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Les études sur l’accès à la parentalité démontrent l’ampleur des besoins de soutien par les parents durant la période périnatale. La récente revue de littérature de Hamelin-Brabant et coll. (2015) permet de reprendre précisément les besoins de soutien social des parents dans la période postnatale. Dans cette revue, les auteurs montrent ainsi que de nombreux travaux font état des besoins des mères de partager ce qu’elles ressentent (Abriola, 1990 ; Börjesson et coll., 2004 ; Cronin, 2003 ; Doucet et coll., 2012 ; Evans et coll., 2012 ; Hess et coll., 2010 ; Negron et coll., 2012), de normaliser et de valider l’expérience vécue (Cronin, 2003 ; Darvill et coll., 2010 ; Doucet et coll., 2012 ; Evans et coll., 2012 ; Haga et coll., 2012 ; Letourneau et coll., 2007, 2012 ; Svensson et coll., 2006), qu’elles aient la possibilité d’exprimer des plaintes sans trop de culpabilité (Cronin, 2003), de pouvoir être rassurées sur leurs capacités à s’occuper de leur enfant (Abriola, 1990 ; Darvill et coll., 2010 ; Evans et coll., 2012 ; Hogg & Worth, 2009 ; Letourneau et coll., 2012 ; Razurel et coll., 2011) et d’être soutenues pour maintenir leur estime d’elles-mêmes (Abriola, 1990; Darvill et coll., 2010; Hogg & Worth, 2009; O’Connor, 2001; Phillips & Pitt, 2011; Razurel et coll., 2011).

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C-1- Soutien social et détresse maternelle

Depuis les années 80, un nombre conséquent de recherches a été mené sur le soutien social en périnatalité. La plupart de ces études ont mis en valeur l’importance du réseau de soutien social dans la prévention des phénomènes de détresse maternelle en démontrant l’impact négatif d’un faible réseau social sur l’émergence de détresse maternelle (Cutrona et Troutman, 1986 ; Collins et coll., 1993 ; Logsdon, McBride, et Birkimer, 1994 ; Fuggle et coll., 2002 ; Martinez- Schallmoser et coll., 2003; Rahman, Iqbal, et Harrington, 2003 ; Heh, Coombes, et Bartlett, 2004 ; Kitamura et coll., 2004 Lee et coll., 2004 ; Logsdon et coll., 2004 ; Sagami et coll., 2004 ; Srisaeng, 2004 ; Logsdon et coll., 2005 ; Shin, Park, et Kim, 2006 ; Surkan et coll., 2006 ; Dennis et Ross, 2006 ; Gaugue-Finot et coll., 2010). Malgré des différences culturelles, économiques et sociales (Amérique du Nord, en Europe, au Moyen-Orient et en Extrême- Orient), les résultats de l’ensemble de ces études sont très proches.

Différents indices permettent d’évaluer la détresse psychologique maternelle. La majorité des études est centrée sur la symptomatologie dépressive. Récemment, un nouvel intérêt se développe sur les manifestations anxieuses (Capponi et Horbacz, 2007 ; Capponi, 2013 ; Capponi et coll. 2013). Quelques études prennent désormais en compte une mesure composite qui regroupe plusieurs indices, comme des scores de dépression, d’anxiété, d’estime de soi, de colère, les affects négatifs, les sentiments maternels, etc. Certaines études ont cherché à déterminer si la pathologie anxieuse était un sous-syndrome de la dépression. D’autres proposent de les distinguer (Matthey, Barnett, Howie, Kavanagh, 2003 ; Wenzel, Haugen, Jackson, Robinson, 2003). Selon ces auteurs, l’anxiété maternelle périnatale serait le type de dérégulation émotionnelle qui surviendrait le plus fréquemment au cours de cette période (Wenzel, Haugen, Jackson, Brendle, 2005).

Du point de vue de la vulnérabilité maternelle, le manque de soutien social — parmi l’ensemble des variables psychosociales — est un facteur systématiquement associé à la détresse maternelle (Webster, Nicholas, Velacott, Cridland, & Fawcett, 2011).

Enfin, soulignons que si le soutien en périnatalité est essentiel, c’est notamment parce qu’il a un lien direct sur le développement de l’enfant. En effet, nombreux sont les travaux ayant mis en exergue les effets majeurs d’une dépression post-partum sur les relations mère/enfant, avec par extension un impact négatif sur le développement de l’enfant (Field, 1984 ; Lyons-Ruth et coll., 1997 ; Tronick et Weinberg, 1997 ; Champion et coll., 2009).

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C-1-1- Disponibilité – Satisfaction et détresse maternelle

Concernant les deux composantes : disponibilité et satisfaction, les études n’obtiennent pas les mêmes résultats. Par exemple, Glazier et coll. (2004) ont montré, en périnatalité, qu’une plus grande satisfaction à l’égard du soutien social perçu était liée à une réduction de la détresse maternelle, alors que la disponibilité ne l’était pas.

