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Partie IV : Sources de Ğāḥiẓ dans l’étude des ḥašarāt et hamaǧ dans Kitāb al-Ḥayawān

4. Les sources provenant des traductions

Au sujet des ḥašarāt et hamaǧ, comme pour beaucoup d’autres animaux, la source provenant des traductions et la plus sollicitée par Ğāḥiẓ dans Kitāb al-Ḥayawān est Aristote772. Nous avons déjà évoqué les études consacrées aux araignées mais d’autres passages sont rapportés tels que :

« تْؼُاٝ ْؾُِا ًَؤر دب٤ؾُاٝ خؿىُٞا ٕأ نطُ٘ٔا تؽبٕ ْػىٝ »

773

« L’auteur de la logique dit que les petits geckos et les serpents mangent la viande et l’herbe »

C’est justement ce que dit Aristote dans l’Histoire des Animaux :

« Les animaux recouverts de plaques cornées, comme le lézard et d’autres animaux à quatre pieds du même genre ainsi que les serpents sont mangeurs de tout ; car ils sont mangeurs de viande et ils consomment de l’herbe »774

Ğāḥiẓ rapporte ce que dit Aristote sur les serpents volants sans donner son avis : « ْػىٝ خؾ٘عأ بُٜ دب٤ؽ خْجؾُبث ٕأ نطُ٘ٔا تؽبٕ »

775

« L’auteur de la logique dit qu’en Ethiopie existent des serpents pourvus d’ailes »

Aristote dit à ce sujet :

« Les animaux pourvus d’ailes emplumées et d’ailes formées de peau sont tous pourvus de deux pieds ou pourvus de quatre pieds ou dépourvus de pieds, car on dit

772 Aristote est la plupart du temps désigné par « l’auteur de logique » dans Kitāb al-Ḥayawān. 773 KH, vol.4, p.223.

774 HA, Livre VIII, p.427-428. 775 KH, vol.7, p.45.

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que certains serpents de ce genre existent en Ethiopie »776

Il ne comprend parfois pas ce que dit Aristote :

« :خ٤ٗبٗٞ٤ُبث ٠َٔر ٢زُا حلِجُبث ٌٕٞ٣ٝ :نطُ٘ٔا تؽبٕ ٍبهٝ « ٕٞوجٛ » حو٤ـٕ خ٤ؽ ُْٝ ،انٛ ْٜكأ ُْٝ ىُِٞٔا ءبٓله هٞجه ٘ؼث ٖٓ طوق٣ ،وغؾث ظُبؼر ٕأ لاا ،ؽلُِا حل٣لّ يُم ٕبً » 777

« L’auteur de la logique a dit : il existe dans la ville dite Ṭabqūn en Grec, un serpent très venimeux et la guérison ne peut se faire qu’à l’aide d’une pierre extraite des tombes de quelques rois anciens et je n’ai pas compris cela et pourquoi cela est possible »

Dans l’Histoire des Animaux Aristote dit :

« Il naît aussi dans le silphion778 un petit serpent dont on dit que le remède est une pierre que l’on prend au tombeau d’un roi des anciens temps et qu’on boit dans le vin »779

Mis à part les biais de traduction, cela nous montre que bien qu’il considère Aristote comme une autorité dans l’étude des animaux, Ğāḥiẓ discute ses dires quand il n’est pas convaincu, et va même jusqu’à demander des informations supplémentaires :

