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Métamorphoses et transformations subies par les insectes dans Kitāb al-Ḥayawān

Partie VI : Génération des insectes dans Kitāb al-Ḥayawān

3. Métamorphoses et transformations subies par les insectes dans Kitāb al-Ḥayawān

al-Ḥayawān de Ğāḥiẓ

Ğāḥiẓ emploie deux formes verbales pour les transformations subies par certains insectes durant leur croissance, le « salḫ » et le « insilāḫ »992. Il utilisera le mot « salḫ» pour désigner

« la mue » 993 de certains insectes et autres animaux et « insilāḫ » pour l’action de se soustraire de sa peau.

Ğāḥiẓ ne limite pas le « salḫ » aux seuls insectes, il le généralise sur l’ensemble des animaux, ainsi nous dira-t-il :

« ٕاٞ٤ؾُا خٓبػ ت٤ٖ٣ ـَُِا ٝ بٜقَِك وكاٞؾُا داٝم بٓأ ٝ ,بٛو٤َؾزك و٤طُا بٓأ : ءبوُا َئب٣لأا ـٍِ ٝ ,بٛكِٞع ؿلاَٗا كاوغُا ـٍِ ٝ ,بٛهبثٝأ ػوٛ َثلاا ـٍِ ٝ ,بٜوئبوػ بٜههٝ ٛبوٍا هبغّلأا ـٍِ ٝ ,بٜٗٝوه » 994

« La mue affecte l’ensemble des animaux, pour les oiseaux c’est la perte de leurs plumages, chez ceux qui possèdent des sabots c’est la perte de leurs poils, la mue du chameau est la chute de son pelage, la mue du criquet est l’abandon de sa peau, la mue du cerf est la chute de ses bois et la mue des arbres est la perte de leurs feuilles »

Pour les insectes, le « salḫ» correspond donc et selon la définition précédente au changement de cuticule, mais pas uniquement, notre auteur, désigne aussi par « salḫ» , la poussée des ailes chez certains insectes. Il nous dira par exemple au sujet des fourmis :

.بٜٗاو٤ٛ ل٘ػ ٖ٤ؾ٣ بٌِٜٛ ٝ .بٜقٍِ ٞٛ يُم ٝ ,بٜوِف و٤ـز٣ ٝ خؾ٘عأ بُٜ سلؾر َُٔ٘ا ٝ »

995 »

« Et les fourmis se voient pousser des ailes et leur apparence change, il s’agit de leur mue et leur vol annonce leur mort »

992 Forme I : (verbe d’action) « salḫ » est le phénomène de la mue et forme VII : (réfléchi, passif), « insilāḫ » est

l’action de se soustraire de sa peau.

993 En se développant, l’arthropode doit se débarrasser de sa cuticule qui, elle reste rigide et ne se développe pas.

Elle doit être périodiquement éliminée par l’animal. L’animal « mue » alors, et doit rapidement se constituer une nouvelle cuticule plus grande.

994 KH, vol.4, p.224. 995 KH, vol.4, p.225.

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Ğāḥiẓ remarque qu’à part les fourmis, d’autres insectes se voient pousser des ailes :

« ,خٙهلأا ٝ ,َُٔ٘ا ٝ ,ٔ٤ٓبػلُا َضٓ ,حهب٤ٛ ٌٖر ُْ ٕأ لؼث و٤طر حو٤ضً ءب٤ّأ ٝ ٝ .ٕلاؼغُا » 996

« Beaucoup de bêtes non volantes au départ deviennent volantes tel que les larves, les fourmis les termites et les bousiers»

Les criquets quant à eux changent de cuticule et prennent des ailes :

« .خؾ٘علأا دبجٗ َجه دلابؽ ٢ك َوز٘ر كاوغُا ٝ »

997

« Et les criquets passent par plusieurs étapes avant de se voir pousser des ailes »

Ğāḥiẓ nous décrit également certains aspects de la mue des serpents qui font partie des

ḥašarāt. Bien qu’il ne s’agisse pas d’insectes, ces passages sont necessaires pour montrer les

aspects de la transformation apparente des animaux, qui interessent Ğāḥiẓ. Il nous parlera par exemple de la durée de l’opération :