À l’inverse, Gauge-Finot et coll. (2010) ont mis en évidence que, des deux composantes du soutien social perçu, c’est la disponibilité qui est la plus associée à la dépression du post-partum. Même si elles évaluent le soutien social reçu comme satisfaisant, les femmes dépressives ont un plus petit réseau que les mères non dépressives.

Cutrona (1984) apporte une nuance intéressante: « Le simple fait de savoir que les autres sont disponibles en cas de besoin permet de diminuer le sentiment d’impuissance (helplessness), même si l’on ne les sollicite pas » (Cutrona, 1984, p.387). Ce qui n’oblitère pas l’importance du soutien effectif par la disponibilité réelle.

Si ces résultats divergent sur l’importance relative des deux composantes du soutien social, ils s’accordent sur le besoin qu’ont les parents d’avoir des personnes disponibles pour être satisfaits du soutien reçu.

C-2- Efficacité des soutiens en périnatalité

Les études ont démontré que, lors de la période périnatale, comme dans une situation classique, la dimension fonctionnelle est celle qui a le plus d’effet sur la santé physique et mentale (Norbeck, Peterson Tilden, 1983). De même, et comme nous l’avons vu précédemment, tout soutien n’est pas bénéfique et efficace en lui-même. Cela dépend de l’adéquation entre le besoin des parents et du type et de la source du soutien reçu. Certains auteurs ont par ailleurs souligné l’effet aidant ou nuisible que peuvent jouer certains membres du réseau social (Carpentier et White, 2001). Au lieu d’être une source de soutien, ils peuvent devenir une source de stress additionnel importante lorsque certains soutiens sont perçus par le parent comme étant coercitifs ou dénigrants à son égard (Coyne et Delongis, 1986 ; Dadds et coll., 1987 ; Webster-Stratton, 1990), ou encore lorsque certains individus sont exigeants et deviennent un poids supplémentaire sur les épaules du parent (Belle, 1990). Tout soutien n’est pas perçu de façon

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équivalente, et certains d’entre eux bien que fournis à titre préventif ou thérapeutique peuvent se révéler source de mal-être, comme le sentiment de déprivatisation (Capponi & Horbacz, 2007). Enfin, des quelques études qui ont mesuré le soutien social à la fois en anténatal et en postnatal, la majorité a montré un impact plus important d’un faible soutien postnatal sur l’émergence d’une dépression du post-partum (Xie, Koszycki, Walker, & Wen, 2009). Citons néanmoins l’étude de Bales (2015) qui suggère que c’est le soutien anténatal (de type émotionnel) qui est le facteur le plus fortement associé de manière directe à l’intensité de la symptomatologie dépressive postnatale. La qualité du soutien, principalement émotionnel, procuré par le conjoint favoriserait la stabilité émotionnelle chez la future mère durant la grossesse et dans le postpartum (Bales, 2015).

C-3- Les types de soutien en périnatalité

D’après les études, les types de soutien qui impactent le plus l’état psychique maternel en post- partum, sont les soutiens émotionnel et instrumental (Baker, Taylor, The Alspac Survey Team, 1997 ; Lee, 1997 ; Bruchon Schweitzer, 2002 ; Heh, Coombes, Barlett, 2004 ; Razurel, Bruchon-Schweitzer, Dupanloup, Irion, Epiney, 2011 ; Van Teeffelen, Nieuwenhuijze, Korstjens, 2011). Car lorsque ces types de soutien sont inadéquats, ils sont des facteurs de risque à l’émergence de la dépression du post-partum (Collins et coll., 1993 ; O’Hara, 1986 ; O’Hara, Rehm, & Campbell, 1983 ; Paykel et coll., 1980) et d’anxiété, notamment chez les femmes enceintes et les jeunes accouchées (Capponi & Horbacz, 2005). Quand ils sont ajustés et en adéquation avec les besoins, les soutiens émotionnel et/ou instrumental offrent un réconfort et une aide concrète dans les soins à l’enfant et/ou dans les tâches ménagères. Toute la nouvelle organisation est souvent source de fatigue de stress voire d’épuisement. Ces deux types de soutien auraient un rôle de « tampon » et aideraient les femmes à se sentir moins déprimées après la naissance de leur enfant. Cutrona et Troutman (1986) ont d’ailleurs mis en évidence que l’association entre soutien social et dépression du post-partum était médiatisée par le développement d’un sentiment d’efficacité personnelle, exerçant ainsi un effet tampon sur la santé mentale.

