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Chapitre 2 – Théorie

2.5. Électrochimie plasma-liquide

2.5.1. Plasma gazeux en contact avec un liquide

Autant pour le système à microcathode creuse que pour celui à barrière diélectrique, il est possible de plonger l’anode dans un liquide conducteur pour permettre au plasma de s’étendre jusqu’à la surface du liquide. C’est sur ce principe que se base la synthèse de NPs métalliques par plasma.

Considérons d’abord un système où l’anode est plongée simplement dans l’eau. Une grande variété de réactions chimiques a lieu entre les espèces du plasma et celles du liquide (Figure 2.18a). D’abord, les molécules d’eau produisent différentes espèces chimiques par ionisation (H2O+ + e-),

par dissociation (H + OH) et par excitation (H2O●) [67]. L’électrolyse de l’eau par les électrons du

plasma se produit aussi, par l’une ou l’autre de ces deux réactions [68]:

→ ● (2.39)

2 → ● (2.40)

La formation d’hydroxydes peut à son tour entraîner la production de peroxyde d’hydrogène (H2O2) par l’une ou l’autre des deux réactions suivantes, ce qui n’est pas observé pour

une cellule électrochimique standard sans présence d’un plasma [68]:

2 ● (2.41)

2 → 2 (2.42)

Dans les réactions (2.39) et (2.40), il est important de remarquer que la source des électrons diffère: ils proviennent du gaz dans (2.39) et sont en solution dans (2.40). Deux grandes familles

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d’interactions plasma-liquide sont en effet présentes: celles ayant lieu à l’interface plasma-liquide (Figure 2.18b) et celles ayant lieu en-dessous, directement dans le liquide (Figure 2.18c) [68]. La différentiation entre ces deux types de réactions revêt une importance majeure dans la production de H2O2 par plasma: la réaction (2.41) se produit à l’interface plasma-liquide, tandis que la réaction

(2.42) a lieu dans le liquide. Toutefois, une séparation distincte entre ces deux familles de réactions est trop complexe et nécessiterait des simulations pour mieux la comprendre [68]. En ce sens, la profondeur de pénétration des électrons dans le liquide peut aider à établir une séparation physique. À titre indicatif, une profondeur de pénétration des électrons dans un liquide allant jusqu’à 600 nm a déjà été rapportée [69].

Figure 2.18. a) Ensemble des réactions chimiques entre le plasma et le liquide; b) Réactions ayant

lieu à l’interface plasma-liquide; c) Réactions ayant lieu directement dans le milieu liquide. Source: [68]

Finalement, la formation d’hydrogène, d’oxygène, d’ions réactifs H+, O-, OH- et de radicaux

H● et O peuvent aussi survenir dû aux interactions plasma-liquide [68,70,71]. En présence d'azote

dans le plasma, la formation de nitrates (NO3-) forme de l’acide nitrique (HNO3) dans la solution

[72,73]. Cette dissolution de l'acide dans l’eau peut provoquer une diminution significative du pH et avoir un impact sur les réactions chimiques et électrochimiques possibles en solution.

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2.5.2. Synthèse de nanoparticules métalliques par plasma

Le besoin de générer un plasma froid à pression atmosphérique pour synthétiser des NPs di- rectement dans l’eau a longtemps représenté une limite technologique. En effet, jusqu'à récemment, les procédés plasma à basse température pour la fabrication de nanomatériaux étaient limités aux technologies à basse pression [74,75] et aux techniques de pulvérisation d’électrodes sacrificielles [76,77]. Le développement dans la dernière décennie de nouveaux réacteurs opérant à pression at- mosphérique a ouvert la voie à de nouvelles techniques de synthèse à partir de solutions aqueuses de sels métalliques. La première preuve de concept a été faite par Koo et al. en 2005, en générant un plasma d'hélium et d'hydrogène en contact avec une solution aqueuse de PtCl62- à partir d’un réac-

teur à microcathode creuse [14]. L’anode du réacteur était plongée dans la solution, permettant au microplasma de s’étendre à la surface du liquide et de causer la réduction des ions métalliques à l’interface plasma-liquide. Ils ont pu synthétiser des NPs de platine de 2 nm de diamètre en quelques minutes, sans utiliser aucun agent stabilisant. Étant donné que le plasma agit lui-même en tant qu'agent réducteur, cette technique évite l'utilisation d’agents chimiques toxiques (par exemple NaBH4) ou de multiples transferts de solvants, facilitant grandement la production de NPs biocom-

patibles sans nécessiter de longues étapes de purification.

