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Les relations sociales et leurs fonctions concernant le bien-être et la santé font l’objet de réflexions et d’études depuis plus d’un siècle. Elles sont, depuis le XIXe siècle, considérées comme un vecteur de la santé, de sa promotion et de la prévention de ses troubles (Smith, 1874). Déjà, en 1897, Durkheim montrait dans son étude sur le suicide, une plus grande prévalence de suicide chez les individus ayant moins de liens sociaux. À la suite de ces premiers travaux, les études sur les relations entre les liens sociaux et la santé se multiplient dans les années 1960- 1970, notamment à travers les études épidémiologiques (Barrera, 1986 ; Cohen & Wills, 1985). Le soutien social a été ensuite mobilisé en psychologie de la santé qui considère l’individu comme un être biopsychosocial. Les études dans ce domaine cherchent à repérer les facteurs en lien avec l’émergence, la chronicité et les rechutes de maladie. Les études se sont multipliées et montrent un effet protecteur du soutien social chez les sujets en situation de vulnérabilité (évènement de vie, maladies somatiques, psychiques…) (Caron & Guay, 2005 ; Hurdle, 2001).

Le soutien social est un concept multidimensionnel, utilisé dans plusieurs disciplines (sociologie, médecine, études épidémiologiques, psychologie). Raison pour laquelle il n’existe toujours pas de consensus quant à sa définition (Vaux, 1992).

Le soutien social a deux composants : structurel et fonctionnel (Reblin, Uchino, 2008 ; Thoits, 1995). Le composant structurel fait référence aux aspects quantitatifs (taille du réseau social et/ou fréquence des contacts, et intégration sociale). Le soutien social fonctionnel renvoie aux aspects qualitatifs du soutien social. On peut retenir ce qui est commun aux principales approches, selon d’une part les caractéristiques ou dimensions impliquées dans la relation, d’autre part l’apport ou le bénéfice pour l’individu. Bruchon-Schweitzer et Boujut (2014) proposent de retenir trois dimensions: le réseau social ou intégration sociale, le soutien social reçu, et le soutien social perçu.

123 A-1- Trois dimensions du soutien social

A-1-1- Le réseau social ou intégration sociale

Le réseau social ou intégration sociale correspond au nombre de relations sociales qu’un individu a établies avec autrui, la fréquence des contacts sociaux effectifs avec ces personnes et l’intensité de ces liens (Barrera, 1986). Le réseau social correspond à l’aspect structural du soutien (Procidiano et Heller, 1983 ; Thoits, 1995). Le réseau social qui est le contraire de la solitude est un facteur de protection. En revanche, comme l’a démontré Thoits (1995), le réseau social, même s’il est une des conditions essentielles pour recevoir du soutien, elle n’est pas une condition suffisante pour que ces relations aient un effet bénéfique. Selon Bruchon-Schweitzer et Boujut (2015) en s’appuyant sur les travaux de (Cohen et Wills, 1985), « c’est une relation intime, permettant de se confier à un “autre significatif” (partenaire, parent, ami…) qui est la forme de soutien la plus fonctionnelle, celle qui protège l’individu contre les effets de l’adversité. » (Bruchon-Schweitzer et Boujut, 2014, p.458-459).

A-1-2- Le soutien social reçu et ses quatre fonctions principales

Le soutien social reçu est l’aide effective apportée à un individu par son entourage (Winnubst et coll., 1988). Certains auteurs se sont attachés à le clarifier en construisant une typologie fonctionnelle du soutien. Quatre fonctions principales ont été distinguées (House, 1981). Premièrement, le soutien émotionnel qui apporte un sentiment de protection, réassurance, consolation, détente, notamment dans les situations difficiles (décès, perte d’emploi…), le soutien matériel qui offre une assistance matérielle, financière et fonctionnelle, le soutien informatif qui porte sur les conseils, les informations, et une aide à la décision, et le soutien d’estime de soi qui permet d’être rassuré sur sa valeur et ses compétences.

A-1-3- Le soutien social perçu

Le soutien social perçu « peut être défini comme l’impact subjectif de l’aide apportée par l’entourage d’un individu et par le fait que celui-ci estime que ses besoins et ses attentes sont satisfaits. (Procidiano et Heller, 1983) » (Bruchon-Schweitzer et Boujut, 2002, p.459).

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Sarason, Pierce et Sarason (1990) définissent le soutien social perçu comme l’ensemble des « sentiments que vous êtes aimés, appréciés et inconditionnellement acceptés » (Sarason, Pierce et Sarason, 1990, p. 110).