Dans l’étude de Capponi et Horbacz (2007), les primipares attendent un soutien émotionnel, un renforcement de l’estime de soi et une aide pratique de la part leur sphère privée (conjoint et

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famille). En ce qui concerne le soutien informatif les femmes comptent autant sur leur sphère privée (conjoint et famille) que sur les professionnels.

C-4- Les acteurs du soutien social en périnatalité

C-4-1- Réseau de proximité et sphère privée

Les études sur le soutien social ont permis de mettre en évidence l’importance de la présence d’un réseau de proximité dans la transition à la parentalité. Le manque de proches à proximité (Gordon, Kapostins et Gordon, 1965), le manque d’une confidente autre que le mari (Paykel, Emms, Fletcher et Rassaby, 1980), un faible réseau amical disponible pour offrir de l’aide (Wandersman, Wandersman et Kahn, 1980) sont autant de facteurs favorisant l’émergence de détresse maternelle.

L’étude de Cutrona (1984) a permis de préciser les fonctions de ce réseau de proximité. Sans précisément identifier les personnes qui composent ce réseau, l’auteur a mis en évidence l’importance pour les mères d’avoir des personnes de proximité avec qui elles ont une alliance fiable, sur qui elles peuvent compter pour obtenir de l’aide en toutes circonstances, qui leur permet d’obtenir du réconfort sur leurs capacités. D’autre part, les membres de ce réseau de proximité leur permettent d’appartenir à un réseau social, ce qui favorise un partage de centres d’intérêt et d’activités récréatives communs. Le soutien matériel et informatif qu’elles obtiennent de leur entourage (garde d’enfant, aide matérielle et financière) faciliterait les efforts des femmes pour surmonter leurs difficultés.

Dans son étude, Curtona (1984) a permis d’identifier les caractéristiques des personnes ressources, mais sans pour autant identifier qui elles étaient spécifiquement pour les mères (conjoint, parents, famille…). Les études ultérieures ont porté leur attention sur ce sujet.

C-4-1-1- La sphère privée, le conjoint et la famille

Des études récentes ont permis de mettre en évidence que les mères comptent en premier sur leur sphère intime (Capponi, Horbacz, 2007 ; Leahy-Warren, 2005) et plus précisément sur leur

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conjoint, qu’elles identifient comme première source de soutien. En deuxième position, les mères identifient leur famille avec en première intention, la grand-mère maternelle de l’enfant (Capponi & Horbacz, 2007 ; Lavigueur et coll., 2005). Dans leur étude, Lavigeur et coll. (2005) ont mis en évidence que les participantes comptaient principalement sur leur conjoint et sur les figures féminines (mères, belles-mères, amies) comme source de soutien parmi l’ensemble du réseau informel (famille, amis). Cette surreprésentation féminine dans le soutien social en périnatalité a été retrouvée dans les études de Belle (1982 ; 1990). Comme l’indiquent Capponi et Horbacz (2007), « l’entourage semble prendre alors le statut de caretaker de la mère, il devient ce que nous pourrions nommer “le gardien de la parentification” : le cheminement de leurs inquiétudes, de leurs contradictions, et de leurs hésitations trouve place, et leurs nouveaux repères se dessinent sans sentiment de “ne pas être à la hauteur” » (Capponi & Horbacz, 2007, p.175).

C-5- Soutien social de la sphère privée et détresse maternelle

Plusieurs auteurs (Paykel et coll., 1980 ; O’Hara, 2001 ; Dennis, 2003 ; Bernazzani et coll., 2005 ; Caron et Guay, 2005 ; Capponi, Horbacz, 2007 ; Capponi, et coll., 2013 ; Milgrom et coll., 2008 ; Webster et coll. 2011 ; Tissot et coll. 2011/2) ont montré un lien de corrélation significative entre une faiblesse du soutien social de la sphère privée/intime et différentes manifestations de détresse maternelle. Dennis et Ross (2006) ont d’ailleurs mis en évidence que les symptômes dépressifs à 8 semaines post-partum augmentaient lorsque les mères rapportaient une perception basse d’un soutien de la part des « personnes significatives ». L’impact du soutien familial a été indirectement mis en évidence dans différentes études qui montrent que les femmes ayant des conflits avec leurs propres parents avaient plus de risque de développer une dépression postpartum (Ballinger et coll., 1979; Kumar & Robson, 1978; Tod, 1964),

Les études ont surtout mis en évidence le rôle primordial du conjoint (Collins et coll., 1993 ; Glazier et coll., 2004 ; Milgrom et coll., 2008 ; O’Hara, 1986 ; Pope, 2000 ; Romito et coll., 2009 ; Xie et coll., 2009) et la qualité des relations conjugales sur la détresse maternelle (Capponi et Horbacz, 2007). En effet, les études font ressortir un lien significatif entre un soutien insatisfaisant de la part du conjoint (ou une relation maritale insatisfaisante) et la dépression du post-partum (Ballinger et coll., 1979, Braverman & Roux, 1978 ; Kumar &

