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Chapitre 2 – Théorie

2.4. Sources de plasma froid à pression atmosphérique

2.4.1. Microplasma

Un microplasma (ou microdécharge) se définit comme un plasma dont au moins une di- mension est confinée dans un espace sous-millimétrique [55]. Par analogie, les microdécharges sont aux plasmas ce que les nanomatériaux sont aux matériaux solides: la diminution significative de leur taille fait apparaître de nouvelles propriétés physiques. Ces nouvelles propriétés sont dues es-

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sentiellement au ratio surface/volume extrêmement élevé du microplasma, qui permet un meilleur échange d’énergie avec l’environnement extérieur. Ce refroidissement plus efficace permet d’opérer des microplasmas froids dans des conditions permettant d’ordinaire seulement des plasmas ther- miques, ouvrant de nouvelles portes aux interactions plasma-liquide [55].

La deuxième caractéristique principale des microdécharges est qu’elles opèrent avec une très faible distance inter-électrodes, ce qui affecte considérablement la distribution du champ élec- trique, et donc celle des espèces chargées dans le plasma. Même pour les microplasmas froids, leur densité électronique se compare souvent à celle des plasmas thermiques, de l’ordre de 1013 à 1018

cm-3 [56]. De plus, les microdécharges sont associées à une distribution de température électronique

légèrement supérieure à celle des autres plasmas hors équilibre [57]. En somme, les microplasmas permettent de contrôler la température électronique indépendamment de celle du gaz, et ce simple- ment grâce à leur faible taille [58].

Le type de réacteur microplasma le plus répandu est le système à microcathode creuse. Ce microplasma est allumé grâce à un flux de gaz circulant dans une cathode capillaire cylindrique dont l’extrémité est placée en face de l’anode. Le principe de ce type de microplasma s’explique en considérant d’abord un plasma luminescent (glow) à deux cathodes planes parallèles entre elles et perpendiculaires à l’anode (Figure 2.16a) [51]. En rapprochant les deux cathodes l’une de l’autre, la densité de courant augmente rapidement sans même que le potentiel ne soit changé (Figure 2.16b). En ce sens, la microcathode creuse doit être considérée comme une infinité de cathodes infiniment petites disposées en cercle (Figure 2.16d). Les charges positives dans la cathode vont causer l’apparition d’un puits de potentiel électronique, entraînant un très haut degré d’ionisation du plas- ma [59]. Un exemple de ce microplasma est présenté à la Figure 2.16e.

Figure 2.16. a) Plasma luminescent à deux cathodes parallèles; b) en rapprochant les deux ca-

thodes, la densité de plasma augmente sans que la différence de potentiel par rapport à l’anode ne soit augmentée; c) la densité de plasma peut être augmentée davantage en utilisant une surface ca- thodique fermée; d) la densité est finalement maximale pour une cathode circulaire; e) microplasma émis dans une microcathode creuse en acier de 260 µm de diamètre.

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La tension de claquage d’un microplasma émis dans une microcathode creuse est détermi- née par le diamètre de la microcathode plutôt que par la distance inter-électrodes [59]. De plus, vu le faible volume dans lequel il est confiné, le microplasma est caractérisé par un courant très élevé, même pour une tension électrique de seulement quelques kV [60]. Sa densité électronique peut être augmentée simplement en augmentant le débit de gaz dans la microcathode [61]. Ce microplasma est finalement associé à une distribution de température électronique non-maxwellienne, avec une fraction importante d’électrons hautement énergétiques (> 10 eV) [60,62].

2.4.2. Décharge par barrière diélectrique

Le principe d’une décharge par barrière diélectrique (DBD) repose sur l’utilisation d’au moins une couche uniforme de matériel diélectrique placée entre les électrodes du réacteur. La Fi- gure 2.17a présente trois différentes configurations de réacteurs DBD. Lorsque la tension de cla- quage filamentaire du gaz est atteinte, les avalanches électroniques forment des filaments de plasma répartis aléatoirement sur la surface de la barrière diélectrique [51]. Celle-ci réagit par une accumu- lation des charges à sa surface, réduisant le champ électrique local. Rapidement (après quelques nanosecondes), le champ électrique devient trop faible pour soutenir le claquage électrique, et le filament s’éteint. L’accumulation de charges à la surface du diélectrique empêchera un nouveau filament de s’allumer immédiatement au même endroit. Il se rallumera donc ailleurs sur la barrière, et le même processus sera répété. Les filaments ont une durée de vie trop courte pour chauffer con- sidérablement le plasma, laissant celui-ci très près de la température ambiante (plasma froid), même à pression atmosphérique. Cette basse température intrinsèque rend la DBD idéale pour le traite- ment de liquides ou de surfaces sensibles à la chaleur.

La Figure 2.17b montre la photo d’une DBD prise avec 20 ms d’acquisition: on y voit la répartition aléatoire uniforme des filaments.

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Figure 2.17. a) 3 principales configurations de réacteurs DBD. b) Photographie de 20 ms d’une

DBD carrée de 6 x 6 cm². Les points lumineux correspondent aux filaments de la décharge. Source: [51]

Les paramètres numériques associés aux DBD filamentaires sont présentés au Tableau 2.5. En général, ces paramètres dépendent uniquement des électrodes du réacteur (leur matériel et leur géométrie) et de la pression du gaz. Une hausse du courant de décharge, par exemple, aura pour seul effet de générer un plus grand nombre de filaments par unité de temps, simplifiant grandement la mise à l’échelle de ce plasma. Il représente en ce sens le type de plasma le plus prometteur pour le traitement de liquides sur une échelle industrielle, par exemple pour la purification de l’eau potable [52,63,64].

Tableau 2.5. Paramètres caractéristiques de la DBD filamentaire à pression atmosphérique.

Sources: [51,65,66]

Pression typique (atm) 1 – 3

Tension (kV) 1 – 10

Fréquence électrique (kHz) 0,5 - 500 Longueur de la décharge (mm) 1 – 50 Rayon d’un filament (mm) 0,1 - 1 Densité des filaments (cm-2 s-1) ~ 106

Durée de vie d’un filament (ns) 1 – 10 Courant d’un filament (mA) 0,1 – 100 Température électronique (eV) 1 – 10 Densité électronique (cm-3) 1014 - 1015

Densité ionique (cm-3) 1013 - 1014

Finalement, une DBD peut aussi opérer en régime de Townsend. En effet, en opérant en- dessous du critère de Meek (équation (2.38)), il n’y aura pas de formation de filaments. La DBD passera alors du mode filamentaire au mode luminescent (ou glow), dans lequel la décharge est dans le régime de Townsend grâce à l’émission d’électrons secondaires à la surface du diélectrique [51]. Un concept important pour opérer ce type de plasma est l’effet mémoire de la DBD. En utilisant un

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courant alternatif de fréquence assez élevée, on peut inverser le rôle des charges accumulées à la surface de la barrière diélectrique. Ces charges, qui permettent normalement de réduire le champ électrique local, vont au contraire causer une hausse du nouveau champ électrique lorsque la tension se sera inversée après un demi-cycle: c’est ce qu’on appelle l’effet mémoire des DBD. Un bon effet mémoire est nécessaire pour soutenir le mode luminescent, ce qui est favorisé pour les gaz non- électronégatifs, particulièrement l’hélium. Bien qu’il soit marqué par une meilleure homogénéité, le mode luminescent engendre une densité électronique largement inférieure à celle de la DBD fila- mentaire.