« ٞٛ لِغُا َفاك و٤ٖ٣ ٝ تٗنُا ٠ُا ًأوُا ٖٓ خِ٤ُ ٝ ّٞ٣ ٢ك بٛكِٞع ـَِر ٠ٛٝ َضٓ فلاؿ ٚؽب٘غُ وئبٛ ًَ ٝ لَغُا ىيؾُٔا ٕاٞ٤ؾُا غ٤ٔع يُنًٝ ]...[ طهبقُا َؼغُا » 998

« Et ils changent de peau en une journée, de la tête à la queue et ce qui était intérieur à la peau devient extérieur ]...[ et c’est le cas de tous les animaux à corps strié et de tout animal volant et dont les ailes sont couvertes, comme le bousier »

De la fréquence du phénomène :

996 KH ,vol.7, p.45. 997 KH, vol.7, p.45. 998 KH, vol.4, p.224.

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« اهاوٓ بٛكِٞع ـَِر ٝ »

999

« Et ils changent de peau plusieurs fois »

Et de sa périodicité:

« ٖ٤روٓ ّبػ ًَ ٢ك ـَِر خ٤ؾُا ٕأ ْٜٚؼث ْػى ٝ »

1000

« Et certains prétendent que la mue du serpent a lieu deux fois par an »

La mue affaiblit l’animal1001, c’est ce que remarque Ğāḥiẓ en disant :

« و٤َؾزُبً دب٤ؾُا ٢ك ـَُِا ٝ و٤طُا ٢ك ٝ و٤َؾزُا لؼث لاا خ٣ٞه غٔزغر لا و٤طُا ٝ يُم لؼث لزْر ْص ـَُِا ّب٣أ ٢ك قؼٚر خ٤ؾُا يُنً ٝ ِ٣وُا دبجٗ ّبٔر » 1002

« Et la mue des serpents est analogue à la perte de plumage chez les oiseaux, et les oiseaux ne redeviennent forts qu’après cette mue et après avoir retrouvé leurs plumes, c’est le cas du serpent qui s’affaiblit lors de la mue et retrouve ses forces par la suite »

Le deuxième type de transformation que peuvent subir certains insectes et décrit dans Kitāb

al- Ḥayawān, est la « métamorphose »1003. Il nous parlera de chenilles et de larves qui se transforment en insectes volants :

« خّاوك و٤ٖزك ـَِ٘ر خج٣ٝك : عٝوٍلأا ٝ » 1004 999 KH, vol.4, p.224. 1000 KH, vol.4, p.268.

1001 La mue est couteuse en matière organique, beaucoup d’insectes mangent leur ancien exosquelette par

économie, c’est aussi une interruption critique des activités de l’animal qui est condamné à une période d’inactivité presque totale, puisqu’il est privé temporairement se son soutien musculaire et de toute protection.

1002 KH, vol.4, p.268.

1003 Un grand nombre d’insectes présentent un stade larvaire très différent du stade adulte. Ces larves vivent le

plus souvent dans un type de milieu complètement différent de celui des adultes et se nourrissent de façons souvent très différentes. Pour parvenir à la forme adulte, elles passent par le stade de nymphes inactives. Les nymphes sont inertes, ne mangent pas et s’entourent la plupart du temps à l’intérieur d’un cocon protecteur. A l’intérieur, les anciennes structures sont remises à neuf pour correspondre à une nouvelle structure. Lorsque la réorganisation est terminée l’exosquelette de la nymphe s’ouvre et l’adulte sort.

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« Et la chenille est une petite bête qui se métamorphose et devient un papillon»

« خّاوك بٓا ٝ خٙٞؼث بٓا و٤ٖ٤ك ,ـَِ٘٣ ٓٞٔػلُا ٝ »

1005

« Et la larve se métamorphose et devient un moustique ou un papillon»

Ğāḥiẓ insiste sur le fait que les deux transformations, mue et métamorphose, sont différentes, même si les deux insectes concernés vont avoir des ailes à la forme adulte :

« يُنً ٌ٤ُ ٝ .بٙٞؼث ٝ بّاوك و٤ٖر ْص ,خؾ٘عأ لاث ب٘٤ؽ وجـر له ٔ٤ٓبػلُا ٝ ,ٕبثنُا ٝ كاوغُا ّب٣لأا ٖٓ هٝوٓ ٝ ؤؼُا ٖٓ هالوٓ ٠ِػ ذج٘ر بٜزؾ٘عأ ٕلأ » 1006

