Il s’empare d’une part importante, voire essentielle de l’activité cognitive de l’élève et détermine seul les moyens qui doivent permettre de le réaliser. L’activité cognitive de l’élève est censée ne plus se dérouler spontanément selon ses propres lois (comme dans l’apprentissage en immersion par exemple). Dans la classe, elle est proposée, guidée et évaluée par l’enseignant : elle est imposée à l’apprenant par son partenaire de l’interaction au nom d’un savoir, sur les buts et les moyens de l’enseignement assimilé indûment au savoir-faire de l’apprentissage.

L’activité cognitive de l’élève est censée se réduire à la seule dimension de ce que lui dicte l’enseignant. « L’élève n’est plus regardé comme un interlocuteur autonome dans l’interaction, mais seulement comme un objet du faire didactique que le maître manipule au gré de ses options. L’interaction devient inégale, une interaction de dominant à dominé » (Bange, Carol & Griggs, 2005, p.81).

Dans la classe de langue étrangère (LE) (dont le but est l’apprentissage/acquisition d’une LE), le rôle et le statut des partenaires à l’interaction sont clairement définis (Bigot,

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2005 ; Vasseur, 2005) : l’enseignant a un statut d’expert donc une position dominante et l’apprenant, un statut de novice, tout en étant un sujet actif ayant une activité réflexive et par la même, cognitive.

3. L’étayage, stratégie enseignante, dans la classe de langue