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Analyse du Programme d’enseignement du français LV1 pour les étudiants de 1ère et 2ème années dans l’enseignement supérieur

d'enseignement du FLE en Chine

3.1 Analyse du Programme d’enseignement du français LV1 pour les étudiants de 1ère et 2ème années dans l’enseignement supérieur

Titre : Programme d’enseignement du français LV1 pour les étudiants de 1ère et 2ème années dans

l’enseignement supérieur

Auteurs : Ministère de l’Éducation Nationale, mais délégation de la rédaction aux établissements supérieurs

suivants : Université de Beijing, Université de Nanjing, Institut des langues étrangères de Shanghai, Institut des langues étrangères de Beijing, Université de Wuhan, Institut N° 2 des langues étrangères, Institut des langues étrangères de Canton, Institut des langues étrangères de Xi’an (équipe de coordination : Institut des langues étrangères de Beijing, Institut des langues étrangères de Shanghai, Université de Beijing et Université de Nanjing)

Date de publication : Décembre 1988

Public visé : Étudiants de français LV1, 1ère et 2ème années, établissements supérieurs chinois Éditeur : FLTRP

65. Précisons que pour l’ensemble de cette partie, nous nous sommes exclusivement appuyée sur le travail effectué par Eva Martin (2007a) car elle a eu accès à la traduction de ces documents officiels chinois et a donc pu en faire une analyse fine.

66. Textes en chinois qui ont fait l’objet de traduction en français (Traduction effectuée par FENG Li, interprète à l’Ambassade de France en Chine, in Martin, 2007a, p.241). Souhaitant conserver la teneur initiale des programmes, cette traduction se veut très proche de la version chinoise.

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Nombre de volumes : 1 Description matérielle :

Petit livre format poche, 200 pages en noir et blanc. Rédigé en chinois, il comprend:

-un descriptif général de l’E/A du français pour les 1ères et 2èmes années d’apprentissage du FLE LV1 à l’université (9 pages)

- sept annexes donnant les contenus détaillés de l’enseignement par domaines (182 pages)

-une note explicative sur la conception/modification du présent programme par rapport aux anciens programmes en vigueur (9 pages)

Tableau 7: Fiche signalétique du programme d'enseignement du français LV1 (étudiants de 1ère et 2ème années dans l'enseignement supérieur) (Martin, 2007a, p.241)

Ce qui ressort de l’analyse de ce programme est que l’acquisition de savoirs et connaissances linguistiques est une priorité sur l’acquisition d’une réelle compétence de communication. En effet, « nous pensons que la conception de la langue mise en avant est de type mécaniste, car les connaissances linguistiques, acquises dans un premier temps, permettraient à l’apprenant de communiquer en situation réelle dans un second temps. Nous pouvons penser qu’il y a ici une tentative de conciliation entre des principes méthodologiques relativement traditionnels (acquérir des connaissances) et des principes méthodologiques plus tardifs, relevant de l’approche communicative. Par ailleurs, la langue, pensée comme un phénomène compliqué, deviendrait enseignable grâce à l’existence d’un éclectisme de principe » (Martin, 2007a, p.252).

Pour la présente étude, seule l’analyse des compétences orales (compétences auditive et orale), attirent notre attention. Selon ce programme, la compétence auditive s’articule autour de quatre points essentiels :

- Les aspects phonétiques et prosodiques (c'est-à-dire les aspects phonétiques qui interviennent dans la chaîne parlée : changement d’un son, sonorisation des phonèmes, etc.)

- La compréhension de l’information grâce à l’intonation (compréhension de l’information générale du discours grâce aux intonations employées dans les différents types de phrases) - La compréhension de l’idée principale grâce à l’agencement des mots dans les phrases (possibilité de comprendre l’idée principale grâce à des mots-clés)

- La compréhension globale du sujet (temps, lieux, personnes, comportements, etc.)

Il est intéressant de noter que cette liste de compétences doit permettre la compréhension du discours dans son ensemble, grâce à des unités plus petites telles que les phonèmes, les mots et les phrases).

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La compétence orale est développée en cinq points : les aspects phonétiques et prosodiques de base, l’usage de l’intonation pour s’exprimer, la maîtrise du style narratif, la cohérence des idées, la capacité à interagir dans une situation réelle de communication et la capacité à s’autocorriger. Ici, la cohérence et la cohésion du discours par rapport à des situations de communication réelles, est davantage mis en valeur.