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Robson, 1978; O'Hara, Rehm, & Campbell, 1983 ; Saucier, Bermazzani, Borgeat, & David, 1995 ; Guedeney, Jacquemain, & Glangeaud-Freudenthal, 2000 ; Christophe, 2003). Cette association se révèle significative non seulement lorsque la relation maritale ou le soutien du conjoint sont mesurés pendant la grossesse (Collins et coll., 1993 ; Kumar & Robson, 1984 ; O’Hara, 1986 ; Watson, Elliott, Rugg, & Brough, 1984), mais également lorsqu’ils sont évalués en postpartum (Cox et coll., 1982 ; O’Hara et coll., 1983 ; Paykel et coll., 1980).

Lors de la période périnatale, le type de soutien procuré par le conjoint qui a le plus d’effet sur la dépression est le soutien émotionnel (Bales, 2015 ; Collins et coll., 1993 ; Glazier et coll., 2004 ; Milgrom et coll., 2008 ; O’Hara, 1986 ; Pope, 2000 ; Romito et coll., 2009 ; Xie et coll., 2009). Selon House (1981), le soutien émotionnel fait référence à des manifestations de confiance, de bienveillance de la part de l’autre, mais également à de l’écoute, de l’intérêt ou encore du réconfort. En anténatal, le soutien émotionnel du conjoint favorisait le vécu positif de la grossesse chez la future mère, lui permettant de développer une confiance en elle et donc favoriserait la mise en place de compétences maternelles de qualité en post-partum (Inpes, 2010).

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III] L’approche écosystémique

Dans cette troisième et dernière partie, nous allons nous intéresser au modèle écosystémique élaboré par Bronfenbrenner (1979, 2001). Cet auteur s’est inspiré des travaux de Lewin (1951), pour qui le comportement est fonction de l’interaction entre la personne et son environnement [formule C = ƒ (P, E)], aux travaux de Weiner (1948) et de la théorie générale des systèmes de Von Bertalanffy (1968). Bronfenbrenner a cherché à démontrer que le sujet est actif dans son développement, mais que celui-ci ne se réalise pas en vase clos. Le développement est le résultat d’une intrication dynamique entre les caractéristiques du sujet et celles de ses environnements. En effet, selon Bronfenbrenner, il n’y a pas un, mais des environnements, plus ou moins proches du sujet (de la sphère familiale à l’environnement sociétal et politique). Le sujet évolue dans ses environnements de manière inconstante et il parait primordial de les distinguer, dans l’objectif de mieux repérer les ressources, les compétences et les problématiques, selon le contexte qui les génère. Les environnements sont subdivisés en différents niveaux systémiques, illustrés par des cercles intriqués les uns aux autres (figure 1). Ces cercles représentent les différents environnements de vie qui influent sur le développement du sujet. Les environnements les plus proches (proximaux) sont au centre de ce modèle alors que les environnements plus éloignés sont à l’extérieur du cercle.

Les différents environnements identifiés par Bronfenbrenner sont : l’ontosystème, le microsystème, le mésosystème, l’exosystème, le macrosystème et le chronosystème.

- l’ontosystème, caractérise l’individu lui-même, avec ses caractéristiques génétique, physique, psychologique.

- le microsystème, constitue l’entité communautaire la plus proche de l’individu, celle dans laquelle sa participation va de soi (famille, amis proches…).

- le mésosystème, caractérise l’interaction des différents microsystèmes,

- l’exosystème, dans lequel on trouve l'environnement plus large de l’individu : les environnements communautaire, politique et culturel et qui exercent une influence sur ses comportements et sur sa vie.

- le macrosystème, qui englobe les environnements inférieurs et constitue l’ensemble des valeurs, des traditions et des croyances de la culture du sujet.

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- le chronosystème, c’est la dimension temporelle dans laquelle s’inscrivent les cinq systèmes, attaché au contexte historique et social et au niveau des périodes de développement du sujet.

Figure 1 : Les aspects structuraux du modèle écologique 7

L’approche écosystémique met en évidence que le développement de l’enfant n’est pas uniquement lié aux actions des parents, mais à la capacité des différents environnements de répondre aux besoins fondamentaux de l’enfant. Pour répondre aux besoins de l’enfant, les parents doivent pouvoir eux-mêmes trouver dans les différents environnements, les ressources essentielles à leurs fonctions parentales (famille, société, culture, politique).

7 Source : Tiré de De Montigny, F., et J. Goudreau (2009). Les services de première ligne et l’intervention

familiale. Dans Lacharité, C., et J.-P. Gagnier (dir.). Comprendre les familles pour mieux intervenir : repères conceptuels et stratégies d’action, p.189

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