Sankaran et al. ont étendu l’utilisation du réacteur à microcathode creuse à la production de NPs d'argent et d’or [78]. Par la dissolution d'un feuillet métallique dans une solution aqueuse légè- rement acide traitée par microplasma, ils ont pu produire des NPs de 10 nm de diamètre, stabilisées par du fructose. Leur dispositif utilise le concept classique d'une cellule électrochimique, où le feuil- let métallique agit comme une anode réactive, et le microplasma comme une cathode. Ce réacteur a été réutilisé par de nombreux auteurs pour la synthèse de NPs d'or et d'argent de différentes tailles et morphologies, avec et sans agent stabilisant [79–81]. Le concept est schématisé sur la Figure 2.19. Le même type de synthèse a plus récemment été démontré par Bednar et al. à partir d’un réacteur à décharge par barrière diélectrique [82]. Ils ont montré la possibilité de nucléer des NPs métalliques dans l'eau en produisant une interface plasma-liquide de plusieurs cm².

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Figure 2.19. Schématisation de la réduction dans l’eau des ions d’or par plasma à pression atmos-

phérique.

Le second type de technologie plasma considéré pour la synthèse de NPs dans l'eau est la décharge en milieu liquide. Dans cette configuration, deux électrodes solides sont immergées dans la solution, et le plasma est allumé directement dans la phase liquide (Figure 2.20a). La constante diélectrique élevée des liquides, notamment de l'eau, nécessite un champ électrique de l'ordre du MV/cm pour atteindre le claquage électrique, ce qui est 30 fois plus élevée que pour l’air à pression atmosphérique [73]. Le mécanisme de claquage électrique en milieu liquide est encore à ce jour mal compris et sujet à discussion. Toutefois, il est connu qu’une façon de faciliter la formation du plas- ma en milieu liquide consiste à faire circuler des bulles de gaz entre les électrodes (Figure 2.20b). Il est ainsi possible d'allumer le plasma uniquement à l'intérieur des bulles de gaz, en raison de la dif- férence de densité des deux milieux [73]. Ceci fournit une interface plasma-liquide immense, idéale pour la synthèse de nanomatériaux en solution. Des suspensions de NPs d’argent et d’or ont été produites par plasma en milieu liquide par plusieurs groupes de recherche [83,84]. Toutefois, le principal inconvénient de cette technologie pour des applications biomédicales est la nécessité d'uti- liser des électrodes métalliques (généralement en tungstène ou en platine) dans un isolant en céra- mique, plongées à l'intérieur de la solution. Le risque de contamination et la perte de produit sont donc plus problématiques.

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Figure 2.20. a) Réacteur à décharge directe en milieu liquide; b) Réacteur à décharge dans des

bulles de gaz. Source: [73]

Le mécanisme exact derrière la nucléation de NPs par électrochimie plasma-liquide n’est toujours pas entièrement compris dans la littérature. Selon la théorie la plus acceptée, les électrons générés dans le plasma sont accélérés vers la surface du liquide par le champ électrique entre les électrodes et passent en solution sous forme d’électrons solvatés [68,85]. Les ions d'or en solution peuvent atteindre l’interface plasma-liquide par l'effet combiné du champ électrique, des forces de convection et du gradient de concentration [71,86]. Une fois qu’un ion atteint l'interface, il est réduit en or atomique directement par les électrons: 3 → 4 . Une fois réduits, les

atomes d'or forment des grappes (clusters), qui diffusent hors de l'interface plasma-liquide. Ces grappes agissent ensuite comme sites de nucléation de NPs [86]. Le contrôle de la taille des NPs se fait généralement en ajustant les concentrations de sels métalliques et de stabilisant en solution. L'augmentation du courant permet un taux de nucléation plus élevé, permettant de produire des NPs plus petites [87].

Finalement, la réduction des sels métalliques par réactions chimiques en cascade impliquant les espèces réactives H●, H- ou H

2O2 a également été proposée [68]. En particulier, la réduction par

H2O2 est consistante avec la production par plasma de peroxyde d’hydrogène présentée à la section

2.5.1. Toutefois, cette proposition n’a jamais pu être validée expérimentalement.