Cette analyse met en valeur le fait que l’enseignement/apprentissage du français est pensé en termes de performance et de quantité, oubliant par la même de délimiter de vraies compétences pour l’enseignement/apprentissage du français. Quelques exemples illustrent cet aspect (pour la 1ère année) :

- en compétence auditive, l’apprenant « peut comprendre des documents audio dont la vitesse est de 120 mots par minute et la durée de 2 à 3 minutes […] 70% du contenu sera compris correctement après deux écoutes » (MCEN, 1988, p.3).

- en compétence orale, l’apprenant « peut faire, après une préparation, un exposé continu de 3 minutes sur un sujet abordé en classe. La vitesse du discours est de 60 à 70 mots par minute (soit 8 à 9 phrases) » (MCEN, 1988, p.3).

D’après l’analyse de ce programme de 1988, il semblerait que les performances soient une priorité à acquérir dans la mesure où l’accent est mis sur un nombre de mots à acquérir ou encore sur une certaine vitesse de lecture. « La langue conçue comme une entité complexe faisant système (relativement ouvert cependant) perd donc non seulement

son identité (ce n’est qu’un ensemble de mots), mais aussi toute sa capacité créative puisqu’elle est entièrement réduite à des critères quantitatifs et techniques. Elle perd

ainsi sa texture sociale, culturelle ou encore psychologique et de ce fait tout lien avec la réalité (absence des composantes discursives et socioculturelles)(…) Nous pouvons percevoir ici un second niveau de juxtaposition méthodologique qui oppose des principes plutôt sgavistes (stimulus-réponse-renforcement et surtout résultats exprimés en terme de quantité) et des principes plus communicatifs (communiquer en situation réelle, faire des hypothèses sur le sens d’un texte, s’autocorriger, etc.) » (Martin, 2007a, p.257).

183 3.2 Analyse du Programme d’enseignement du français LV1 pour les

étudiants de 3ème et 4ème années dans l’enseignement supérieur

Titre : Programme d’enseignement du français LV1 pour les étudiants de 3ème et 4ème années dans l’enseignement supérieur

Auteurs : Ministère de l’Éducation Nationale mais délégation de la rédaction aux établissements supérieurs suivants : Université de Beijing, Université de Nanjing, Université des langues étrangères de Shanghai, Université des langues étrangères de Beijing, Université des langues étrangères et du commerce extérieurdu Guangdong.

Date de publication : Mai 1997

Public visé : Étudiants de français LV1, 3ème et 4ème années, établissements supérieurs chinois Éditeur : FLTRP

Nombre de volumes : 1 Description matérielle :

Petit livre format poche, 172 pages. Rédigé en chinois, il comprend : - un avant-propos (1 page)

- une note explicative sur la conception du présent programme (3 pages)

- un descriptif général de l’E/A du français pour les 3èmes et 4ème années de FLE LV1 à l’université (8 pages)

- 3 annexes donnant les contenus détaillés de l’enseignement par domaines (161 pages)

Tableau 8: Fiche signalétique du programme d'enseignement du français LV1 (étudiants de 3ème et 4ème années dans l'enseignement supérieur) (Martin, 2007a, p.280)

Le programme de 1997 regroupe les quatre compétences (la compréhension orale, la production orale, la compréhension écrite et la production écrite) respectivement désignées par les termes suivants : écouter, parler, lire, écrire. Une cinquième compétence est proposée : celle de la traduction/interprétariat. En 3ème et 4ème années, chaque compétence se décompose en deux points comportant en général un seul objectif à atteindre.

Au sein de ce programme, la compréhension orale est décrite de la manière suivante:

- en 3ème année : l’apprenant doit être capable de comprendre des conversations et des rapports généraux « du même niveau que les manuels audiovisuels français tels que Panoramiques, Profils, Optiques, Mosaïques ». Il doit être capable de saisir 70% du contenu après trois écoutes (MCEN, 1997, p.5).

- en 4ème année : l’apprenant doit être capable de comprendre des supports oraux liés à l’actualité (issus de la radio ou de la télévision). Les critères de compréhension demeurent les mêmes (MCEN, 1997, p.6).