« ْػيك يُم ٖػ ب٤ثاوػأ ذُؤَك .ٕبٍأه بُٜ خ٤ؽ دوٜظ له ٚٗأ نطُ٘ٔا تؽبٕ ْػى لهٝ بٓؤك :ٍبوك ؟٘ؼرٝ ًَؤر بٜٔ٣أ ٖٓٝ ؟٠ؼَر ٖ٤ٍأوُا خٜع ١أ ٖٔك :ُٚ ذِوك . نؽ يُم ٕأ بٜزعبؽ ٠ُا ٠ؼَر بٌُٜ٘ٝ ،٠ؼَر لاك ٢ؼَُا .َٓوُا ٠ِػ ٕب٤جُٖا تِوز٣ بًٔ ،تِوزُبث ٚث امبك بؼٓ بٜ٤ٍأوث ٘ؼر بٜٗبك ٘ؼُا بٓأٝ .ْلث ٟلـزرٝ ْلث ٠ْؼزر بٜٗبك ًَلأا بٓأٝ خ٣وجُا ةنًأ » 780 776 HA, Livre I, p.75. 777 KH, vol.4, p.335. 778 Une plante.

779 HA, Livre VIII, p.467. 780 KH, vol.4, p.156.

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« L’auteur de la logique dit qu’il existe un serpent à deux têtes, j’ai posé la question à un Bédouin et il m’a dit que cela est vrai, je lui ai demandé alors quelle tête décide de la direction de son mouvement et avec quelle tête se nourrit-il ou mord-il, il m’a répondu qu’il ne rampe pas mais qu’il se déplace en roulant comme roulent les enfants dans le sable et qu’il déjeune avec une tête et dîne avec l’autre et qu’il utilise ses deux têtes pour mordre, et c’est le plus grand menteur sur Terre »

Ğāḥiẓ cite aussi un autre grand auteur écrivant en grec qui est Galien au sujet de l’uromastix et trouve bizarres ses propos :

« خثٞغػأ بٚ٣أ ٙنٜك .انًٝ انٌُ ٚٔؾُ ؼِٖ٣ ٕبٗبَُ ُٚ ١نُا تُٚا :ًٞ٘٤ُبع ٍبهٝ

ٖ٣و٣أ امٝ ٖ٤ٗبَُ ام ٚٚؼث ٌٕٞ٣ ٕأ :تُٚا ٢ك ٟوفأ »

781

« Galien a dit que l’uromastix qui possède deux langues a la chair utile pour telle ou telle chose et c’est une autre étrangeté au sujet de l’uromastix : que certains aient deux langues et deux pénis »

Les références aux idées médicales de Galien sont nombreuses et cela doit être recherché dans tout le texte.

5. L’expérimentation

Ğāḥiẓ décrit dans Kitāb al-Ḥayawān quelques expériences qu’il a réalisées, généralement pour vérifier certaines informations lues ou entendues :

« ٢ُ َ٤هٝ - ٕاٞ٤ؾُا ةبزً ٢ك دأوهٝ - ٠ِػ ذ٤وُؤك .دب٤ؾُا ٠ِػ لزْ٣ ةانَُا ؼ٣ه ٕا َوجُا وئبًَ لاا بٛل٘ػ ٕبً بٔك ةانَُا ىوع ٢ػبكلأا ٙٞعٝ » 782 781 KH, vol.6, p.58. 782 KH, vol.5, p.367.

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« Et on m’a dit Ŕ et j’ai lu dans le livre des animaux783- que les serpents ne supportent pas l’odeur de la rue, j’ai alors jeté de la rue sur les visages des serpents mais pour eux cela était pareil que les autres herbes »

Il avait aussi entendu dire qu’il était possible de tuer les fourmis en versant du goudron et du soufre jaune à l’entrée de leurs habitats et en y glissant du cheveux784. En expérimentant il se rend compte que cela ne marche pas et écrit : « et nous avons essayé cela et l’avons trouvé faux ».