« Et les larves peuvent demeurer un certain temps sans ailes puis deviennent des farāš ou des moustiques. Ce n’est pas le cas des criquets et des mouches car leurs ailes poussent avec l’âge et au fil du temps »

Enfin Ğāḥiẓ rapporte des transformations entre espèces tel que la transformation des termites en fourmis : « لاٝ .ُْٜ ء٢ّ ًَ ذًِأ ٝ ,ُْٜىب٘ٓ ٟووُا َٛأ ٠ِػ خٙهلأا دلَكأ بٔثه ٝ :اُٞبه يُم الله َِٜ٤ك ,َُٔ٘ا ٟووُا يِر ٢ك ْٞ٘٣ ٠زؽ يُنً ٍاير ٠زؽ ,خٙهلاا يِر ٠ِػ َُٔ٘ا ٝ .ب٣لؼر خٙهلأا ٕٝك ٚٗأ لاا ,ٟمأ ُٚ ٌٕٞ٤ٍ يُم لؼث َُٔ٘ا ٕأ ٠ِػ ٝ .بٛوفآ ٠ِػ ٢رؤر .ٖ٤ػُٞ٘ا ٖٓ بِٜٛلأ خٓلاَُا ْزر ٠زؽ ,ٟووُا يِر ٖٓ بٚ٣أ َُٔ٘ا تٛن٣ بٓ وضًأ بٓ ْػى ٝ َُٔ٘ا ًَلأ بٛإب٘ك ٌ٤ُ ٝ ,لأٗ َ٤ؾزَر بٜٗب٤ػؤث خٙهلأا يِر ٕأ ْٜٚؼث ٌُٖ ٝ ,بُٜ ٝ بٛكلػ ٢ك ٔوُ٘ا ٟو٣ بٜ٘ٓ َ٤ؾزَ٣ بٓ هله ٠ِؼك .لأٗ َ٤ؾزَر بَٜلٗ خٙهلأا .ّب٣لأا ٠ِػ بٜروٚٓ » 1007 1004 KH, vol.4, p.225. 1005 KH, vol.4, p.236. 1006 KH, vol.2, p.502. 1007 KH, vol.4, p.34-35.

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« Ils disent : il se peut que les termites ravagent les maisons des villageois et mangent tout ce qu’ils possèdent. Ils continuent ainsi jusqu’à l’apparition des fourmis dans ces villages, Dieu accorde alors à ces fourmis du pouvoir sur ces termites et elles les exterminent jusqu’au dernier. Cependant les fourmis causeront des dégâts par la suite mais elles seront moins agressives que les termites. Et la plupart du temps les fourmis disparaissent aussi de ces villages et ainsi s’accomplit la sécurité de leurs habitants vis-à-vis des deux espèces. Et certains rapportent que ces mêmes termites se transforment en fourmis et que leur disparition n’est pas causée par le fait qu’ils soient dévorés par les fourmis mais qu’eux-mêmes se transforment en fourmis et que la diminution au cours du temps de leur nombre et de leur nuisance correspond à la quantité de ceux d’entre eux qui se sont transformés.»1008

Ou encore la transformation des puces en moustiques :

« ْػى ٝ ْٜٚؼث ؼجُا ٕأ ٝ ,خٙٞؼث و٤ٖ٤ك ـَِ٘٣ سٞؿوجُا ٕأ ـٍِ ٖٓ ٢زُا خٙٞ َِٗا بٔثه ٓٞٔػك ذق .بصٞؿوث » 1009

« Et certains prétendent que la puce se métamorphose et devient un moustique et que le moustique, résultat de la métamorphose d’une larve peut se métamorphoser en puce »

Quand Ğāḥiẓ parle des transformations subies par les insectes, il les inclut dans une sorte de phénomène général qui affecte tous les animaux et même les végétaux. Cette démarche systémique est intéressante car elle traduit une vision qui essaye d’unifier les lois de la nature, en tous cas, dans l’exemple qui nous intéresse.

Le fait de différencier les deux transformations : mue et métamorphose reflète la finesse des observations de Ğāḥiẓ et son intérêt pour les détails. Ğāḥiẓ ne néglige aucune information sur

1008 KH, vol.4, p.34-35. 1009 KH, vol.4, p.236.

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les transformations subies par les insectes, même celles qui relatent des transformations entre espèce. Dans ce cas il ne fait que raconter et nous laisse le choix de prendre position.

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