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Partie VII : La Génération spontanée

2. La génération spontanée chez les auteurs arabes médiévaux

Nous allons examiner chronologiquement la position de certains auteurs arabes connus sur ce sujet. Commençons par Ğābir Ibn Ḥayyan (721Ŕ815) qui croyait en la possibilité de la création artificielle d’êtres vivants1020 et que certains milieux seraient propices à la formation de certaines formes de vie. Les scorpions peuvent par exemple être générés de la terre et de la mélasse, les guêpes de la viande provenant de cadavres, les vers de la viande d’animaux égorgés, les puces du vinaigre de dattes, les mouches de la matière sucrée.

Al-Ṭabarī 1021 (838 -870) explique dans son livre Firdaws al-ḥikma (Le Paradis de la

Sagesse) quatre types de générations1022 des animaux : la génération par l’utérus1023 comme chez les humains dit-il, la génération par les œufs1024 comme chez les oiseaux et les poissons, une génération de la terre à l’image des plantes1025 comme dans le cas des vers et des cantharides et enfin une génération par la saleté1026 comme dans le cas des poux et des lentes1027.

Dans son œuvre ʿUyūn al-aḫbār (Les Sources des informations)1028, Ibn Qutayba écrit dans le chapitre sur les fruits que le jus des feuilles de pêche tue les vers et serpents générés dans le ventre et que manger des figues sèches engendre les poux. Cette relation entre les figues et

1019 HA, livre V, p.294. 1020 MAḤMŪD, 2001.

1021 Abu al-Hasan Ali ibn Sahl Rabban al-Tabari, médecin persan.

1022 Sans se référer aux textes anciens, dans son livre, Ferdows al-Ḥikma ou Le paradis de la sagesse, le

médecin al-Ṭabarī expose les diverses manières de la reproduction des animaux. Ṭabarī, n’utilise aucun terme pour parler de ce que nous nommons aujourd’hui « génération spontanéé » : Ğāḥīẓ le fera plus tard.

1023٢ٓبؽهأ 1024 ٢ٚ٤ث 1025 ٢ٙهأ ٝ ٢زجٗ 1026 ٢فبٍٝأ 1027 KATOUZIAN-SAFADI et CHEBBI-LAMOUCHI. 1028IBN QUTAYBA, 1988, p.294.

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l’apparition des poux est établie par les savants de l’Antiquité grecque et par de nombreux savants médiévaux1029.

Aḥmad Ibn Abī al-Aš’aṯ1030, dans son livre al-Ḥayawān, parle des vers générés dans la terre1031 et les classe dans la catégorie des animaux du genre terrien1032 de sa classification. Il cite aussi, sans détails, un autre type de vers qui prend naissance dans les plantes1033.

Avicenne1034 explique1035 dans son livre al-Qanūn fī al-ṭibb (Canon de la médecine), que la matière humide et chaude qui s’accumule sur la peau peut se décomposer sans qu’on le sente, ajoutons à cela la sueur et la saleté et selon la nature de cette composition et le fait qu’elle soit à la surface de la peau ou en profondeur, elle peut engendrer soit des lichens soit des poux soit d’autres maladies de la peau. Quand cette matière devient propice à la vie dit-il Dieu la lui donne et elle engendre les poux1036. Avicenne conclut son exposé sur l’alimentation et les soins corporels favorisant ou non la prolifération des poux1037.

Iẖwān al-ṣafā’ (Frères de la pureté), dans l’épitre huit de leur œuvre Rasāʾil iẖwān aṣ-ṣafāʾ

wa H illān al-wafāʾ et au sujet de la formation des animaux et leurs différents types, divisent

les animaux en animaux de «nature achevée »1038, caractérisés par la copulation, la gestation, l’accouchement et l’allaitement ; les animaux de «nature inachevée »1039, comme ceux qui naissent dans la pourriture. Entre les deux, se trouvent les animaux qui pondent et couvent1040. Les animaux de « nature inachevée » auraient existé chronologiquement avant les animaux de « nature achevée » et ce car ils nécessitent moins de temps pour se former1041. Ces animaux sont classés directement après les plantes. Les auteurs donnent l’exemple des vers qui peuvent