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Les supports utilisés sont des documents en partie fabriqués où issus de méthodes (le plus souvent). La compréhension orale est également abordée à partir de documents audiovisuels, de préférence authentiques (actualités radio, conférences, émissions télévisées, films, etc.) (MCEN, 1997, p.10).

Concernant la production orale:

- en 3ème année : l’apprenant, après dix minutes de préparation sur un sujet déjà abordé en classe, doit être capable de s’exprimer pendant cinq minutes. Il peut également « tenir une conversation sur la vie quotidienne, sans grosses erreurs, avec une intonation naturelle et une vitesse normale » (MCEN, 1997, p.6)

- en 4ème année : il doit être capable de « discuter sur la politique intérieure et extérieure, la diplomatie, l’économie et la culture après une préparation. Le point de vue est clair, le langage convenable et l’expression courante » (MCEN, 1997, p.6).

Les instructions officielles de 1997 mettent en valeur la priorité accordée à l'écrit, en terme de coefficient attribué aux diverses épreuves écrites. Les épreuves orales étant reléguées au second plan. Le tableau suivant éclaire quant à ces proportions.

Épreuve Coefficient (exprimé en % par rapport à la note totale) lexique et grammaire 20% lecture 20% compréhension orale 10% expression orale 10% interprétariat 10% expression écrite 20%

traduction (version et thème) 20%

Tableau 9: Coefficients attribués aux différentes épreuves de français en 3ème et 4ème années d'apprentissage du français à l'université (Martin, 2007a, p. 297)67

Ce tableau met en exergue le fait que les compétences orales ne comptent que 20% de la note finale dont 10% seulement mettent en œuvre des compétences de production (expression orale ou interprétariat puisqu’il s’agit d’une épreuve au choix). Les connaissances linguistiques représentent à elles seules 20% de la note. Quant aux compétences écrites, elles comptent 60% de la note (dont 40% de compétences de production : expression écrite et traduction). Ce tableau met bien en avant les priorités accordées aux compétences écrites dans l’acquisition de la langue française.

67. Source : MINISTERE CHINOIS DE L’ÉDUCATION NATIONALE, Programme d’enseignement du français LV1 pour les étudiants de 3ème et 4ème années dans l’enseignement supérieur, Pékin : FLTRP, 1997.

185 Dans ces instructions officielles de 1997, le but affirmé est que la langue doit être un outil de communication. Parallèlement et paradoxalement, les connaissances sur la langue française doivent être davantage poussées (linguistique, rhétorique). "Ainsi, la conception de la langue semble ne pas avoir évolué outre mesure (les connaissances linguistiques serviront à appliquer la langue en situation réelle)" (Martin, 2007a, p.298).

En guise de conclusion, concernant l’analyse de ces instructions officielles de 1988 et de 1997, plusieurs remarques peuvent être formulées.

Dans les programmes officiels de 1988, plusieurs modèles didactiques coexistent : un

modèle traditionnel (priorité accordée à l'acquisition de connaissances), un modèle plus communicatif (besoin de communication dans des situations réelles) et la méthodologie SGAV, voire la méthodologie audio-orale (une conception mécaniste de l’apprentissage).

L’édition de 1997 semble véritablement disposée à prendre en compte les besoins

des apprenants qui se destinent à des carrières de traducteurs/interprètes ou d’enseignants. Toute référence à la méthodologie SGAV, mais aussi à la méthodologie

directe, a disparu. Il ne s’agit là, pour autant, que d’une modification de surface puisqu’il existe toujours un souci de la performance (quantité de vocabulaire à apprendre). Même si l’objectif est ici de voir la langue comme un outil de communication, les connaissances à acquérir restent fondamentales et font même l’objet d’un renforcement théorique (stylistique, rhétorique, français analytique, etc.). « Nous pouvons donc affirmer que le programme de 1997, considéré comme l’aboutissement de l’apprentissage, met plutôt en avant une conception traditionnelle de l’E/A malgré une façade relativement communicative » (Martin, 2007a, p.304).