Ğāḥiẓ casse des œufs de serpents pour les observer puis les décrire :

« ُِٕٞا هلًأ َ٤طزَٓ ٘٤ث ٞٛ امبك .بٜ٤ك بٓ فوؼرلأ بٜروًَٝ دب٤ؾُا ٘٤ث ذ٣أه لهٝ ػوع ٖٓ طوف ال٣لٕ لاٝ ،ٜه بؾ٤ه هأ ِْك ِٚفاك بٓؤك . غُٔٝ ِٔٗ ٚٚؼث ٢كٝ ،وٚفأ ٝ ٚ٘ٓ ظٍٔأ بٜٚ٤ث ٢ك ١نُاٝ لاا ،لٍبك هأ هن » 785

« J’ai vu des œufs de serpents et j’en ai cassé pour voir ce qu’ils contiennent. Ce sont des œufs allongés de couleur verte trouble, dont certains sont mouchetés et brillants. Ce qui se trouve à l’intérieur est plus sale et plus détestable que tout ce que j’ai pu voir de pus et de suintement provenant d’une plaie infectée »

Il décrit une expérience qu’il a réalisée pour vérifier la résistance à la décapitation du mille pattes. Cet animal, après être coupé en deux non seulement restait en vie mais continuait à se mouvoir : « ... فوػأ لا ٢ٗأ لاا .حوَ٣ وف٥اٝ خ٘ٔ٣ ٚ٤لٖٗ لؽأ ٢ٚٔ٤ك ،ٖ٤لٖ٘ث ٚؼطهأ ذً٘ ٢ٗبك ١وٖث بربك ٕأ لؼث بٜٔئبوث هالوٓ » 786

783 Histoire des Animaux d’Aristote 784 KH, vol.4, p.36.

785 KH, vol.4, p.331. 786 KH, vol.6, p.54.

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« je le coupai en deux, une moitié partait à droite et l’autre à gauche mais je ne sais pas combien de temps cela peut durer après les avoir perdu de vue »

Cela nous rappelle un passage dans l’Histoire des animaux d’Aristote :

« Ceux qui sont allongés et pourvus de nombreux pieds vivent longtemps une fois divisés et la partie divisée se meut en direction des deux extrémités et l’animal progresse aussi bien dans la direction de la section que dans celle de la queue, comme celui qu’on appelle scolopendre » 787

Ğāḥiẓ aurait-il voulu par son expérimentation vérifier ce que dit Aristote ? Nous pouvons dire que l’observation qu’il rapporte coïncide avec les dits d’Aristote.

Ğāḥiẓ observe et décrit parfois des expériences faites par d’autres personnes :

« ١ي٤ُْٗٞا ٖث ل٤جػ ٠ِػ ػبجُٖا ٖث ٕالٔؽٝ بٗأ حوٓ ذِفكٝ 788 خ٤ٗوث ٙل٘ػ امبك َ٤قك ،َززور ٢ٛ امبك ،حهؤك ٕٝوْػٝ بثووػ ٕٝوْػ بٜ٤ك ،طبعى له هؤلُا يِر ٕأ ٢ُ انٛ لاا هأ ُْٝ ،بٜزًهبرٝ بٜ٘ػ ذًِ له ةهبوؼُا ذ٣أهٝ .غَُِا غهٝ حلّ ٖٓ ّهٝ بٛاوزػا ذلٕٝ ١نُا هالؤُا » 789

« Nous sommes entrés une fois Ḥamdān Ibn al- Ṣabāḥ et moi chez ʿUbayd Ibn al- Šūnīzī, et il avait un récipient en verre contenant vingt scorpions et vingt souris qui s’entretuaient, j’ai cru voir que les souris avaient des tumeurs dues aux piqûres, et j’ai vu que fatigués les scorpions les ont laissées et je n’ai vu que ce que je viens de décrire »

Il ajoute que ʿUbayd leur a raconté des faits bizarres et que s’il était une source fiable il aurait rapporté ses dires.

787 HA,Livre IV, p.228.

788 Un muḥaddiṯ : transmetteur de la parole du Prophète, de l’époque de Ğāḥiẓ. 789 KH, vol.5, p.278.

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Nous retrouvons ici un Ğāḥiẓ qui est à la recherche de tout ce qui peut enrichir ses connaissances sur le monde animal. Il ne néglige aucune information qui de loin ou de près est en relation avec son objet d’étude.