1029 KATOUZIAN-SAFADI, LAMOUCHI-CHEBBI, 2015.

1030 Ahmad ibn Mohammad ibn Abi al-Ash’ath, medecin, a vécu au début de sa vie en Perse puis s’est installé à

Musul en Iraq, (d. 939),

1031 IBN ABĪ AL-ASH‘ATH, 2008, p.302 et p.303. 1032٢ٙهلأا ٕاٞ٤ؾُا

1033 IBN ABĪ AL-ASH‘ATH, 2008, p.302.

1034 Abū ʿAlī al-Ḥusayn ibn ʿAbd Allāh ibn Sīnā, medecin et philosophe (980- 1037). 1035 IBN SINA, al-Qanūn fī al-ṭibb, vol.3, Beirut: Dar Sader, p.398.

1036 Ibid., p. 398.

1037 KATOUZIAN-SAFADI, LAMOUCHI-CHEBBI, 2015. 1038خوِقُا ّبر

1039خوِقُا ٔهبٗ

1040 IH WĀN AL-ṢAFĀʾ, Rasāʾil iẖwān al-ṣafāʾ wa ẖillān al-wafā, éd. Buṭrus Bustānī, Beirut: Dār Ṣāder, 1957,

p. 181.

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naître dans la glaise, l’eau, le vinaigre, la glace, les fruits, les grains, les plantes, les arbres ou les ventres des grands animaux1042.

Qazwīnī dans son œuvre ʿAğā'ib al-maẖlūqāt wa ġarā'ib al-mawğūdāt, en parlant des ḥašarāt nous dit que Dieu a créé ces petites bêtes à partir de la matière en décomposition et de la pourriture pour que leur chair soit pure et qu’elle ne pourrisse pas1043. Il rapporte par exemple, sans référence précise, que les serpents sont générés à partir des cheveux humains qui tombent dans l’eau et sous l’effet du soleil1044 et que les bousiers sont générés dans les excréments de mauvaise odeur1045. Il mentionne également la génération spontanée des poux et des mouches. Al-ʿUmarī parle également de génération spontanée dans son livre Masālik al-abṣār fi

mamālik al-amṣār1046, au sujet des bousiers qui naissent dans les excréments d’animaux de mauvaise odeur1047 ainsi que de la génération des mouches1048 et des poux1049 .

D’autres auteurs ont pareillement abordé la génération spontanée et se sont référés à Ğāḥiẓ sur ce sujet. C’est le cas de Damīrī qui dans son livre Hayāt al-hayawān (La vie des animaux), a parlé des mouches1050, des bousiers1051, des poux1052, des grenouilles1053 et différents types de vers1054 tels que ceux du vinaigre, des excréments, des fruits, du pin et ceux générés dans le corps humain.

Dans la majorité des ouvrages arabes médiévaux que nous avons parcourus, la question de la génération spontanée est présente et semble être une idée communément connue et bien acceptée. Les auteurs arabes concernés par notre étude ne s’y attardent généralement pas, sauf exception, pour la discuter. Ğāḥiẓ fait justement partie de cette exception.

1042 Ibid.,p.184.

1043 AL-QAZWĪNĪ, ʿAǧāʾib al-maẖlūqāt wa ġarāʾib al-mawǧūdāt, éd. Muḥammad ben Yūsf al-Qāḍī, Le Caire:

Maktabat al-ṯaqāfa al-dīniya, 2006, p.366.

1044 Ibid., p.371. 1045 Ibid., p.373.

1046 AL-ʿUMARĪ, Masālik al-abṣār fi mamālik al-amṣār, éd. Kāmil Salmān al-Ǧabūrī, Beirut: Dar al-Kutub al-

ilmia, 2010.

1047 Ibid., p.123. 1048 Ibid., p.125. 1049 Ibid., p.139.

1050 AL-DAMĪRĪ, Ḥayāt al-ḥaywān al-kobrā, éd. Aḥmad Ḥassan Basj, Beirut: Dar al-Kutub al-ilmia, 3117. 1051 Ibid., p.429.

1052 Ibid., p.353. 1053 Ibid., p.117. 1054 Ibid., p.474.

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