3.3 La directive de 1999

Par la suite, la Directive 1999 ou « réforme communicative » est le dernier document officiel, lancé par le MCEN en faveur de l’enseignement/apprentissage des langues étrangères. L’objectif clairement affiché est l’acquisition d’une réelle compétence à communiquer langagièrement. En effet, l’apprenant doit (Fu, 2006, pp 27-39 in Martin, 2007b, p.52) :

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posséder « une base solide en langue apprise tant au niveau de la compréhension orale et écrite qu’au niveau de l’expression écrite et orale », base d’une formation pour s’adapter aux changements économiques et sociaux,

disposer « d’un champ étendu de connaissances touchant non seulement aux sciences humaines, mais encore aux domaines de la technologie »,

compléter leurs connaissances « par un savoir et un savoir-faire suffisamment liés à un domaine de spécialité »,

• développer un savoir-apprendre,

• faire preuve d’une certaine ouverture d’esprit et posséder une éducation civique.

Dans cette directive, dans la mesure où la priorité n’est pas la prise en compte des besoins de la société, les objectifs communicatifs annoncés ont du mal à se mettre en œuvre. Ceci est particulièrement visible dans les contenus d’apprentissage du FLE en milieu universitaire. En effet, l’enseignement est essentiellement axé sur l’acquisition d’une compétence linguistique et de compétences écrites. Acquérir une compétence à communiquer langagièrement, qui pourrait permettre aux apprenants de s’adapter au contexte social et économique n’apparaît pas. Toutefois, des lecteurs68 sont chargés de donner des cours d’oral (tant de compréhension que de production) mais la fragmentation de la discipline ne peut pas permettre une acquisition de la langue comme un tout cohérent.

Ainsi, l'analyse des instructions officielles de 1988 à aujourd'hui, met en valeur la volonté des autorités chinoises, de voir la langue comme un véritable outil de communication, un outil qui permettrait de communiquer langagièrement. Mais, ce qui ressort de tous ces programmes est avant tout une conception traditionnelle de l’enseignement/apprentissage du FLE en Chine, malgré une façade qui se veut de plus en plus communicative.

68. Des lecteurs francophones sont envoyés dans les universités chinoises pour des durées limitées (environ 6 mois). La plupart du temps, ils dispensent des cours d'oral (compréhension et expression/production orales) ou de civilisation.

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Conclusion intermédiaire

Ce chapitre replace l’étude présentée ici, dans son contexte spécifique qui est l’enseignement/apprentissage du FLE en milieu chinois. En effet, analyser une situation dans un tel contexte nécessite la prise en compte de certains paramètres : un système de vie communautaire, des principes du Confucianisme encore bien ancrés, une certaine conformité, collaboration et recherche du consensus, la notion de « face » et les habitudes d’apprentissage. La culture éducative, les codes et héritages culturels ne doivent pas être négligés dans la mesure où ils ont toujours un impact sur le système éducatif en place (Robert, 2002, 2009 ; Bouvier, 2003 ; Normand-Marconnet, 2011).

Le rappel historique sur l’histoire de l’enseignement du FLE en Chine du 19ème siècle à nos jours, met en avant une forte dominance de la méthodologie traditionnelle ou « grammaire/traduction », depuis les débuts de l’enseignement du français en Chine (Li, 1990; Obadia, 1990 ; Zhang, 1990; Pu, Lu & Xu, 2006; Fu, 2006). Cette méthodologie a toujours cours aujourd’hui dans de nombreux établissements, même si de nombreux efforts sont effectués pour introduire davantage l’oral en classe, avec les méthodes audio-orales, audiovisuelles ainsi qu’avec les Approches communicatives. Ainsi, dans l’apprentissage du français, une place privilégiée est accordée à l’acquisition de connaissances linguistiques, plutôt que sur l’acquisition d’une compétence de communication, d’une habileté à communiquer.

L’analyse des programmes officiels de 1988, 1997 et 1999 affiche, au fil du temps, une volonté de faire se développer chez l’apprenant de français, une véritable compétence à communiquer langagièrement. Pourtant, une analyse plus fine et plus approfondie de ces instructions officielles (Martin, 2007a et b) démontre qu’une des priorités dans l’apprentissage de la langue, reste avant tout de réaliser des performances, déclinées principalement en nombre de mots acquis, lus à une certaine vitesse (Approches communicatives vs méthodologie traditionnelle). Ainsi, la langue perd son unité et son identité mais également sa capacité créative dans la mesure où elle n’est parfois réduite qu’à des critères purement quantitatifs.

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PARTIE II

Recueil de données et