A-1-3-1- Les composantes du soutien social, disponibilité et satisfaction A-1-3-1-1- La disponibilité

La première dimension est la disponibilité du réseau, qui est composée elle-même de deux indicateurs : le nombre de personnes sur lequel compter, et les différentes sources de soutien (conjoint, famille, amis, professionnels). La disponibilité correspond à l’aspect quantitatif du réseau social : sur le nombre de personnes de l’entourage qui sont susceptibles de fournir une aide en cas de besoin. La disponibilité est le sentiment d’avoir suffisamment de soutien, et que celui-ci sera disponible en cas de besoin (Barrera, 1986 ; Beauregard et Dumond, 1996 ; Streeter et Franklin, 1992 ; Vaux, 1992) ; le sentiment de disponibilité renvoie à chacune des catégories de soutien social reçu et de ses composantes comportementales (avis, informations, écoute, réconfort, aide matérielle…). Pour Cohen et Wills (1985), il s’agit du fait d’être convaincu de disposer d’un réseau capable de soutien qui atténue l’impact des conditions de vie ou d’un évènement stressant.

A-1-3-1-2- La satisfaction

La deuxième dimension correspond à la satisfaction ressentie à l’égard du réseau, c’est l’évaluation par le receveur de la qualité du soutien. Perception relative à la qualité des relations interpersonnelles. C’est donc une perception d’adéquation entre les besoins initiaux et le soutien reçu (Bruchon-Schweitzer et Boujut, 2014 ; Sarason et coll., 1983) ; c’est la partie la plus subjective du soutien social, puisque cette satisfaction ne peut s’évaluer avec des critères objectifs, et qu’elle varie dans le temps. La satisfaction à l’égard du soutien constitue une ressource psychologique correspondant à la perception qu’a un individu de ses relations interpersonnelles (Gentry et Kobasa, 1985), perception indépendante de la taille du réseau de soutien (Bruchon-Schweitzer et Boujut, 2014). L’évaluation subjective du soutien reçu comme indicateur pertinent rappelle l’idée selon laquelle un grand réseau social — ou de soutien —

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peut ne prodiguer qu’un faible soutien perçu alors qu’un petit réseau peut provoquer un fort sentiment de soutien (Tracy et Abell, 1994).

Hobfoll (1986) suggère que ce n’est pas un nombre élevé de relations qui est important pour un sujet, mais plutôt le fait de pouvoir compter sur une ou deux relations intimes et cruciales. Certaines personnes peuvent être satisfaites du soutien reçu malgré la petitesse de leur réseau, à l’inverse, certaines personnes ont besoin d’un réseau social vaste pour être satisfaites. Les indicateurs objectifs du support social (caractéristiques du réseau, quantité de soutien reçu…) seraient en effet peu corrélés avec l’appréciation subjective du soutien reçu (Bruchon- Schweitzer et Boujut, 2002 ; Furukawa, Sarason, et Sarason, 1998).

Enfin, même si certains évènements sont susceptibles d’affecter négativement la perception du soutien (Dean et Ensel, 1982), il a été démontré que la perception du soutien social est stable au cours de la vie durant l’âge adulte (Coventry et coll., 2004). Cela prouve que la perception du soutien est liée à certaines caractéristiques durables de la personnalité (Sarason et coll., 1986). Le soutien social perçu est donc déterminé par des caractéristiques personnelles stables, structurelles et par des facteurs environnementaux transitoires, conjoncturels.

A-1-3-2- Les sources de soutien

Les sources de soutien peuvent venir de la sphère intime et privée (famille, conjoint, amis, voisins…) ou publique (professionnels, institutions…). La source de soutien varie en fonction de la nature du besoin.

A-1-3-3-Efficacité du soutien

L’efficacité et l’effet bénéfique du soutien dépendent de la source, du type du soutien (Christophe, 2003 ; Rimé, 2005) et de l’adéquation avec la situation, les attentes et les besoins du sujet. Certains soutiens, bien que fournis à titre préventif ou thérapeutique, peuvent avoir des effets négatifs (Christophe, 2003). En fonction des situations (maladies, perte de travail…), un soutien informatif peut être perçu comme efficace quand il est procuré par un professionnel et non efficace quand il est procuré par la sphère intime. À l’inverse, un soutien émotionnel est

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plus efficace lorsqu’il est procuré par la sphère privée, intime que lorsqu’il est procuré par des professionnels. Dans une étude sur des patients atteints de cancer, Dunkel-Schetter (1984) fit le constat que le soutien émotionnel est plus important que le soutien informatif, et que le soutien émotionnel était procuré de manière efficace par de nombreuses sources (famille, amis et personnel médical) alors que le soutien informatif est bénéfique uniquement lorsqu’il provient du personnel médical et non de la famille. La plupart des travaux menés sur l’efficacité des différents soutiens, montre que c’est le soutien émotionnel qui joue le rôle le plus important : « il permet de réduire le stress perçu et les états anxieux, il affecterait l’évaluation primaire de la situation, augmenterait le contrôle perçu et faciliterait la recherche de stratégies de coping » (Bruchon-Schweitzer et Boujut, 2002, p.459) et que « Les relations sociales naturelles (parents, amis) protègent plus efficacement que des relations induites (groupes de patients, soutien par un professionnel) » (Bruchon — Schweitzer et Boujut, 2002, p.172-173). Néanmoins, dans les situations où le soutien social est insatisfaisant, les interventions professionnelles ont des effets bénéfiques auprès des sujets vulnérables (Bond, 2012).